Un autre constat est que l'hétérogénéité des situations se traduit par une grande diversité des expériences vécues par les établissements publics parties aux GHT.
D'après les acteurs que nous avons entendus, il n'y a pas, au stade où nous en sommes, de leçon homogène à tirer de la mise en place des GHT.
Certains avancent très bien, souvent issus de coopérations plus anciennes ; d'autres commencent à structurer des filières ; une minorité éprouve encore des difficultés à concrétiser leurs voeux de coopération.
Certaines difficultés tiennent à des périmètres inadaptés : des GHT sont trop gros, d'autres trop petits. C'est là aussi un enjeu pour la prise en charge des patients, confrontés à des problèmes évidents de transport quand la distance entre établissements d'un même GHT dépasse dans certains cas 150 km.
Alors que le projet de loi « santé » prévoit d'aller plus loin dans l'intégration, certains plaident pour des redécoupages plus cohérents ; mais il nous semble qu'une remise à plat globale interviendrait trop tard pour des établissements qui ont déjà dû s'organiser. Une évaluation par territoire et des ajustements au cas par cas, selon des modalités plus souples, paraissent plus réalistes.
Dans ce contexte, on peut aussi se demander s'il est opportun d'imposer des schémas homogènes pour tous, ou s'il ne serait pas plus pertinent d'accompagner les dynamiques locales.
De ce point de vue, si les GHT présentent, c'est incontestable, un intérêt réel pour organiser des filières de soins graduées et développer la notion d'équipes médicales de territoire avec la mise à disposition des ressources de l'établissement support auprès des autres sites, la réalité perçue est souvent celle d'une captation ou d'un siphonnage des ressources par l'établissement support.
Certains petits établissements périphériques craignent une centralisation de plus en plus forte, qui pourrait déboucher sur une vision assez administrative de l'organisation de la santé et se traduit déjà par des contraintes administratives plus lourdes, par exemple pour organiser les achats. Ces craintes sont légitimes dans un contexte de mutation, mais il faut savoir les entendre avant d'engager de nouvelles évolutions.
Les GHT ont-ils enfin permis de développer les relations avec la médecine de ville ? De nombreux GHT ont fait de cet objectif un axe de leur projet. Toutefois, les relations sont naissantes et le bilan apparaît encore, là aussi, inégal. Le déploiement des CPTS est attendu comme un moyen de faciliter ces échanges, mais les efforts devront également venir du monde hospitalier.
Un élément indispensable à cette coopération sera en outre le développement d'outils numériques interopérables pour permettre le nécessaire partage d'informations entre la ville et l'hôpital.
Telles sont les observations et pistes de réflexion que nous souhaitions partager avec vous à l'issue de nos travaux.
Si le besoin de structuration de l'offre de soins est prégnant, nous voyons bien l'équilibre délicat à trouver entre les aspirations à la souplesse des acteurs de terrain, hostiles à tout carcan, et la nécessité d'impulser des évolutions pour changer les pratiques et mentalités.
Notre évaluation, et les débats à venir autour du projet de loi « santé », interviennent à un stade où des dynamiques se mettent en place. Les situations sur le terrain traduisent une grande diversité dans la façon dont les acteurs se saisissent - ou pas - de ces outils.
Notre commission aura intérêt à renouveler ce suivi sur des enjeux à bien des égards prioritaires pour organiser l'accès aux soins dans nos territoires.