Intervention de André Gattolin

Réunion du 7 mai 2019 à 14h30
Réforme de la politique agricole commune — Discussion d'une proposition de résolution européenne dans le texte de la commission

Photo de André GattolinAndré Gattolin :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui appelés à nous prononcer sur la troisième proposition de résolution européenne émanant du groupe de suivi sur la PAC, mis en place conjointement en 2016 par la commission des affaires européennes et celle des affaires économiques, dont je salue les rapporteurs. Les deux précédentes PPRE ont été approuvées à l’unanimité par notre assemblée, respectivement en septembre 2017 et en juin 2018.

Cette troisième proposition de résolution survient à un moment très particulier du calendrier.

Nous sommes, en effet, à moins de trois semaines d’un scrutin européen très important, lequel définira les contours politiques du nouveau Parlement européen de Strasbourg qui, lui-même, déterminera les équilibres et les orientations de la future Commission européenne qui prendra officiellement ses fonctions le 1er novembre prochain.

On sait d’ores et déjà que M. Jean-Claude Juncker passera la main puisqu’il n’est pas candidat à sa succession.

On sait aussi que, fort probablement, le Royaume-Uni aura choisi de quitter l’Union européenne à ce moment-là.

La Commission qui achève son mandat, comme toutes celles qui l’ont précédée, a fait l’objet de nombreuses critiques. Si certaines sont justifiées, je veux dire ici qu’il faut néanmoins rendre hommage à bon nombre de décisions et d’engagements pris par cette dernière, notamment au cours des deux dernières années.

Le discours sur l’état de l’Union prononcé en septembre dernier par le président Juncker était particulièrement riche et offensif, insistant sur la nécessité pour l’Union d’affirmer sa souveraineté – on parle ici de souveraineté alimentaire – dans le cadre des valeurs fondatrices qui sont les siennes, à un moment où l’édifice européen est en proie à des menaces à peine voilées, tant à l’intérieur de son périmètre qu’à l’extérieur de celui-ci.

Ce discours n’est pas sans faire écho à celui qui a été porté par le Président de la République française tout au long de sa campagne présidentielle et maintes fois réaffirmé depuis.

Depuis deux ans, la Commission ainsi que les présidences successives du Conseil et les commissions du Parlement européen travaillent ardemment à la préparation du prochain cadre financier pluriannuel 2021-2027, qui fixera les choix budgétaires de l’Union pour la prochaine mandature et même au-delà.

La Commission, en dépit du Brexit qui occupe beaucoup ses services, a voulu aller vite pour tenter d’éviter les affres et parfois la confusion qui avaient régné – on s’en souvient ! – lors de la préparation et de l’adoption in extremis du précédent cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020.

Cette volonté d’anticiper et d’accélérer le processus européen peut avoir ses bons côtés : ainsi, la réactivité accrue de l’Union quant à la production de directives sur des questions stratégiques s’est largement améliorée par rapport à l’enlisement dont elle souffrait parfois dans le passé.

Mais, dans le contexte particulier du prochain cadre financier pluriannuel, l’espoir de la Commission – heureusement déçu ! – de le faire adopter en amont des échéances électorales de cette année avait quelque chose de très gênant d’un point de vue démocratique : en effet, une Commission et un Parlement sortants auraient, purement et simplement, défini par anticipation le cadre budgétaire de toute la mandature à venir, sans que les nouvelles instances concernées par celui-ci aient eu leur mot à dire.

Si nous sommes parvenus à échapper à cette ineptie démocratique, la Commission sortante nous a cependant laissé un testament très directif et qui risque de peser lourd dans les négociations à venir.

À sa décharge, il faut dire que le financement de l’Union européenne repose plus que jamais sur les contributions nationales des États membres, qui, rigueur budgétaire oblige, sont assez malthusiens quant aux moyens à allouer à l’Union et de plus en plus vigilants sur le taux de retour pour leur pays des investissements budgétaires.

En contrepartie, les exigences de nouveaux investissements réclamés par tous dans les domaines de la défense, de la sécurité, de la politique de la recherche et de l’innovation et pour développer Erasmus – j’en passe et des meilleurs ! – conduisent à des arbitrages des plus complexes.

On est aujourd’hui loin des années 1980 et 1990, au cours desquelles les ressources propres dites « classiques » et de TVA représentaient environ 80 % des ressources globales de l’Union, rendant plus facile l’allocation des dépenses pour les différentes politiques communautaires.

Cela n’excuse évidemment pas les coupes importantes proposées par la Commission et soutenues par un certain nombre d’États quant au budget de la PAC pour la période 2021-2027, mais contribue quelque peu à les expliquer.

Certes, il faut adapter et ajuster la PAC aux nouveaux défis de l’époque, comme cela a déjà été fait à de très multiples reprises depuis les années 1980.

Il faut le dire, certaines des propositions de l’actuelle Commission pour le prochain cadre pluriannuel financier sont louables, comme le renforcement des aides aux jeunes agriculteurs, la volonté de consolider l’ambition environnementale et la recherche et l’innovation dans ce secteur, ainsi que la création d’une réserve de crise pluriannuelle.

Mais la baisse du budget global de la PAC pour la période 2021-2027, en particulier des aides au développement rural, telle que proposée par la Commission, n’est pas acceptable pour la France et ne correspond pas au principe fondateur de la PAC à sa création : celle de garantir la souveraineté alimentaire de l’Europe.

La proposition de la Commission de consacrer 10 milliards d’euros, tirés du futur programme Horizon Europe, à la recherche et à l’innovation dans les domaines de l’alimentation, de l’agriculture, du développement rural et de la bioéconomie, contre seulement 3, 8 milliards d’euros dans l’actuel programme Horizon 2020, est certes une bonne chose.

Ce qu’on appelle le smart farming, autrement dit l’agriculture de précision, peut apporter beaucoup à notre agriculture, tant en termes de qualité des produits que d’optimisation de la production, en ayant notamment moins recours aux intrants, qui représentent des charges très chères pour les exploitants.

Mais, il faut le dire, les moyens financiers proposés aujourd’hui par la Commission ne sont pas encore suffisants et, en l’état, ces technologies appliquées à l’agriculture restent encore, pour diverses raisons, dont la formation et la connectivité du monde agricole, assez inaccessibles à près de 80 % de nos agriculteurs.

Pour toutes ces raisons et aussi pour toutes celles qui ont été rappelées par les rapporteurs, le groupe La République En Marche votera en faveur de cette proposition de résolution européenne, qui donnera à notre gouvernement un appui lors les négociations difficiles qui se rouvriront dans les mois prochains à Bruxelles.

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