Intervention de Michel Canevet

Réunion du 2 mai 2019 à 14h30
Affectation des avoirs issus de la corruption transnationale — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Michel CanevetMichel Canevet :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je veux tout d’abord remercier M. Sueur d’avoir été à l’initiative de ce débat au sein de l’hémicycle. Si j’ai bien compris vos propos, madame la secrétaire d’État, cela permettra d’approfondir cette question, même si l’on aurait souhaité aller encore plus vite, à partir de cette proposition de loi.

Je veux aussi saluer, au nom du groupe Union Centriste, le travail réalisé sur ce point par le rapporteur de la commission des finances, Antoine Lefèvre, depuis de nombreuses années déjà.

Nous évoquons ici un sujet important, les biens injustement acquis dans l’exercice du pouvoir par certains dirigeants, souvent au détriment de leur population. Il s’agit d’une pratique que l’on ne peut que déplorer et qui montre que la corruption – on en parle assez régulièrement dans les médias – existe et prospère encore dans le monde.

C’est aussi l’occasion d’évoquer la situation en France, au travers notamment de la question relative à la fraude fiscale, chère à nombre de nos collègues – je pense en particulier à Nathalie Goulet –, dont le niveau reste élevé. Le syndicat Solidaires Finances publiques estime son montant entre 80 milliards et 100 milliards d’euros tandis que le Conseil des prélèvements obligatoires l’évalue autour de 25 milliards d’euros. Il y a par conséquent encore des efforts à faire pour assurer une meilleure justice fiscale dans notre pays.

Se pose également la question de la fraude aux prestations sociales et de la fraude documentaire. Cela demeure une préoccupation importante ; nous devons y travailler pour que les choses soient encore plus transparentes et que ce phénomène soit limité le plus possible.

Nous espérons donc que la création, proposée en septembre dernier par le ministre de l’action et des comptes publics, d’un observatoire de la fraude fiscale se concrétisera le plus rapidement possible ; cet observatoire n’existe toujours pas…

Cela dit, les avoirs mal acquis sont nombreux ; nous en avons vu quelques exemples, émanant notamment de la Guinée équatoriale, dans notre pays. Ainsi, en 2017, un jugement a condamné un dirigeant de ce pays ; les recours n’ont pas encore été épuisés dans cette affaire, mais la décision rendue a conduit à saisir un hôtel particulier avenue Foch, à Paris, dix-huit voitures de luxe, de nombreux biens mobiliers et des bijoux. La valeur des biens concernés peut ainsi être importante…

Une autre affaire vise le Gabon, dont l’un des dirigeants est actuellement mis en cause ; la confiscation des biens situés sur notre territoire a eu lieu, pour plus de 60 millions d’euros ; les sommes à récupérer sont par conséquent élevées.

Des efforts sont faits dans certains pays, ne l’oublions pas. Je pense au Royaume-Uni, aux États-Unis, mais aussi à la Suisse, même si l’on peut être étonné par le comportement de ce pays, puisqu’il existe toujours, à côté de Genève, aux portes de notre pays, un port franc, qui compte plus d’un million d’œuvres d’art, nous dit-on, pour une valeur qui dépasse 80 milliards d’euros. Des efforts doivent être accomplis là aussi pour que les choses soient plus transparentes ; la fraude se développe également, hélas, par le biais des ports francs.

Pour lutter contre la fraude, nous avons créé, en 2011, l’Agrasc ; celle-ci travaille bien, me semble-t-il. J’aurai l’occasion de présenter, au nom du groupe Union Centriste, un certain nombre d’amendements, qui visent à en améliorer le fonctionnement et à lui donner quelques perspectives, issues de l’excellent rapport de notre collègue Antoine Lefèvre.

Cette agence a besoin de pouvoir continuer son action. Depuis sa création, elle n’a consacré à l’entraide internationale que 1 % des biens qu’elle a récupérés. C’est dire tout le chemin qu’il reste à parcourir pour faire en sorte que les biens acquis grâce à la spoliation de populations étrangères soient restitués à celles-ci.

Cela rejoint d’ailleurs l’objectif, défini par le Président de la République, madame la secrétaire d’État, consistant à consacrer 0, 55 % du produit intérieur brut à l’aide au développement. Je considère en effet que cela ferait aussi partie de l’aide publique au développement que d’assurer le retour de ces ressources dans les pays dont elles proviennent.

Nous devons donc mettre conjointement en œuvre ces actions pour permettre à ces biens de retourner dans leur pays d’origine, afin que ces populations puissent en profiter, tout en prévoyant les garde-fous nécessaires, puisque la corruption existe encore dans bon nombre de pays ; il ne faudrait en effet pas l’encourager par ce mécanisme…

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