Séance en hémicycle du 14 mai 2019 à 14h45

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quatorze heures quarante, sous la présidence de M. Gérard Larcher.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. Monsieur le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, mes chers collègues, je vous demande de bien vouloir vous lever.

M. le ministre, ainsi que Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Deux militaires, le premier-maître Cédric de Pierrepont et le premier-maître Alain Bertoncello, officiers mariniers au sein du commandement des opérations spéciales, ont tragiquement trouvé la mort au Sahel, au cours d’une mission ayant abouti à la libération de quatre otages, dont deux de nos compatriotes, détenus par un groupe de terroristes qui avaient sauvagement assassiné leur guide béninois.

Au nom du Sénat tout entier, je tiens à saluer le courage de ces deux militaires, qui ont donné leur vie pour sauver celles des otages et à qui la Nation tout entière a rendu un hommage solennel ce matin, autour du Président de la République.

Nous adressons nos pensées émues à leurs familles, à leurs proches et à leurs frères d’armes.

Ce tragique dénouement nous rappelle l’engagement résolu de nos forces armées, que je tiens à saluer en votre nom à tous, pour lutter contre le terrorisme et assurer, partout dans le monde, la protection de nos concitoyens et des valeurs que nous avons en partage.

Je vous invite à observer un moment de recueillement en hommage à nos deux soldats.

Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre observent une minute de silence.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle le scrutin pour l’élection d’un juge titulaire et d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République.

Il va être procédé, dans les conditions prévues par l’article 86 bis du règlement, au scrutin secret pour l’élection à la Cour de justice de la République. Ce scrutin se déroulera dans la salle des conférences, et la séance ne sera pas suspendue durant les opérations de vote.

Une seule délégation de vote est admise par sénateur.

Je remercie nos collègues Daniel Dubois et Annie Guillemot, secrétaires du Sénat, qui vont superviser ce scrutin.

Les juges à la Cour de justice de la République nouvellement élus seront immédiatement appelés à prêter serment devant le Sénat.

Je déclare ouvert le scrutin pour l’élection d’un juge titulaire et d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République. Il sera clos dans une demi-heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une école de la confiance (projet n° 323, texte de la commission n° 474, rapport n° 473).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Blanquer

Monsieur le président, madame la présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je m’associe à l’hommage qui vient d’être rendu à deux héros de la Nation. J’ai suggéré que des écoles, collèges et lycées puissent porter leurs noms ; nous en faisons la proposition aux collectivités territoriales, comme nous l’avons fait pour le lieutenant-colonel Beltrame, car il est très important que soit donné à nos élèves et à notre pays l’exemple de ces hommes, qui incarnent au mieux la défense des valeurs de la République.

Je suis heureux de présenter aujourd’hui le projet de loi pour une école de la confiance à l’examen de la Haute Assemblée.

Depuis un certain nombre d’années, notre école souffre de la difficulté à réduire les inégalités sociales, à permettre à tous les élèves de maîtriser les savoirs fondamentaux – lire, écrire, compter, respecter autrui – et, au-delà, à s’insérer dans la vie professionnelle. Deux chiffres, que nous ne devons jamais oublier dans nos débats, s’imposent à nous : plus de 20 % des élèves ne maîtrisent pas les savoirs fondamentaux à la fin de l’école primaire et près de 23 % de nos jeunes sont aujourd’hui au chômage. Aux deux extrémités de notre système se pose évidemment une grande interrogation sur les causes et les raisons de ces phénomènes.

Bien entendu, nous avons l’impérieuse nécessité d’apporter des réponses concrètes et efficaces. Nous devons combattre collectivement les chiffres que je viens de citer, car s’y cachent derrière des réalités sociales, que nous devons changer avec une constance d’airain.

Au-delà de leur froideur, ces chiffres témoignent de la frustration, du doute sur l’avenir et, tout simplement, du sentiment de relégation qui peut être éprouvé par certains de nos compatriotes. C’est pourquoi ma priorité absolue et constante est, depuis deux ans, l’école primaire. En effet, l’école primaire est la clé de l’amélioration collective de notre système scolaire et, donc, de notre Nation. Elle joue, dans l’histoire de notre République, un rôle tout particulier, un rôle emblématique : c’est par elle que tout commence pour la vie d’un enfant comme pour la République.

C’est par une politique d’élévation résolue du niveau, de justice sociale et d’équité territoriale que nous pouvons hisser l’école française parmi les meilleurs systèmes au monde, ce qu’elle a su être. Nous ferons ainsi de la France, selon les vœux mêmes du Président de la République, des vœux qu’il a réitérés, une grande puissance éducative, car nous devons aussi raisonner à l’échelle mondiale.

Le projet de loi qui vous est présenté ne prétend pas résoudre tous les problèmes – je l’ai d’ailleurs indiqué dès l’origine –, mais il approfondit le sillon que nous avons tracé depuis deux ans.

