Mes chers collègues, nous entendons ce matin une communication de nos collègues Yves Daudigny, Catherine Deroche et Véronique Guillotin sur l'organisation territoriale de santé, à la suite de leurs travaux conduits dans le cadre de la Mecss.
Je voudrais remercier à nouveau notre collègue Jean-Noël Cardoux, président de la Mecss, d'avoir inscrit ce sujet à son programme de travail pour cette session.
Un nouveau texte sur la santé nous était en effet annoncé, qui s'appuie très largement sur des outils d'organisation territoriale renforcés - et rebaptisés - par la loi santé de janvier 2016 sans que le Parlement se soit penché au préalable sur l'évaluation de ces dispositifs.
C'était l'objectif de ces travaux de tenter une première évaluation afin d'éclairer nos travaux pour la suite. Je donne donc la parole à nos rapporteurs.
Monsieur le Président, Mes chers collègues, la Mecss nous a confié, en début d'année, une mission sur l'organisation territoriale de la santé. Nous avons jugé utile de vous présenter nos conclusions en amont de l'examen du projet de loi « santé » afin que le fruit de nos travaux serve à alimenter notre réflexion collective sur ce texte.
Le champ du sujet était potentiellement très large. Dans un souci d'efficacité, nous avons ciblé notre analyse sur les outils et dispositifs destinés à organiser la coordination entre les acteurs au niveau des territoires issus des derniers textes législatifs.
Ces outils, remaniés ou créés par la loi de modernisation de notre système de santé de janvier 2016, sont principalement : dans le domaine des soins de ville, les équipes de soins primaires et les communautés professionnelles territoriales de santé, ainsi que les plateformes territoriales d'appui ; s'agissant des soins hospitaliers, les groupements hospitaliers de territoires.
Le projet de loi dont nous allons débattre, dans le prolongement du plan gouvernemental « Ma Santé 2022 », fait de ces outils des piliers de la « transformation » souhaitée de notre système de santé. Dans ce contexte, notre objectif est de faire un premier bilan, le plus concret possible, de ce qu'apportent ces dispositifs sur le terrain, de la façon dont les acteurs se les approprient, des difficultés ou limites que l'on peut relever à ce stade - en sachant que le recul que nous avons est encore souvent limité.
Il faut souligner que les outils dont nous parlons ne sont pas partis de rien : ils se sont substitués à ceux mis en place par la loi HPST de 2009 - « pôles de santé » ou « communautés hospitalières de territoires » - ou à d'autres qui préexistaient, comme les groupements de professionnels de santé. De nombreuses CPTS se sont par ailleurs formées à partir d'une maison de santé préexistante.
En outre, les professionnels de santé se sont toujours, dans une mesure certes variable, coordonnés entre eux, avec ou sans formalisation juridique. À cet égard, la notion d'exercice « isolé » auquel les évolutions en cours entendent mettre fin constitue assez largement un mythe.
Quoi qu'il en soit, l'inscription dans un exercice coordonné étant, de l'avis unanime des personnes que nous avons rencontrées, un argument décisif pour l'installation des nouvelles générations de professionnels, il ne fait guère de doute que nous avons tout intérêt à développer ce type d'organisation.
Or, le diagnostic de départ fait malheureusement l'objet d'un large consensus : comme nous le répétons dans chacun de nos travaux, notre offre de soins est fragmentée et cloisonnée. Pour beaucoup de personnes entendues, les politiques en matière de santé ont pour travers commun de penser d'abord aux dispositifs ou aux structures, souvent de manière centralisée, avant de partir des besoins des patients et de faire confiance aux professionnels pour trouver des initiatives adaptées à chaque territoire.
Il existe ainsi un décalage paradoxal entre le besoin ressenti de coopération, la pléthore d'outils juridiques existant « sur le papier », et le manque de réponses apportées pour aider concrètement les acteurs à construire une vraie coopération au service d'un territoire.
Si les choses évoluent, et c'est heureux, grâce à des projets de territoire innovants et structurants et à des dynamiques professionnelles, il reste encore du chemin à parcourir.
S'agissant tout d'abord des soins de ville, trois outils ont été mis en place par la loi « santé » de 2016.
Les deux premiers, les équipes de soins primaires (ESP) et les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), sont des formes d'organisation ouvertes aux professionnels de santé volontaires dans le but de créer des équipes de professionnels libéraux « hors les murs ».
Les CPTS ont un champ plus large que les ESP constituées autour des médecins généralistes, puisqu'elles s'adressent aux professionnels de santé du premier comme du second recours ainsi qu'aux acteurs du secteur médico-social.
Il s'agit de les inciter à se coordonner dans un cadre associatif, en dehors d'une structure commune de type maison de santé. Bien que cela ne soit pas précisé par la lettre de la loi, des établissements de santé peuvent également être associés, comme nous avons pu le constater avec l'hôpital Jean Verdier de Bondy.
Cette forme d'organisation est particulièrement utile à la prise en charge des patients complexes, pour lesquels doivent être mobilisées des ressources à la fois médicales et sociales. Il s'agit notamment de personnes âgées souffrant de pathologies lourdes, multiples ou chroniques, et suivies par de nombreux intervenants.
Dans la plupart des cas, les personnes qui interviennent au nom de la CPTS, les coordonnateurs, ne réalisent pas de soins mais font le lien entre les besoins des patients et les professionnels de santé ou structures concernés.
La CPTS de Paris XIII se conçoit ainsi, selon ses responsables, comme un « chef d'orchestre » permettant d'organiser l'action des professionnels de santé pour le suivi des patients sur le temps long, et de prendre en charge des problèmes plus ponctuels comme l'organisation d'une sortie d'hospitalisation.
Ces coordonnateurs présentent des profils variés : souvent professionnels de santé eux-mêmes, ils peuvent également être issus de formations spécifiques en management de la santé.
Dans l'attente de financements par l'assurance maladie - nous y reviendrons -, les CPTS peuvent bénéficier de financements par les ARS, à des niveaux variables, dans le cadre du fonds d'intervention régional (FIR). Certaines ARS accompagnent la phase d'amorçage des projets en prenant en charge des missions de conseil. Les montants versés permettent ensuite principalement de rémunérer des postes de coordination. Pour une CPTS « mature » constituée dans la région de Beaune, ils atteignent 750 000 euros pour une équipe composée de six postes d'infirmières coordinatrices, une secrétaire, un psychologue et un ergothérapeute. À Paris XIII, 173 000 euros sont alloués chaque année pour deux postes de coordination ainsi qu'une partie du temps passé par le médecin généraliste à l'origine du projet. Pour le moment, les fonds alloués sont déterminés annuellement par chaque ARS.
Les CPTS constituées sont de taille très variable. À Tours, l'une d'entre elles couvre ainsi plus de 350 000 habitants - ce qui peut susciter une certaine perplexité quant à la réelle capacité des acteurs concernés à se rencontrer et à se parler. À l'inverse, certains territoires à la faible densité de population sont maillés par plusieurs CPTS.
Les équipes de soins primaires, organisées dans le seul cadre du premier recours et centrées sur les médecins généralistes, sont également des outils de coopération, conçus comme complémentaires des CPTS. Tandis qu'elles visent à la prise en charge d'une patientèle, les CPTS tendent à organiser et structurer une action sanitaire territoriale plus large. Les ESP peuvent d'ailleurs intégrer les CPTS, comme nous l'avons constaté en Meuse. Pour le moment, aucun financement n'est ouvert aux ESP dans le cadre du FIR.
Cela explique peut-être que les deux formules n'ont pas connu le même succès. Tandis que 61 CPTS fonctionnent de manière « mature », et que 224 projets au total ont été identifiés par les ARS, seules 13 ESP sont aujourd'hui effectivement installées sur l'ensemble du territoire, et 38 sont en phase de construction. Surtout, c'est à l'avenir autour des CPTS que le Gouvernement entend orienter sa politique de structuration des soins de ville.
Il semble par ailleurs que les ESP peinent encore à trouver leur modèle. Outre qu'elles ne sont pour l'heure pas financées, le caractère très « médico-centré » de ces structures a été pointé par certains paramédicaux, désireux d'être plus investis dans la structuration des prises en charge de premier recours.
Au cours de nos travaux, nous avons rencontré les instigateurs de plusieurs CPTS qui se sont constituées et fonctionnent avec succès.
La CPTS de Paris XIII a ainsi permis de réorganiser des visites à domicile pour les patients qui ne peuvent faire autrement. Une CPTS fonctionnant dans la région de Beaune a pu mettre en place des actions de prévention et d'éducation thérapeutique, ainsi qu'un accueil de jeunes professionnels de santé. En Meuse, la création de plusieurs ESP et CPTS permet de pallier les conséquences de la désertification médicale et d'insuffler une nouvelle dynamique sur le territoire.
La réussite de ces initiatives tient toujours à la force de volonté et à la ténacité de leurs instigateurs, dont il faut saluer l'engagement - mais aussi au soutien apporté par les équipes locales d'une ARS. Sous l'impulsion qualifiée de « décisive » de l'ARS, plus de 20 CPTS ont ainsi vu le jour en Centre-Val de Loire.
Ces réussites ne doivent cependant pas masquer les difficultés et les obstacles rencontrés par d'autres professionnels pour s'insérer dans de telles structures. Il apparaît d'abord difficile, dans un certain nombre de cas, de mobiliser les médecins spécialistes. L'instabilité juridique autour des dispositifs de coordination et des financements associés peut ensuite légitimement susciter la tiédeur des professionnels, peu enclins à s'engager dans des organisations chronophages dont la pérennité n'est pas garantie.
Nous avons enfin relevé deux reproches opposés formulés à l'encontre des CPTS : tandis que certains craignent de se voir peu à peu contraints d'intégrer un cadre de coopération générique et rigide, d'autres soulignent au contraire le caractère flou de cet outil, qui ne comporte pas de cahier des charges précis.
Il nous semblerait à ce titre utile que les différentes ARS mettent à disposition un recueil de bonnes pratiques recensant le « mode opératoire » des CPTS qui fonctionnent aujourd'hui avec succès.
Un point, en tous cas, fait consensus : celui de l'absolue nécessité de conserver un cadre juridique souple à la main des professionnels, qui leur permette de s'en saisir sur une base volontaire et avec les marges suffisantes pour l'adapter aux besoins de leur territoire. Pour la plupart des acteurs rencontrés, il ne semble pas opportun à ce stade de figer dans la loi un cahier des charges commun à l'ensemble des CPTS. Leurs missions peuvent en effet varier selon les besoins de tel ou tel territoire.
Gardons par ailleurs à l'esprit que le calendrier du projet de loi se superpose avec celui de la négociation conventionnelle qui se déroule actuellement sur l'exercice coordonné des professionnels de santé. Celle-ci aborde notamment la question des missions socles des CPTS et, surtout, de la mise en place d'un mode de financement pérenne de ces structures ainsi que des ESP.
A côté de ces modes d'organisation existent différents dispositifs d'appui à la coordination des professionnels de santé. Nous connaissons déjà les Maia et les Clic ; la principale nouveauté issue de la loi de 2016 réside dans la mise en place des plateformes territoriales d'appui (PTA) à l'échelon départemental.
Ces PTA sont des regroupements de coordonnateurs visant à offrir une prestation de service à destination des professionnels et des familles.
Ils peuvent être activés pour la gestion de situations que les professionnels de santé ne peuvent traiter par eux-mêmes, comme l'organisation de visites à domicile ou de portages de repas pour certains patients vulnérables.
L'enchevêtrement de ces dispositifs d'appui, qui fonctionnent à une échelle territoriale souvent différente de celle des CPTS, entretient un sentiment de confusion bien compréhensible des professionnels de santé. En outre, alors que les CPTS et les PTA poursuivent le même objectif de coordination, leur articulation sur le terrain apparaît largement perfectible. Afin d'offrir davantage de visibilité aux professionnels, deux directions nous paraissent pouvoir être envisagées.
