Intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat

Réunion du 14 septembre 2006 à 15h00
Prévention de la délinquance — Article 5

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

En revanche - et cette philosophie, on la retrouve dans tout le texte, particulièrement aux articles 5 et 6 - la prévention, c'est la sanction et le contrôle social pour se débarrasser des nuisibles.

Devant l'énorme mobilisation des psychologues, psychiatres, chercheurs, travailleurs sociaux, infirmiers, enseignants..., vous avez retiré de votre projet de loi les dispositions préconisées dans le rapport de la commission Bénisti, à savoir le dépistage précoce des difficultés chez les enfants dès trois ans.

Les 200 000 signataires de l'appel « pas de zéro de conduite pour les enfants de trois ans » - je vous invite, les uns et les autres, à lire ce qui est consigné dans le livre recueil ; je vous assure que vous apprendrez beaucoup de choses - vous ont fait reculer. Allez, convenez- en, vous avez reculé, peut-être pour mieux sauter, hélas ! mais vous avez provisoirement reculé.

Pourquoi ces 200 000 pétitionnaires ? Ce n'est pas rien de recueillir 200 000 signatures dans ces professions ! Parce que vous avez catalogué un être humain dès l'enfance ! Cette mobilisation est profondément importante parce qu'elle est le fait de gens de terrain, qui connaissent la réalité du travail social, la réalité des problèmes psychiatriques et, surtout, leurs liens avec tout ce que la société inflige aux plus défavorisés.

Cataloguer dès l'enfance un être humain qui l'est déjà par sa situation sociale, c'est totalement incohérent sur le plan scientifique. Comme vous n'avez pas la capacité de démontrer le contraire, mieux vaudrait vous abstenir de cette démarche éthiquement scandaleuse, en particulier du point de vue des élus de la République. Elle aboutit à un véritable enfermement de l'enfant dans les difficultés du parcours qui lui est attribué, pour lequel il est désigné d'avance, parce qu'elle vise tout particulièrement les enfants des familles le plus en difficulté.

Vous voulez dépister les comportements tous azimuts ? Soit ! Il y aurait beaucoup à dire sur les enfants de toutes les familles de France et de Navarre. Mais ce ne sont pas eux que vous visez, ce sont les enfants des familles en difficulté, soyons clairs !

La courbe évolutive d'un jeune qui, au fur et à mesure des années, s'écarte du droit chemin pour s'enfoncer dans la délinquance, sur laquelle se fondaient les propositions du rapport Bénisti, est particulièrement édifiante : elle témoigne d'une volonté préétablie de faire croire qu'il existe chez certains enfants une tendance, une sorte de prédisposition à devenir un jour quasi inévitablement délinquants.

Au fil des lois que votre majorité a votées, vous déclinez des populations à risques qu'il faut montrer du doigt, ficher, contrôler et, le cas échéant, enfermer pour que la société puisse se sentir à l'abri.

Une nouvelle fois, vous stigmatisez les pauvres, les enfants de pauvres, coupables précisément d'être pauvres. Pour vous, chacun est responsable de son propre malheur social. La société n'y est pour rien, et les réponses de fond, solidaires, n'ont pas lieu d'être, et surtout pas sur le long terme.

Allez-vous reprendre à votre compte la proposition de Tony Blair qui n'hésite pas à prôner le contrôle des foetus en voulant contraindre les adolescentes enceintes à accepter l'intervention de l'État ?

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