D’abord, la politique de l’école primaire a abouti à diviser par deux les classes de CP et de CE1 dans les territoires les plus défavorisés, permettant ainsi, au moment où je vous parle, à 190 000 élèves de bénéficier de conditions particulières pour démarrer leur vie d’élève. Cette mesure, qui commence à faire ses preuves, concernera 300 000 élèves à la rentrée prochaine. Elle va évidemment de pair avec une politique pédagogique renouvelée, au travers de recommandations pédagogiques qui s’inspirent non seulement des travaux scientifiques portant sur les meilleures pratiques en matière d’acquisition des savoirs fondamentaux et de l’expérience, mais également des évaluations des classes de CP et de CE1 notamment, qui nous permettent de bien mesurer les progrès individuels et collectifs de nos élèves.

Il convient donc d’engager un investissement massif dans l’école primaire. Ce sera d’ailleurs encore le cas lors de la rentrée de 2019, avec la création de 2 300 postes, et ce dans un contexte de baisse démographique. Cette mesure doit nous permettre non seulement de mener cette politique dans les territoires classés REP et REP+, mais également de consolider l’école rurale, une consolidation que le Président de la République a confirmée au cours de sa récente allocution. Il s’agit donc aujourd’hui d’une mobilisation à la fois pédagogique et budgétaire au service de l’école primaire.

Le projet de loi dont nous nous apprêtons à débattre s’inscrit donc pleinement dans la priorité éducative rappelée et approfondie par le Président de la République au cours de sa conférence de presse du 25 avril dernier au cours de laquelle il a annoncé, outre les éléments que je viens d’indiquer, la fin des fermetures d’écoles primaires sans l’accord du maire, le dédoublement des grandes sections de maternelle classées en zone d’éducation prioritaire et la limitation à 24 élèves par classe en grande section, en CP et en CE1 partout en France.

Le projet de loi pour une école de la confiance s’inscrit dans une politique générale qui fait de l’éducation le cœur du projet de société que nous avons pour l’élévation du niveau général de notre peuple, mais aussi pour la justice sociale.

Tant de choses ont été dites à propos de ce projet de loi… Aussi, j’espère vivement que les débats au sein de la Haute Assemblée permettront de rectifier certaines erreurs, certains mensonges même. Je suis d’ailleurs frappé de constater que ces erreurs et mensonges n’existaient pas lorsque le texte a été examiné par la chambre basse. Ce n’est que dans l’intervalle entre l’examen du texte par l’Assemblée nationale et le Sénat que ceux-ci ont prospéré.

Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Blanquer

Je veux voir dans la démocratie parlementaire la vertu de pouvoir discuter, sur des bases réelles, le contenu d’une loi. C’est ce que l’on attend de la démocratie représentative, et c’est, me semble-t-il, ce que nous avons à démontrer. Nous pouvons avoir des points de vue différents sur chacun des articles, mais nous ne saurions décrire l’article autrement qu’il n’est.

L’article 1er de ce projet de loi ne vise en aucun cas à museler les professeurs, comme je l’ai entendu. Il rappelle tout simplement à tous ceux qui ont décidé d’être fonctionnaires les droits et les devoirs afférents, qui ont été définis par des lois précédentes. Il rappelle surtout un principe essentiel sur lequel on ne peut transiger, à savoir le respect de la communauté éducative par les familles.

Autrement dit, non seulement cet article ne crée pas de contrainte nouvelle pour les professeurs, mais il est, au contraire, le fondement juridique d’un respect accru pour cette fonction par le reste de la société. Dans ces conditions, il est étonnant qu’il ait été présenté comme le contraire de ce qu’il est.

Pour prendre un autre exemple, l’article 2 ter du projet de loi ne consiste certainement pas à supprimer la visite médicale à 6 ans ; c’est même tout l’inverse. En cohérence avec l’abaissement de l’âge de l’instruction obligatoire, il avance l’âge de la première visite médicale à 3 ans, offrant ainsi à tous les élèves un parcours de santé entre 0 et 6 ans.

Cet article, comme bien d’autres, fait de ce texte une loi profondément sociale. D’ailleurs, si je ne devais insister que sur un point, ce serait celui-là. Cette loi, qui est une loi pour l’éducation, est d’abord et avant tout une loi profondément sociale. Non seulement elle vise les élèves les plus défavorisés, mais elle crée également les conditions d’une véritable ascension sociale par l’éducation ; j’en donnerai une nouvelle illustration avec l’article 14.

Là encore, avec cet article, il n’a jamais été question d’imaginer que des étudiants, au début de leur parcours, remplacent des professeurs, comme je l’ai souvent lu et entendu ces dernières semaines ; c’est même tout l’inverse. Il s’agit de renouer avec une tradition qui a bien réussi à notre école républicaine.

Pendant de nombreuses décennies, nous avons cherché à encourager et susciter les vocations enseignantes afin que les professeurs soient issus de toutes les classes sociales. Le dispositif de préprofessionnalisation, jadis appelé IPES, est une mesure profondément sociale, qui permettra à des jeunes de vivre leur passion de transmettre.

Ainsi, dès la rentrée prochaine, des étudiants en deuxième année de licence recevront 700 euros par mois, en plus de leur bourse, pour faire de l’aide aux devoirs, pour seconder les professeurs, et certainement pas pour les remplacer. Il s’agit donc, je le répète, d’une mesure profondément sociale, de nature aussi à attirer vers l’éducation nationale plus de vocations, notamment dans les disciplines où nous en avons le plus besoin. Pourquoi ne pouvons-nous pas obtenir l’union de toutes les femmes et de tous les hommes de progrès sur un tel sujet ? Pourquoi entendons-nous des propos faux en la matière, alors que nous renouons avec ce qui fait normalement consensus autour de l’école de la République ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

On ne sait pas lire ! On n’est pas allé à l’école !

