Intervention de Michel Mercier

Réunion du 14 septembre 2006 à 15h00
Prévention de la délinquance — Article 5

Photo de Michel MercierMichel Mercier :

C'est le fondement de l'action sociale ; je dirais même que c'est le but de la politique. Aujourd'hui, la politique doit d'abord et avant tout se préoccuper des plus faibles. Les autres se débrouillent tout seuls et n'ont pas besoin de nous ! Il ne faut jamais perdre de vue cet aspect des choses.

Le projet de loi dispose que des travailleurs sociaux intervenant sur un cas particulier peuvent partager entre eux ce qui relève du secret professionnel, dans la mesure où ce partage est nécessaire à l'efficacité de leur travail. Nous sommes tout à fait d'accord sur ce point.

Dans le département que j'ai l'honneur d'administrer, nous avons créé il y a bien longtemps des groupes techniques qui se réunissent régulièrement sous la présidence du responsable du service de l'enfance : les travailleurs sociaux, qu'ils relèvent de la mairie, de la CAF ou du département, y partagent des informations, dans le respect des personnes susceptibles d'être aidées.

Que la loi officialise ces pratiques, cela ne nous pose pas de problème. Mais il n'en reste pas moins qu'elles existent déjà : on n'invente pas l'eau tiède tous les matins !

Le projet de loi dispose ensuite que ce secret pourra être partagé avec le maire, mais uniquement dans le domaine de compétences de ce dernier, notamment en matière sociale et éducative.

Pour ma part, je n'ai jamais demandé aux travailleurs sociaux de partager leurs secrets avec moi, mais je ne suis pas hostile au fait que l'on informe le maire sur ce qu'il doit faire, notamment en matière éducative. Je rappelle d'ailleurs que la loi du 30 octobre 1886 dispose que le maire doit procéder à l'inscription des enfants dans les écoles primaires et qu'il est chargé d'y vérifier leur présence. Là encore - pourquoi ne pas le rappeler ? -, il suffisait d'appliquer la loi existante.

Enfin, le maire n'est concerné par le secret partagé que dans le cadre de ses compétences, et aucunement de façon générale.

En ce qui concerne le domaine d'application du secret professionnel partagé, qui vise en premier lieu l'enfance, il existe deux hypothèses d'intervention des travailleurs sociaux.

La première hypothèse est le mandat judiciaire : un juge confie au département, dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance, le mandat de placer un jeune dans un établissement ou de faire l'objet d'une mission d'éducation en milieu ouvert. C'est alors au juge que l'on doit rendre compte.

Pour ma part, en tant que président de conseil général, je n'autoriserai pas les fonctionnaires de mon département à partager leur secret professionnel tant que le juge n'aura pas autorisé ce partage par écrit, dans la mesure où c'est lui qui nous a confié la mission. Nous ne pouvons donc agir qu'en liaison avec le juge.

Dans la seconde hypothèse, le recours au juge a été évité et les travailleurs sociaux ont pu convaincre les parents d'accepter une mesure administrative. Il ne faut pas rompre cette relation de confiance qui s'est établie entre le travailleur social et les parents.

Si l'on doit donner des renseignements sur la famille ou sur l'enfant visé par cette mesure éducative décidée en concertation avec ses parents, la moindre des choses est d'obtenir l'accord préalable de ceux-ci : c'est une question de confiance. Si on ne le fait pas, le lendemain matin, les parents sauront que l'on a divulgué ces informations et nous retireront l'autorisation de prendre la mesure administrative.

Messieurs les ministres, je souhaite que nous précisions entre nous tous ces points, de façon très concrète. Il ne s'agit pas de corporatisme de notre part. Vous savez bien que les conseillers généraux n'ont jamais gagné les élections grâce au travail social. Pourtant, ils s'en occupent, car ce travail est nécessaire à notre vie en société. Il ne faut pas casser le ressort du bon fonctionnement du travail social.

J'ai été maire pendant de longues années, jusqu'à la loi sur le cumul des mandats. Je pense donc qu'il faut informer le maire, afin qu'il ne se sente pas frustré et participe pleinement à ces opérations, mais que cela doit se faire dans un cadre strict et défini.

