Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mes chers collègues, comme vous, madame la secrétaire d’État, le groupe Union Centriste se réjouit de l’ouverture, ce soir, sur l’initiative de notre collègue Jérôme Durain, de ce débat sur les questions environnementales.
Comment resterait-on insensible lorsqu’une ONG comme le WWF annonce que, en cinquante ans, 60 % des vertébrés auraient disparu de la planète ? Nous sommes bien entendu tous attachés à ce que notre planète soit un lieu où l’on puisse bien vivre, préservé des risques environnementaux.
Cela dit, il nous incombe de regarder de près la proposition de loi qui nous est présentée par nos collègues du groupe socialiste. Celle-ci appelle un certain nombre d’observations. Si nous sommes tous d’accord pour agir, la question des modalités de cette action reste ouverte. Il faut s’assurer, en particulier, que les rédactions retenues soient telles que l’on puisse réellement s’appuyer sur elles pour conduire des actions, et que nos compatriotes – je veux dire l’ensemble de ceux qui entreprennent – ne soient pas laissés dans le doute ou mis en difficulté dès lors que leur bonne volonté ne serait pas mise en cause.
J’ai par exemple lu attentivement la définition du mot « écocide » donnée dans le Larousse : « destruction totale d’un milieu naturel ». Telle n’est pas tout à fait la rédaction retenue dans le présent texte. Il semble au groupe Union Centriste que cette rédaction contient un certain nombre d’imprécisions et pâtit d’un manque de clarté qui risquerait d’avoir des effets extrêmement néfastes.
C’est pourquoi nous devons être particulièrement mesurés. De ce point de vue, la proposition de notre rapporteur, qui suggère de laisser la réflexion se poursuivre sur ce sujet, nous semble empreinte de bon sens, car, si nous partageons tous l’objectif des auteurs de ce texte, il faut néanmoins que la terminologie employée soit la plus précise possible et prête le moins possible à contestation.
Prenons des exemples qui nous aideront à circonscrire de manière concrète les conséquences possibles de l’adoption d’un tel texte.
Imaginez ainsi, mes chers collègues, les conséquences, pour nos amis des montagnes, de la construction d’un barrage : celle-ci perturbe l’écosystème de manière extrêmement forte. Ceux qui sont pour les énergies renouvelables trouveront un tel projet tout à fait nécessaire et indispensable ; ceux qui sont attachés à la préservation du milieu naturel et à la biodiversité, et qui veillent à ce que rien ne se passe dans notre pays, argueront au contraire du fait que la construction du barrage, par les effets qu’elle risque d’avoir sur l’écosystème, est particulièrement préjudiciable à l’environnement, et pourrait donc, à ce titre, être reconnue comme un écocide, ce qui ne manque pas de nous interpeller.
Autre exemple : le propriétaire d’un boisement décide de l’abattre – dans un boisement, il y a bien sûr de la vie. Tous ceux qui sont attachés au bois vont manifester leur mécontentement ; ceux qui sont pour le renouvellement forestier ou qui plaident pour qu’une partie de ces terrains soient destinés à l’alimentation humaine trouveront au contraire positive la destruction du boisement. Dans quel sens, alors, faudra-t-il interpréter les textes ? On voit bien le problème.
Quant aux questions maritimes, en tant que Breton, élu du Finistère, j’y suis particulièrement sensible. Nous avons connu de nombreuses catastrophes maritimes : je pense au naufrage du Boehlen, en 1976 ; à celui de l’Amoco Cadiz, en 1978, au large de Ploudalmézeau, qui a beaucoup marqué les esprits, via notamment le combat de notre ancien collègue sénateur Alphonse Arzel pour obtenir juste réparation ; à celui de l’Erika, en 1999 ; à celui du Prestige, au large du cap Finisterre, en Espagne, en 2002. Vient de s’ajouter à cette liste, tout récemment, le Grande America. Tous ces navires opéraient dans des eaux internationales. Le problème n’est donc pas franco-français ; il est international.
Il nous semble donc, au sein du groupe Union Centriste, que l’approche qui doit prévaloir sur ces questions maritimes est une approche internationale ou, a minima, européenne. À ce titre, cher Jérôme Durain, la période est particulièrement favorable, puisque des élections auront lieu très prochainement pour élire nos collègues députés européens. Voilà donc un sujet dont ils pourraient utilement se saisir. J’ai en effet la conviction, comme tous les membres de mon groupe, que l’Europe peut être un très bon vecteur pour mettre en œuvre des mesures partagées par tous et véritablement protectrices pour tout le monde, évitant tout décalage entre ce qui se passe en France et ce qui se passe ailleurs.
Certains souhaitent que nous soyons en avance sur tout ; je l’entends. Mais j’ai plutôt, quant à moi, la conviction – je la partage, encore une fois, avec les membres de mon groupe – qu’un arsenal juridique doit être mis en place au niveau européen. Un tel arsenal existe déjà, d’ailleurs, au niveau national : je rappelle que les crimes écologiques sont punis par l’article 421-6 du code pénal de vingt ans de réclusion criminelle et de 350 000 euros d’amende ; peut-être estime-t-on que ce dernier chiffre est insuffisant ? Il faut, le cas échéant, l’augmenter, ce qui peut se faire très facilement.
Les élections européennes me semblent donc le meilleur moment pour avancer sur ce sujet, et je ne doute pas que la COP15 et les différents événements ou rassemblements intergouvernementaux que Mme la secrétaire d’État a évoqués et auxquels prendra part le Gouvernement seront aussi l’occasion d’élaborer une définition beaucoup plus précise de l’écocide et de trouver l’arsenal répressif adapté aux risques effectivement encourus et aux dégâts effectivement observés. Un tel arsenal devrait avoir une vertu préventive, c’est-à-dire empêcher les méfaits commis à l’encontre de notre milieu naturel, auquel nous sommes particulièrement attachés.
Les sénateurs du groupe Union Centriste, tout en appréciant l’ouverture d’un tel débat, trouvent le sujet encore insuffisamment mature et comptent sur la sagesse du Sénat pour travailler à cette maturation.