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Blanquer

Il est donc souhaitable que nos débats rétablissent des vérités simples sur ces articles.

Je veux vous le dire très solennellement, lorsque l’on contribue à colporter de fausses interprétations des articles, non seulement on ne concourt pas à corriger quelque chose qui, justement, n’est pas à corriger puisque cela ne correspond pas à la réalité, mais, en plus, on participe à cette désespérance qui, elle-même, va à l’encontre du progrès social.

Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche. – Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Blanquer

Les commentaires des commentaires n’ont toutefois pas réussi à obscurcir la visée fondamentale de ce texte.

Il faut maintenant identifier les leviers essentiels susceptibles d’améliorer notre politique éducative et les actionner afin d’atteindre la seule chose qui compte : le progrès effectif de tous les élèves.

Le premier des leviers est l’école primaire, tout particulièrement l’école maternelle. C’est là qu’il est possible d’attaquer les inégalités à la racine. Là aussi, j’ai entendu dire que le Gouvernement voulait supprimer les écoles maternelles.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Blanquer

Certains me diront peut-être que je me trompe, prétendant que le texte n’a jamais indiqué que l’on supprimerait les écoles maternelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Nous non plus nous ne voulons pas les supprimer !

Debut de section - PermalienPhoto de Céline Brulin

On a déjà suffisamment de choses à dire sans en rajouter !

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Blanquer

C’est à ce niveau qu’il est possible d’attaquer les inégalités à la racine.

En fonction de son milieu social et culturel, un jeune enfant peut accumuler des retards linguistiques considérables. C’est pourquoi il importe tellement de faire de l’école maternelle une véritable école en abaissant l’obligation d’instruction à 3 ans.

Sachez, mesdames, messieurs les sénateurs, que c’est une grande fierté pour moi d’appartenir à un gouvernement à qui le Président de la République a demandé de s’inscrire dans la lignée des grandes lois républicaines sur l’obligation scolaire. Incontestablement, il s’agit aussi évidemment pour cette raison d’une loi sociale.

Depuis la fin du XIXe siècle, l’âge de la scolarité obligatoire n’a jamais été avancé, l’école maternelle n’ayant pas toujours été perçue comme une véritable école. Parfois, elle n’était pas fréquentée de façon régulière ou elle l’était sans assiduité. Le travail admirable des professeurs et des Atsem montre tout le contraire : l’école maternelle est un moment essentiel dans le parcours de l’élève.

Aujourd’hui, les travaux issus de la recherche soulignent que les années passées à l’école maternelle sont décisives pour la maîtrise future des savoirs fondamentaux. Cette loi vise donc à renforcer l’école maternelle, à la reconnaître et à lui donner les moyens d’être le fer de lance de l’élévation du niveau général et de la justice sociale.

L’apprentissage du vocabulaire, l’émergence progressive d’une conscience grammaticale par la lecture de livres, l’éveil de la sensibilité par les arts, le développement psychomoteur et affectif, la socialisation par le respect des règles et le jeu, le souci du travail bien fait sont des fondations indispensables pour susciter le plaisir d’aller à l’école, cette école de la confiance, une école du bonheur – j’ose ce mot –, que nous pouvons souhaiter pour tous nos enfants.

Aux deux extrémités de notre système, l’obligation d’instruction abaissée à 3 ans et la formation obligatoire de 16 à 18 ans sont les acquis fondamentaux de ce projet de loi.

La formation obligatoire de 16 à 18 ans a été peu commentée ces dernières semaines. Or elle a aussi une dimension sociale essentielle dans cette loi.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Blanquer

Nous aurons ainsi les bases juridiques essentielles pour permettre à tous les élèves de s’émanciper et de construire un projet professionnel afin que ces derniers aient une place dans la société.

Je me réjouis en effet que certaines de ces dispositions aient pu figurer dans les programmes de telle ou telle formation politique…

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Blanquer

… dans cette assemblée. Nous devrions donc obtenir approbation auprès des membres siégeant sur ces travées.

Beaucoup ont souhaité l’instruction de 3 à 18 ans. Aujourd’hui, cela devient une réalité, et, grâce à vos suffrages, cela peut devenir une réalité juridique.

La formation des professeurs est l’autre levier essentiel de progrès pour le système éducatif. Quelle est la situation actuelle ?

Telle Espé réserve, par exemple, deux à trois heures pour l’apprentissage de la pédagogie des savoirs fondamentaux, alors que telle autre y consacrera des dizaines d’heures. Cette hétérogénéité dans la formation n’est plus possible si l’on souhaite vraiment que tous les élèves maîtrisent les savoirs fondamentaux. Le principe d’égalité doit trouver à s’appliquer pleinement en matière de formation des professeurs. C’est pourquoi la création des Inspé est si importante.

