Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux commencer par remercier Jean-Pierre Sueur de nous donner l’opportunité de discuter d’une question aussi importante que la corruption transnationale.
Cette proposition de loi va dans le bon sens. Nous soutenons l’idée d’instaurer un fonds destiné à recueillir les recettes provenant de la confiscation des biens détenus par des personnes étrangères, issus de la corruption transnationale.
Nous soutenons l’idée de restituer ces sommes aux populations victimes.
Oui, nous voulons être impitoyables avec celles et ceux qui accaparent les richesses de leurs peuples. Oui, la France doit être exemplaire.
Nous pensons même qu’il est encore possible de renforcer la proposition de loi. Le Gouvernement doit nous donner des assurances quant au fonctionnement du mécanisme proposé. Vos propos, madame la secrétaire d’État, ne m’ont pas paru empreints d’enthousiasme sur cette dernière question.
Oui, mes chers collègues, il est nécessaire d’éradiquer la corruption, cette « exploitation des gens sans défense » que condamnait l’écrivain franco-marocain Tahar Ben Jelloun dans son recueil Amours sorcières.
S’engager contre ce phénomène est un impératif économique. Selon la Banque mondiale, chaque année, entre 20 et 40 milliards de dollars disparaissent dans les pays en voie de développement, soit l’équivalent de 20 % à 40 % de l’aide publique au développement. Ces chiffres nous conduisent à nous interroger sur la justice et l’efficacité des politiques actuellement menées.
En ce qui concerne l’efficacité, la Banque mondiale a souligné, dès 2001, que la corruption constitue l’un des « grands obstacles au développement économique et social » des pays en développement.
Pour ce qui est de la justice, la corruption est l’un des ressorts du capitalisme mondialisé. L’OCDE, dans une étude de 2014, a souligné que ce sont majoritairement les directions d’entreprise et, dans 12 % des cas, directement les PDG, qui sont responsables des actes de corruption internationale. De plus, 11 % des personnages publics incriminés sont des présidents ou des présidentes, ou des membres de gouvernements…
Tous ces éléments revêtent un poids particulier pour notre pays. Oui, la France doit impérativement faire évoluer son arsenal juridique, car ses gouvernements successifs n’ont pas été exemplaires dans ce domaine – ne nous le cachons pas.
Il faut se réjouir du jugement du tribunal correctionnel de Paris du 27 octobre 2017 qui condamne le vice-président de Guinée équatoriale dans l’affaire des biens mal acquis.
Pour autant, nous ne serions pas sérieux en délivrant un satisfecit à l’action gouvernementale française de ces cinquante dernières années en matière de corruption transnationale. Dans ce contexte, cette proposition de loi va dans la bonne direction en prolongeant les acquis du droit international, et particulièrement les efforts de l’Organisation des Nations unies, sous les auspices de laquelle a été adoptée, en 2003, la convention dite de Mérida contre la corruption.
Cependant, la nécessaire activation par l’État victime et le niveau parfois généralisé de corruption qui gangrène certains pays empêchent souvent l’application pleine et entière des principes de restitution et de partage direct avec les populations des avoirs issus de la corruption.
De même, le partage n’est pas automatique : un accord est nécessaire avec l’État requérant. Dès lors, la restitution directe ou indirecte aux populations civiles fait trop souvent défaut.
Le mécanisme contenu dans la proposition de loi pourrait résoudre ce problème. Nous souhaiterions, aux côtés de Jean-Pierre Sueur, faire en sorte que l’esprit de ce texte puisse être assuré pour l’avenir. Nous faisons, à cet égard, cinq propositions.
Tout d’abord, il nous paraît important que les sociétés civiles des pays en cause soient associées aux opérations de restitution des fonds.
Ensuite, nous souhaiterions que le mécanisme proposé intègre des perspectives de coopération avec les autres États mettant déjà en œuvre ces procédures.
Dans le même ordre d’idée, une évaluation annuelle de l’action du fonds devrait être réalisée et publiée, afin de nous permettre de suivre concrètement l’action des services de l’État.
Les révélations sur les cas de corruption sont souvent le fruit du travail de journalistes, d’associations ou de lanceuses et lanceurs d’alerte.