Intervention de Fabien Gay

Réunion du 7 mai 2019 à 14h30
Réforme de la politique agricole commune — Discussion d'une proposition de résolution européenne dans le texte de la commission

Photo de Fabien GayFabien Gay :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à excuser ma collègue Cécile Cukierman qui devait prendre la parole aujourd’hui, mais qui est retenue dans la Loire.

« Faire mieux avec toujours moins de moyens » : monsieur le ministre, si je devais résumer en une seule phrase la direction prise pour l’avenir de la PAC, ce serait celle-là.

Les négociations actuellement en cours sur la future PAC confirment nos craintes, que nous avions déjà exprimées lors des précédents débats, puisque la Commission européenne fait le choix d’un abandon de toute régulation publique des marchés agricoles et d’une renationalisation de la PAC. Ajoutons à cela une baisse du budget et vous voyez combien l’avenir de cette PAC, pourtant politique européenne historique, est sombre.

Alors, oui, les objectifs annoncés par la Commission européenne sont louables ; sans faire de liste exhaustive, nous pouvons nous féliciter de la volonté annoncée d’assurer un revenu équitable aux agriculteurs, de rééquilibrer les pouvoirs dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire, ou encore d’agir contre le changement climatique. Mais soyons sérieux : comment réaliser tout cela avec un budget amputé de près de 16 % et, surtout, sans instrument de régulation ?

À l’heure où la Commission européenne fait des annonces vertueuses, l’Union multiplie les accords de libre-échange – seize accords sont sur la table –, alors que, comme nous le disons depuis longtemps, il est temps d’en finir avec ce modèle économique de libre-échange. Celui-ci nuit aux agriculteurs comme aux citoyens et, surtout, les conséquences environnementales sont désastreuses.

Pourtant les États généraux de l’alimentation ont montré que l’on a impérativement besoin de construire un nouveau modèle fondé sur la recherche de la qualité et sur la relocalisation de productions créatrices d’emploi. Le CETA va exactement dans le sens opposé des objectifs annoncés… comme une certaine loi Égalim.

Alors, monsieur le ministre, est-ce un discours de façade ou l’expression d’une réelle volonté ? Je laisse à chacun le soin de se faire son avis.

De plus, la Commission européenne a même précisé que « l’aide aux agriculteurs ne doit pas avoir ou peu d’incidences sur les échanges commerciaux pour que l’Union puisse respecter ses obligations […] dans l’accord de l’Organisation mondiale du commerce ». Elle fait donc fi de la question de la rémunération des agriculteurs, de la régulation du fonctionnement des marchés et de la volatilité des cours des produits agricoles.

Pire encore, la réforme à venir ne se prononce pas sur le protectionnisme de certains États et les conséquences du CETA – monsieur le ministre, j’en profite pour vous demander à quelle date aura lieu la ratification, qui devait initialement intervenir en septembre dernier ; peut-être attendez-vous la fin des élections européennes ? – ou des autres traités de libre-échange. La nouvelle PAC ne définit pas de politique européenne en termes d’échanges avec le reste du monde : à défaut de définir des tarifs douaniers ou des règles d’importation des produits agricoles venant d’autres zones du monde, cette PAC s’inscrit dans un marché mondialisé et dérégulé.

Dès lors, je ne peux que me féliciter de la qualité du rapport conjoint de la commission des affaires européennes et de la commission des affaires économiques, qui ne se sont pas trompées. Oui, mes chers collègues, la réforme qui se profile sera un coup fatal porté à notre modèle agricole. Pour la première fois, la PAC va peu à peu être dissoute au profit des politiques agricoles nationales, variant d’un pays à l’autre, tout comme va l’être l’idéal européen, qui était de construire une destinée agricole commune.

Cet abandon se reflète d’ailleurs dans la position de la Commission européenne tout comme dans celle du gouvernement français. Lors des négociations, monsieur le ministre, vous avez mis en avant la nécessité de préserver un budget stable, ce qui est certes impératif, mais vous semblez avoir oublié que les modalités de gestion de la PAC sont tout aussi importantes et déterminantes.

Au travers d’un nouveau mode de gestion censé être moins bureaucratique, c’est l’approche uniforme, jusqu’ici en vigueur, qui est remise en cause, remplacée par des plans stratégiques élaborés par les États membres, puis validés par la Commission.

Chaque pays pourra ainsi définir des objectifs en compétition avec ceux de ses voisins, ce qui introduira de fait un risque de dumping puisque les règles environnementales, mais aussi sociales, peuvent être adaptées.

Dans cette nouvelle PAC, seuls les grandes firmes agroalimentaires et les grands acteurs de la distribution seront en mesure d’avoir des projets à dimension européenne, à grand renfort de rachats et de fusions-acquisitions. À l’opposé, nous prônons une PAC à l’échelle européenne, afin de permettre une transition vers l’agriculture paysanne et le maintien de paysans nombreux sur tous les territoires.

Face au défi climatique et alimentaire, c’est d’une PAC ambitieuse et rénovée que les Européens ont besoin, et cela implique la reconnaissance d’une exception agricole, l’exclusion du secteur agricole des accords de libre-échange et l’indispensable besoin d’une coopération fondée sur des objectifs partagés.

Nous devons sortir la PAC de cette politique productiviste mortifère. À l’inverse, les Français et les Européens dans leur ensemble veulent une agriculture favorisant les circuits courts, permettant une meilleure traçabilité des produits et favorisant de nouvelles formes de distribution.

Ce qu’ils veulent surtout, c’est une redirection des aides vers les exploitations paysannes en faveur de la transition écologique et une sortie du glyphosate et des substances nocives pour la santé.

Pour conclure, les Européens veulent non pas d’une PAC au rabais, mais d’une PAC en faveur de l’emploi paysan et d’une transition vers l’agriculture paysanne, projet qui répond aux attentes sociétales et environnementales de nos agriculteurs et des citoyens. C’est la raison pour laquelle nous voterons cette proposition de résolution.

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