Le changement du nom indique quelque chose d’important : le « i » pour institut signifie que nous voulons fonder tout cela sur une culture professionnelle ; le « n » comme national veut dire que nous voulons un cadre commun de référence et le « s » comme supérieur que nous confirmons évidemment la proximité avec le monde de la recherche.

Le travail accompli chaque jour par nos professeurs doit être soutenu ; nous devons leur permettre d’être plus encore des acteurs au travers d’un droit élargi à l’expérimentation. Ce droit est la marque de confiance dans les femmes et les hommes qui travaillent au plus près des réalités et de la diversité des territoires. Libérer, protéger, unir : ces mots forment la clé de voûte de ce texte.

Il n’existe pas d’expérimentation sans évaluation digne de ce nom. Ce projet de loi permet les expérimentations et les évaluations.

Nous allons approfondir la culture de l’expérimentation grâce à cette loi. Nous pourrons ainsi davantage positionner notre système éducatif comme un système pionnier, un système du XXIe siècle, tout en nous donnant les moyens de procéder à une véritable évaluation. La création du conseil d’évaluation de l’école nous permettra d’avoir une vision nationale complète de nos écoles, de nos collèges et de nos lycées. Nous le savons, les systèmes scolaires qui se portent aujourd’hui le mieux dans le monde sont ceux qui ont fait de l’évaluation de ce type des leviers de progrès, en s’appuyant notamment sur l’auto-évaluation, qui est une façon de responsabiliser l’ensemble des acteurs sur leur capacité à faire progresser les élèves.

En définitive, si l’école française est si consubstantielle à la République, c’est qu’elle fut, qu’elle demeure et qu’elle demeurera son visage, le visage du progrès et celui de l’avenir. Aujourd’hui, les horizons de notre école s’étendent au monde, et chacun sent bien la nécessité pour nos élèves de maîtriser parfaitement le français ainsi que des langues étrangères afin tout simplement que ceux-ci soient de leur temps et de leur espace. Aussi, nous devons développer les échanges en Europe et dans le monde. Il y va du rayonnement de la France, de sa place dans le concert des nations, de sa capacité à attirer les meilleurs talents.

Actuellement, l’enseignement international est souvent réservé aux familles favorisées, celles qui peuvent scolariser leurs enfants dans des écoles privées parfois coûteuses. En soumettant à votre vote la création d’établissements publics locaux d’enseignement international, je vous propose de conférer au service public d’éducation une plus forte dimension internationale afin que les élèves venus de tous les milieux et de tous les horizons puissent bénéficier de cette dynamique et s’ouvrent encore davantage sur l’Europe et le monde.

Cette mesure sera complémentaire à celle du renouveau de la politique des langues que nous allons engager. Elle sera aussi complémentaire aux politiques qui seront menées à l’avenir, je l’espère, à l’échelle européenne, notamment avec la multiplication des échanges Erasmus pour nos élèves des lycées professionnels, par exemple, ou nos futurs professeurs. En effet, nous voulons que ces derniers aient dans les futurs Inspé une expérience dans le reste du monde.

Ainsi, par ce projet de loi, l’école de la République reste fidèle à sa mission : donner à chacun de ses enfants le meilleur et ce qu’il y a de plus actuel, et j’y serai évidemment personnellement très attentif.

L’école de la République, c’est la maison commune de toute la jeunesse de France. À ce titre, elle doit apporter à tous ses enfants, où qu’ils se trouvent sur le territoire, la même chance de réussir et la même envie de saisir cette chance. C’est pourquoi il revient à l’État d’assurer la protection de tous ses enfants. Si la liberté d’instruction est un droit fondamental, nous devons avoir un contrôle particulièrement vigilant sur la qualité des enseignements qu’ils reçoivent. Nous savons tous que tel n’est pas le cas partout. Ce projet de loi permet donc de renforcer cette garantie.

Le texte que nous examinons est résolument un texte de confiance dans les territoires ; je le dis devant cette chambre qui a particulièrement vocation à défendre ses territoires dans la capacité à innover, à expérimenter et, comme je l’ai dit, à s’organiser selon les contraintes de chacun d’entre eux, tout en respectant le cadre national.

Ainsi, sur la base du volontariat, et avec le consentement de la communauté éducative ainsi que des élus, nous ne devons écarter aucune organisation susceptible d’aider les territoires à offrir un service d’éducation de qualité. Il revient à l’État de garantir l’équité entre les territoires, en donnant plus à ceux qui en ont besoin et en disposant d’organisations appropriées au plus près des réalités. C’est ce que nous faisons pour l’éducation prioritaire et l’école rurale, et c’est ce que nous devons faire pour les territoires ultramarins. À cet égard, dans le cadre de ce projet de loi, je vous propose de créer un rectorat de plein exercice à Mayotte, qui a tant besoin du soutien de la communauté nationale, une mesure qui se traduit aussi par des moyens budgétaires supplémentaires pour accompagner cette évolution.

Cette politique d’équité s’adresse particulièrement aux élèves les plus fragiles, notamment les élèves en situation de handicap. Je tiens à finir mon discours par ce point, afin de marquer qu’il s’agit, à mes yeux, d’un sujet essentiel.

Beaucoup a été fait depuis le début des années 2000, avec de premières politiques importantes en la matière. Toutefois, le défi à relever est immense. Il nous faut changer le regard sur la différence et réussir la transformation de nos organisations.

