Intervention de Angèle Préville

Réunion du 30 avril 2019 à 14h30
Quelle politique de lutte contre la pollution et de recyclage du plastique et plus généralement quelle utilisation du plastique en france — Débat organisé à la demande du groupe socialiste et républicain

Photo de Angèle PrévilleAngèle Préville :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je me félicite de la tenue de ce débat sur l’utilisation des plastiques en France.

Longtemps, nous avons cru que la Terre offrait un espace infini, tellement nous sommes petits devant elle. Longtemps, nous avons cru que jeter ne prêtait pas à conséquence. Mais ce matériau fantastique qu’est le plastique est devenu notre trouble-fête : le chant du styrène vire au cauchemar ! L’ère du gaspillage du plastique a conduit à la gabegie d’un matériau qui se retrouve aujourd’hui dans nos assiettes. Consommation effrénée et habitudes délétères consistant à jeter toujours plus après un usage éphémère : c’est le gobelet en plastique jeté après quelques gorgées ou la bouteille utilisée lors d’un unique repas. Le boomerang de notre surconsommation nous revient avec des conséquences catastrophiques.

Aujourd’hui, nous sommes effarés de découvrir qu’un estomac de cachalot échoué peut contenir plus de quinze kilos de plastique, dont un filet de pêche de treize mètres de long, scandalisés de voir une dépouille de cormoran à l’estomac rempli de déchets de toutes sortes ! Nous sommes émus, enfin, par cette tortue à la carapace en forme de 8, qui a grandi sanglée par un anneau de canette… On recense des centaines d’espèces animales touchées par le phénomène d’enchevêtrement et d’ingestion. Images terribles de notre futilité face aux souffrances, aux vies meurtries d’animaux innocents, insouciance coupable, aveuglement incompréhensible, inconséquence condamnable…

Cette situation est le résultat de notre addiction à une certaine forme de facilité, de confort, d’hygiénisme exacerbé. L’océan se meurt et, si nous ne faisons rien, il y aura, en 2050, plus de plastique que de poissons dans les océans !

Comment en sommes-nous arrivés là ? C’est après la Seconde Guerre mondiale que le plastique, ce matériau sous-produit du pétrole, léger, très peu coûteux, très stable et malléable s’impose comme le matériau idéal. Il peut prendre toutes les formes parce que fabriqué par moulage. Il est robuste, coloré. Il va peu à peu concurrencer les autres matériaux et, finalement, remplacer le verre, le métal, la porcelaine, la céramique, le papier, le carton et le bois.

Apportant d’abord de réels progrès, source de richesses et d’emplois, le plastique voit son usage se généraliser ; de nouveaux besoins apparaissent, et la dérive consumériste nous mène aux objets à usage unique et au suremballage qui gonfle nos poubelles, dans un glissement progressif vers un comportement qui friserait le ridicule, si ses conséquences n’étaient dramatiques. Et c’est l’indigestion : la France produit 5 millions de tonnes de plastique par an, le monde 10 tonnes par seconde ! Depuis 1950, 8, 3 milliards de tonnes de plastique ont été produites, dont la moitié depuis 2000. Au total, 9 % seulement de ce plastique a été recyclé, 12 % incinéré ; tout le reste est dans la nature…

De cette quantité colossale, la moitié a fini dans les mers et les océans, jusqu’aux pôles, aux îles les plus éloignées et même au fond des fosses océaniques. N’a-t-on pas vu un sac plastique entier dans la fosse des Mariannes, à 10 000 mètres de profondeur dans le Pacifique Nord ?

Dans le même temps, les infrastructures de recyclage n’ont pas suivi la croissance de la production ; elles peinent à se mettre en place et ne sont toujours pas dimensionnées à la mesure de la quantité de plastique produite et jetée. En France, actuellement, à peine plus de 20 % du plastique est recyclé. La gestion non réglementée conduit à des déversements à ciel ouvert qui atteignent les bassins aquifères et les plans d’eau.

Par ailleurs, les courants marins ont provoqué la formation de cinq gyres, ou continents plastiques, véritables soupes où flottent en moyenne 500 000 fragments de plastique par kilomètre carré. Le plus important, celui du Pacifique Nord, appelé « septième continent », couvre 7 millions de kilomètres carrés, soit l’équivalent du tiers de l’Europe ou de six fois la France…

Notre mer Méditerranée n’est pas épargnée : elle a le redoutable privilège de présenter en certains endroits des concentrations en microplastiques presque identiques à celles du principal continent plastique, notamment au large de Nice et de Cannes. C’est choquant, regrettable et tellement triste…

Il est temps d’apporter une précision importante pour comprendre l’étendue du problème que nous avons à gérer : le plastique n’est pas biodégradable et restera toujours du plastique. Dans la nature, la seule évolution qu’il va subir est de se casser, de se fragmenter en morceaux de plus en plus petits, sous l’effet des rayons ultraviolets, de la chaleur et des contraintes mécaniques. Comme cela fait des dizaines d’années qu’il y a des plastiques dans la nature, on les trouve maintenant sous forme de très petites particules : microplastiques et même nanoplastiques.

Les plastiques sont des macromolécules obtenues par polymérisation, en accrochant les unes aux autres, par réaction chimique, de petites molécules identiques appelées monomères. Dans leur fabrication entrent malheureusement aussi des additifs, qui donnent aux plastiques des propriétés particulières adaptées à leur utilisation : plastiques anti-UV, antistatiques, retardateurs de flammes, antichocs ou antimicrobiens, et j’en passe. Certains contiennent ainsi de véritables cocktails d’additifs.

Du point de vue sanitaire, les problèmes viennent du relargage de ces additifs lors des fragmentations, sous l’effet de la chaleur ou au contact de graisses. En effet, ces additifs sont des perturbateurs endocriniens, affectant notamment la fertilité, le système nerveux et le développement intellectuel, causant des pubertés précoces. Ils sont classés comme cancérigènes. Une étude récente sur l’eau embouteillée a révélé une contamination aux microplastiques de 93 % des bouteilles, pour onze marques testées.

Les plastiques collectés pour le recyclage sont fortement dégradés et nécessitent des opérations complexes de décontamination. Le recyclage du plastique est en réalité d’abord un « décyclage ». De plus, une bouteille ne peut pas être recyclée à l’infini.

Qu’en est-il des vêtements produits à partir de matière recyclée ? Le tissu polaire, vanté comme solution de recyclage miracle, s’avère une source de polluants : lors des passages en machine à laver, des fibres minuscules se détachent par abrasion et polluent l’eau.

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