Certains de nos interlocuteurs se sont prononcés en faveur d'une fusion des différents dispositifs d'appui. Plusieurs territoires se sont déjà engagés dans cette démarche ; la CPTS de Paris XIII, par exemple, a fusionné les Maia et Clic, ainsi que d'autres structures de coordination locales, en une instance unique.
Une autre proposition pourrait être de faire des PTA des outils véritablement à la main des CPTS et de revoir leur maillage territorial en ce sens. Confier le pilotage des PTA aux CPTS elles-mêmes permettrait à ces dispositifs d'appui d'effectuer les prestations de coordination dont les professionnels ont le plus besoin.
Quelle que soit la solution retenue, il nous paraît essentiel de développer l'idée d'un guichet unique de coordination permettant aux professionnels comme aux familles de mobiliser l'ensemble des ressources médicales et médico-sociales pertinentes.
Concernant l'organisation des soins hospitaliers, nous avons fait un focus sur les groupements hospitaliers de territoires.
La loi « Touraine » de 2016 a rendu obligatoire l'adhésion des établissements publics de santé à l'un de ces groupements ; ils se sont substitués aux « communautés hospitalières de territoire » que la loi « HPST » de 2009 avait inscrites dans une démarche de volontariat.
La vocation territoriale de ces groupements était d'emblée affichée : pour l'exposé des motifs, il s'agissait alors de « conduire les établissements publics de santé d'un même territoire à se coordonner autour d'une stratégie de prise en charge partagée ».
Avant de confronter cette ambition à la réalité des perceptions, je vous rappellerai quelques données :
- 135 GHT ont été créés en juillet 2016 ; ils sont aujourd'hui au nombre de 136, le dernier né étant celui de Guyane en janvier 2019 ; peu d'établissements publics restent en dehors du chemin : seuls 19 d'entre eux, principalement des centres hospitaliers spécialisés, sont encore en situation dérogatoire ;
- le constat évident est celui d'une très grande hétérogénéité. Quelques chiffres suffisent à l'illustrer : les GHT comptent entre 2 et 20 établissements parties (près de la moitié d'entre eux se situent dans la fourchette 4-8) ; ils couvrent des territoires qui vont de 100 000 à 2,5 millions d'habitants ; leurs budgets s'échelonnent de 100 millions à plus de 2 milliards d'euros et les effectifs de personnels s'inscrivent de même dans un rapport de 1 à 20.
D'un point de vue plus qualitatif, quel bilan peut-on poser ?
Une première observation est celle d'une ambition territoriale, traduite dans la terminologie, quelque peu galvaudée ou à tout le moins inégale dans les faits.
Les GHT ont été dès le départ conçus comme un outil au service d'une réorganisation de l'hôpital public. Les partenariats noués avec les autres établissements du territoire sont demeurés en pratique limités : d'après les chiffres du ministère, 20 % des GHT ont établi des coopérations avec des structures privées, mentionnées dans leur projet médical partagé.
Le ressenti des acteurs est celui d'un projet médical « dit » partagé, mais perçu comme déconnecté des autres acteurs du territoire.
D'après leurs fédérations, les établissements privés, d'hospitalisation à domicile ou les centres de lutte contre le cancer ont été souvent laissés en marge. Peu de coopérations se sont nouées. Dans les zones rurales ou avec les « petits » GHT, les choses se sont parfois mieux passées ; mais les portes sont restées souvent fermées quand l'établissement support du GHT est un CHU.
Cela conduit certains à demander à clarifier la vocation même des GHT.
Sont-ils là pour permettre à l'hôpital public de se restructurer, par la mutualisation de fonctions et la création de synergies entre établissements ? Évidemment. Comme cela nous a été dit dans la Meuse, la constitution des GHT a au moins eu le mérite de conduire des équipes à se parler ! Doivent-ils tendre vers une dimension plus large d'organisation des soins hospitaliers du territoire ? C'est plus discutable. Il serait en tout cas plus juste de parler dans ce cas de groupements hospitaliers publics dans un territoire plutôt que de groupements hospitaliers de territoire.
Ce changement de vocabulaire serait une clarification mais il faut aussi veiller à ne pas accentuer les concurrences public/privé, alors que nous avons besoin de valoriser les complémentarités.
Un autre constat est que l'hétérogénéité des situations se traduit par une grande diversité des expériences vécues par les établissements publics parties aux GHT.
D'après les acteurs que nous avons entendus, il n'y a pas, au stade où nous en sommes, de leçon homogène à tirer de la mise en place des GHT.
Certains avancent très bien, souvent issus de coopérations plus anciennes ; d'autres commencent à structurer des filières ; une minorité éprouve encore des difficultés à concrétiser leurs voeux de coopération.
Certaines difficultés tiennent à des périmètres inadaptés : des GHT sont trop gros, d'autres trop petits. C'est là aussi un enjeu pour la prise en charge des patients, confrontés à des problèmes évidents de transport quand la distance entre établissements d'un même GHT dépasse dans certains cas 150 km.
Alors que le projet de loi « santé » prévoit d'aller plus loin dans l'intégration, certains plaident pour des redécoupages plus cohérents ; mais il nous semble qu'une remise à plat globale interviendrait trop tard pour des établissements qui ont déjà dû s'organiser. Une évaluation par territoire et des ajustements au cas par cas, selon des modalités plus souples, paraissent plus réalistes.
Dans ce contexte, on peut aussi se demander s'il est opportun d'imposer des schémas homogènes pour tous, ou s'il ne serait pas plus pertinent d'accompagner les dynamiques locales.
De ce point de vue, si les GHT présentent, c'est incontestable, un intérêt réel pour organiser des filières de soins graduées et développer la notion d'équipes médicales de territoire avec la mise à disposition des ressources de l'établissement support auprès des autres sites, la réalité perçue est souvent celle d'une captation ou d'un siphonnage des ressources par l'établissement support.
Certains petits établissements périphériques craignent une centralisation de plus en plus forte, qui pourrait déboucher sur une vision assez administrative de l'organisation de la santé et se traduit déjà par des contraintes administratives plus lourdes, par exemple pour organiser les achats. Ces craintes sont légitimes dans un contexte de mutation, mais il faut savoir les entendre avant d'engager de nouvelles évolutions.
Les GHT ont-ils enfin permis de développer les relations avec la médecine de ville ? De nombreux GHT ont fait de cet objectif un axe de leur projet. Toutefois, les relations sont naissantes et le bilan apparaît encore, là aussi, inégal. Le déploiement des CPTS est attendu comme un moyen de faciliter ces échanges, mais les efforts devront également venir du monde hospitalier.
Un élément indispensable à cette coopération sera en outre le développement d'outils numériques interopérables pour permettre le nécessaire partage d'informations entre la ville et l'hôpital.
Telles sont les observations et pistes de réflexion que nous souhaitions partager avec vous à l'issue de nos travaux.
Si le besoin de structuration de l'offre de soins est prégnant, nous voyons bien l'équilibre délicat à trouver entre les aspirations à la souplesse des acteurs de terrain, hostiles à tout carcan, et la nécessité d'impulser des évolutions pour changer les pratiques et mentalités.
Notre évaluation, et les débats à venir autour du projet de loi « santé », interviennent à un stade où des dynamiques se mettent en place. Les situations sur le terrain traduisent une grande diversité dans la façon dont les acteurs se saisissent - ou pas - de ces outils.
Notre commission aura intérêt à renouveler ce suivi sur des enjeux à bien des égards prioritaires pour organiser l'accès aux soins dans nos territoires.
Pour compléter notre intervention, nous avons mis à votre disposition deux schémas, l'un sur les CPTS, l'autre sur les GHT.
Nous remercions nos trois collègues. Votre coordination montre qu'au Sénat, on sait travailler ensemble.
Je n'ai pas grand-chose à ajouter, si ce n'est remercier les rapporteurs pour leur travail, sur un sujet complexe. Entre l'enjeu de la répartition territoriale et les initiatives personnelles, on constate que parfois les dispositifs fonctionnent et parfois pas. Comment jugez-vous, dans cette organisation territoriale de la santé, l'efficacité des ARS ? Lorsque je siégeais dans une ARS, j'étais ravi quand c'était fini ! Il y avait des conflits et des règlements de comptes entre médecins. Les ARS répondent-elles aux objectifs qui leur ont été assignés ?
Je souhaite remercier nos collègues. Leur communication arrive à point nommé. La situation me semble comparable à celle des débuts des intercommunalités. Les différents acteurs sont difficilement identifiables et le fonctionnement dépend beaucoup des acteurs locaux. On voit que certains outils vont prendre le dessus sur les autres donc il est vraiment utile de clarifier les choses. Dans le cas des intercommunalités, on élabore des schémas, on peut aussi constituer des syndicats. Il y a donc un parallélisme. On peut certes passer par des moments des troubles sur le terrain mais beaucoup sont volontaires pour mobiliser les professionnels de santé.
Sur les GHT, si les choses n'ont pas été construites au niveau du lien entre la ville et l'hôpital, c'est qu'il n'y avait pas d'outils pour le faire. Les CPTS vont permettre ce lien et ce travail en commun, donc c'est un outil intéressant et à promouvoir.
Sur les CPTS, il faut quand même laisser de la liberté aux professionnels de santé, sinon ça ne marchera pas.
En écoutant nos rapporteurs, on entend un nombre considérable de sigles : on se demande parfois si l'on vit dans le même monde que les acteurs du terrain. Si l'on chiffre l'argent mis par les différents financeurs, il est significatif : ARS, FIR, Clic. Avec l'expérience territoriale d'un certain nombre d'entre nous, nous avons vu la concurrence entre Maia et Clic. Il a fallu convaincre les ARS que des économies d'échelles étaient possibles. On continue sur ce sujet à avoir une vision administrative. Ne serait-il pas envisageable de prendre en compte les établissements privés ? Il y un problème avec les différentes tutelles qui peuvent se superposer.
Je salue qualité du travail de nos rapporteurs, qui est plein de bon sens et s'appuie sur les territoires, ce qui est la marque des travaux du Sénat. Je voudrais aborder la question des personnes âgées, en reparlant des Clic. Sur le territoire, lorsque les différents acteurs parviennent à se parler, cela fonctionne. Quand vous posez la question de l'homogénéité du schéma, je vous rejoins, mais faut-il le faire à marche forcée ? Je me demande s'il ne faut pas plutôt un accompagnement des dynamiques locales plutôt qu'un schéma qui serait un carcan.
J'ai fait partie du conseil de surveillance de l'hôpital de Dourdan, qui a été regroupé avec l'hôpital d'Étampes. Une maternité a été fermée afin de faire des économies. Or, on a constaté que la fréquentation de cette maternité n'a pas augmenté et que la question du déficit de l'hôpital demeurait présente. Les regroupements ne m'apparaissent pas comme une solution pertinente.
Les outils de mutualisation que vous avez évoqués sont pertinents. Je constate toutefois que les élus sont in fine toujours responsables de l'organisation de la santé dans les territoires. Nos rapporteurs ont-ils prévus des amendements au projet de loi santé prochainement en examen au Sénat à la suite de leur travail ?
Dans les secteurs ruraux, les CPTS me paraissent importantes pour assurer la continuité des gardes et des visites médicales tout au long de la journée. Le financement des coordonnateurs est aussi une question centrale alors que ce n'est pas facile de faire une CPTS. Sur les GHT, les communautés apportent du liant avec les CHU mais cela me semble sans impact sur le territoire. Il faut simplifier les GHT et prévoir des plateformes territoriales de la santé en milieu rural. Les équipes de soins primaires sont à éliminer ou elles doivent remplacer les CPTS.
Depuis plusieurs années, les élus tirent la sonnette d'alarme quant aux déserts médicaux. Je rappelle que mon groupe demande un moratoire sur les fermetures de lits et de services dans les hôpitaux. Nous pensons également que l'organisation de la médecine de proximité doit avant tout faire l'objet d'un accord entre l'assurance maladie et les professionnels de santé.
