Intervention de Didier Guillaume

Réunion du 7 mai 2019 à 14h30
Réforme de la politique agricole commune — Discussion d'une proposition de résolution européenne dans le texte de la commission

Photo de Didier GuillaumeDidier Guillaume :

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires économiques, monsieur le président de la commission des affaires européennes, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, cette proposition de résolution, la troisième que le Sénat présente sur ce sujet, a été une nouvelle fois adoptée à l’unanimité, et je veux vous en remercier.

Cette proposition de résolution aide en effet beaucoup le Gouvernement et le ministre que je suis, et je la partage « de fond en comble ».

Je partage vos critiques sur l’orientation politique de l’Union européenne et de la Commission. Pour cette raison, j’espère que, le 26 mai, ces orientations changeront et qu’une nouvelle coalition ainsi qu’une autre majorité pourront voir le jour. En effet, si la majorité devait demeurer inchangée, les mêmes causes produiront les mêmes effets et la Commission exprimera la volonté de baisser le budget de la PAC. La France y est tout à fait opposée !

Pour l’instant, 20 pays en Europe, dont la France et l’Allemagne, sont opposés à la proposition de la Commission, à l’instar du Sénat que je souhaite encore remercier à cet égard.

Sur les 3 points que vous avez évoqués, vous déplorez la baisse du budget ; le Gouvernement aussi.

Vous exprimez la crainte de voir réapparaître la renationalisation ; le Gouvernement également.

Vous écrivez dans la proposition de résolution européenne, ou PPRE, que l’ambition environnementale devait être conditionnée au maintien du budget. C’est, là encore, la position du Gouvernement.

J’y insiste, sur l’ensemble des points que vous évoquez, le Gouvernement français est en parfait accord avec cette PPRE. Si je siégeais à vos côtés, je la voterais volontiers, comme je l’avais fait pour la précédente.

Il est vrai que nous ne vivons pas dans un îlot, que nous ne sommes pas seuls en Europe. Le Gouvernement peut agir sur certains points, et c’est ce qu’il fait ; je vous ai indiqué quelles orientations il suivait.

Mais, en Europe, il faut des majorités. Si la France était seule à décider, le budget de la PAC ne baisserait pas d’un centime et nous pourrions soutenir certaines propositions, comme celle qu’a évoquée M. Montaugé.

Or la France n’est pas seule, pas plus qu’elle n’est isolée. Pour l’instant, sur les 27 États membres, je le redis, seuls 20 sont en phase entre eux. L’objectif de ces pays et le sens du combat que je mène à l’occasion de chaque Conseil des ministres sont de dénoncer le caractère absolument inacceptable de la proposition de la Commission européenne, qui vise à baisser de 3 % le premier pilier de la PAC et de 15 % le second. Le Président de la République l’a également dit lors du Conseil européen devant les chefs d’État et de gouvernement de l’Union, et je l’ai répété plusieurs fois devant le Conseil des ministres.

Il n’est aujourd’hui pas pensable de baisser le premier plier et les aides directes à l’agriculture. Au moment où l’agriculture européenne, notamment française, souffre, il est hors de question de diminuer d’un seul centime ce premier pilier.

Quant au second pilier, il ne doit pas baisser non plus. Si nous voulons travailler sur les sujets du filet de sécurité, du système assurantiel, des ICHN, des zones de montagne et des mesures agroenvironnementales et climatiques, les MAEC, il doit être maintenu.

Or, soyons très clairs : le budget de la PAC va baisser, tout simplement parce que le Royaume-Uni va quitter l’Union européenne. C’est absolument évident ! Dire aujourd’hui que le budget de la PAC ne doit pas diminuer est à la fois un parfait mensonge et une ineptie.

Le travail que nous menons au niveau des États membres, unanimement, c’est tout simplement de dire que, dans le cadre de ce que nous appelons le budget UE-27, c’est-à-dire dans une configuration excluant le Royaume-Uni, il est hors de question que la baisse du budget de la PAC soit supérieure aux 13 milliards d’euros représentant la participation budgétaire du Royaume-Uni. C’est la bataille que nous menons, et elle est absolument indispensable. Si nous tenons pour l’instant, c’est parce que nous disposons, au sein du Conseil des ministres, d’une majorité qualifiée. Il semble que la position de l’Allemagne soit en train d’évoluer ; nous verrons bien ce qu’il en est. D’autres demandes sont par ailleurs exprimées, notamment sur la sécurité, sur les hubs, sur les réfugiés. Encore une fois, nous verrons !

Je puis en tout cas réaffirmer devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, la position de la France : nous soutenons votre PPRE, car elle va exactement dans le sens des orientations suivies par le Gouvernement.

J’en viens aux questions posées par les uns et les autres.

M. Gremillet évoquait une « perte de sens ». Celle-ci peut exister si nous ne savons pas où nous voulons aller. Or, pour ce qui concerne la politique agricole commune, les choses sont très claires. Elle repose sur deux piliers, l’un représentant les aides directes pour le maintien de la compétitivité de l’agriculture, et le second les aides destinées à la transition agroécologique, laquelle ne pourra être accomplie que si ce pilier est suffisamment fort.

Je le réaffirme, s’il est possible d’envisager des ajustements, la France est opposée au basculement des aides d’un pilier à l’autre et, sur ce point, la majorité des États membres partage notre point de vue ; il n’y aura donc pas, je crois, de problème à cet égard.

Mme Gruny, en évoquant les propos du Président de la République, a dit qu’il fallait parler d’une voix qui porte et qui ne tremble pas. Mais je crois que la position de la France est connue ; j’en fais d’ailleurs part lors de chaque Conseil des ministres. Chacun sait en effet – là réside peut-être la différence entre la République fédérale d’Allemagne et la République française – que, pour notre part, nous ne tremblerons pas et que nous garderons jusqu’au bout la même position quant au maintien du budget de la PAC.

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