S'agissant du secret professionnel partagé, il me semble que nous parviendrons facilement à un accord.

En revanche, la seconde mesure, qui concerne la nouvelle organisation du travail social, peut davantage prêter à discussion. Elle fait l'objet d'un article L. 121-6-2 nouveau, inséré dans le code de l'action sociale et des familles.

Je rappelle que la loi sur le handicap que nous avons votée ici oblige le département à désigner au moins cinq travailleurs sociaux pour traiter le cas d'une même personne. L'un d'eux ira-t-il informer le maire que cinq travailleurs sociaux travaillent sur ce cas difficile ? Non seulement le maire en aura vite assez, mais cela ne présente aucun intérêt pour lui. Ce n'est pas du tout ce qu'il faut faire !

Je comprends que l'on veuille coordonner les actions et que le maire souhaite participer au travail social. Il est en effet frustrant pour un maire, que ses administrés viennent consulter et qui est seul face à eux, de ne pas pouvoir leur répondre. Il faut donc qu'il sache, mais il ne saurait être question de lui reprocher de ne pas faire. Nous devons donc veiller à protéger les maires.

En effet, si le maire doit coordonner, être responsable sans avoir de moyens, on aura vite des problèmes ! Il faut trouver le bon système.

Notre département, qui n'est pas meilleur que les autres, pratique la convention. M'obligerez-vous, par une position un peu brutale, à retirer toutes les équipes de prévention maintenues dans les communes malgré l'absence de moyens ?

Non, les départements ne veulent pas garder toute l'aide sociale pour eux. Pas du tout. ! L'aide sociale, plus cela se partage, mieux c'est. Il n'y a pas de corporatisme, mais, face à la demande, il faut que les textes autorisent un peu de souplesse.

Imaginons un département où cinq travailleurs sociaux interviennent sur un même cas. Va-t-on demander au maire de nommer un coordonnateur? Aussi inconcevable que cela paraisse, le texte le prévoit ! On ne peut pas faire cela, sauf à casser l'administration de l'aide sociale qui a mis si longtemps à voir le jour.

Je suis tout à fait d'accord pour trouver des systèmes qui, informant les maires, rompent leur isolement. Voilà bien longtemps que je leur envoie tous les deux mois la liste des bénéficiaires du RMI de leur commune. Jamais un seul ne m'a répondu par écrit que telle personne ne devrait pas y figurer. Il arrive que j'en entende parler, rien de plus.

Il est tout aussi normal qu'on envoie régulièrement au maire le montant des allocations journalières versées par le département à des familles de sa commune. Il faut bien lui permettre de voir ce qu'il donne dans le cadre du bureau d'aide sociale et ce que les gens reçoivent déjà du département.

Honnêtement, connaissez-vous un ministre, un préfet, un maire qui accepterait, parce que plusieurs personnes dans son service interviennent sur un cas, qu'une personne nommée par l'extérieur soit chargée de la coordination ? C'est mettre par terre toute l'organisation hiérarchique du travail social !

Il faut réfléchir avant de casser ce qui existe et qui s'est construit lentement. Je suis tout à fait d'accord pour qu'on cherche à améliorer la place des maires. Il faut les rendre plus réactifs.

On pourrait, par exemple, rétablir les commissions cantonales qui leur permettaient de connaître tous les bénéficiaires d'une action.

Il existe des formules plus modernes. Profitons de la navette pour trouver une solution qui préserve l'organisation de toute l'administration, donnant leur place aux maires sans casser les outils du travail social.

Transférer aux communes l'action sociale, après tout, pourquoi pas ? Il n'y a pas de raison de l'exclure d'emblée. Mais il faudra établir la relation de confiance entre le bénéficiaire de l'action sociale et le travailleur social. Sinon, cela ne marchera pas. Et le maire, pas plus que le président du conseil général, ne pourra pas tout faire.

Mon intervention, qui n'a rien de corporatiste - si d'autres voulaient faire cet énorme travail, ce serait très bien - ! -vise à éviter que notre vote ne détruise des outils qui, pour gagner à être améliorés, n'en sont pas moins vraiment nécessaires au maintien de notre cohésion sociale.

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