Votre rapport interroge au fond l'avenir de la médecine libérale en France. Va-t-elle garder la place qu'elle a ou bien les carcans administratifs évoqués peuvent-ils empêcher son développement ?
Avant de commencer nos auditions, j'étais dubitative face à ces nombreux outils de regroupements et de coordination. Nos déplacements nous ont toutefois permis de constater que des CPTS commencent à bien fonctionner dans les territoires ruraux. L'expérience montre que ces outils fonctionnent lorsqu'ils sont initiés par les professionnels de santé eux-mêmes. De plus, aucun territoire n'est comparable à un autre qu'il s'agisse du nombre praticiens de santé, d'hôpitaux, de la présence ou non d'un CHU sur le territoire. Dès lors, il faut laisser aux praticiens dans chaque territoire décider de la bonne formule à adopter.
Lors de notre déplacement dans la Meuse, territoire rural sans CHU, nous avons constaté la pertinence de l'organisation retenue grâce à la volonté des professionnels. À ce titre, les ARS doivent être des facilitateurs plutôt que des organismes de contrainte. Les CPTS permettent de prendre en compte les spécificités de chaque population. S'agissant des GHT, un hôpital peut être tenté de se regrouper avec un hôpital d'un autre département. Il faut là encore laisser de la souplesse et prévoir un soutien des ARS dans la coordination. Pour le médico-social, il semble que la demande d'un guichet unique à la sortie de l'hôpital soit généralisée.
Lors d'une audition hier avec le directeur général de la Cnam, Nicolas Revel, il a bien été précisé qu'il n'y avait ni plancher ni plafond obligatoire pour les CPTS.
Les ARS, créées par la loi HPST, pâtissent d'une image négative qu'illustrent bien deux exemples : la mise en place des maisons de santé interdisciplinaires, modèle aujourd'hui contesté et les projets de santé régionaux, rapports imposants que personne ne lit. Mais cette image commence à changer en raison du rôle joué par certains directeurs d'ARS. Dans le Grand-Est par exemple, le directeur général est très ouvert et soutient les innovations. Une évolution des ARS est donc possible.
Pour répondre à René-Paul Savary sur la confusion possible entre les différents modèles de coordination, il faut reconnaître qu'ils n'ont pas de conséquence directe sur le patient, qui demeure au contact de son praticien de santé. Les regroupements doivent servir aux praticiens à mieux répondre aux demandes de leurs patients mais il s'agit d'outils les concernant eux et non les patients. Il n'y a donc pas de confusion pour le patient même s'il peut y en avoir pour les professionnels de santé.
Sur la médecine libérale, je n'ai pas de réponse immédiate : la loi ne pourra pas dicter son évolution. Ce sont les jeunes médecins, en fonction de leur choix d'installation sous la forme libérale ou non, qui feront la médecine libérale de demain. Je rappelle, s'agissant des élus locaux, que la loi « Santé » de 2016 les a réintroduit dans les comités locaux d'organisation de la santé. Enfin, les déserts médicaux n'étaient pas le sujet de notre réflexion, un rapport précédent de la Mecss, réalisé avec le président Cardoux y est consacré.
Je reprends l'exemple de réussite observée dans le Grand-Est pour préciser que l'ARS y a joué un rôle d'accompagnatrice. Les agences ont pris conscience qu'elles ne doivent pas être rigides et aider les praticiens à s'organiser. C'est aussi le rôle du délégué territorial dans chaque département de réagir aux demandes des praticiens. Un équilibre dans le rôle des ARS doit donc être trouvé entre rigidité et absence totale d'incitation. Mais l'utilité de ces outils de coordination n'a été remise en cause par personne et les praticiens nous disent qu'ils en ont besoin.
Sur le lien ville-hôpital, nous avons constaté que les GHT concernaient prioritairement les hôpitaux publics bien que les établissements de santé privés d'intérêt collectif (ESPIC) n'en sont pas exclus. Dans les premières versions des GHT, les hôpitaux mutualisaient principalement les fonctions achat. Mais désormais se développent des projets médicaux au sein de ces groupements. Dans la Meuse, les hôpitaux se sont regroupés pour mutualiser leur direction et s'organiser en filières. Ces hôpitaux étaient certes de même taille et ne comptaient pas de CHU parmi eux. Cela n'a pas été sans difficulté mais c'est une réussite.
Sur la médecine libérale, il est évident qu'il convient de la protéger. L'étude du conseil de l'ordre montre que les jeunes praticiens ne cherchent pas tous absolument le salariat. Ils cherchent un exercice collectif sur un même territoire. Les maisons de santé commencent même à être un modèle dépassé. D'autres horizons sont possibles précisément grâce aux CPTS. La médecine libérale a un avenir mais c'est bien le problème de rémunération qui se pose.
Enfin, j'ai visité un territoire sur lequel rien n'a été organisé : aucune maison de santé et pas de CPTS. Les praticiens de santé ne sont pas satisfaits car aucun jeune médecin ne veut s'y installer ni même venir en stage. Ils regrettent désormais de s'être arcboutés contre les regroupements.
La question de la pérennité financière de ces CPTS se pose quand on sait que certains ont besoin de 750 000 euros pour fonctionner. Alors que les montants des actes n'augmentent pas, les praticiens s'interrogent sur l'avenir de ces structures.
Si l'on regarde la Seine-Saint-Denis et la Meuse, ce sont des territoires très différents. Les CPTS permettent de mettre en oeuvre une coordination, au service de la population, des médecins qui exerçaient plutôt de manière isolée. Toute la pression repose aujourd'hui sur les médecins qui restent. C'est sur eux qu'on pose des contraintes alors qu'il n'y a pas assez de médecins. Il reste encore des médecins isolés, dont le cabinet peut se trouver dans un territoire enclavé. Quand elle est assez souple, la CPTS permet à ces médecins en exercice isolé de trouver un relai. Je pense qu'il faut donc garder la CPTS, en lui donnant beaucoup de souplesse. Il faut aussi que les élus locaux exigent des ARS cette souplesse car quand la CPTS est trop rigide, les élus et les professionnels se ferment. Les élus doivent donc écouter leurs professionnels de santé pour qu'ils organisent leur territoire et exiger de la souplesse. Je l'ai constaté dans la région Pays de la Loire où l'ARS a fini par l'accepter.
Je suis d'accord avec Catherine Deroche. Je pense que les CPTS permettent d'avoir un relai pour les médecins travaillant seuls avec la possibilité que d'autres médecins puissent prendre en charge les patients sur des horaires étendus.
Avec les maisons de santé pluridisciplinaires et les CPTS, il faudra qu'au niveau départemental, l'hôpital public assure une prise en charge, éventuellement avec des cliniques. Cela pourrait s'organiser dans le cadre d'un projet territorial de santé qui rassemble élus locaux et professionnels. Les CPTS devraient alors permettre, dans les cas où il n'y a pas de médecin, qu'un médecin de l'hôpital ou employé par le conseil départemental intervienne dans les maisons de santé et ce n'est pas gagné !
Je vous remercie. Je vous demande donc d'autoriser la publication des conclusions des rapporteurs.
Au titre des questions diverses, je demande à la commission de bien vouloir autoriser la publication, sous forme de rapport d'information, des actes du colloque organisé par la commission le 21 mars dernier sur les retraites, dont l'intitulé était « la parole aux partenaires sociaux ».
Il en est ainsi décidé.
Nous accueillons ce matin M. Roger Genet, docteur en enzymologie et ingénierie des protéines, directeur général de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) depuis mai 2016. M. Genet est candidat au renouvellement de ses fonctions et en application de l'article L. 1451-1 du code de la santé publique, sa nomination doit être précédée de son audition par les commissions compétentes du Parlement. Je précise toutefois que le Sénat n'ayant pas encore été formellement saisi par le Gouvernement de la demande d'audition de M. Genet, celle-ci s'effectue sous réserve de la transmission de la lettre du Premier ministre au Président du Sénat.
Créée en 2010 dans le sillage du Grenelle de l'environnement, l'Anses est chargée d'évaluer les risques sanitaires dans les domaines de l'alimentation, de l'environnement et du travail. Tout comme l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), l'Anses a vocation à éclairer le débat public sur des questions de sécurité sanitaire où le besoin d'objectivation scientifique se fait fortement sentir. L'affaire Lactalis ou encore l'utilisation du glyphosate l'ont démontré dans la période récente.
Votre audition sera l'occasion, presque dix ans après sa création, de dresser le bilan de l'action de l'Anses. L'agence est-elle parvenue à s'imposer dans le paysage de la prévention sanitaire en France ? Est-elle, selon vous, correctement dimensionnée en termes de moyens humains et financiers pour relever les défis de la sécurité alimentaire et environnementale dans notre pays ?
Par ailleurs, quand nous évoquons la sécurité sanitaire, nous nous focalisons bien entendu sur la santé humaine, en négligeant quelque peu la santé animale et végétale qui représente pourtant un enjeu majeur pour notre propre santé, notamment au travers de notre alimentation. Or l'Anses est un peu l'équivalent de l'ANSM dans le domaine vétérinaire. Sur ce point, peut-être pourriez-vous nous éclairer sur les grands enjeux actuels et à venir de la santé animale qui devraient, selon vous, appeler la vigilance des pouvoirs publics. Je pense, par exemple, au problème de l'antibiorésistance chez les animaux qui pourrait avoir des conséquences pour notre sécurité alimentaire et à terme pour notre santé.
Je suis très heureux d'être ici devant vous aujourd'hui et je me réjouis que le renouvellement de mon mandat à la tête de l'Anses, proposé par le Gouvernement et nos 5 ministères de tutelle, me donne à nouveau l'occasion de m'exprimer devant votre commission.
Par vos travaux qui portent régulièrement sur les agences et le système sanitaire, l'indépendance de l'expertise et la déontologie, ou encore sur les sujets plus spécifiques liés aux maladies professionnelles ou à l'indemnisation des victimes exposées à des risques sanitaires, vous connaissez bien les travaux de l'Anses. Les occasions de venir exposer nos travaux devant les parlementaires sont d'ailleurs très nombreuses : auditions budgétaires, missions d'information, commissions spécifiques, auditions publiques, et nous avons ainsi répondus à 70 rendez-vous parlementaires, dont 40 auditions en 2018.
Quelques mots d'abord sur mon parcours. À la direction de l'Anses depuis mai 2016, je me définis d'abord comme un scientifique engagé dans les politiques sanitaires et environnementales. Biochimiste et enzymologiste, j'ai consacré les 25 premières années de ma carrière professionnelle à la recherche scientifique et à l'enseignement. Puis à partir de 2005, mon parcours s'est orienté vers les politiques publiques de recherche, le management et la gestion d'établissements publics à vocation de recherche et d'expertise, dans les domaines de la santé, de l'agriculture et de l'environnement. De 2009 à 2012, à la tête du Cemagref, aujourd'hui l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (Irstea), je me suis attaché à promouvoir l'expertise scientifique, comme expertise transparente, indépendante, en appui aux politiques publiques. Cette réflexion s'est concrétisée par la rédaction de la Charte nationale de l'expertise scientifique, qui a été adoptée par l'ensemble des organismes de recherche et universités en 2011.
J'ai également activement travaillé à construire, dans une vision intégrative, le large champ de la recherche environnementale, englobant santé, alimentation, eau, agriculture, biodiversité, environnement, territoires, etc. Le constat de la multiplicité et de la relative dispersion des acteurs dans ces domaines a donné naissance à l'Alliance nationale de recherche pour l'environnement, AllEnvi, qui regroupe aujourd'hui l'ensemble des acteurs français de la recherche environnementale, avec plus de 27 membres, qui m'ont fait l'honneur de m'en confier la première présidence, de 2010 à 2012.
Enfin, en tant que directeur de la recherche et de l'innovation au ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche de 2012 à 2016, j'ai tenté d'impulser une vision stratégique en matière de recherche, pour renforcer le rôle de la recherche scientifique en appui aux politiques publiques - objectif qui a été inscrit dans la loi du 16 avril 2013 -, et affirmer la place de la recherche française en Europe et dans le monde.