Notre ambition est claire : faire en sorte que tous les enfants dont le handicap est diagnostiqué soient pris en charge le plus rapidement possible. Pour ce faire, le levier qui vous est proposé au travers de ce projet de loi est inédit : il s’agit de faire émerger un grand service public de l’école inclusive avec 80 000 personnels mieux formés, mieux reconnus, mieux intégrés à l’équipe éducative, répartis sur tout le territoire en pôles, et qui, en toutes circonstances, sur le temps scolaire et périscolaire, accompagneront les enfants en situation de handicap.

Nous voulons que, dès la rentrée prochaine, cette amélioration soit visible pour les élèves et leurs familles, ainsi que pour les personnels accompagnants. Ainsi, nous voulons que l’on procède au recrutement avant la rentrée, que le rendez-vous entre les parents, les professeurs et les personnels accompagnants soit fixé avant la rentrée, que la formation de ces accompagnants ait lieu avant la rentrée, que l’organisation des établissements soit de nature à assurer un accompagnement au plus près des besoins des élèves. Nous voulons avoir une approche qualitative complémentaire de l’approche quantitative, pour que les accompagnants se sentent membres à part entière de la communauté éducative. Telle est la consigne qui a d’ores et déjà été donnée aux rectorats, de telle sorte que ces derniers s’organisent à cet effet.

Cette mesure concerne non seulement les éléments de recrutement que je viens d’énoncer, mais aussi les éléments de formation et de gestion des ressources humaines, en vue d’apporter à ces dernières de la considération et de leur offrir des contrats plus longs, des contrats de trois ans, renouvelables une fois, pouvant déboucher sur des CDI. Ce sont des progrès inédits, qui ne sauraient être sous-estimés. Là aussi, ils sont vecteurs d’espérance, une espérance que nous avons à communiquer aux élèves et à leurs familles. Il nous faut donc dire la vérité sur ce texte. Travestir la réalité contribuerait tout simplement à ne pas donner un socle à cette espérance dont nous avons besoin et dont nous nous donnons maintenant les moyens.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi porte une ambition : permettre à l’école de demeurer l’institution par laquelle tout est possible. Cela a été dit à plusieurs reprises par le Président de la République, le Premier ministre et moi-même. Nous pouvons considérer l’école comme le premier des outils dont nous disposons pour la justice sociale. Pour ce faire, il est nécessaire de repenser le lien de l’école avec les familles, en accueillant mieux les enfants en situation de handicap et en posant comme fondement de cette relation l’esprit de confiance.

Cette école de la confiance que nous appelons de nos vœux est non pas un mot, mais une aspiration sociale profonde conduisant à plus de liberté, plus d’unité et aussi plus de protection. Nous évoluons beaucoup trop dans une société de défiance ; tel est le diagnostic que nous pouvons faire sur notre pays. Or ce diagnostic date non pas d’hier, mais de plusieurs années, voire de plusieurs décennies. Il n’a pas toujours caractérisé la société française.

Aujourd’hui, nous avons la chance d’avoir de nouveaux leviers pour créer un cercle vertueux de la confiance. À cet effet, une loi ou un décret ne suffit pas. Il nous faut enclencher le cercle vertueux de la confiance en établissant des bases exactes, en nous fondant sur des textes, que nous interprétons de manière honnête, de bonne foi et dans un esprit de progrès et de discussion…

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Blanquer

… et en tenant compte des amendements – c’est ce que j’ai fait à l’Assemblée nationale et c’est ce que je ferai au Sénat.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Blanquer

C’est pourquoi se trouve au cœur de ce projet de loi une philosophie de la confiance, qui converge avec une philosophie de la démocratie parlementaire. Nous proposons non seulement aux acteurs sociaux, mais également aux représentants de la Nation des outils leur permettant de s’adapter aux réalités de notre société et de nos territoires. Il s’agit non pas d’imposer, mais de proposer et de faire confiance. Aussi, sur plusieurs volets, notamment pour ce qui concerne les modes d’organisation, ce projet de loi prévoit des outils au lieu d’imposer des mesures.

Une haute idée de la justice sociale, qui doit être effective dès les premiers jours de la vie jusqu’à la majorité, est l’épicentre de ce projet de loi. L’abaissement de l’instruction obligatoire et l’obligation de formation de 16 à 18 ans sont des acquis fondamentaux, et ce ne sont pas les seuls de ce texte.

Notre démarche consiste à placer au centre de l’école les professeurs, sans lesquels rien n’est possible. Mieux les aider pour entrer dans le métier, leur offrir une formation de qualité, faire respecter leur autorité, tel est mon devoir et tel est mon objectif avec ce projet de loi.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis fier de vous présenter un texte de nature à permettre à la France de porter une politique éducative ambitieuse. Par ce projet, nous souhaitons donner à nos enfants des racines et des ailes §

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Blanquer

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. … la fierté d’être des citoyens de France, la fierté d’être eux-mêmes. Nous pourrons croire en notre destin si nous préparons nos enfants sur la seule base qui vaille, celle de la liberté, de l’égalité et de la fraternité.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Union Centriste.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Max Brisson

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, que n’a-t-on entendu sur le sort que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication aurait réservé à ce projet de loi. Nous vous aurions « saqué », monsieur le ministre, et nous aurions passé votre projet de loi au lance-flammes.

