Intervention de Jackie Pierre

Délégation aux entreprises — Réunion du 7 mars 2019 à 8h45
Compte-rendu par m. jackie pierre du déplacement dans les vosges

Photo de Jackie PierreJackie Pierre :

Madame la Présidente, mes chers collègues,

Je suis très heureux que la Délégation aux entreprises ait accepté mon invitation à venir dans le département des Vosges pour découvrir la variété des entreprises de ce département. Je remercie particulièrement notre présidente, Élisabeth Lamure, ainsi que nos collègues qui nous ont accompagnés : Guillaume Arnell, Martine Berthet, Michel Canevet et Sébastien Meurant.

Nous avions un programme ambitieux pour ce déplacement : quatre visites d'entreprises - la société Imagerie d'Épinal, le laboratoire Innothera, l'EPSAT Vosges et la société Thiriet -, une visite d'école d'ingénieur (l'ENSTIB) et une table ronde à Épinal.

Nous avons d'abord été accueillis le jeudi soir, à La maison Imagerie D'Épinal, par Mme Christine Lorimy, directrice, qui nous a servi de guide pour la visite de cette entreprise labellisée « entreprise du patrimoine vivant », qui est également un musée. Les bâtiments classés de l'imagerie contiennent un fonds exceptionnel composé de presses anciennes, de bois gravés et de pierres lithographiques, ainsi qu'une quantité importante d'archives imprimées de l'ancienne imagerie, créée en 1796. C'était ce qu'on appelait l'imagerie Pellerin.

L'imagerie d'Épinal est un phénix qui a entamé une nouvelle transformation en 2014, entre les mains de sa dirigeante actuelle. Après avoir été reprise une fois en 1984 par un collectif de 52 entrepreneurs locaux, qui l'avaient transformée en écomusée, l'entreprise a connu de nouvelles difficultés, témoignant de la nécessité d'inventer un nouveau modèle économique pour une activité dont la nature même est imbriquée dans l'évolution fulgurante des technologies liées à l'image. La reprise n'a pas été simple, les investisseurs privés étant réticents à s'engager aux côtés d'une société d'économie mixte.

C'est finalement dans la décoration d'intérieur de luxe que l'imagerie tâche d'acquérir de nouvelles lettres de noblesse, en utilisant et réinventant un patrimoine d'images unique et précieux. Cette marque, forte, n'était pourtant pas protégée au regard du droit de la propriété intellectuelle, et elle l'a été in extremis.

Outre son site historique, la maison Imagerie d'Épinal dispose également d'un showroom sur Paris, grâce à la formation d'un collectif avec cinq autres manufactures de la région. Cette alliance montre l'importance des synergies locales afin de favoriser l'implantation des petites entreprises françaises sur le marché de l'exportation.

Cette visite nous a donc montré comment le patrimoine peut être utilisé et valorisé dans des activités nouvelles, contribuant également à sa préservation.

Le lendemain, notre première visite s'est déroulée au laboratoire Innothera, situé à Nomexy. Le laboratoire Innothera est l'une des branches du groupe éponyme, dont l'objectif est de mettre l'innovation technologique au service de la lutte médicale contre la pathologie quotidienne.

Le groupe a une production 100 % française et largement tournée vers l'export (presque 70 %), en particulier de ses médicaments, qui sont vendus dans 120 pays, jusque dans des dispensaires très isolés en Afrique.

L'usine de Nomexy, que nous avons visitée après avoir été accueillis par le directeur du site, M. Jean-Paul Hernandez, fabrique des produits textiles de contention veineuse, grâce au savoir-faire textile traditionnel de la région. L'usine emploie 370 salariés sur le site, avec une croissance d'environ 10 salariés par an, même s'il nous a été indiqué qu'il devient de plus en plus difficile de recruter des salariés aux compétences adaptées. Nous avons pu observer le fonctionnement de différentes machines de production, ainsi que les finitions manuelles des 3 000 références de produits, adaptées à 98 % des morphologies du marché. L'entreprise a mis en pratique le « lean manufacturing », qui permet de produire seulement ce que le client a commandé et d'éliminer quasiment le stock.

Enfin, la méthode de distribution des 2 800 000 produits de contention annuels nous a été expliquée, avec un système de commande informatisé (l'échange de données informatisées, ou EDI), via les officines de pharmacie, et un attachement à une livraison rapide, sous 24 heures, et dans le respect des délais annoncés.

Cette visite nous a montré un bel exemple de réussite d'une entreprise familiale, implantée localement, qui a su trouver sa place sur le marché international et parvenir à la conserver en maîtrisant sa transition numérique, en dépit de la concurrence qui nous a été décrite comme agressive, sur un marché en faible croissance.

Nous avons ensuite été accueillis au sein de l'EPSAT, le service de santé au travail des Vosges, par son Président, Monsieur Yves Crouvezier et sa directrice, Mme Martine Lenglin. Ce service de santé au travail, sans dimension commerciale, a pour objet d'offrir aux entreprises des services mutualisés permettant la mise en oeuvre de leurs obligations en matière de prévention et de suivi des pathologies liées au travail.