Ce parcours me menait donc assez naturellement à l'Anses. J'ai trouvé, en arrivant à sa direction en mai 2016, une agence sanitaire expérimentée et réactive, des équipes compétentes et engagées, capables d'appréhender de manière globale un champ très vaste au service de la santé de nos concitoyens, de faire preuve d'anticipation face à des risques nouveaux ou émergents et de réagir très vite en cas de crise. L'agence est aussi largement reconnue au niveau européen et international.
Devant votre commission en 2016, je m'étais engagé sur cinq priorités d'action, cohérentes avec les cinq axes de notre nouveau contrat d'objectif et de performance (COP) signé début 2018 pour la période 2018-2022.
La première priorité est de renforcer la crédibilité de l'agence et son indépendance. L'agence possède une gouvernance originale avec cinq ministères de tutelle - les ministères de la santé, de l'agriculture, de l'environnement, du travail et économie -, un Conseil d'administration et des instances internes ouvertes à la société civile, avec les cinq collèges du Grenelle de l'environnement, afin d'intégrer les préoccupations de tous les acteurs et citoyens, et un cadre déontologique renforcé garant de la transparence et de l'indépendance de son expertise. L'Anses possède ainsi un Comité de déontologie et de prévention des conflits d'intérêts, présidé par le philosophe Pierre Le Coz, composé de personnalités indépendantes et dont les avis sont publics sur notre site internet, un code de déontologie qui a été révisé et renforcé en 2018, et des moyens de contrôle interne pour en vérifier la bonne application, avec une déontologue qui fait un rapport annuel. La Cour des comptes a souligné l'efficacité de cette gouvernance lors du contrôle qu'elle a réalisé pour les exercices 2012 à 2017.
Pour mener à bien ses missions, l'Anses s'appuie sur ses propres forces, mais aussi sur environ 850 experts scientifiques externes à l'agence, dont 20 % d'étrangers, sélectionnés sur appels à candidatures et en fonction de leurs déclarations publiques d'intérêts, et qui sont réunis au sein de comités d'experts spécialisés et de groupes de travail menant une expertise pluridisciplinaire, collective, contradictoire et transparente, puisque tous nos travaux sont publiés sur notre site internet, ce qui constitue la meilleure garantie d'impartialité et de pertinence sur le plan scientifique.
La prévention des conflits d'intérêts est un élément crucial de la crédibilité de l'agence. Nous nous sommes dotés en 2017 d'une grille d'analyse des liens d'intérêts pour prévenir les éventuels risques de conflits d'intérêts. Chaque réunion d'experts commence par le criblage des déclarations publiques d'intérêts de chacun en fonction des sujets qui sont abordés. Ce cadre est exigeant mais nécessaire.
Enfin notre crédibilité repose aussi sur la pluralité de nos sources de données. Nos avis sont fondés sur l'analyse des données scientifiques disponibles et des publications du monde entier ; nous devons nous assurer de l'absence de liens d'intérêts des chercheurs, et on voit l'importance d'une telle démarche avec le glyphosate. C'est tout l'enjeu des travaux que nous avons récemment conduits pour produire un cahier des charges, que nous publierons dans quelques semaines, pour des études complémentaires indépendantes qui pourront permettre de diminuer les incertitudes sur la toxicité du glyphosate.
Ce cadre rigoureux en matière de déontologie, comme au plan scientifique, est d'autant plus crucial dans le contexte actuel, caractérisé parfois par une montée des irrationalités, le scepticisme de nos concitoyens et la remise en cause des experts et des scientifiques. Continuer à renforcer la transparence de nos processus et nos exigences en matière de déontologie est donc le gage de la crédibilité de l'Anses.
Deuxième priorité, maintenir le haut niveau d'expertise scientifique. J'ai coutume de dire que l'Anses est une agence d'expertise scientifique et une agence scientifique d'expertise. Elle évalue de manière globale et transversale l'ensemble des risques biologiques, physiques ou chimiques, auxquels nous sommes exposés, volontairement ou non, dans notre vie quotidienne au travers de notre alimentation, de notre environnement et au travail. Pour réaliser cette mission, l'agence mène des travaux d'expertise scientifique, mais également ses propres travaux de recherche et de référence au sein de ses neuf laboratoires. L'agence coordonne également de nombreux dispositifs de veille et de vigilance, permettant de détecter le moindre signal d'effets indésirables : maladies infectieuses, effets des pesticides ou des produits chimiques en général, médicaments vétérinaires, compléments alimentaires, etc. Elle intervient donc en matière de nutrivigilance, phytopharmacovigilance, pharmacovigilance vétérinaire, toxicovigilance, et de suivi des pathologies professionnelles.
L'Anses a également pour mission la délivrance des autorisations de mise sur le marché (AMM) pour les médicaments vétérinaires, et, depuis plus récemment pour les produits phytosanitaires et les biocides. Ce n'est pas une mission facile et nous nous attachons à répondre à cette attente avec la plus grande rigueur, en appuyant toujours nos décisions sur l'analyse scientifique et la graduation du niveau d'incertitude afin de prendre les mesures appropriées à la situation, en tenant compte de toutes les données scientifiques disponibles.
L'étendue et la variété des missions qui nous sont confiées peuvent paraître paradoxales à certains : nous sommes laboratoire de référence de l'Union européenne sur la santé des abeilles et nous délivrons des AMM de produits insecticides. Mais cela ne doit pas être source de confusion car nous devons posséder l'ensemble des informations qui permettent d'avoir une vision globale. Pour renforcer la cohérence et la complémentarité entre ces différentes missions, j'ai proposé la réorganisation de l'agence en trois pôles et mis en place, en 2017, six directions scientifiques transversales. Nous avons donc une approche intégrée de la recherche et de la référence jusqu'à l'évaluation des risques ou des produits réglementés, au travers six de thèmes : santé animale et végétale, sécurité des aliments, antibiorésistance, épidémiologie et surveillance, exposition aux agents chimiques et exposome. Cela permet à l'agence de répondre aux enjeux sanitaires avec une vision globale et systémique, en tenant compte de l'ensemble des connaissances disponibles.
L'Anses compte un peu plus de 1 400 collaborateurs, avec un effectif en baisse sur le champ de l'expertise mais qui augmente sur la partie évaluation des produits réglementés, pour un budget d'environ 150 millions d'euros, dont 98 millions de subvention pour charges de service public. Chaque année, l'agence délivre près de 4 000 décisions d'AMM dans le champ des produits réglementés, dont 2 000 pour les produits vétérinaires. En 2018, on a répondu à 130 saisines et rendu 230 avis et rapports d'expertise, représentant parfois plusieurs années de travail comme l'avis que nous avons publié hier sur la lumière bleue des LED au terme de deux années de travail. Nous pouvons aussi être saisis en urgence en cas de crise : 14 saisines en urgence depuis septembre. Nous avons neuf laboratoires de recherche, abritant 700 chercheurs qui produisent environ 700 publications scientifiques dont près de 400 de rang international. Spécificité de l'Anses, nous avons 102 mandats de référence : 65 nationaux, 25 internationaux, 12 européens. À cet égard, la France est le pays qui a le plus de mandats de référence au sein de l'Union européenne, sur des sujets parfois très critiques : ainsi notre laboratoire de Maisons-Alfort vient de récupérer le mandat sur la fièvre aphteuse. Nous avons aussi organisé 31 événements scientifiques en 2018 et publié 70 communiqués de presse.
Depuis 2016, nos missions d'expertise se sont accrues : pilotage de la toxicovigilance et du réseau des centres antipoison, assuré jusqu'à lors par l'InVS ; mise en oeuvre de la phytopharmacovigilance ; délivrance des AMM des produits biocides ; renforcement des missions des laboratoires en matière de surveillance sanitaire, prévu par la loi d'avenir pour l'agriculture de 2014, avec la coordination des plateformes d'épidémiosurveillance en santé animale, santé végétale et sécurité des aliments ; et enfin, gestion des déclarations relatives à la composition des produits dérivés du tabac et du vapotage dans le cadre de la mise en oeuvre de la directive européenne sur le tabac. Nous avons également élargi nos activités avec de nouveaux comités d'experts : l'un sur les vecteurs, aussi bien en santé humaine, animale que végétale, et l'autre sur l'évaluation préalable à la modification des tableaux de maladies professionnelles.
La troisième priorité consiste à renforcer la stratégie scientifique de l'agence. Le rôle de l'agence est de se prononcer, en l'état des connaissances scientifiques disponibles, sur l'existence, la nature et l'ampleur des risques dans des situations de forte incertitude. En cas de risque avéré, on n'interroge pas l'Anses mais Santé publique France pour mener des enquêtes d'épidémiologie. On nous demande de conduire une évaluation du risque, donc de graduer le niveau d'incertitudes. L'objectif n'est ni de rassurer, ni d'inquiéter, mais de fournir une information scientifique de référence, indépendante de tout intérêt particulier, en sachant alerter sur les zones d'incertitudes et discerner les limites de la certitude scientifique, afin d'appuyer la décision publique.
Nous devons donc faire progresser les méthodologies d'évaluation des risques et l'évaluation du poids de la preuve, pour chacun des éléments scientifiques qui fondent au final nos analyses. Il est rare qu'une publication scientifique révolutionne l'approche. Les publications s'ajoutent les unes aux autres et font sens ensemble. Nous avons publié un rapport qui fait référence sur les méthodologies d'évaluation des risques et qui est repris par les agences et les instances internationales.
Les technologies mises en oeuvre dans nos laboratoires doivent également rester en pointe en génomique, en chimie analytique, en infectiologie... Ainsi, grâce à notre nouvelle plateforme P3 d'infectiologie en santé animale à Maisons-Alfort, l'Anses dispose, depuis 2016, d'un dispositif de tout premier plan pour travailler sur les maladies émergentes comme la fièvre aphteuse ou les maladies vectorisées par des tiques.
Nous devons également adapter nos méthodologies d'évaluation des risques à la prise en compte du concept d'exposome, à la problématique des poly-expositions, des mélanges ou des effets cumulés. Il convient de mettre au coeur de nos priorités la question de l'intelligence artificielle et intégrer les nouveaux paradigmes de la production massive des données, de leur accessibilité, du datamining. Nous devons aussi intégrer les nouvelles techniques de séquençage haut débit de génomes entiers au service de nos missions de sécurité sanitaire : l'affaire Lactalis a montré que si nous avions eu des bases de données ouvertes sur le séquençage des génomes de bactéries pathogènes, nous aurions très tôt pu détecter les souches et les localiser. Il est aussi important de pouvoir développer les technologies émergentes et les objets connectés, jusque dans les élevages, pour permettre l'analyse en temps réel des risques émergents. C'est d'ailleurs le sens de l'accord cadre que nous avons signé le 29 novembre dernier avec le CEA. Une vingtaine de projets sont déjà en développement.
Il convient aussi de renforcer la place des sciences humaines, économiques et sociales dans l'expertise environnementale pour mieux prendre en compte les risques, mais aussi les bénéfices, que comportent les innovations et les nouvelles pratiques et problématiser la prise de décision publique en situation d'incertitude scientifique. Enfin, dans un autre registre, la science doit contribuer à mieux identifier les populations à risque en fonction de leur sensibilité spécifique, des nouveaux modes de consommation, de leur vulnérabilité sociale...
Pour relever ces défis, il s'agit d'inscrire toujours plus l'agence au coeur de la communauté, scientifique nationale et internationale, pour intégrer le plus largement possible l'ensemble des données et connaissances disponibles, car nous ne sommes pas un organisme de recherche. Pour ce faire nous avons signé ou renouvelé récemment de très nombreux accords de collaborations avec nos partenaires nationaux de recherche.
