Intervention de Henri Cabanel

Réunion du 7 mai 2019 à 14h30
Réforme de la politique agricole commune — Discussion d'une proposition de résolution européenne dans le texte de la commission

Photo de Henri CabanelHenri Cabanel :

Les territoires ruraux font les frais d’une complexification, mais aussi d’un transfert de gestion de ces dossiers aux régions, alors que celles-ci n’y avaient pas été préparées. À un an de la perte de ce budget, la solution est urgente : simplifier les modalités d’instruction.

Sur la prochaine PAC, tout a été dit. On ne peut se satisfaire d’une baisse de 15 % des crédits par rapport au budget 2014-2020. Sans méconnaître les nouvelles priorités de l’Union européenne, l’agriculture ne doit pas devenir la variable d’ajustement.

Cette diminution est à contre-courant de ce que font les grands pays, comme les États-Unis, la Chine et le Brésil, qui renforcent au contraire les moyens qu’ils consacrent à l’agriculture, bien conscients de son rôle stratégique, sans oublier les logiques d’accaparement des terres dans lesquelles certains s’engagent aussi.

Se profile le défi alimentaire global d’un monde à 9 milliards d’individus d’ici à 2050, auquel l’Union européenne devra prendre toute sa part. Il faut nous y préparer dès aujourd’hui.

Le métier d’agriculteur est un métier d’avenir.

La question des moyens de la PAC est aussi pour chacun des États membres celle du niveau des aides que l’on peut apporter à nos agriculteurs à l’échelon local pour soutenir leurs revenus, ainsi que les transitions qu’ils doivent opérer sur leurs exploitations.

Dans le cadre de la loi Égalim, nous avons beaucoup discuté de la question des revenus, car il n’est plus admissible que les agriculteurs vivent à peine, ou plus du tout, de leur travail et se retrouvent victimes de la guerre des prix de la grande distribution.

Sur ce point, j’en profite pour saluer les avancées du projet de directive sur les pratiques commerciales déloyales, qui accentuera ce que l’on a pu déjà faire au niveau national.

Pour revenir à la PAC, je note avec satisfaction un meilleur ciblage des aides au sein de la nouvelle architecture des paiements.

En parallèle, il faut mettre en place un système très opérant de gestion des crises, ce qui implique de reconquérir les esprits au niveau européen pour que le mot « régulation » ne soit pas tabou. On se souvient de l’attentisme des institutions européennes lors de la crise du lait en 2015.

Par ailleurs, la PAC n’a de sens que si elle garantit aussi pour ses agriculteurs un cadre intra-européen de concurrence loyale.

À cet égard, la proposition de résolution insiste sur le principal écueil du nouveau mode de mise en œuvre de la PAC, qui instaure davantage de subsidiarité.

Mais la Commission est-elle prête à revoir sa copie pour éviter que ne s’instaure un dumping social ou normatif, lequel serait notamment défavorable aux exploitants qui s’engagent dans la transition agroécologique ?

J’en viens au dernier point important de la réforme : le relèvement notable des ambitions environnementales. Je suis très attaché à ce volet, sous réserve que soit respectée l’équité entre États membres.

On pourrait, par exemple, inscrire les PSE comme objectif commun.

La proposition de résolution en faveur de la création de paiements pour services environnementaux va dans ce sens. Je l’ai cosignée avec mes collègues Franck Montaugé et Jean-Claude Tissot, mais cette proposition est également soutenue par Joël Labbé, qui a d’ailleurs organisé un colloque au Sénat pour la mettre en avant.

Ce serait un juste retour des choses, pour tout ce qu’apportent à la collectivité les milliers de femmes et d’hommes qui s’investissent au quotidien dans leurs exploitations. À l’heure de l’agribashing, au lieu de stigmatiser nos paysans, il faut soutenir ceux qui ont opté pour des modes de production vertueux.

Les conclusions du rapport 2019 de l’IPBES sur la perte de la biodiversité nous obligent à une responsabilité commune, notamment dans le cadre d’une politique européenne d’agriculture durable que nous devons coconstruire avec tous les États membres. Car, aujourd’hui, nous sommes devenus concurrents, alors que la véritable menace économique vient de l’extérieur.

J’ai été récemment choqué par un reportage, diffusé le 1er mai dernier, qui montrait des agriculteurs espagnols obligés de tronçonner leurs arbres face la commercialisation d’oranges provenant d’Australie ou de Nouvelle-Zélande.

Nous sommes tous concernés et nous devrions être tous solidaires face à l’iniquité des charges sociales et des cahiers des charges concernant les modes de production, en adoptant une réelle politique commune qui lisse déjà en interne les obligations de chacun.

Enfin, je pense vraiment qu’il faut exclure les produits alimentaires des accords de libre-échange, car on ne peut absolument pas garantir une transparence sur ces produits à l’heure actuelle.

En attendant ces avancées, le RDSE approuvera la proposition de résolution européenne sur la prochaine réforme de la PAC, que nous souhaitons, d’un mot, plus ambitieuse.

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