Notre commission est saisie d'un projet de loi, que nous examinerons le 15 mai prochain et qui a pour objet de revoir la trajectoire de baisse du taux de l'impôt sur les sociétés et de créer une nouvelle taxe sur les services numériques, parfois abusivement qualifiée de « taxe GAFA ». Ce projet de loi vise notamment à dégager des recettes supplémentaires pour financer en partie les mesures urgentes adoptées à la fin de l'année 2018.
De la modification de la trajectoire du taux de l'impôt sur les sociétés est attendu un rendement de 1,6 milliard d'euros en 2019, soit 80 % du total des recettes évaluées de ce projet de loi. La taxe sur les services numériques, quant à elle, n'en représenterait que 20 %, soit 400 millions d'euros en 2019. Je remarque au passage que la trajectoire réelle de l'impôt sur les sociétés, qui risque encore d'évoluer dans les mois à venir, ressemble de plus en plus à la trajectoire votée en 2016...
Le projet de taxation des géants du numérique vise un objectif d'équité : renforcer la taxation de grands groupes qui bénéficient des failles du système fiscal et parviennent largement à optimiser leur imposition. En effet, le numérique a rebattu les cartes de la création de valeur et de sa localisation. Une mise à niveau des règles fiscales internationales est nécessaire, ce qui fait l'objet des travaux de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Avant qu'un tel chantier n'aboutisse, cette taxe nationale entend appréhender la création de valeur par les utilisateurs des plateformes et les consommateurs ciblés par la publicité.
Le dispositif proposé s'inspire largement de la proposition de directive européenne présentée l'an dernier, et pour laquelle les négociations ont achoppé au Conseil. Notre commission avait eu l'occasion d'y travailler, avec l'adoption d'une résolution européenne dans laquelle nous apportions notre soutien à la mise en place d'une telle taxation au niveau européen, tout en soulignant certaines voies d'amélioration.
L'initiative du Gouvernement vise à mettre en place rapidement une solution temporaire. Toutefois, le dispositif proposé de taxation du chiffre d'affaires n'est pas sans soulever des questions que nous souhaitons aborder aujourd'hui.
Pour échanger sur ce projet de loi, nous recevons donc Christophe Pourreau, directeur de la législation fiscale ; François Soulmagnon, directeur général de l'Association française des entreprises privées (AFEP), Giuseppe de Martino, président de l'Association des services internet communautaires (ASIC) ainsi que Julien Pellefigue, associé du Cabinet Taj et auteur d'une note instructive sur le sujet commandée l'un des principaux lobbies du secteur.
Je demanderai à chacun de faire un très bref exposé introductif, pour laisser la place aux questions.
Je me tourne d'abord vers Christophe Pourreau, pour une brève présentation du projet de taxe sur les services numériques et de la façon dont il entend appréhender la création de valeur numérique.