Intervention de Gisèle Jourda

Réunion du 7 mai 2019 à 14h30
Réforme de la politique agricole commune — Suite de la discussion et adoption d'une proposition de résolution européenne dans le texte de la commission

Photo de Gisèle JourdaGisèle Jourda :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’instar des auteurs de cette proposition de résolution européenne, qui a d’ailleurs le soutien du groupe socialiste, nous sommes nombreux à souhaiter une politique agricole renouvelée dans son projet et ses instruments, une PAC ambitieuse, malgré la perspective du Brexit, qui complique les choses. Nous voulons une PAC impulsée par le Gouvernement, au service des agriculteurs et des biens communs européens. Cela exige notamment une contribution au développement des territoires fragiles dans l’Hexagone et outre-mer.

Je n’évoquerai pas aujourd’hui le rôle de l’Europe, mais la méthode du Gouvernement.

Au cours des derniers mois, les sénateurs, les maires, les conseillers départementaux et les députés européens ont cherché inlassablement à connaître le détail de la cartographie des zones soumises à contraintes naturelles et des zones soumises à contraintes spécifiques. En vain ! Puis cette carte est apparue au détour d’une réunion du Conseil national d’évaluation des normes, qui se tenait au Sénat. Est-ce normal ? Non, je ne le crois pas !

La carte en main, nous avons cherché à en connaître les données pédologiques ou biophysiques et les critères sélectifs ayant permis d’y faire entrer un grand nombre de communes, mais aussi d’en sortir brutalement de nombreuses autres, comme c’est le cas dans mon département de l’Aude et dans celui du Gers. Las, ni vous, ni moi, ni même la Commission européenne, ne sommes en mesure d’obtenir les critères ayant permis à ce gouvernement de faire des choix aux conséquences vitales pour nos agriculteurs et nos communes.

Quelles sont les données dont nous disposons aujourd’hui ? Pour les zones soumises à contraintes naturelles, c’est l’utilisation des données anciennes qui a prévalu. Pour l’exercice d’affinement économique qui aurait pu permettre de lisser la carte, vous avez choisi l’échelle des petites régions agricoles, échelle datant de 1946. Quelle logique ! Aujourd’hui, les PRA sont un ensemble économiquement hétérogène, notamment dans le Gers, et une cartographie basée sur de telles données est immanquablement discriminatoire. Je pourrais aussi vous parler du recours au recensement agricole et du calcul de la surface agricole utile, mais je ne dispose que de cinq minutes pour mon intervention.

Pour les zones soumises à contraintes spécifiques, pour lesquelles vous disposiez d’une marge de manœuvre plus large, le critère du maintien de l’activité touristique a été omis, ce qui est regrettable.

Comme une résolution européenne du Sénat dont je suis l’autrice vous y invitait, vous pouviez utiliser le critère de continuité territoriale pour intégrer dans le zonage à contraintes spécifiques des territoires plus étendus, et non uniquement des communes isolées, territoires qui se trouvaient jusqu’ici exclus de la cartographie des zones défavorisées simples. Ce choix était à votre discrétion, mais vous ne l’avez pas retenu. Pourquoi ?

Venons-en aux conséquences de telles décisions. Elles sont économiquement et socialement dramatiques, pour les agricultrices et les agriculteurs et pour les exploitations les plus fragiles, dont bon nombre seront amenées à disparaître, ce qui amplifiera encore la désertification rurale.

Monsieur le ministre, derrière un point sur la carte se dessinent de véritables drames humains. Quand cesserez-vous de les ignorer ? Que va-t-il advenir face à l’appauvrissement de ces territoires ? Je pense aux élus de la Piège, dans l’Aude, qui, à l’annonce de l’exclusion de leurs communes de la cartographie, ont placé, à l’entrée de leurs agglomérations, des écriteaux « Village à vendre ». L’incompréhension des éleveurs et des jeunes agriculteurs est d’autant plus forte qu’ils se sont investis pour obtenir leur statut, moderniser leurs exploitations et opérer leur conversion, pour nombre d’entre eux, à l’agriculture biologique.

Monsieur le ministre, où sont ces données ? Pourquoi refuser de les communiquer ? La justice administrative a été saisie. Le ministère a donné des informations a minima, quand il a bien voulu donner les bonnes ! C’est insuffisant ! S’agit-il d’éviter les recours devant le tribunal administratif ?

Vous l’avez dit, le Gouvernement a prévu d’accompagner les territoires et les agriculteurs qui sortiront du zonage à partir de 2019, sur une période de transition de deux ans, pour lisser les effets de la réforme. Et après, plus rien ?

La sortie de la cartographie des zones défavorisées implique pour les producteurs agricoles la caducité des agréments sanitaires nécessaires pour la vente des produits issus de circuits courts au-delà d’une distance de 80 kilomètres.

Par ailleurs, la sortie du zonage entraînera de lourdes conséquences financières pour les jeunes agriculteurs, qui perdront alors la bonification de leur aide à l’installation.

La question de l’ICHN, inhérente à la prise en compte des inégalités territoriales, dont l’hyper-ruralité souffre tout particulièrement, justifie une action résolue des pouvoirs publics français. Les difficultés que je viens de soulever vont à l’encontre de l’action cohérente dont nos territoires ont besoin, dans la PAC présente et celle à bâtir.

Monsieur le ministre, même si les habitants de l’Aude ne peuvent pas vous dire merci, ils comptent sur vous pour ce qui concerne le devenir de la PAC.

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