Debut de section - PermalienPhoto de Max Brisson

Oui, le regard que nous avons porté sur votre projet de loi fut critique, mais nous avons surtout cherché à l’améliorer, à le compléter, à le densifier. Et si notre regard a été critique, peut-on d’ailleurs nous le reprocher ?

Oui, notre regard a été critique, parce que nous avons dit que ce texte péchait par sa méthode d’élaboration, une méthode faisant trop souvent fi de la concertation et du dialogue social, ainsi que l’illustrent l’introduction à l’Assemblée nationale des établissements publics locaux des savoirs fondamentaux, un chapitre entier sur l’école inclusive ou encore les multiples habilitations à légiférer par voie d’ordonnance.

Oui, notre regard a été critique, parce que nous avons aussi indiqué que, à l’aune de l’ambition d’une élévation générale du niveau des connaissances, d’une école plus juste, qui aurait retrouvé la confiance de la société et confiance en la société, ce projet de loi était incomplet par son contenu.

Certes, en abaissant l’âge de l’instruction obligatoire à 3 ans, votre projet de loi prévoit une avancée démocratique que l’école n’avait pas connue depuis les lois fondatrices de Jules Ferry. Mais, reconnaissons-le ensemble, ce progrès demeure symbolique, puisqu’il ne concernera, dans les faits, que 2 % à peine des enfants d’une classe d’âge, les autres ayant déjà rejoint, par la volonté des parents, les bancs de l’école maternelle.

La mesure emblématique, qui est la raison d’être de ce projet de loi, est donc, pour l’essentiel, une mesure d’adaptation. Hormis en Guyane et à Mayotte où l’application de celle-ci se heurtera à de grandes difficultés, cette disposition se révélera sans réel impact sur les autres territoires français. En l’espèce, la loi ne fait que suivre le mouvement que la société a déjà imprimé.

Quant aux autres dispositions, elles sont d’importance très variée, alors qu’un volet demeure absent, celui des mesures relatives à la gestion des ressources humaines et aux conditions d’exercice du métier d’enseignant. Il s’agit pourtant là du levier majeur d’amélioration de notre école.

Comme les événements récents en témoignent, il est de plus en plus évident que les professeurs n’ont plus confiance en leur hiérarchie et ne se sentent plus ni écoutés ni considérés. Or la valeur de l’école se mesure aussi à l’aune du moral de ses professeurs.

Puisqu’il devait finalement y avoir une loi, alors, oui, l’école de la République, notre école, méritait plus. Car il y a urgence.

Les évaluations se succèdent et les acquis des élèves qu’elles mesurent se dégradent. L’échec scolaire se caractérise par sa précocité croissante et l’incapacité de notre système éducatif à le réduire.

Debut de section - PermalienPhoto de Max Brisson

Plus grave, la promesse républicaine fondatrice de notre école régresse. Notre système éducatif devient à l’opposé de cette promesse : il est l’un des plus inégalitaires des pays développés. Ses faiblesses, monsieur le ministre, vous les connaissez, et vos actions sont tendues vers leur résolution.

Si la perspective dans laquelle s’est inscrite la commission était donc résolument et raisonnablement critique, elle est tout aussi résolument et raisonnablement constructive.

En effet, mes chers collègues, votre commission a souhaité demeurer fidèle à ce qui fait l’intérêt du Sénat : un attachement à la qualité de la loi, en rejetant les dispositions bavardes, superflues ou manifestement réglementaires ; un esprit d’ouverture et de compromis ; une attitude pragmatique et la prise en compte de la diversité des réalités locales. Votre commission a aussi cherché à dépasser les clivages pour avoir un débat de qualité, un débat digne de l’école, parce que notre école le mérite et qu’elle est dans notre pays, chacun le sait, un sujet politique, source bien sûr de divergences, mais aussi de convergences fondatrices de notre République.

Le texte adopté par la commission est le fruit de ce travail collectif, dont je suis particulièrement fier : 141 amendements de presque tous les groupes ont permis de construire un texte plus équilibré et plus abouti, portant la voix des territoires jusqu’alors trop négligée.

La commission a ainsi apporté de nombreuses améliorations au texte qui lui était soumis.

Elle a réécrit l’article 1er pour rappeler que l’exigence d’exemplarité est au service de l’autorité des professeurs et pour réaffirmer une relation d’autorité dans laquelle le respect est d’abord et avant tout dû par les élèves et leurs familles aux personnels et à l’institution scolaire.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Max Brisson

S’agissant de l’abaissement de l’âge de l’instruction obligatoire, votre commission n’a pas remis en cause cette mesure, mais elle a été attentive aux conditions de son application.

Elle a veillé à donner de la liberté aux parents, en pérennisant la dérogation permettant aux jardins d’enfants d’accueillir des enfants de 3 à 6 ans. Elle a souhaité donner de la souplesse, en formulant des dérogations à l’obligation d’assiduité. Enfin, elle a modifié l’article 4 pour assurer la juste compensation des communes qui soutenaient déjà les écoles maternelles privées sous contrat.