Les principaux axes de travail de ce service sont la mutualisation, la structuration et la modernisation des services accessibles sur le territoire, ainsi que la formation des professionnels.

Mme Lenglin a fait état de l'inquiétude du service depuis la publication du rapport de Mme Charlotte Lecocq, députée du Nord, sur la santé du travail, remis le 28 août 2018 au Premier ministre : il préconise de transférer le pilotage des plans de prévention aux directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), avec un système de cotisation unique pour les entreprises, recouvrées par l'URSSAF, au détriment du principe de proximité du service. Chaque filière est en effet confrontée à un environnement sanitaire particulier : ainsi, pour les Vosges, il s'agira principalement des conséquences sanitaires de la poussière du bois.

Nous avons transmis ces critiques, très documentées, au président de la commission des Affaires sociales du Sénat. Préoccupé par cette problématique, j'ai d'ailleurs moi-même déposé une question écrite à ce sujet, le 14 février dernier, actuellement en attente de réponse.

Après ces visites de terrain, nous avons pu échanger avec une vingtaine d'entrepreneurs vosgiens lors d'une table ronde à Épinal.

Parmi les sujets évoqués, je peux citer l'avenir des chambres consulaires, qui subissent une baisse drastique de leurs moyens alors que leurs missions restent identiques, mais également les complexités administratives et l'instabilité normative, la mise en oeuvre du prélèvement de l'impôt à la source, la taxation des contrats courts, la question des seuils sociaux, les sur-transpositions, notamment dans le domaine de l'environnement, et la transmission d'entreprises ; vous l'aurez noté, tous ces sujets ont été abordés par notre délégation au cours de ses travaux. En outre, la difficulté à recruter un personnel formé ou à former, et motivé, notamment dans le BTP ou le transport en car, est déplorée de façon unanime.

Nous avons eu à coeur de faire valoir les efforts du Sénat, particulièrement de la délégation aux entreprises et de sa présidente, pour relayer ces préoccupations au cours du processus législatif. Nous avons rappelé notre position sur certains sujets, comme la taxation des contrats courts ou la suppression du stage préalable à l'installation pour les artisans, auxquels le Sénat s'est opposé.

Après ces riches échanges, nous sommes partis vers Éloyes pour découvrir l'entreprise Thiriet, spécialisée dans la production et la livraison de produits surgelés alimentaires. Claude Thiriet, Président, nous a présenté cette entreprise fondée par son grand-père, qui était pâtissier. C'est ensuite au cours du temps que l'entreprise familiale est devenue glacier, puis spécialiste en produits surgelés. M. Thiriet a fait valoir l'importance accordée par l'entreprise à la qualité nutritionnelle des produits vendus, tout en expliquant sa stratégie de vente, basée d'abord sur la livraison à domicile, puis sur l'implantation de plus de 160 magasins en France métropolitaine et dans les Outre-mer. L'entreprise Thiriet a eu à coeur de développer la filière française, en proposant une large gamme de références produites en France, et pour partie transformées dans l'usine des Vosges.

Il s'agit donc d'un exemple réjouissant de réussite d'une entreprise familiale vosgienne, désormais une ETI (entreprise de taille intermédiaire, avec 400 millions de chiffres d'affaires), dont le nom est connu partout en France, et au-delà.

Enfin, notre journée s'est terminée par la visite de l'École Nationale Supérieure des Technologies et Industries du Bois (ENSTIB), qui forme étudiants, ingénieurs, élèves, aux défis et aux opportunités qu'offre la filière bois. C'est dans la manufacture du bois, la construction, l'architecture - via un partenariat avec l'école d'architecture de Nancy - mais aussi dans le domaine moins attendu de la chimie, que les élèves de l'ENSTIB déploient leurs talents, très recherchés par les employeurs.

Laurent Bleron, Directeur, nous a accompagnés pour la visite les locaux de l'école, qui accueillent également des laboratoires de recherche à la pointe du développement de la filière. Grâce aux centres de transfert de technologies présents sur le campus, l'interface industrielle est assurée afin de répondre à une forte demande locale et nationale d'accompagnement et de transfert des compétences. En effet, le bois est actuellement considéré comme un matériau d'avenir pour ses multiples possibilités industrielles, en matière de construction, d'isolation, mais aussi comme source de carbone alternative aux produits fossiles pour la chimie industrielle.

Cette école d'excellence montre comment une filière traditionnelle peut se redéployer à la faveur des évolutions sociétales et technologiques, qui font actuellement des potentialités du bois un domaine de recherche de pointe.

J'ai été très heureux de présenter ces belles réussites à mes collègues. J'espère qu'ils auront découvert avec intérêt toutes les richesses de mon département, mises en valeur par des entrepreneurs qui se battent pour créer de la valeur et de l'emploi, malgré les difficultés rencontrées.

Je vous remercie.

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