Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, voilà, s'il en était besoin, une illustration supplémentaire des trois principaux défauts de ce projet de loi : l'affichage, la confusion et l'arbitraire.
La création du Conseil pour les droits et devoirs des familles est en effet avant tout une mesure d'affichage : c'est, me semble-t-il, un message que vous tentez de transmettre à une partie de la population que vous espérez peut-être capter dans un but électoral.
Votre message, comme souvent, présente une fausse apparence de simplicité.
Votre discours me paraît être le suivant : « La délinquance des mineurs pose problème. Si ces mineurs sont délinquants, c'est parce que leurs parents sont défaillants. Par conséquent, si l'on frappe ensemble enfants et parents, et avec plus de force encore, la délinquance disparaîtra comme par magie. »
Vous instituez à cet effet une structure nouvelle.
Ce conseil, je l'ai dit, est une sorte d'OVNI juridique. Il contribue à l'ambiguïté générale et à la confusion.
Ce conseil, réuni par le maire, est sans équivalent dans l'administration française.
Ses caractéristiques sont telles, ses pouvoirs et compétences sont si étendus que l'on est en droit de se demander si ce conseil ne constitue pas une « para-juridiction ». Ce serait une sorte de tribunal des familles pauvres, déjà fragilisées ou en difficulté, un tribunal où, de plus, on nierait le droit à la défense.
Comme nous l'ont dit les avocats que nous avons auditionnés, on pourrait tout au moins prévoir que les familles aient le droit d'être assistées, compte tenu des conséquences que pourraient avoir les décisions prises par ce conseil. Nous sommes ici confrontés à un arbitraire total.
Il est inutile de répéter qu'il s'agit d'une mesure de contrôle social supplémentaire.
Ce qu'il convient de noter en revanche, c'est que le Gouvernement récidive en ce qui concerne la criminalisation des familles. Cette criminalisation est apparue avec le contrat de responsabilité parentale, adopté dans le cadre de la loi pour l'égalité des chances.
Par ailleurs, et de façon assez étrange, vous semblez revenir sur ce que vous venez à peine de bâtir, en ne laissant pas le temps à la première mesure de produire ses effets : le décret d'application de celle-ci date du 1er septembre.
Sans même prendre le temps de constater l'efficacité ou l'inefficacité de ce contrat, on entreprend déjà d'instituer de nouvelles mesures.
Il nous semble que le masque commence à tomber. Naguère, quand il s'agissait de la loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales, de la loi relative à la lutte contre le terrorisme ou de la loi relative à la maîtrise de l'immigration, les Français pouvaient se dire : « je ne suis pas concerné : ces personnes violent la loi, ce sont des terroristes, des récidivistes ou des étrangers... ».
Cette fois, cependant, vous attaquez de front les droits du citoyen français « lambda » : vous tentez de faire reculer ses droits. N'import qui, en effet - je dis bien « n'importe qui » - pourra se retrouver demain au banc des accusés de ce qui sera quasiment un tribunal : des parents qui souffriraient de problèmes financiers ou qui seraient victimes de turbulences familiales, des parents dont les enfants auraient des difficultés de scolarisation ou seraient simplement des adolescents en pleine crise.
Tous, ici, pouvons être victimes de ce système arbitraire et liberticide. Personne n'est à l'abri de l'éventuelle dérive d'un de ses enfants.
C'est la preuve que ce dispositif relève évidemment non pas de la prévention de la délinquance, mais bien de la répression.