Nous devons aussi être force d'influence sur les orientations et les approches internationales en matière de recherche en soutien à l'expertise. C'est l'objet de l'initiative que nous avons portée auprès de l'Autorité européenne de sécurité des aliments, de l'Agence européenne des produits chimiques, du Centre de recherche commun de l'Union européenne et des agences des pays membres partenaires de l'Anses pour créer un fonds européen inter-agences (EuTP) permettant de financer des recherches en toxicologie sur les sujets à forte incertitude, en soutien à l'expertise sanitaire, sur le modèle d'un programme américain cofinancé par la Food and drug administration, l'Environmental Protection Agency et les National Institutes of Health.
La quatrième priorité est de renforcer l'ouverture de l'agence et le dialogue avec toutes les parties prenantes. Le dialogue n'est pas une évidence ; comme la confiance, il se construit, il ne se décrète pas. La confiance repose sur la capacité à discuter, argumenter, comprendre ce qui motive nos interlocuteurs, dans le respect mutuel. C'est ainsi que nous gagnerons la confiance de nos concitoyens. Renforcer la confiance passe par la transparence sur la méthodologie, les sources des données et le niveau d'incertitude ; l'accessibilité des résultats ; l'intégrité et la déontologie ; l'intégration et la participation des citoyens : ainsi, avant de publier notre avis sur l'électro-sensibilité, nous l'avons soumis à une consultation publique pendant six mois et présenté devant un comité de dialogue réunissant toutes les parties prenantes. Nous avons des relations ouvertes et transparentes avec toutes les parties prenantes. Sans cesse, il nous appartient de communiquer, d'expliquer nos résultats et comment ils ont été produits, d'adapter les modalités de dialogue aux évolutions des modalités du débat public, en intégrant les sciences participatives et l'expertise profane, etc. Ces dernières années ont été marquées par des débats nombreux, notamment dans le cadre des États généraux sur l'alimentation, par des controverses sur le compteur Linky, les radiofréquences, les perturbateurs endocriniens, le glyphosate, les pesticides, etc. Autant de sujets qui reviennent avec régularité dans le débat public parce qu'ils sont sources d'interrogations et de craintes pour nos concitoyens. Les pesticides se trouvent aujourd'hui au carrefour d'une multiplicité d'enjeux : techniques, scientifiques, économiques, réglementaires et politiques, et le débat actuel sur l'usage des produits phytosanitaires montre que cette question a largement dépassé le cadre technique pour devenir un débat de société. C'est la raison pour laquelle l'agence a mis en place une troisième plateforme de dialogue, fin 2017, sur l'évaluation des pesticides. Réunissant 52 parties prenantes, elle est présidée par Bernard Chevassus-au-Louis.
La société réclame une réduction de l'usage des pesticides, au profit des produits de biocontrôle et à faible risque, et plus de transparence sur les conditions de leur homologation. Nous nous employons à répondre à cette attente avec sérénité, en appuyant toujours nos décisions sur l'analyse scientifique et la graduation du niveau d'incertitude. La phytopharmacovigilance nous fournit aujourd'hui les outils pour analyser et tirer les conséquences d'éventuels effets nocifs qui seraient observés.
Ainsi, c'est parce que nous avons su, au cours des années, toujours placer le dialogue avant la posture, que nous avons pu avancer, avec toujours en ligne de mire l'intérêt général. Je souhaite que l'agence s'engage encore plus loin dans cette voie.
Dernière priorité, gagner en visibilité, notamment au niveau européen et international. Au travers des nombreux entretiens que j'ai eu, au cours de ces 36 mois, au niveau européen, avec le Commissaire européen à la santé et les services de la Commission européennes, avec nos agences soeurs en Europe, avec nos partenaires au Canada, aux USA, au Japon, en Chine, en Corée du sud, j'ai pu constater que l'Anses est reconnue comme l'une des grandes agences sanitaires en Europe et dans le monde. Nos avis sont reconnus et sont traduits en anglais.
L'Anses doit être un acteur majeur en matière de recherche et de référence au niveau européen et international. Nous avons remporté de beaux succès ces trois dernières années, avec le renouvellement ou l'obtention de nouveaux mandats de référence européens et la coordination de grands programmes européens, comme l'european joint program « One Health » sur les zoonoses alimentaires.
En matière d'évaluation de risques, nous entretenons des relations étroites avec les autres agences européennes, notamment l'Autorité européenne de sécurité des aliments, l'EFSA, et l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA). En matière d'évolutions réglementaires, nous avons fait des propositions afin d'améliorer les processus d'évaluation des produits réglementés. Nous serons d'ailleurs amenés, avec le Brexit, à accroître notre activité dans ce domaine.
En conclusion, à long terme, notre ambition peut se résumer en une phrase : « Faire de l'Anses à l'horizon 2025, une instance scientifique reconnue au niveau international, attractive et engagée, pour relever les défis cruciaux de sécurité sanitaire auquel notre pays et le monde doivent faire face », et un slogan « Connaître, évaluer, protéger».
Ma question portera sur la santé au travail. La ministre a regretté de ne pas disposer d'informations scientifiques fiables pour inscrire sur la liste des maladies professionnelles reconnues de nouvelles pathologies. Avez-vous été consultés pour revoir cette liste ? Avez-vous également progressé dans l'objectivation scientifique des liens entre cancer et exposition professionnelle et environnementale ?
De nombreuses inquiétudes se font jour sur la qualité de l'eau et ses effets sur notre santé. Un rapport de l'Anses évoque les conséquences sur notre santé de la pollution des sols due aux herbicides, à la persistance de résidus d'atrazine, alors que la molécule est interdite depuis de nombreuses années, aux insecticides, aux biocides, aux rejets de produits chimiques par les usines, etc. Les conséquences peuvent être graves pour la santé et la société prend conscience des enjeux de santé environnementale. Le problème des bébés nés sans bras renvoie à la pollution de l'eau. Que faire pour réduire la pollution des sols ? Le glyphosate sera-t-il interdit ? L'Anses a reconnu son caractère cancérigène.
Existe-t-il un chevauchement des missions entre l'Anses et Santé publique France en ce qui concerne la prévention sanitaire ? Les compétences de Santé publique France sont très vastes en matière d'hygiène et de sécurité et les deux agences interviennent souvent sur les mêmes crises : dans l'affaire Lactalis, Santé publique France a ainsi surveillé les infections à salmonelle chez l'homme, et l'Anses les infections chez l'animal ? Faut-il envisager une fusion des deux agences ?
Quels sont les projets de recherche concernant l'impact de l'environnement sur la santé ? Sur quels sujets comptez-vous vous concentrer : les produits phytosanitaires, les perturbateurs endocriniens, la pollution ?
Après la crise Lactalis, notre commission a appelé à une clarification des compétences des administrations centrales en matière de contrôle des aliments avant leur mise sur le marché : le ministère de l'agriculture est compétent pour les denrées animales, la DGCCRF pour les denrées végétales et la direction générale de la santé pour l'eau. Ne faudrait-il pas confier cette mission à une seule autorité comme le font nos voisins ?
Récemment l'Anses a recommandé de ne pas consommer de la viande de gibier plus de quatre fois par an. C'est extrêmement préjudiciable pour toute la filière alors que de nombreuses initiatives sont prises pour valoriser la venaison et lutter contre l'importation des viandes de gibier en provenance de l'Est. Or les prélèvements qui ont abouti à un tel avis ont tous été effectués à proximité des zones d'impact de balles, contenant inévitablement une surconcentration des éléments pathogènes comme le plomb. Pourtant les grands animaux sont tirés à l'épaule et les morceaux qui sont consommés sont les parties arrière et les gigues qui ne présentent aucun risque. J'ai posé une question écrite au ministre de l'agriculture. Il m'a été répondu que la direction générale de l'alimentation allait ressaisir l'Anses pour approfondir la réflexion. Il serait souhaitable, dans l'objectif de dialogue et d'ouverture que vous évoquiez, que l'Anses se rapproche des consommateurs, des restaurateurs et des chasseurs pour avoir un avis circonstancié tenant compte des pratiques de chasse et de la manière dont sont tirés les animaux.
Que pensez-vous des déclarations du président du Brésil favorables à l'utilisation de nombreux pesticides ? Dans la mesure où la France importe beaucoup de produits du Brésil, et notamment de la viande, quelles seraient les conséquences sur notre alimentation et sur l'environnement, notamment en Guyane, voisine ?
Ma seconde question concerne la prévention en toxicologie : comment envisagez-vous de travailler pour mieux anticiper et informer le ministre ? Le lien de causalité est souvent remis en cause faute de données suffisantes. Quelle sera votre démarche ?
Avez-vous les moyens de résister aux éventuelles pressions politiques ? Avez-vous le sentiment que votre agence est indépendante ? Je me souviens de l'accident de Tchernobyl, on nous avait expliqué que le nuage radioactif s'était arrêté à la frontière...Les populations n'avaient pas été suffisamment mises en garde et avaient continué à consommer des champignons toxiques. Quel est votre niveau d'indépendance ?
Président d'une commission locale de l'eau, je suis particulièrement intéressé par vos travaux sur l'eau. Dans la plaine de l'Est lyonnais, très urbanisée, se pose la question des anciennes décharges enfouies : l'intervention de pelleteuses risque de faire exploser les fûts existants et de déclencher des pollutions. Nous serions très désireux de disposer d'études scientifiques pour guider notre travail.
En 2015, l'Anses a signé un protocole de coopération avec l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS) sur la santé au travail. Ce protocole est-il satisfaisant ? Faut-il aller plus loin et envisager une fusion des deux entités ?
Vous avez la capacité de délivrer des AMM de produits phytosanitaires ou de fertilisants. Inversement, avez-vous la capacité de retirer un produit du marché en cas d'alerte ? Pouvez-vous proposer d'autres produits ou des solutions alternatives ?
Tous les axes d'action que j'ai présentés ont déjà été engagés. L'Anses a des missions tellement vastes qu'il était difficile de vous faire une présentation synthétique en quelques minutes.
L'Anses n'est pas une autorité administrative indépendante mais une agence sous tutelle de cinq ministères. En revanche notre expertise scientifique est indépendante, comme nos recommandations et nos avis. Les conclusions de l'agence ne peuvent pas revenir sur une évaluation. Quand la direction de l'évaluation des produits réglementés a fini son évaluation, celle-ci est envoyée directement au pétitionnaire par le directeur du service. On a séparé l'évaluation et les décisions de gestion qui me reviennent. De même, l'évaluation des risques et la gestion des risques sont séparées. Vous évoquez Tchernobyl. En cas de crise nous ne permettrions pas de faire des annonces qui relèvent de la responsabilité du gestionnaire de risques ; en revanche, l'ensemble de l'information scientifique adressée au ministère est publique sur notre site. Il appartient ensuite au ministère d'autoriser ou non la collecte de champignons. L'agence est sous tutelle mais son expertise scientifique est publique et indépendante.
Nous avons toute latitude pour délivrer des AMM ou pour les retirer : ainsi, en 2016, nous avons retiré 130 produits à base de glyphosate en coformulation avec la tallowamine. On va retirer l'epoxiconazole alors que l'Europe n'a pas encore pris de décision. Nous avons déjà réalisé de nombreuses analyses, en appliquant les nouveaux critères PE, qui montrent que ce produit est un perturbateur endocrinien. Nous avons demandé à l'Europe d'avancer. On ne peut pas attendre deux ans avant d'agir. Nous autorisons des produits quand il n'y a pas de risque pour la santé et l'environnement et les retirons en cas de risque, sans délai en cas de risque pour la santé. De même, les AMM ne valent que pour certains usages détaillés, et non pour tous les usages réclamés. Cela dépend des évaluations. En revanche nous ne pouvons pas proposer d'alternatives. Le pétitionnaire dépose son dossier et on l'évalue. Si celui-ci ne passe pas, il peut proposer des alternatives. Évidement nous sommes très engagés sur ce dossier. On nous avait demandé d'évaluer les alternatives aux néonicotinoides. Nous allons travailler sur les alternatives au glyphosate et sur le biocontrôle.
