Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi portant création de l’Office français de la biodiversité s’inscrit dans un contexte de menaces et de pressions sans précédent pour la biodiversité. Ces pressions se traduisent dans tous les espaces naturels, agricoles et forestiers. Elles sont le fait de multiples phénomènes qui se conjuguent : changements climatiques, facteurs humains liés à la fréquentation grandissante, mais aussi fiscalité française sur le foncier défavorable aux espaces naturels et prolifération de gibiers.
La Fédération nationale des chasseurs a pris une part importante dans les débats préalables à ce projet de loi. De ce fait, les chasseurs constituent la pierre d’angle du dispositif prévu dans le cadre de ce nouvel office. Si ceux-ci sont bel et bien essentiels à la régulation des populations de gibiers, et donc au maintien d’un équilibre agro-sylvo-cynégétique, il convient que, dans un souci de légitimité et d’efficacité de l’institution, le projet de loi dont nous allons débattre appréhende le sujet de la biodiversité dans sa globalité, en posant les fondements d’une responsabilisation de l’ensemble des acteurs et d’une gestion partagée et équilibrée des espaces naturels, où chasseurs, agriculteurs, forestiers et usagers prendront en compte les réalités des uns et des autres.
C’est aujourd’hui indéniable, l’agriculture comme la sylviculture sont les victimes des dégâts de gibier, devenus insoutenables. Pour la saison de 2017, les chasseurs français ont versé plus de 37 millions d’euros aux agriculteurs, et le coût global atteindrait près de 60 millions d’euros en 2018. C’est dire le poids financier supporté par les chasseurs, mais aussi l’évolution et l’impact négatif des déséquilibres cynégétiques sur des exploitations agricoles parfois en survie.
Pour ce qui concerne la forêt, il n’existe pas de chiffres, car, puisqu’il n’y a pas d’indemnisation, il n’y a pas d’inventaire. Néanmoins, sur le terrain, les dégâts de gibier intégralement assumés par les forestiers sont considérables et augmentent. Ils fragilisent une forêt déjà assaillie par les attaques de parasites, déstabilisée par les changements climatiques et par les déficits hydriques récurrents, et vulnérable aux incendies. Ils attaquent une forêt dont les services écosystémiques en matière de biodiversité et de captation de carbone sont insuffisamment reconnus et soutenus, alors même que l’État et l’Europe envisagent zéro émission nette de carbone d’ici à trente ans.
Comme l’agriculture, cette forêt, gérée jusqu’à présent dans une logique multifonctionnelle, préservant la biodiversité et créatrice d’emplois, doit pouvoir s’appuyer sur des politiques publiques cohérentes.
Pour cela, il est essentiel que ce projet de loi accorde une place légitime à l’ensemble des acteurs de ces espaces naturels, et prenne en considération, à trois échelons, les réalités de la filière forêt et bois : dans la gouvernance – en accordant une meilleure représentativité aux forestiers et en assurant la cohérence entre plan de chasse et plan d’aménagement forestier, qu’il soit public ou privé –, dans le cadrage juridique – en réaffirmant la pertinence du code forestier, de la procédure pénale forestière, et en confiant des prérogatives ajustées aux inspecteurs de l’environnement, notamment pour lutter contre les dépôts sauvages en forêt –, et, enfin, dans les orientations politiques – en se fondant sur le cadrage national décliné notamment dans les plans régionaux de la forêt et du bois et dans les commissions sylvo-cynégétiques, et en préservant le droit d’arbitrage du préfet. Autant d’éléments d’équilibres essentiels, qui figurent, pour la plupart, dans l’excellent rapport de notre collègue Jean-Noël Cardoux, et que je vous proposerai d’intégrer au texte présenté aujourd’hui.
Nous souhaitons tous, mes chers collègues, parvenir à un compromis qui fera sens sur le terrain et qui permettra ainsi aux acteurs de la ruralité – chasseurs, agriculteurs, forestiers, mais aussi associations et élus – d’agir ensemble de manière vertueuse en faveur de la préservation de la biodiversité de nos territoires.