Intervention de Jean-François Rapin

Réunion du 30 avril 2019 à 14h30
Zone euro — Débat organisé à la demande du groupe les républicains

Photo de Jean-François RapinJean-François Rapin :

Dans le même temps, la dépense publique continue de croître inexorablement. Avec un niveau de 56 % du PIB, elle reste supérieure de 12 points à la moyenne des autres membres de la zone euro.

Cette voie n’est pas soutenable. Elle ne fait qu’accroître au niveau national les risques que le Président de la République entend mutualiser au niveau européen. Et, face à l’aléa moral qu’il représente, le fédéralisme budgétaire prôné par Emmanuel Macron s’apparentera, pour un temps sans doute encore long, à une impasse politique !

D’autres moyens, plus pragmatiques, doivent donc être mis en œuvre pour renforcer la résilience de la zone euro et la convergence en son sein. La première des clés reste nationale. L’Europe n’a pas vocation à se substituer aux États pour régler leurs problèmes économiques à leur place ; c’est à chacun d’entre eux qu’il appartient de prendre ses responsabilités.

Cette orientation générale, dont le maître mot est non pas l’austérité, mais l’équilibre, servirait en outre l’objectif d’une plus forte coordination économique d’ensemble et pourrait, par exemple, inciter davantage les États excédentaires à dépasser leurs réticences et à mobiliser leurs marges de manœuvre pour soutenir leur propre croissance et celle de la zone euro.

D’un point de vue institutionnel, le directoire politique, aujourd’hui organisé de manière temporaire ou à l’échelle des ministres et non des chefs d’État, doit pouvoir être pérennisé afin d’œuvrer davantage au pilotage économique de la zone euro. Dans cette optique, il est nécessaire d’impliquer les parlements nationaux dans le cadre de ces discussions.

Les conditions seront alors réunies pour que la coordination économique de la zone euro se penche également sur la nécessaire mise en place d’un mécanisme de convergence des règles relatives aux marchés du travail et aux systèmes sociaux, ainsi qu’aux systèmes fiscaux appliqués aux entreprises. Les avancées dans ces domaines ne se feront sans doute pas d’emblée à dix-neuf. N’hésitons pas alors à mener ce travail avec un groupe peut-être plus restreint d’États membres. Le récent traité d’Aix-la-Chapelle a affiché de hautes ambitions en la matière ; nous attendons maintenant la concrétisation de celles-ci.

Gardons enfin à l’esprit que les mécanismes privés de partage des risques, qui passent par l’intégration des marchés bancaires et financiers nationaux, sont aussi importants et efficaces que les mécanismes publics en cours de discussion, qu’il s’agisse du budget de la zone euro ou des évolutions bienvenues du mécanisme européen de stabilité.

En effet, la fragmentation persistante du secteur bancaire et financier pose des inconvénients majeurs qui sont au cœur des débats sur la zone euro. Elle atténue la transmission de la politique monétaire à l’économie réelle. Elle alimente le cercle vicieux de la contagion entre risque bancaire et risque souverain. Elle renforce la polarisation des activités économiques, ce qui entrave le processus de convergence. Elle freine la mobilité des capitaux et le recyclage de l’excédent d’épargne des pays du Nord – 340 milliards d’euros en 2018 – en investissements dans ceux du Sud. Enfin, elle empêche la diversification des risques privés, qui joue pourtant un rôle essentiel dans l’absorption des chocs asymétriques. On estime en effet qu’aux États-Unis ce type de choc est amorti aux trois quarts par le crédit bancaire et les marchés de capitaux, ce qui diminue d’autant la nécessité d’opérer des transferts budgétaires fédéraux.

Finaliser l’architecture de l’union bancaire et de l’union des marchés de capitaux et avancer plus vite sur leur contenu technique doit donc, à l’évidence, constituer une priorité. Malgré des difficultés, comme, par exemple, celles qui concernent le fonds unique de garantie des dépôts, ce chantier a surtout l’avantage de faire l’objet d’un consensus politique de principe exempt de graves clivages de doctrine, ce qui est loin d’être le cas du fédéralisme budgétaire.

Pour finir, je dirai qu’affirmer le rôle international de l’euro est devenu un objectif incontournable. L’euro est la deuxième monnaie mondiale, mais il ne concurrence pas suffisamment le dollar, qui reste la devise de référence et constitue un formidable instrument de la puissance américaine, notamment lorsqu’il s’agit pour les États-Unis d’imposer leurs lois extraterritoriales. Pour s’affirmer dans la mondialisation, l’Europe doit désormais penser sa monnaie comme un outil stratégique et plus simplement comme un instrument facilitant le fonctionnement de l’économie.

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