Intervention de Albéric de Montgolfier

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 29 avril 2019 à 15h05
Projet de programme de stabilité pour les années 2019 à 2022 — Communication

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier, rapporteur général :

En effet, au moins quatre des mesures annoncées jeudi dernier pourraient se traduire par un impact significatif sur la trajectoire budgétaire, d'après les premiers éléments de chiffrage dont nous disposons.

Je pense bien sûr à la baisse annoncée de l'impôt sur le revenu, pour un montant d'environ 5 milliards d'euros, même si des économies en dépense et un rabot de certaines « niches fiscales » - lesquelles ? - viendraient en partie compenser ce coût. Je pense également à la réindexation partielle des pensions en 2020 et qui représenterait un « manque à gagner » de 1,4 milliard d'euros environ. Le renoncement total ou partiel à la suppression de 120 000 postes dans la fonction publique à l'échelle du quinquennat pourrait également peser sur les finances publiques - l'économie attendue était initialement estimée à 3 milliards d'euros environ. Enfin, porter à 1 000 euros la pension minimale pour les carrières complètes dans le privé représenterait un surcoût de 150 millions d'euros par génération à compter de 2020.

En première analyse, les enjeux budgétaires pourraient donc aller jusqu'à 10 milliards d'euros, soit environ 0,4 point de PIB, en l'absence de mesure de compensation.

Il ne serait pas acceptable de financer une nouvelle fois ces annonces par le recours à l'endettement, déjà particulièrement élevé. Il faudra malheureusement attendre l'actualisation de la trajectoire budgétaire à l'été dans le cadre du débat d'orientation des finances publiques pour que le Gouvernement précise les économies supplémentaires qu'il entend mettre en oeuvre pour compenser le coût de ces nouvelles annonces.

En tout état de cause, le présent projet de programme de stabilité apparaît plus que jamais déconnecté des arbitrages budgétaires, ce qui est de nature à créer un doute sur la crédibilité de ce document, pourtant supposé constituer le support des engagements européens de notre pays en matière budgétaire. Et à moins que le ministre nous annonce tout à l'heure qu'il compte le réviser, je ne manquerai pas de l'interroger sur ce point.

Enfin, la trajectoire gouvernementale pourrait également pâtir d'une nouvelle dégradation du contexte macroéconomique, compte tenu des aléas importants susceptibles de peser sur le scénario de croissance gouvernemental à la hausse - principalement les aléas internes - mais aussi à la baisse - principalement les aléas externes.

Si la trajectoire gouvernementale se fonde légitimement sur le scénario macroéconomique le plus probable, il est utile d'examiner la sensibilité de la trajectoire budgétaire aux hypothèses macroéconomiques retenues. Afin de circonscrire le champ des possibles, j'ai élaboré deux scénarios macroéconomiques alternatifs à partir des prévisions les plus optimistes et les plus pessimistes des instituts de conjoncture et des organisations internationales.

La réalisation du scénario défavorable conduirait à dégrader le niveau du déficit public de 0,9 point de PIB en 2022, tandis que la réalisation du scénario favorable l'améliorerait de 0,5 point de PIB, ce qui suggère que les aléas baissiers l'emportent sur les aléas haussiers.

De façon plus rassurante, la réalisation du scénario défavorable ne conduirait pas à dépasser le seuil maastrichtien de 3 % du PIB en 2020 - ce qui risquerait de conduire à l'ouverture d'une nouvelle procédure de déficit excessif à l'encontre de la France, compte tenu du dépassement déjà prévu dans le scénario gouvernemental en 2019, en lien avec le surcoût temporaire lié à la transformation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE).

En revanche, le retour à l'équilibre budgétaire à l'issue du quinquennat, qui figurait parmi les objectifs initiaux du Gouvernement, annoncé à de nombreuses reprises urbi et orbi, resterait hors d'atteinte, même dans le scénario favorable. La réalisation du scénario défavorable risquerait de porter le ratio d'endettement public au-delà du seuil symbolique de 100 % du PIB dès 2020.

Il est donc urgent d'agir, et j'espère que les finances publiques ne seront pas une nouvelle fois sacrifiées sur l'autel des annonces.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion