Intervention de Jean-Claude Tissot

Réunion du 7 mai 2019 à 14h30
Réforme de la politique agricole commune — Suite de la discussion et adoption d'une proposition de résolution européenne dans le texte de la commission

Photo de Jean-Claude TissotJean-Claude Tissot :

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, le rapport de l’ONU sur la biodiversité rendu public hier, et ce matin dans les journaux, donne à nos travaux de cet après-midi un éclairage tout à fait particulier. Un million d’espèces animales et végétales sont menacées d’extinction, soit une espèce sur huit ! C’est le résultat direct de l’activité humaine. Tenant ce discours, je précise, à l’attention de Mme Primas, que je ne suis pas un marchand de peurs. Je me permets simplement de reprendre un constat.

Notre écosystème planétaire, condition non négociable de la survie de l’humanité, est à terme menacé si nous n’engageons pas un « changement profond » de nos modèles de production et de consommation. Nos modèles de production agricoles ne sont pas étrangers à ce dangereux déclin de la nature. Un seul exemple : les engrais qui se déversent sur les côtes ont produit plus de 400 « zones mortes » dans les océans, ce qui correspond à une surface grande comme le Royaume-Uni.

Dans un tel contexte, les grandes orientations de la future PAC apparaissent – pardonnez-moi l’expression – complètement à côté de la plaque. Nous ne pouvons pas nous satisfaire, pour cette grande politique intégrée de l’Union européenne, du simple replâtrage administratif qui nous est proposé. De ce point de vue, je ferai miens les mots de notre collègue eurodéputé Éric Andrieu : « La PAC a besoin d’une révolution et non d’un statu quo jusqu’en 2025. »

Cette révolution doit permettre de répondre aux grands enjeux qui sont face à nous : la protection de l’environnement, mais aussi le changement climatique, la santé humaine, la crise agricole actuelle. Les réponses à ces défis ne peuvent plus s’inscrire dans la continuité de celles apportées depuis 1992 ; autrement dit, elles ne sauraient continuer à favoriser une agriculture productiviste au service de l’agroindustrie.

Nous payons tous, collectivement, les externalités négatives de ce système agroindustriel en payant pour la dépollution de l’air ou de l’eau, sans parler de la facture pour notre santé. Si le coût de la PAC représente 0, 5 % du PIB européen, le coût des dépenses de santé s’élève à 10 % du même PIB. Le lien entre alimentation et santé n’est plus à démontrer : pesticides, perturbateurs endocriniens, montée de l’obésité…

Cette révolution pourrait se matérialiser dans le nom même de la PAC, via l’ajout d’un second « A », pour « alimentation ». Elle devrait se concrétiser à travers des aides publiques permettant une montée en gamme des productions agricoles et une transformation des modèles agricoles, cela afin de redonner un revenu décent aux paysans et de produire une alimentation plus saine, assortie d’un meilleur bilan carbone, dans des conditions respectant davantage l’environnement et le bien-être animal.

Mais tout cela ne peut être fait sans une véritable ambition de la part de l’Union européenne. À cet égard, la baisse du budget de la PAC, qui va bien au-delà des effets mécaniques du Brexit, est plus qu’alarmante.

Au commissaire à l’agriculture, Phil Hogan, qui demandait comment nous justifierions un besoin accru de fonds pour la PAC, je répondrai simplement : si 2 % seulement des Européens sont des agriculteurs, 100 % des Européens ont besoin de l’agriculture pour vivre !

La proposition de résolution que nous examinons aujourd’hui, qui rappelle les préconisations de nos deux précédentes résolutions, balaye bien le champ de ces différents enjeux et des réponses qu’il faut y apporter. C’est pourquoi notre groupe lui apporte son plein soutien.

Monsieur le ministre, le Gouvernement entendra-t-il ce nouvel appel du Sénat à une autre ambition pour la politique agricole commune et renouera-t-il avec le volontarisme dont la France avait fait montre pour la soutenir dans les années précédentes ?

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