Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen du projet de loi pour une école de la confiance, que nous entamons aujourd’hui, marque l’aboutissement d’un intense travail préparatoire.
Je tiens à remercier dès à présent notre collègue rapporteur, Max Brisson, de la qualité de ses travaux et de l’écoute qu’il a accordée aux propositions des différents commissaires, ainsi que la présidente de la commission, Catherine Morin-Desailly. Je veux d’autant plus les remercier, ainsi d’ailleurs que l’ensemble des membres de la commission, que l’état d’esprit qui a dominé, en dehors de celle-ci, lors de l’étude de ce texte, n’a pas toujours été des plus sereins au cours des dernières semaines ; nous avons tous été saisis ou alertés à propos de telle ou telle disposition du texte qui pouvait inquiéter.
Le déchaînement des passions qu’entraîne bien souvent un projet de loi sur l’éducation nationale a encore une fois eu lieu avec ce texte. Cela montre tant l’attachement des acteurs à l’organisation actuelle que leur extrême sensibilité à toute modification de celle-ci, qui, si elle n’est pas forcément vécue comme satisfaisante, semble tout de même protectrice. Je pense en particulier à l’article 6 quater, introduit dans le texte à l’Assemblée nationale ; j’y reviendrai dans un instant.
Quoi qu’il en soit, le projet de loi pour une école de la confiance propose de réformer plusieurs éléments de notre système scolaire ; cela dit, la portée limitée des modifications envisagées ne justifiait sans doute pas l’ampleur des réactions suscitées. En effet, le texte que nous examinons aujourd’hui semble être davantage une juxtaposition de mesures dont la cohérence n’apparaît pas avec une grande évidence.
Il trouve son origine dans la volonté du Gouvernement de généraliser l’instruction des enfants dès l’âge de 3 ans. Si cette mesure ne concerne, en métropole, que quelques milliers d’enfants, elle est cependant motivée par un objectif, que nous partageons, d’égalité scolaire et sociale, et de détection précoce des maladies ou situations de handicap.
La question, impliquée par cette disposition, du financement des communes semblant avoir été mal évaluée, ou en tout cas mal prise en compte, par le Gouvernement, notre commission, sur la proposition de son rapporteur, a apporté une réponse à cet enjeu crucial pour les collectivités. Cette réponse sera, je le crois, de nature à nous satisfaire tous.
Le texte institue par ailleurs un conseil d’évaluation de l’école, qui remplace l’actuel Conseil national d’évaluation du système scolaire, le Cnesco. Des craintes ont pu être exprimées quant à une mainmise plus importante du ministère sur ce nouvel organisme, ce à quoi notre commission a, là encore, apporté une réponse qui saura, je l’espère, satisfaire chacun de nous.
Toutefois, mon groupe et moi-même signalons ceci : le Cnesco ayant été mis en place seulement en 2013, nous ne pensons pas disposer du recul nécessaire sur son fonctionnement pour justifier une transformation si radicale.
Au-delà de ces problématiques purement scolaires, le texte contient une série de dispositions appelant, notamment, à une meilleure prise en compte du handicap dans l’école et autour d’elle, à une revalorisation du statut des accompagnants, ainsi qu’à des mesures de sensibilisation destinées aux élèves. Nous nous réjouissons bien entendu que soit ainsi valorisée l’école inclusive, enjeu essentiel sur lequel notre groupe s’est beaucoup investi, à différentes reprises.
À ce sujet, le texte prévoit notamment la création des pôles inclusifs d’accompagnement localisés, les PIAL. Ce dispositif vise à coordonner, au sein des établissements scolaires, les moyens humains dédiés à l’accompagnement des élèves en situation de handicap. Une certaine inquiétude demeure néanmoins à ce sujet au sein de la communauté médico-éducative, inquiétude qui pourra, je l’espère, être levée par nos travaux.
J’en viens à la disposition la plus débattue de ce projet de loi : la mise en place des établissements publics des savoirs fondamentaux, prévue à l’article 6 quater, dans le cadre des travaux engagés, depuis plusieurs années, autour du concept d’école du socle.
Les auteurs du texte concevaient cette disposition comme une réponse, parmi d’autres, à la problématique du déclin démographique qui frappe de plein fouet certaines zones du territoire. Cela dit, la maladresse avec laquelle ce dispositif a été introduit, les craintes légitimes qu’il a pu susciter et l’absence d’étude d’impact ont justifié sa suppression par notre commission, à l’unanimité de ses membres.
Il semble en effet regrettable que ce dispositif ait été introduit dans un contexte très sensible, celui des fermetures, souvent agressives et mal comprises, de classes et d’écoles, subies au cours des dernières années par les collectivités locales, dont le dialogue avec l’État et ses représentants n’a pas forcément été facile. Le rapport Politiques éducatives et territoires de Pierre Mathiot et Ariane Azéma, devait être présenté en juin ; il aurait pu calmer les tensions et nourrir la réflexion sur ce sujet, mais la manière dont a été inséré cet article n’a fait qu’aviver les craintes et les crispations.
Cette disposition ne peut que nourrir les regrets concernant le calendrier selon lequel ce projet de loi est arrivé devant la Haute Assemblée, à savoir avant que le rapport de M. Mathiot et Mme Azéma et celui que mon collègue Jean-Yves Roux et moi-même rédigeons, au nom de notre commission, aient pu poser le problème dans sa globalité. C’est bien par manque de méthode et de pédagogie que cet article a failli ; la confiance ne s’impose pas, elle se construit, notamment par le dialogue et la pédagogie.
Les suites qui seront réservées à ce projet de loi constituent également une source d’interrogations ; j’espère que les débats que nous aurons dans les heures et les jours qui viennent permettront d’y répondre. En effet, certaines mesures se télescopent avec des annonces du Président de la République faites après le dépôt du projet de loi et qui, bien entendu, en modifient certains aspects.
Je tiens à le souligner, le groupe des sénateurs centristes entend néanmoins proposer une réponse aux craintes concernant des fermetures de classe.
Enfin, le texte prévoit le recours à l’expérimentation pour les établissements, dans un cadre défini et contrôlé. Ce droit à l’expérimentation nous semble nécessaire pour permettre à l’éducation d’évoluer et de s’adapter aux nouveaux besoins pédagogiques et territoriaux ; il pourrait toutefois être plus ambitieux et concerner des champs plus larges, notamment sur le plan administratif.
C’est en effet une conviction que nous portons : dans le domaine de l’éducation nationale, où la moindre évolution peut provoquer des réactions parfois irrationnelles, la solution passe sans doute par un surcroît d’initiatives des acteurs locaux – élus, personnel de l’éducation, parents –, pour répondre aux besoins des territoires en matière éducative. Le projet de loi pourrait aller plus loin en la matière ; tel est le sens d’amendements que nous défendrons.
Si le texte pouvait redonner confiance aux acteurs locaux pour prendre des initiatives, alors, dans ce cas, le nom donné au projet de loi prendrait certainement davantage de sens.