Oui, mes chers collègues, on a menti aux Français lorsqu’on leur a dit que le niveau de la dépense publique était la même chose que le niveau de qualité des services publics. Il n’y a, bien sûr, rien de plus faux ! Si tel était le cas, mes chers collègues, nous serions un vrai paradis en matière de services publics, nous qui sommes champions du monde de la dépense publique ! Mais, alors, l’hôpital serait-il saturé, la médecine de proximité fragilisée, l’école profondément ébranlée, elle qui reproduit désormais tant d’inégalités affectant la condition sociale des familles et de leurs enfants ?
Il faut refermer très vite ce grand débat : le grand débat a assez duré, et le temps des décisions est enfin arrivé. §Mais il n’y aura pas de sortie de crise sans un langage de vérité sur les voies d’amélioration des conditions de vie des Français.
Au moment où se nouait, au sein des classes moyennes, trop souvent oubliées, l’angoisse du déclassement, vous survalorisiez trop souvent un tout petit nombre, celui des heureux de la mondialisation ; quant au trop grand nombre des pauvres et des exclus, il bénéficiait d’attentions, mais cette attention était inefficace, car réduite aux acquêts, caritative. La classe moyenne s’est sentie broyée, déclassée, pour elle-même et pour ses enfants. L’ascenseur social s’est complètement bloqué : pendant les trente glorieuses, il fallait trois générations à une famille modeste pour atteindre le niveau de vie moyen ; il en faut désormais six ! Peut-on s’en contenter ? C’est là le vrai problème !
Ce langage de vérité que nous appelons de nos vœux consistera à dire aux Français – il faut avoir le courage de le faire – que notre économie et nos entreprises ne créent pas suffisamment de richesses, parce qu’elles ne sont pas suffisamment compétitives, pour améliorer durablement leur niveau de vie. Nous devrons leur dire qu’il faudra mettre plus de travail sur la table si nous voulons préserver un modèle social auquel nous tenons.
Mesdames, messieurs les ministres, vous devriez dire aux Français la vérité suivante : soit on applique – c’est ce que vous êtes en train de faire – un modèle anglo-saxon, avec un filet de sécurité pour les plus pauvres – quant aux classes moyennes, qu’elles se débrouillent, mais les retraités ont très bien vu quel appauvrissement résultait d’un tel modèle. Soit, si l’on veut garder notre modèle social, on ne peut évidemment pas dire aux retraités que l’on garantira leurs pensions sans toucher – surtout pas ! – à l’âge légal de départ en retraite. Sur ce point, vous aviez raison, madame la ministre : le Sénat vous donne raison.