Intervention de Jérôme Bignon

Réunion du 10 avril 2019 à 14h30
Création de l'office français de la biodiversité — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi et d'un projet de loi organique dans les textes de la commission

Photo de Jérôme BignonJérôme Bignon :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, « si l’on m’apprenait que la fin du monde est pour demain, je planterai quand même un pommier ». Je reprends cette phrase de Martin Luther King à mon compte, tant il est primordial dans la lutte pour la préservation de la biodiversité de ne jamais baisser les bras.

Mon engagement est ancien dans ce combat. Il m’a mené sur de nombreux chemins, un peu partout dans le monde, à la rencontre de multiples institutions, organismes et personnes concernés. Je puis vous confirmer qu’il existe de très belles initiatives, dans tous nos territoires métropolitains et ultramarins : chaque action, même la plus anodine, compte, et contribue à ce combat.

Dans le contexte actuel du réchauffement climatique, enrayer l’effondrement de la biodiversité est plus que jamais capital. Le maintien de la biodiversité est une condition sine qua non de notre propre survie ; nous en sommes un des éléments essentiels.

La biodiversité est tout à la fois le tissu vivant de notre planète et notre pharmacie ; elle fournit en biens et services près de deux fois la valeur de ce que produisent les humains chaque année ; plus de 70 % des cultures que nous consommons dépendent d’une pollinisation animale.

Or la dégradation de la biodiversité n’est pas un mythe : les experts français – ceux du Muséum, du Centre national de la recherche scientifique et des ONG – et mondiaux – de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques, l’IPBES – indiquent que la moitié des espèces vivantes pourrait disparaître d’ici à un siècle, compte tenu du rythme actuel de leur disparition, cent à mille fois supérieur au taux naturel d’extinction.

La crise d’extinction actuelle est bien plus rapide, et elle est quasi exclusivement liée aux activités humaines. Avec ses outre-mer, la France se situe parmi les dix pays abritant le plus grand nombre d’espèces mondialement menacées.

Les milieux naturels sont fragilisés ou détruits par les activités humaines : sur l’ensemble de la planète, 60 % d’entre eux ont été dégradés au cours des cinquante dernières années et près de 70 % sont exploités au-delà de leur capacité. Une superficie équivalente au département de notre rapporteure pour avis disparaît tous les dix ans et perd ses espaces cultivables.

J’ai récemment remis un rapport au Premier ministre sur les « zones humides ». Le constat est sans appel : ces terres d’eau, milieux dont les bienfaits sont inestimables pour l’homme, continuent de disparaître à un rythme accéléré.

Heureusement, le thème de la biodiversité et de sa préservation s’impose de plus en plus dans les débats publics ; les jeunes générations, à l’image de la Suédoise Greta Thunberg, sont de plus en plus réceptives à l’idée d’interroger notre place, notre rôle au sein de la biodiversité et l’impact de nos activités, en lien avec la problématique du changement climatique. Cela doit encore progresser. Il y a maintenant urgence à agir pour qu’un véritable changement de paradigme en faveur de la protection de la biodiversité ait lieu.

La France a pris part à de grands engagements internationaux, comme le Millenium Assessment pour 2030 et ses dix-sept objectifs de développement durable, ou ODD, sont essentiels. Les pays membres de l’ONU, les pays européens et l’Union européenne ès qualités se sont lancés dans cette formidable aventure dont le succès conditionne la réussite de l’accord de Paris.

Le plan Biodiversité lancé en 2018 répond en partie à cet objectif. Il faut aussi des opérateurs publics puissants et efficaces. La gouvernance est en effet un enjeu majeur de la préservation et de la gestion de la biodiversité.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires et moi-même nous félicitons donc de la création de l’Office français de la biodiversité, qui sera, nous en sommes certains, un opérateur clé pour restaurer et protéger la biodiversité de façon efficace.

À l’Assemblée nationale, j’avais été le promoteur législatif de l’Agence des aires marines protégées en 2005. J’avais soutenu le regroupement de cette agence avec l’Onema, l’ATEN et l’établissement public Parcs nationaux de France au travers de la création de l’Agence française pour la biodiversité ; j’avais eu l’honneur d’être le rapporteur du texte dans notre assemblée. J’approuve donc, et mon groupe avec moi, cette étape qui devrait faire de ce nouvel établissement public un outil pertinent, concret et complet, pour agir sur le terrain partout en France.

Il faudra, madame la secrétaire d’État, lui en donner les moyens – je souscris à l’avis des rapporteurs – humains et financiers : je partage à cet égard les inquiétudes exprimées sur les 40 millions d’euros manquants. L’office doit être doté des moyens d’agir.

Le projet de loi semble à première vue assez technique, mais il traduit en réalité un portage politique affirmé pour répondre aux enjeux de la biodiversité en France. Ce nouvel office devrait permettre d’accroître l’efficacité des politiques de l’eau et de la biodiversité par une meilleure connaissance, surveillance, préservation et gestion des espèces et milieux. Le renforcement de la police de l’environnement sur le terrain, au plus près des besoins, et l’adossement à une expertise scientifique et technique reconnue étaient bien sûr indispensables.

Je tiens à saluer le travail du rapporteur Jean-Claude Luche et de la rapporteure pour avis Anne Chain-Larché pour les améliorations déjà apportées à ce projet de loi par notre assemblée en commission.

Le travail en bonne intelligence avec toutes les parties intéressées – chasseurs, agriculteurs, acteurs économiques, organismes privés et publics, ONG, scientifiques – sera également primordial pour le bon fonctionnement de ce nouvel office. Leur présence dans les instances délibérantes avec un effectif qui devra, je le répète, car je l’ai déjà dit en commission, rester raisonnable – le conseil d’administration est une instance de décision, non de discussion – est une très bonne chose, tout comme l’association étroite des chasseurs à la préservation de la biodiversité.

Je conclurai mes propos en citant Platon et en évoquant le fameux kairos grec : « Si on laisse passer le temps de faire une chose, on la manque. » Ce moment est aujourd’hui arrivé. Chaque pierre sera utile pour fortifier l’édifice de la préservation et de la reconquête de la biodiversité. Espérons que ce nouvel office sera l’une de ces pierres !

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