Intervention de Franck Montaugé

Réunion du 7 mai 2019 à 14h30
Réforme de la politique agricole commune — Discussion d'une proposition de résolution européenne dans le texte de la commission

Photo de Franck MontaugéFranck Montaugé :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la troisième fois, nous interpellons le Gouvernement sur le devenir, très préoccupant selon nous, de la plus grande politique intégrée de l’histoire de l’Union européenne, la PAC, une politique qui a longtemps été la clef de voûte de toutes les institutions européennes.

Pour l’essentiel, les inquiétudes et les propositions que nous formulions dans les deux résolutions précédentes persistent. Les voici en quelques mots : une vision stratégique faible dans un contexte international où l’indépendance et l’autosuffisance alimentaires deviennent des enjeux majeurs ; des protections amoindries pour les agriculteurs dont le travail n’est pas reconnu à sa juste valeur et qui sont de plus en plusconfrontés aux aléas sanitaires, économiques etenvironnementaux ; une insuffisante prise en compte des attentes de la société etdes consommateurs en matière de qualité et de sécuritésanitaires des aliments.

Dans ce contexte, notre groupe de suivi demande au Gouvernement de préserver à euros constants le budget de la PAC pour la période 2021-2027 par rapport à la période 2014-2020. Les premières analyses des effets de la loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi Égalim, sur le revenu des producteurs ne sont pas bonnes. Pour nous, il est inacceptable de voir le budget français de la PAC diminuer de 15 %, avec plus de 10 % de perte de revenu direct pour les agriculteurs et près de 30 % pour de développement territorial.

En sus des problèmes du programme Leader, le message en direction des acteurs des territoires déjà en difficulté – agriculteurs, maires, etc. – est ici très négatif. C’est pourtant l’épure qui résulte du nouveau contrat de financement pluriannuel.

Vous nous direz, monsieur le ministre, comment, dans un tel contexte, l’effort qui est demandé aux agriculteurs en matière de conversion et de transition vers l’agroécologie sera rendu possible par le Gouvernement.

Dans cette situation, nous appelons à la reconnaissance des externalités positives de l’agriculture – les paiements pour services environnementaux, les PSE –, que nous promouvons avec Henri Cabanel, Jean-Claude Tissot et le groupe socialiste depuis longtemps maintenant, et notre groupe de suivi revient sur l’enjeu du maintien des indemnités compensatoires de handicaps naturels, les ICHN.

Certains territoires et leurs producteurs sont victimes de la nouvelle carte. Je vous renouvelle la proposition gersoise de mettre en œuvre sur ces territoires une démarche expérimentale de PSE. Nous avons tous les éléments – scientifiques, économiques et juridiques – pour nous y engager.

Et s’il fallait ne pas prendre sur les crédits de la PAC, nous vous proposons de rémunérer ces services sur les fonds Horizon Europe – 100 milliards d’euros prévus tout de même sur la période 2021-2027 -, voire sur les fonds LIFE.

Les syndicats agricoles y sont prêts. Il faut y aller !

Je terminerai sur la question centrale de la gouvernance de la future PAC.

Prenons garde, monsieur le ministre, que ce qui, sous couvert de subsidiarité, est présenté comme une simplification de la gestion de la PAC ne se traduise dans les faits par une concurrence accrue entre agricultures nationales.

Dans l’état actuel des propositions, pour le moins floues, le risque de renationalisation de la PAC est pour nous réel. Si cette voie devait être engagée, les inconvénients pour la France pourraient à terme être plus importants que les avantages. Mesurons-le et tirons-en les conséquences politiques !

Pour notre part, nous en appelons plutôt à des mécanismes européens communs et plus souples de gestion. Je pense à la réserve de crise et à l’article 224 qui permet de déroger aux règles de la concurrence, à la mise à disposition des exploitants agricoles d’une boîte à outils de gestion des risques auxquels ils sont confrontés, à des normes identiques – c’est très important – s’appliquant à l’ensemble des agricultures européennes, au refus des produits d’importation qui ne respectent pas les standards de production européens, et donc à la création d’une structure de contrôle sanitaire européen.

La PAC est à un tournant aussi important que celui de 1992, qui avait consisté à s’aligner progressivement sur les prix des marchés par réduction des aides. Depuis l’ouverture de cette période, l’agriculture française se porte-t-elle mieux ? C’est peut-être le cas de certains acteurs des filières, mais certainement pas des producteurs. Cet enjeu social apparaît insuffisamment pris en compte dans les orientations de la Commission.

Notre agriculture a aussi reculé à l’exportation et la question de sa compétitivité est posée.

C’est à l’aune de ces problématiques, en plaçant les paysans et les producteurs agroalimentaires au cœur du raisonnement, que nous construirons une nouvelle étape de l’agriculture répondant aux demandes de la société européenne et aux enjeux de l’agriculture française.

Le commissaire Hogan avouait que « les principes de la future réforme sont déjà acquis ». Alors, pourquoi en discutons-nous ?

Quelle est en définitive, monsieur le ministre, la stratégie du gouvernement français pour que les principes de la future PAC servent les intérêts des agriculteurs français ?

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