À l’article 5, elle a souhaité donner aux familles les garanties d’un contrôle équitable, sans pour autant nuire à l’effectivité de ce dernier.

Elle a renforcé substantiellement le volet consacré à l’école inclusive, visant notamment à créer les modalités d’un accompagnement de qualité et à améliorer les conditions de travail et de formation des accompagnants d’élèves en situation de handicap.

Se faisant l’écho de l’incompréhension suscitée par l’article 6 quater, votre commission l’a supprimé, afin d’envoyer un signal fort au Gouvernement et au pays. Nous examinerons lors de nos débats un amendement de notre collègue Jacques Grosperrin tendant à rétablir cet article en donnant de solides garanties aux élus locaux, aux enseignants, aux directeurs et aux parents.

Notre commission a approuvé le principe de l’évaluation des établissements et de l’instauration du conseil d’évaluation de l’école à l’article 9. Elle a toutefois revu la composition de l’instance, afin d’en renforcer l’indépendance vis-à-vis du ministre et du Gouvernement. Elle a ainsi prévu la nomination de son président par le chef de l’État et renvoyé la nomination des six personnalités qualifiées aux présidents des assemblées parlementaires et au Premier ministre. Elle a fixé à six ans la durée de leur mandat, afin que celui-ci dépasse les alternances politiques.

Notre commission a travaillé enfin à combler les lacunes de ce texte, en introduisant plusieurs dispositifs de gestion des ressources humaines qui font aujourd’hui défaut : la poursuite des actions de formation initiale au cours des trois premières années de carrière ; l’obligation de formation continue pour tous les enseignants, organisée prioritairement en dehors des heures de classe ; les premiers jalons d’un statut du directeur d’école ; l’association du chef d’établissement aux décisions d’affectation qui concernent son établissement, mais également la création d’un contrat de mission permettant d’affecter dans les établissements les plus difficiles des enseignants chevronnés et motivés.

Enfin, la commission a supprimé l’article 17, considérant qu’un blanc-seing ne pouvait être donné à une mesure aussi importante pour nos territoires que l’organisation des rectorats.

Je constate avec satisfaction que le Gouvernement a joué le jeu et proposé d’inscrire dans la loi les dispositions de l’ordonnance prévue.

Vous le voyez, mes chers collègues, c’est avec la ferme résolution d’améliorer ce texte que votre commission a consulté, réfléchi, travaillé et proposé. Les débats qui nous attendent seront l’occasion de continuer d’enrichir ce projet de loi dans l’intérêt de l’école et de la réussite des élèves de ce pays !

Monsieur le ministre, mes chers collègues, j’espère que nous aurons un débat digne de notre école. Les professeurs nous regardent, et ils attendent que nous leur témoignions la confiance que la représentation nationale porte à l’école de la République et à toutes celles et tous ceux qui la servent.

Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Mes chers collègues, le scrutin pour l’élection d’un juge titulaire et d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République est clos. Les résultats seront proclamés ultérieurement au cours de la séance, et les élus prêteront alors serment.

Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Je suis saisi, par Mmes Assassi et Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, d’une motion n° 1.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, pour une école de la confiance (474, 2018-2019).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe

La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Monsieur le ministre, peu de temps après votre nomination au ministère de l’éducation nationale, vous aviez déclaré à la presse : « L’école n’a pas besoin, à chaque alternance politique, d’une nouvelle loi. Elle peut se gouverner autrement. » Vous avez tenu parole. En effet, en peu de temps, sans recourir à la procédure législative, vous avez profondément modifié l’organisation, les finalités et le fonctionnement de l’éducation nationale, en transformant considérablement l’enseignement professionnel, le baccalauréat, le lycée et les programmes.

De toutes ces réformes, la Haute Assemblée n’a pas eu à connaître, hormis dans le cadre des débats qu’elle a elle-même convoqués. Très récemment, M. Pierre Mathiot déclarait à propos de la réforme du baccalauréat : « C’est une réforme qui est lourde, structurelle, et qui concerne un secteur qui n’a pas été réformé depuis un demi-siècle. » Il eût été légitime que le Sénat vous entendît sur les finalités d’un changement aussi radical.

À ces bouleversements majeurs s’ajoutent les restrictions considérables imposées à l’accès à l’enseignement supérieur par la loi relative à l’orientation et la réussite des étudiants, que votre collègue continue de nous présenter comme une remédiation strictement technique au recours illégal au tirage au sort.

Progressivement, parents et enseignants comprennent que toutes ces réformes font système et que, loin d’être dictées par des nécessités pratiques, elles sont inspirées par une pensée politique globale, que vous n’assumez pas. Parents et enseignants mesurent, de plus en plus, le décalage profond qui existe entre les déclarations officielles et la réalité telle qu’ils l’éprouvent dans les établissements. Cette distorsion entretient du doute, de l’inquiétude et, finalement, de la suspicion.

Élus de terrain, nous avons mesuré, ces dernières semaines, combien la défiance était grande envers des mesures dont nos concitoyens perçoivent qu’elles sont dictées par des objectifs dont on leur cache le dessein essentiel. Vous avez parlé de « bobards », monsieur le ministre ; nous percevons surtout de l’incompréhension, du soupçon et de la méfiance.