Avec Santé publique France, les agences sanitaires et l'Anses, notre système repose sur trois piliers : la santé publique et les études épidémiologiques, l'exposition, le dispositif médical et médicaments. C'est cohérent, on ne peut pas tout fusionner. Santé publique France travaille sur des matrices d'exposition professionnelle autour des liens entre santé et environnement, santé et travail. Mais la partie exposition relève de notre compétence et nous déterminons les valeurs de référence toxicologiques, d'imprégnation, les valeurs limites d'exposition professionnelle. Santé publique France mènera des expérimentations de terrain lorsqu'ils constatent l'apparition de cas dans la population. Nous travaillons sur les expositions, les valeurs repères et la prévention pour définir des valeurs guides. Santé publique France mènera des études épidémiologiques dans une approche populationnelle et nous oeuvrons selon une approche d'exposition. Ces deux approches sont complémentaires.
La réflexion institutionnelle concerne l'organisation des services de l'État pour la réalisation des contrôles de premier niveau, entre la direction générale de l'agriculture, la direction de la santé et la DGCCRF. Or l'Anses ne fait aucun contrôle de premier niveau. Ceux-ci sont réalisés sur les produits importés par la DGCCRF ou des laboratoires privés. Nous avons des laboratoires de référence et pratiquons les contrôles de deuxième niveau. Nous faisons l'évaluation de risques au regard des analyses. Pour Lactalis, les contrôles sur les poudres relevaient de laboratoires départementaux et ensuite nous assurions l'évaluation des risques et mettions à disposition les méthodes de référence utilisées par les laboratoires de premier niveau. C'est donc complémentaire. Nous n'interviendrons donc pas sur les contrôles sur les produits d'importation du Brésil mais nous appuierons les pouvoirs publics pour définir les normes utilisées. Il est indéniable, en effet, que la situation du Brésil est préoccupante. Comme agence sanitaire, nous sommes préoccupés à cause de l'exposition aux milliers de produits chimiques dans notre vie quotidienne au travers des produits phytosanitaires, ménagers, cosmétiques, avec souvent les mêmes substances actives et donc une exposition cumulée qui peut provoquer un risque pour nos concitoyens. Donc, sur le plan institutionnel, je ne suis pas favorable à une fusion en raison de la différence entre les contrôles de premier et deuxième niveau, de la responsabilité particulière du gestionnaire de risques. Je trouve aussi que notre système sanitaire atteint sa maturité.
Monsieur Forissier, vous évoquez le cas d'un site pollué. Il appartient aux services départementaux de l'État de faire les analyses de terrain, l'Anses fixera les valeurs de référence ou fera une évaluation de risque si cela est nécessaire.
Sur la santé au travail, je n'ai pas vu de projet de fusion avec l'INRS. L'Anses a des accords-cadres avec l'INRS, avec l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail, avec tous les acteurs de la prévention en matière de santé au travail. Nous travaillons avec l'INRS sur des bases de données. Cela se passe bien. La partie expertise scientifique de l'Anses n'a pas été remise en cause. Évidemment l'Anses est un acteur important du troisième Plan santé au travail. Notre mission consiste à dépasser l'évaluation individuelle d'un cas particulier, par un expert qui cherche à identifier la présence d'une maladie professionnelle, d'un lien de causalité ou d'une exposition probable, pour parvenir à une évaluation générale, collective et contradictoire. On a déjà commencé à organiser des saisines transversales sur certaines pathologies pour déterminer l'existence, ou non, d'un lien probable entre certaines pathologies et certaines expositions professionnelles. Nous pourrons communiquer nos résultats, d'ici un an ou 18 mois, aux partenaires sociaux, au conseil d'orientation des conditions de travail et à la commission supérieure des maladies professionnelles en agriculture (COSMAP).
Sur le gibier, nous avons travaillé étroitement avec les chasseurs. Ce sont eux qui ont défini les plans de prélèvement. Ils nous ont dit après coup que leurs adhérents n'avaient pas prélevé les bons morceaux. Lorsque vous utilisez des balles au plomb, le plomb se vaporise sur une zone beaucoup plus large que les cinq centimètres autour de l'impact que l'on retire classiquement. On a constaté que tous les échantillons que nous avons examinés étaient contaminés. Si l'on veut appliquer les mêmes normes que celles que l'on applique pour l'eau, un consommateur qui mange du gibier trois fois par an a déjà atteint la limite maximale sanitaire autorisée dans l'eau...Soit l'on revoit les seuils, soit il faut revoir les méthodes de chasse pour diminuer l'exposition au plomb. Cet avis ne s'applique qu'au grand gibier.
Je vous remercie. Je rappelle que notre audition ne sera valable que lorsque nous aurons été saisis officiellement par le Gouvernement.
Mes chers collègues, nous accueillons à présent Mme Catherine de Salins, conseillère d'État, présidente du conseil d'administration de l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) depuis mai 2016. Mme de Salins est candidate au renouvellement de ses fonctions et en application de l'article L. 1451-1 du code de la santé publique, sa nomination doit être précédée de son audition par les commissions compétentes du Parlement.
L'ANSM, vous le savez, a été créée par la loi de 2011 relative au renforcement de la sécurité du médicament et des produits de santé, à la suite de l'affaire du Mediator. Cette agence est ainsi chargée de la délicate mission de concilier la sécurité des patients et l'accès au progrès thérapeutique.
Le renforcement de notre système de sécurité sanitaire impliquait une prévention accrue des conflits d'intérêt. Il serait sans doute utile que vous reveniez sur les efforts accomplis par votre agence en matière de transparence des liens d'intérêt de ses responsables et experts et de garanties d'indépendance vis-à-vis de l'industrie pharmaceutique. Dans le cadre du marché européen du médicament et des dispositifs médicaux, le lobbying des fabricants reste puissant dès qu'il s'agit de faire évoluer la réglementation. Pensez-vous que l'ANSM offre, au niveau national, des garde-fous efficaces pour résister à ce type de pressions ?
Par ailleurs, malgré des avancées dans la veille sanitaire, l'ANSM s'est retrouvée en position délicate à l'occasion de plusieurs épisodes sanitaires fortement médiatisés : après l'affaire Biotrial et la Dépakine, l'agence a dû gérer les inquiétudes liées à la nouvelle formule du Levothyrox et plus récemment aux implants texturés.
Les positions adoptées par l'ANSM semblent désormais avoir du mal à résister au pouvoir de déflagration des réseaux sociaux où les discours pseudoscientifiques pullulent. Dans ce contexte d'hystérisation croissante des débats de santé publique, comment pensez-vous que l'ANSM puisse se positionner pour renforcer la confiance des usagers dans notre système de santé ?
Je rappelle par ailleurs que j'ai demandé, au nom de notre commission, une enquête à la Cour des comptes qui porte notamment sur l'adéquation des moyens de l'Agence à ses missions. Cette enquête devrait nous apporter des éléments complémentaires d'analyse sur un organe décisif pour notre système de santé et pour la confiance que nos concitoyens doivent pouvoir lui accorder.
Je vous laisse, Madame, la parole pour présenter les perspectives que vous envisagez pour l'ANSM pour les prochaines années, avant que nos collègues ne vous adressent leurs questions.
Monsieur le Président, Mesdames les sénatrices et Messieurs les sénateurs, conseiller d'État, je me présente devant vous car je suis pressentie pour être renouvelée en qualité de présidente du conseil d'administration de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), mission que j'assure depuis le mois de mai 2016. Je me propose, dans un premier temps, de dresser un bilan des trois années écoulées pour l'agence puis de vous présenter le projet que l'agence porte pour les trois années à venir et, en conclusion, vous partager mes interrogations.
Mais, au préalable, je souhaite, d'une part, vous exposer les trois raisons qui m'ont conduite à solliciter le renouvellement de ce mandat et, d'autre part, vous rappeler en quelques mots introductifs les missions et activités de l'agence.
Trois raisons m'ont conduite à demander le renouvellement de mon mandat : à l'intérêt prononcé pour les missions de service public qui sont celles de l'agence qui a animé ma candidature il y a trois ans, s'ajoute aujourd'hui un attachement profond pour l'agence et ses agents, dont je salue le très haut niveau d'expertise et la forte implication personnelle au service de la sécurité sanitaire de nos concitoyens. En outre, j'ai la conviction que la stabilité et la continuité de sa gouvernance sont nécessaires pour que l'agence poursuive sa transformation.
C'est la raison pour laquelle je me trouve à nouveau devant vous aujourd'hui.
Établissement public administratif créé il y a sept ans par application de la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, l'agence, placée sous la tutelle du ministre de la santé, est chargée de procéder à l'évaluation des bénéfices et des risques des produits à finalité sanitaire tant au plan national qu'au plan européen, ainsi que celle des produits à finalité cosmétique. Les compétences de l'agence s'étendent ainsi à tous les produits de santé : médicaments, matières premières à usage pharmaceutique, vaccins, produits biologiques, dispositifs médicaux et dispositifs médicaux de diagnostic in vitro. Afin d'assurer pour le patient l'accès à des produits de santé sûrs et efficaces et d'encadrer la mise à disposition précoce de produits de santé innovants, l'agence évalue et surveille les bénéfices et les risques de ces produits dont elle assure également la surveillance tout au long de leur cycle de vie. Elle inspecte les sites de fabrication et contrôle la qualité des produits dans ses laboratoires. L'agence est enfin chargée de contrôler la publicité, de développer la pharmaco-épidémiologie et de stimuler la recherche indépendante.
Pour s'en tenir à la seule partie décisionnelle de son activité, l'agence ne prend pas moins de 84 000 décisions par an, réglementaires ou individuelles, expresses ou tacites. Je citerai ainsi, s'agissant des plus nombreuses, près de 22 000 autorisations temporaires d'utilisation (ATU) - pour l'essentiel, des décisions d'octroi nominatives - 18 674 modifications d'autorisation de mise sur le marché (AMM), plus de 10 500 visas publicité - pour les dispositifs médicaux et dispositifs médicaux de diagnostic in vitro (DM/DMDIV), pour la publicité auprès des professionnels ou auprès du grand public - et enfin, 2 947 décisions de libération de vaccins et médicaments dérivés du sang (MDS).
Moins nombreuses mais tout autant significatives de son activité, il convient de mentionner aussi d'autres décisions prises par l'agence en 2018, à savoir : 1 334 AMM non centralisées et portant principalement sur des génériques, l'autorisation de 931 essais cliniques et de 3 231 modifications substantielles d'essais en cours, et la délivrance de 84 habilitations d'organismes notifiés en matière de DM et de DM DIV. L'agence a également procédé à 52 rappels de lots, a adressé 64 injonctions et a infligé 9 sanctions financières.
En 2019, les recettes de l'agence s'élèveront à 127 millions d'euros, soit, d'une part, 116 millions d'euros au titre de la subvention pour charges de service public qui demeure globalement stable par rapport à celle figurant au budget de l'année 2018. Cependant, instaurée par la loi du 29 décembre 2011 en remplacement des taxes que l'agence percevait directement jusqu'alors, cette subvention a connu une baisse constante entre 2012 et 2017 avant de progresser très légèrement en 2018 et, d'autre part, 10,6 millions d'euros de recettes propres, issus principalement du produit de l'activité européenne de l'agence qui s'élève à 9,63 millions d'euros, soit en progression d'environ 900 000 euros par rapport à 2018.
Les dépenses de l'agence s'élèveront, quant à elles, à 126,4 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 127 millions d'euros en crédits de paiement (CP) dont 81,6 millions d'euros pour le personnel, 26,4 millions d'euros en AE et 25,9 millions d'euros en CP pour le fonctionnement, 10,6 millions d'euros en AE et 11 millions d'euros en CP pour les interventions et, enfin 7,7 millions d'euros en AE et 8,5 millions d'euros en CP d'investissement.
Par ailleurs, le fonds de roulement, qui était tombé à 14,5 millions d'euros en 2017 et 13,1 millions d'euros en 2018, devrait se rétablir à 22,5 millions d'euros.
