Monsieur le sénateur Babary, vous le savez : qui aime bien châtie bien ! Si je suis parfois sévère envers l’Union européenne, c’est parce que je l’aime profondément et que je crois profondément au destin français en Europe et au destin européen.
Vous l’avez parfaitement dit, l’Europe ne se réforme qu’en situation de crise. Cependant, nous pouvions nous permettre cela jusqu’au Brexit, jusqu’à l’émergence des partis extrémistes partout en Europe. Maintenant que nous voyons le danger, tous ceux qui croient dans la démocratie libérale et dans la nécessité de garder un système démocratique comme celui que nous avons devraient se dire qu’il y a urgence à décider, à faire progresser la zone euro, à mettre en place les instruments dont nous avons parlé.
Je le dis très simplement : je pense qu’aujourd’hui l’organisation institutionnelle de la zone euro n’est pas satisfaisante, que tout est fait pour que l’on ne puisse pas décider.
La politique, c’est très concret. Vous qui êtes tous des élus et des responsables politiques chevronnés, vous savez que les formats et les quorums sont décisifs. Autour de la table se trouvent réunis non seulement les dix-neuf ministres des finances de la zone euro, la Commission européenne, le vice-président de la Banque centrale européenne, le représentant du mécanisme européen de stabilité, le représentant du service légal de la Commission européenne, mais aussi les États non membres de la zone euro, parce qu’il faut bien qu’ils participent à la discussion… On pourrait aussi inviter tous les États étrangers à venir assister à nos réunions pour savoir ce qui s’y passe ! Tout est fait et organisé pour que l’on ne décide pas. Ça suffit !
Je le dis avec beaucoup de gravité : il faut passer à autre chose. Il existe d’autres modèles de gouvernance qui seraient mille fois plus efficaces. Il faut être capable d’anticiper le jour où se trouveront autour de la table les dix-neuf ministres des finances et un primus inter pares ministre des finances de la zone euro qui aura la voix décisive supplémentaire pour dire : « Voilà où nous allons ! Certains ne sont pas d’accord ? Certains ont des réticences ? Ce n’est pas grave. Avançons dans cette direction, parce que c’est comme cela que nous serons tous ensemble plus forts. » Nous aurons alors franchi le cap décisif qui nous manque aujourd’hui. Monsieur le sénateur Babary, je préfère le faire dans une période calme plutôt qu’en période de crise.