Intervention de Jean-René Lecerf

Réunion du 14 septembre 2006 à 15h00
Prévention de la délinquance — Article 5

Photo de Jean-René LecerfJean-René Lecerf, rapporteur :

Ces premières précautions oratoires étant prises, permettez-moi d'entrer maintenant dans le détail de ce travail d'artisanat auquel nous sommes parvenus, avec les dispositions de l'amendement n° 11 rectifié, pour tenter de rapprocher nos points de vue.

Selon le premier alinéa, lorsqu'un professionnel de l'action sociale constate que la gravité des difficultés sociales, éducatives ou matérielles d'une personne ou d'une famille appelle l'intervention de plusieurs professionnels, il en informe le maire de la commune de résidence et le président du conseil général. C'est la première modification importante par rapport à l'amendement initial de la commission des lois. Sur ce point, nous avons donc une information conjointe des deux autorités qui participent, l'une comme l'autre, à ce rôle de prévention de la délinquance dans le cadre de leurs responsabilités en matière d'action sociale.

À diverses reprises, des associations de prévention ou des présidents de conseils généraux avaient fait valoir qu'il serait particulièrement choquant qu'un coordonnateur fût désigné au sein d'une hiérarchie, sans que le responsable de cette hiérarchie y soit totalement associé. C'est l'objet du deuxième point que nous avons voulu régler à l'occasion de ce travail de partenariat. Désormais - c'est le deuxième alinéa de l'amendement -, lorsque plusieurs professionnels interviennent auprès d'une même personne ou d'une même famille, le maire désigne un coordonnateur parmi eux - c'est-à-dire les professionnels de l'action sociale -, après accord de l'autorité dont ils relèvent et consultation du président du conseil général.

Nous prévoyons donc l'accord de l'autorité hiérarchique dont relève le travailleur social. Cela signifie que, quatre-vingt fois sur cent, ce sera effectivement un accord du président du conseil général qui devra être donné et qui retirera d'ailleurs toute utilité à la consultation ultérieure du même président. On ne va pas, en effet, en faire un codécideur et lui demander ensuite un avis que, par hypothèse, il a déjà donné !

Je vous rappelle, mes chers collègues - le président About nous l'a déjà rappelé hier -, que les travailleurs sociaux relèvent pour 80 % des départements, pour 4 % des communes et pour 16 % du mouvement associatif ou des CAF.

L'avant-dernier alinéa de l'amendement étant très largement inspiré des textes relatifs à la protection de l'enfance, permettez-moi d'insister maintenant sur le dernier alinéa.

Nous avons prévu que le coordonnateur est autorisé à transmettre au président du conseil général et au maire de la commune de résidence les informations confidentielles strictement nécessaires à l'exercice de leurs compétences d'action sociale respective. Nous sommes en quelque sorte parvenus à un équilibre en citant, dans le premier alinéa, le maire avant le président du conseil général et, dans le dernier alinéa, le président du conseil général avant le maire !

Permettez-moi de reprendre maintenant un certain nombre des points qui, lors de la discussion, ont été abordés par différents collègues, notamment André Lardeux - M. Michel Mercier avait également évoqué longuement cette question.

Des exemples ont été cités de l'action menée par les professionnels de l'action sociale du département, notamment dans le cadre des mesures administratives prises à l'égard des enfants, et M. André Lardeux a insisté avec beaucoup de pertinence sur le problème indispensable de l'adhésion des familles pour qu'une réussite puisse être effectivement escomptée.

Sur ce point, chacun rejoint les propos qui ont été tenus. Mais, dans le cadre de la protection de l'enfance, d'une part, de la prévention de la délinquance, d'autre part, il existe des aspects similaires et d'autres qui autorisent un certain nombre de distinctions.

En matière de prévention de la délinquance, les problèmes de violences conjugales, de mariages forcés, concernent, que je sache, non une catégorie particulière de population, mais toute la société française d'aujourd'hui. Pour ce type de problèmes, il existe une différence fondamentale sur l'adhésion qui peut être exigée des personnes concernées. S'il va de soi qu'un professionnel de l'action sociale doit immédiatement informer les familles des mesures qui seront prises à leur égard pour ne pas perdre leur confiance, on comprendrait mal qu'il agisse de même en cas de suspicion de violences conjugales ou, dans le cas de mariages forcés, d'une pression inadmissible exercée sur une personne, car cela mettrait cruellement en danger la finalité de son action.

J'ai pris ces exemples pour tenter de démontrer que le secret partagé ne s'exerce pas exactement de la même manière dans le domaine de la protection de l'enfance et dans celui de la prévention de la délinquance.

Le hasard fait que j'ai été désigné rapporteur du projet de loi relatif au contrôle de la validité des mariages, qui viendra bientôt en discussion devant notre assemblée après avoir été adopté par l'Assemblée nationale en première lecture. À l'occasion des auditions auxquelles j'ai procédé, il m'a été rappelé maintes fois, s'agissant des mariages, que, tant dans les consulats que sur le territoire de la République française, la « future épouse » pouvait avoir deux attitudes différentes : l'une pour demander, soit au consul, soit au maire, de ne pas célébrer le mariage pour lequel elle n'était pas absolument pas consentante, l'autre, radicalement différente - et l'on comprend pourquoi -, lorsqu'elle est en compagnie de sa famille ou de son futur conjoint ! Par conséquent, l'information des uns, indispensable dans certains cas, comme le disait M. Michel Mercier, peut être particulièrement dommageable dans d'autres cas.

Tels sont, mes chers collègues, les efforts qui ont été réalisé par les deux commissions pour tenter de rapprocher leurs points de vue. Si du travail reste à faire, beaucoup a déjà été réalisé !

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