Enfin, le nombre total d'ETP, qui était de 1 019 en 2012, passera de 971 en 2018 à 948, dont 912 sous plafond et 36 emplois hors plafond, dont les 10 emplois dédiés à l'activité européenne depuis 2018. Les services de l'agence sont répartis sur trois sites : Saint-Denis qui concentre la majorité des services, Lyon où sont principalement installés les laboratoires ainsi que Montpellier.
J'en viens, à présent, aux principales étapes de l'évolution de l'agence laquelle, entre 2015 et 2018, n'a cessé de se réformer et de transformer en vue d'améliorer la qualité du service rendu.
L'agence s'est engagée dans une politique de cartographie de ses risques majeurs - dix-sept risques majeurs ont ainsi été identifiés - et de maîtrise de ceux-ci, en particulier des risques sanitaires. Pilotée par une petite équipe placée auprès du directeur général et chargée de la mission de pilotage et de contrôle interne, cette politique consiste à obtenir de chaque direction la production de plans de maitrise de ces risques fondés sur une description des processus et une formalisation des procédures afin de couvrir les risques identifiés.
L'agence s'est aussi engagée dans une démarche qualité en matière de gestion du risque pour les quatre processus métiers que sont la surveillance des produits de santé, le traitement des situations à risque élevé, le contrôle des produits de santé et l'inspection.
Elle a mis au point des procédures et modifié son organisation afin d'assurer l'évaluation des produits de santé dans le respect des délais légaux impartis pour prendre les décisions qui lui incombent - s'agissant notamment de la délivrance et modification d'AMM, autorisation d'essais cliniques -, tout en renforçant l'efficience des processus d'évaluation, notamment pour les produits innovants. Au-delà des changements de procédure et de méthode, cette transformation traduit un changement de culture pour beaucoup d'agents de l'ancienne Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) où toute décision était différée en cas de doutes sur l'évaluation bénéfices-risques.
Concomitamment à la mise en place d'une comptabilité analytique et sous la pression des restrictions budgétaires brutales subies au titre de l'année 2017, l'agence a lancé un programme de restructuration des modalités de gestion de ses activités dans un double objectif d'efficience et de sécurité de ses usagers.
Au cours de ces trois années, l'agence a aussi défini et mis en place une stratégie de renforcement de sa place en Europe. Jusqu'en 2012, la présence de la France au sein des différentes instances européennes de l'Agence européenne des médicaments (EMA) était largement tributaire de la disponibilité des agents y représentant la France, puis avait connu une baisse sensible entre 2012 et 2015 à la suite de l'affaire dite du Mediator. Depuis 2015, l'agence s'y est efforcée de définir une vraie politique d'intervention en hiérarchisant les thèmes de ses interventions, au regard des priorités de la politique nationale de santé et de l'environnement national, c'est-à-dire universitaire, industriel et relatif à la recherche. Elle a distingué trois catégories de domaines : d'une part, les domaines d'intérêt majeur - ou encore dits de « priorité I » - pour la France pour lesquels il convenait qu'elle se porte en priorité candidate tels que la cancérologie, l'hématologie, la neurologie ou les maladies infectieuses et les vaccins en raison de leur importance pour la recherche et l'industrie médicales nationales ; d'autre part, les projets d'intérêt intermédiaire - qualifiés de « priorité II » - comme l'endocrinologie, gynécologie, traitements de l'obésité, pneumologie, ou les maladies orphelines métaboliques ; et, enfin, ceux considérés comme non prioritaires et labélisés « priorité III ». L'objectif affiché pour les prises de dossier d'AMM centralisées est respectivement de 70 %, 20 % et 10 %.
Afin de parvenir à une présence plus forte, l'agence a obtenu des moyens supplémentaires voués à être consacrés à son activité européenne : 3 ETP sous plafond en 2017 auxquels se sont ajoutés 10 ETP hors plafond en 2018 ; l'objectif étant que le coût de ces emplois soit a minima couvert grâce aux recettes supplémentaires versées par l'EMA pour rémunérer ces activités année après année.
Enfin, l'Agence a poursuivi sa modernisation afin de conjuguer performance et qualité de vie au travail. En particulier, elle s'est efforcée de résorber sa dette informatique et de renforcer la sécurité de ses systèmes d'information.
Ces chantiers majeurs ont porté leurs fruits. J'en donnerai trois illustrations.
Fin 2018, l'agence a apuré son stock de dossiers de demandes non traitées. Elle respecte désormais les délais qui lui sont impartis, en matière de modification des AMM et d'essais cliniques, pour statuer sur les nouvelles demandes dont elle est saisie. Des progrès restent néanmoins à faire en matière de délivrance d'AMM non centralisées.
Dans son rapport d'audit de la gestion des risques sanitaires par l'ANSM d'octobre 2018, l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) relève que l'agence a progressé dans la maîtrise de ses risques, notamment sanitaires, en soulignant que les processus de contrôle en laboratoire et d'inspection ont atteint aujourd'hui un niveau élevé. Ainsi, la direction de l'inspection vient d'être accréditée pour mener des contrôles et inspection tant au plan européen que pour le compte de la Food and Drug Administration (FDA) américaine. Cette politique de maitrise et de prévention des risques s'est notamment traduite par la création, en septembre 2017, du Centre d'appui aux situations d'urgences, aux alertes sanitaires et à la gestion des risques (CASAR). Ce comité, placé auprès du directeur général, a pour but de traiter rapidement les alertes susceptibles de devenir des situations à risque élevé (SRE) et les situations de crise sanitaire. Si le rapport de l'IGAS indique que le dispositif est en cours de construction dans les autres directions où son niveau de maitrise est « moyen », l'agence a néanmoins obtenu sa certification qualité ISO 9001, qui atteste de l'engagement durable d'une « démarche qualité » commune à tous les agents de l'agence et garantit la poursuite et l'approfondissement de cette démarche.
Au plan européen, dès 2018, l'agence a obtenu l'attribution d'un nombre plus important de dossiers : alors qu'elle en avait obtenu douze en 2017, seize nouveaux dossiers d'AMM centralisés lui ont été attribués en 2018 - l'objectif initial étant de quatorze dossiers - et celui de 2019 est de seize dossiers. Elle a en outre été retenue pour émettre environ 75 avis scientifiques et a obtenu, au titre de la redistribution des dossiers jusque-là attribués aux Britanniques, 9 dossiers en qualité de rapporteur unique et 12 dossiers comme co-rapporteur associé à un autre établissement médical. Elle se situe désormais à la quatrième place pour l'attribution de nouveaux dossiers - après l'Allemagne, les Pays-Bas et la Suède, mais avant le Danemark et l'Espagne - et à la troisième place en termes de succès de sa candidature à l'obtention de dossiers. Ces résultats témoignent de la reconnaissance du très haut niveau d'expertise de l'agence et son écoute par les instances européennes, notamment celle du comité de l'agence européenne pour l'évaluation des risques en matière de pharmacovigilance (PRAC).
Ces transformations ont été accomplies alors que l'agence a été confrontée, en 2017, à une réduction drastique de ses financements. Il lui a donc fallu différer des dépenses en matière de résorption de sa dette informatique, de rénovation de ses locaux et réduire ses dépenses d'intervention, alors que les enjeux de sécurité sanitaire dont elle a la charge la place en permanence sous le feu des medias qui relaient les attentes croissantes de nos concitoyens en matière de sécurité sanitaire. Il convient, de ce fait, de saluer d'autant plus le mérite des équipes de l'agence.
J'en viens, à présent, à l'évolution prévisible des activités de l'agence qui consisteront, entre 2019 et 2023, en la poursuite et l'approfondissement de ces axes de travail.
En effet, dans la droite ligne des préconisations du rapport de l'IGAS sur l'audit de la maitrise des risques sanitaires par l'ANSM et des leçons tirées des crises récentes que l'agence a traversées, le contrat d'objectifs et de performance (COP) de l'agence pour les cinq prochaines années, qui sera formellement signé le 23 mai 2019, retient les quatre axes stratégiques suivants. Ainsi, le premier axe, sur lequel je reviendrai, consiste à développer l'ouverture de l'agence aux parties prenantes et à renforcer la transparence de ses travaux. Le second axe, qui vise à inscrire la gestion du risque comme principe commun à toutes les missions de l'agence, se subdivise en six objectifs : mettre en oeuvre une gestion prédictive du risque sanitaire et élargir le champ d'analyse des signaux ; assurer une gestion renforcée des situations à risque élevé durant tout le cycle de vie des produits de santé ; conduire une communication d'urgence par la mise en place de « vigimédicament » qui couvrira tous les produits de santé; assurer la couverture des besoins sanitaires des patients en produits de santé d'intérêt majeur, médicaments comme DM sensibles ; sécuriser et optimiser l'accès aux produits de santé pour les patients ; et, enfin, assurer une vigilance plus efficace sur les produits et les pratiques en renforçant l'organisation territoriale des réseaux et le pilotage scientifique. Le troisième axe vise au renforcement et à la stabilisation du positionnement de l'agence pour l'accès à l'innovation, dans l'environnement européen, notamment pour les dispositifs médicaux, dont ceux de diagnostic in vitro (DM DIV). Enfin, le dernier axe vise à stabiliser la performance et l'efficience de l'agence.
Je souhaite insister sur deux points, à savoir, d'une part, le premier de ces axes stratégiques qui me semble emblématique de la capacité d'évolution et d'adaptation de l'agence et, d'autre part, l'application de cette stratégie à deux sujets d'actualité qui ont retenu toute votre attention : la sécurité des dispositifs médicaux et de l'approvisionnement en produits de santé. Je voudrais, à cet égard, saluer l'attention que le Parlement porte aux activités de l'agence, et plus particulièrement l'utilité pour celle-ci des deux rapports récents de l'Assemblée nationale et du Sénat, portant respectivement sur les dispositifs médicaux et les pénuries de médicaments.
La mise sur le marché de la nouvelle formule du Levothyrox au printemps 2017 a révélé tout à la fois une inadéquation de la politique d'information des usagers retenue par l'agence et une insuffisante association de ceux-ci et, plus largement, des parties prenantes au processus de décision. Pourtant l'agence avait procédé, avant la mise sur le marché de la nouvelle formule, à une concertation avec les associations d'usagers et les sociétés savantes concernées, et mis en oeuvre une campagne d'informations intense auprès des seuls professionnels de santé, en recourant aux canaux éprouvés de la communication que sont les messages électroniques et les courriers postaux. Aussi, consciente des lacunes de cette démarche, c'est sur une politique de transparence et d'association de toutes les parties prenantes le plus en amont possible, testée en 2018, que l'agence s'est engagée massivement depuis le début de l'année 2019. Dès lors, les processus d'élaboration des décisions de l'agence invitent les agents des directions métiers et produits à examiner et traiter les demandes ou alertes reçues, tout en prenant d'emblée en compte les besoins concrets de l'usager dans leur évaluation des bénéfices et des risques. Le conseil d'administration de novembre 2018 a donné son accord à la refonte totale des commissions et groupes de travail de l'agence. Aux trois commissions permanentes et à la trentaine de groupes de travail qui existent à ce jour vont se substituer seize commissions permanentes dans lesquelles seront durablement appelés à siéger tant les professionnels de santé concernés et intéressés que les associations d'usagers. Un appel à candidatures a été lancé auprès des associations pour proposer des membres en vue d'une mise en place en juin 2019. Les travaux de ces commissions et des comités scientifiques spécialisés (CSST), organes temporaires que l'agence pourra également réunir sur des sujets qui le justifient, sont désormais ouverts au public, retransmis et organisés pour permettre des auditions publiques de personnes intéressées.
L'agence met désormais systématiquement en ligne les données communicables dont elle dispose et le fera pour les données qu'elle détient. D'ailleurs, c'est notamment à partir de l'analyse de données relatives à la nouvelle formule du Levothyrox, mise en ligne par l'agence, qu'a été réalisée l'étude franco-britannique parue récemment dans une revue de langue anglaise sur ce produit.
