Intervention de Jean Bizet

Réunion du 30 avril 2019 à 14h30
Zone euro — Conclusion du débat

Photo de Jean BizetJean Bizet :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis de la tenue de ce débat sur la zone euro, organisé sur l’initiative de notre collègue Jean-François Rapin.

Je me permets de rappeler que la création de l’euro fut un acte économique fort, autant qu’un acte politique fondamental. Il a procuré aux pays qui l’ont adopté des avantages économiques que nous avons tendance à oublier et dont nous aurions tort de sous-estimer l’ampleur. Il est surtout devenu le bien commun des 340 millions d’Européens qui l’utilisent quotidiennement.

Au cours de ses deux décennies d’existence, la monnaie unique a dû surmonter bien des épreuves. Nombreux sont ceux qui, à sa création, lors de la crise financière ou de la crise des dettes souveraines, lui ont prédit avec certitude une fin aussi imminente que retentissante. Pourtant, malgré les vicissitudes et les polémiques, l’euro est toujours là. À ceux qui prônent sa disparition, les Européens répondent massivement par une volonté, croissante au fil des ans, de le préserver.

On ne saurait toutefois en déduire que le bilan de l’union économique et monétaire est pleinement satisfaisant dans tous les domaines. Certes, l’euro a parfaitement joué son rôle de bouclier anti-crise monétaire et de stabilisateur des prix et des changes, et grâce aux réformes lancées entre 2010 et 2012, conjuguées à l’action de la Banque centrale européenne dans les moments décisifs, la zone euro est aujourd’hui bien plus solide qu’à l’origine. La création de la monnaie unique portait toutefois en elle une promesse de prospérité qui n’a pas été suffisamment tenue dans tous les pays après la crise. Alors que l’euro devait engendrer une convergence « naturelle » ascendante des économies européennes, c’est au contraire, et vous l’avez souligné à plusieurs reprises, monsieur le ministre, à leur évolution divergente que nous avons assisté.

Pour remédier à cette situation, certains préconisent d’en finir avec ce qu’ils appellent le « dogme de l’austérité », refusant de voir que les dérives budgétaires individuelles des États membres sont le premier des risques pesant sur l’ensemble de l’édifice commun. La responsabilité première de tout pays ayant fait le choix d’appartenir à la zone euro reste donc de mener des politiques budgétaires non pas rigoristes, mais équilibrées, ainsi que, et surtout, des réformes structurelles visant à relever son potentiel de croissance économique. À cet égard, monsieur le ministre, je vous avoue que nos analyses concernant les réformes structurelles mises en place dans ce pays divergent.

D’autres, comme le Président de la République, prônent quant à eux une mutualisation de ces risques budgétaires par la création d’un budget de la zone euro suffisamment important pour mettre sur pied une union de transferts permanents, ou tout au moins pour assurer une fonction de stabilisation macroéconomique puissante. L’idée ne manque pas de fondement théorique. J’avoue qu’elle peut paraître séduisante, mais elle est aujourd’hui politiquement irréaliste, tant les crises qui ont marqué cette décennie ont miné la confiance entre États membres. Force est de constater que la France, au vu de son incapacité à redresser ses comptes publics et à transformer son économie, n’est sans doute pas l’avocat le plus indiqué pour défendre une telle évolution de la zone euro. Chacun sait que c’est en 1974 que la France a, pour la dernière fois, connu un budget à l’équilibre.

C’est donc avant tout en nous appuyant sur des réformes – de vraies réformes ! – que nous pourrons poursuivre le renforcement de l’union économique et monétaire et améliorer la situation économique structurelle de la zone euro, en termes de résilience et de convergence, une convergence, monsieur le ministre, que je ne perçois guère. Je dis oui à l’accord de Meseberg, oui au passage de la règle de l’unanimité à la majorité qualifiée – trois fois oui ! –, mais les résultats se font attendre…

Pour la convergence, l’union bancaire et l’union des marchés de capitaux sont fondamentales. Leur achèvement permettrait de mieux absorber les chocs économiques en diversifiant les risques spécifiques aux différents pays de la zone euro, sans qu’il soit nécessaire de recourir à un budget commun de stabilisation.

Chacun a pu percevoir la différence, tant dans l’analyse que dans la prospective, entre l’approche allemande et l’approche française. Je pense, pour reprendre les mots de François Villeroy de Galhau, qu’une « union de financement » contribuant à rétablir la circulation des capitaux entre les pays de la zone euro est indispensable. L’épargne excédentaire dans un pays viendrait ainsi plus facilement financer les investissements efficaces dans un autre et y soutenir la croissance, ce qui est l’un des objectifs d’une union monétaire.

Pour améliorer la qualité de ces investissements, outre la poursuite des réformes structurelles nationales, l’émergence d’une politique industrielle européenne dans les secteurs stratégiques est essentielle. Le temps me manque pour détailler précisément ces politiques, mais il est bien évident…

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