Elle se donne également pour objectif d'informer, de façon plus systématique, directement les patients, notamment en provoquant un échange entre le médecin et son patient sur le choix d'un produit de santé, médicament ou DM, lorsque celui-ci présente un risque - à l'instar de la prescription de valproate de sodium à des femmes enceintes et à partir de juin 2019, pour la prescription d'androcur. La direction de la communication a également mis au point des supports de communication plus pédagogiques pour les usagers.
Enfin, conformément à l'annonce de la ministre des solidarités et de la santé en septembre 2018 pour mettre en oeuvre le rapport sur l'information des patients, l'agence va assurer la communication d'urgence à l'égard des usagers en cas d'alerte sur un médicament en s'appuyant sur le CASAR auquel sera rattaché le comité d'information sur les produits de santé. À cet égard, la direction de la communication de l'agence, très présente sur les réseaux sociaux depuis l'année 2018, a mis en place un pôle de veille, qui vise notamment à corriger, le plus en amont possible, les fausses informations qui peuvent y être diffusées.
S'agissant des dispositifs médicaux, le règlement UE 2017-745 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017, qui entrera en vigueur en mai 2020, est clairement en-deçà des positions de négociation du gouvernement français pour améliorer la sécurité de ces produits, notamment de ceux qui présentent le plus de risques, à savoir les DM implantables et les DM DIV. Il n'en constitue pas moins un progrès par rapport à l'état du droit actuel, très complexe, qui repose, pour leur mise sur le marché, selon le cas sur l'auto-certification ou la certification par des organismes tiers, puis sur la surveillance dans le cadre de la matériovigilance.
Les efforts de l'agence se déploieront tout d'abord au plan européen en assurant la pérennité d'une présence au sein du groupe de coordination des DM et en suscitant une réflexion sur le calendrier d'entrée en vigueur du règlement, au regard notamment du contrôle des organismes notifiés. Au plan national, elle mettra en place une évaluation des demandes d'essais cliniques des DM, au plus proche des exigences de ce Règlement.
L'agence poursuivra la mise en place d'un échelon régional de matériovigilance qui lui apparaît nécessaire à la surveillance de ces produits. Elle va également renforcer la formation de cet échelon régional et le pilotage scientifique à la fois de ce réseau et des autres réseaux de vigilance.
L'agence est pleinement consciente de ses points faibles, qui ont été parfaitement mis en lumière par le rapport de l'IGAS déjà cité, s'agissant notamment de l'évaluation, de la hiérarchisation des alertes et du délai de leur réponse. Ce rapport comporte les recommandations lui permettant de progresser et de monter fortement en puissance. Le contrat d'objectifs et de performance (COP) s'en inspire. Leur mise en oeuvre est une des priorités de l'agence pour les mois et années à venir. Elle a d'ailleurs commencé à le faire en matière d'implants mammaires et de renfort pour le traitement du prolapsus et de l'incontinence urinaire.
Enfin, la prévention et la gestion des ruptures d'approvisionnement de produits de santé sensibles constitueront aussi l'une des priorités de l'agence. Comme le rapport de la mission d'information du Sénat le souligne, les causes de ces ruptures d'approvisionnement peuvent être multiples : défauts de qualité sur une matière première, incidents techniques au sein d'une usine de fabrication, mais aussi mauvaise organisation d'un producteur ou d'un des maillons de la chaine de distribution. Elles relèvent toutes de la responsabilité des entreprises qui les fabriquent, les commercialisent et les distribuent. Leur survenance constitue une menace pour la sécurité des patients concernés, c'est pourquoi l'agence est particulièrement attentive à le prévenir ; la gestion des pénuries étant pour elle très chronophage.
La législation française comporte un arsenal très développé de mesures afin de les prévenir et de sanctionner les entreprises qui se montreraient négligentes. L'agence continuera de veiller au respect des règles qui visent à prévenir ces pénuries, quitte à sanctionner les entreprises négligentes et à déployer tous ses efforts pour faire face aux périodes de pénurie. Elle sensibilisera également ses partenaires européens pour favoriser une approche européenne de cette question, afin d'éviter qu'une rupture d'approvisionnement dans un État n'induise des effets négatifs dans les autres États.
En conclusion, je voudrais vous partager mes interrogations de présidente du conseil d'administration, qui a pour fonctions de donner à l'agence les moyens de ses missions et d'arrêter sa stratégie sur les moyens de l'agence.
Ainsi, est-il pertinent que les recettes que l'agence perçoit du budget de l'État pour compenser les missions de service public qu'elle assure soient à ce point déconnectées de son activité ? Je vous ai cité le chiffre de 84 000 décisions par an, mais ce chiffre ne rend qu'imparfaitement compte de l'importance de l'activité qu'elle déploie et du temps qu'elle y consacre ; les activités les plus chronophages et essentielles pour la sécurité sanitaires, comme de garantir les approvisionnements en produit de santé, ne se traduisant pas par le plus grand nombre de décisions.
Est-il également pertinent que les dépenses en personnel et de fonctionnement de l'agence soient plafonnées, quand son expertise repose sur les agents qui la composent ? Je prendrai deux illustrations. D'une part, l'agence vient de créer, avec la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM), le Groupement d'intérêt scientifique (GIS) EPIPHARE destiné à conduire des études épidémiologiques indépendantes aptes à éclairer l'analyse sur la sécurité des produits de santé tout au long de leur vie. Or, le recrutement d'experts au sein de cette structure se heurte à la concurrence exercée par les laboratoires qui rétribuent davantage les mêmes qualifications !
Ma seconde illustration concerne la résorption par l'agence de sa dette informatique qui a été différée en raison des problèmes budgétaires auxquels l'agence a été confrontée en 2016-2017. Or, cette résorption se fait par la location et non plus des investissements et se trouve ainsi soumise à une contrainte non prévue.
Enfin, est-il pertinent, alors que l'agence s'engage sur des travaux sur plusieurs années conformément à son COP, qu'elle ne dispose pas davantage de prévisibilité et sécurité sur son financement pour la période correspondante ?
Je demeure néanmoins confiante dans la capacité de l'agence et de la direction du budget, avec laquelle un dialogue constructif a été conduit depuis 2017, à trouver des réponses adéquates à ces interrogations et à assurer une dotation en adéquation avec ses missions. Cette démarche ne manquera pas d'être aidée par les conclusions de l'audit de l'agence que la Cour des comptes vient de débuter à votre demande, Monsieur le Président. Je vous remercie de votre attention.
L'agence a-t-elle renforcé son dispositif de prévention et de gestion des pénuries de médicaments ?
Je m'inquiète d'une disposition du projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé que nous examinerons prochainement et qui prévoit l'abrogation de l'expérimentation du contrôle des exportations de médicaments au motif que cette expérimentation rencontrerait des obstacles. Quels sont ces obstacles ? Je rappelle que la mission d'information sénatoriale que vous avez citée plaidait justement pour une meilleure visibilité de la répartition des médicaments entre le marché français et les marchés étrangers.
On sait que le discours anti-vaccins s'appuie notamment sur les fausses informations circulant notamment sur les réseaux sociaux. Alors que la France connaît une recrudescence de cas de rougeole, l'agence peut-elle intervenir pour communiquer sur la sécurité des vaccins ?
Que pensez-vous de l'usage et du mésusage des opioïdes ? Une crise menace-t-elle ? Que compte faire l'agence pour la prévenir ?
Comment l'ANSM a-t-elle renforcé son dispositif de matério-vigilance, suite notamment au rapport de l'Igas de 2018 ?
L'ANSM sera-t-elle l'autorité nationale chargée d'accréditer les organismes notifiés en application des directives européennes sur les dispositifs médicaux ? En aura-t-elle les moyens ?
N'est-il pas nécessaire de clarifier le périmètre d'intervention respectif de l'ANSM et des autres agences sanitaires, notamment la HAS et le CEPS, face aux crises sanitaires ?
Qu'en est-il de la réacto-vigilance ?
L'ANSM a-t-elle les moyens de contrôler le commerce en ligne de médicaments ?
Les sanctions prononcées par l'ANSM à l'encontre des grossistes-répartiteurs qui privilégient l'export au détriment de leurs obligations de service public sont-elles efficaces ? Faut-il les alourdir ?
Je suis membre du conseil d'administration de l'ANSM et je peux témoigner des efforts de restructuration opérés ces dernières années. J'espère que la réduction des moyens alloués s'arrêtera et que l'État donnera à l'agence les moyens de mener à bien les nouvelles missions qu'il lui confie.
A cet égard je rappelle que le Sénat avait été à l'origine, en 2011, de la taxe sur les cosmétiques qui a été supprimée en 2015.
Je voudrais, avant de vous répondre, rappeler les évolutions récentes en matière de déontologie. L'agence contrôle avec vigilance le respect de l'obligation de déclaration publique d'intérêt mais également l'exactitude de ces déclarations, notamment en les croisant avec celles des laboratoires.
Ce contrôle est désormais exercé systématiquement avant chaque réunion d'une instance de l'agence, par chacune des directions de l'agence.
Nous avons une petite difficulté avec la mise en place du nouveau portail unique qui doit encore être amélioré d'un point de vue technique.
L'agence reste mobilisée contre les risques de rupture de stocks de médicaments.
S'agissant de la disposition du projet de loi en cours d'examen, il s'agit de mettre fin à l'obligation de déclaration des quantités exportées qui avait été mise en place à titre expérimental par la loi du 23 février 2017. Cette expérimentation avait un deuxième volet, permettant aux laboratoires fabriquant des produits exportés par des grossistes-répartiteurs de percevoir un complément de rémunération correspondant au manque à gagner par rapport au prix qu'ils auraient perçu s'ils avaient commercialisé les produits concernés sans prix administré. Ce second volet a été jugé contraire au droit de l'Union européenne par le Conseil d'État.
Par ailleurs, la loi de modernisation de notre système de santé de 2016 a interdit l'exportation par les grossistes-répartiteurs de médicaments d'intérêt thérapeutique majeur.
L'abrogation de l'expérimentation que vous évoquez correspond donc à un souci de simplification. Au demeurant, l'obligation de déclaration ne pourrait avoir qu'un intérêt rétrospectif.
Nous n'avons pas assez de recul pour évaluer l'efficacité des sanctions contre les grossistes répartiteurs. Il conviendrait toutefois d'avoir une réflexion sur le prix du médicament, car c'est la baisse des marges qui a incité les grossistes-répartiteurs à développer des stratégies d'exportation.
L'ANSM est présente sur les réseaux sociaux, notamment pour contrer les fausses informations. Il faut développer un sentiment de confiance. La direction de la communication fait des efforts d'adaptation de sa stratégie.
La réactovigilance est un des domaines dans lesquelles l'ANSM doit progresser. C'est un de ses axes de travail pour les années à venir.
Les compétences de l'agence s'étendent aux produits vendus sur internet. Internet est par ailleurs un outil qui peut permettre de favoriser l'accès aux médicaments alors qu'on observe une baisse du nombre de pharmacies.
L'agence est particulièrement vigilante sur la question des usages et des mésusages des opioïdes. L'expérience montre que l'efficacité de l'action de l'agence suppose que notre message soit reçu et suivi par les médecins prescripteurs.
C'est bien l'ANSM qui sera en charge de l'accréditation. Nous comptons appeler l'attention des autorités européennes afin que le délai qui sera fixé permette effectivement de remplir cette mission.
Dès que l'ANSM est saisie d'une question qui relève de la compétence d'une autre autorité, elle la saisit sans tarder afin de travailler de concert.
Il me semble que la répartition des compétences avec le CEPS est claire. Il pourrait toutefois être souhaitable que cet organisme tienne davantage compte des recommandations de l'ANSM dans la fixation du prix des produits de santé.
Par ailleurs, la création d'un campus regroupant sur un même lieu les diverses agences intervenant dans le domaine de la santé, qui est actuellement envisagée, permettrait certainement de renforcer les échanges et la collaboration entre ces agences.
La réunion est close à 12 h 05.