La loi que vous nous proposez aujourd’hui aurait pu être l’occasion d’une déclaration clarificatrice sur vos intentions politiques véritables. La commission de la culture du Sénat a considéré qu’elle était, tout au contraire, bavarde, peu lisible et confuse. Je partage sur ces points les critiques exprimées à l’instant par notre rapporteur, le sénateur Max Brisson. L’objet de cette loi était de rétablir la confiance entre le corps enseignant, son ministère de tutelle et les parents. Je crains qu’elle n’entretienne davantage la défiance.

Enfin, et surtout, alors que nous dressons le constat commun d’une école incapable de corriger les inégalités sociales d’accès au savoir, votre projet est dépourvu de l’ambition de mobiliser les ressources de la Nation pour rebâtir une éducation nationale au service de l’émancipation, du développement humain et de l’égalité des droits politiques.

Nous aurions pu, ensemble, réaliser pour le XXIe siècle la généreuse utopie que Condorcet esquissait ainsi en 1792, « an IV de la liberté » : « Assurer [à tous les individus de l’espèce humaine] la facilité de perfectionner son industrie, de se rendre capable des fonctions sociales auxquelles il a droit d’être appelé, de développer toute l’étendue des talents qu’il a reçus de la nature ; et par là, établir entre les citoyens une égalité de fait, et rendre réelle l’égalité politique reconnue par la loi. »

Nonobstant certaines dispositions qui auraient pu être mises en œuvre par la voie réglementaire, l’objet législatif principal de ce texte est de satisfaire l’annonce présidentielle de l’abaissement de l’âge de la scolarisation obligatoire à 3 ans. Et encore, les maires ont vite compris qu’elle se réaliserait grâce à la contribution des finances municipales. Historiquement, cette loi apparaît alors comme l’extension, jusqu’à cet âge, des mesures pécuniaires de la loi du 31 décembre 1959, dite loi Debré.

Toutefois, son manque d’ambition l’en distingue absolument. La loi Debré portait à 16 ans la scolarité obligatoire. Cette extension s’accompagna d’un programme massif de recrutement d’enseignants. Dans le même temps, de 1960 à 1969, la taille moyenne des classes des écoles primaires publiques fut réduite de 30 à 26 élèves, ce qui imposa l’embauche de 4 000 instituteurs pendant ces dix années.

Alors que la dépense publique est aujourd’hui considérée comme un abject vice par la doxa libérale, Louis Cros, haut fonctionnaire du ministère de l’éducation nationale, expliquait ainsi, en 1961, les nécessités d’un investissement massif de l’État gaullien dans l’enseignement :

« Pour la première fois dans l’histoire, les aspirations idéalistes et les nécessités pratiques en matière d’enseignement ont cessé de se contredire. En France, […] les exigences de la prospérité et de l’équilibre économique s’ajoutent maintenant aux raisons de justice et d’égalité sociale pour rendre nécessaire, en même temps que désirable, l’instruction la plus développée possible pour le plus grand nombre possible d’enfants. […] La France a besoin de développer toutes ses ressources intellectuelles. Sinon elle deviendrait un pays intellectuellement sous-développé, qui maintiendrait artificiellement une économie anachronique à coup de subventions économiques, ou d’indemnités de chômage quand des générations plus nombreuses parviendront à l’âge d’homme. » Brillante prophétie…

Près de soixante ans plus tard, nous pourrions dresser le même constat et nourrir la même ambition. L’accélération du progrès technique, la révolution du numérique et la quantité exponentielle d’informations que nous devons traiter tous les jours exigeraient sans nul doute que notre enseignement franchisse une nouvelle étape. Ne serait-il pas temps, par exemple, de prolonger l’enseignement obligatoire jusqu’à la majorité ?

C’était l’une des préconisations du plan conçu, à la Libération, conformément au programme de gouvernement du Conseil national de la Résistance, par Paul Langevin et Henri Wallon. Combien de temps nous faudra-t-il encore pour réaliser cette élévation supplémentaire de la durée d’instruction ou de formation pour celles et ceux qui, trop nombreux, la quittent toujours, sans diplôme, à 16 ans ?

Certes, votre projet instaure une obligation de formation pour les jeunes âgés de 16 à 18 ans, mais, comme l’a montré notre commission, cette mesure est symbolique. L’abaissement de l’âge de la scolarisation à 3 ans l’est tout autant en France métropolitaine. Il demandera toutefois un véritable effort pour être appliqué dans les outre-mer et, sur ce point, nous attendons de votre gouvernement des engagements fermes et précis.

En substance, ce qui caractérise ce texte, c’est son manque d’ambition pour l’école. L’accumulation de mesures techniques, souvent discutables, ne peut cacher cette vacuité. Elle est d’autant plus décevante que, dans le même temps, selon la formule consacrée, le Président de la République annonçait, le 25 avril dernier, un plan d’investissement massif en faveur de l’école. Les promesses donnent le vertige : dédoublement de 6 000 classes supplémentaires, limitation à 24 du nombre d’élèves dans toutes les classes de la grande section de maternelle au CE1, revalorisation du métier de professeur, moratoire pour la fermeture des classes, etc.

Pour assurer seulement le dédoublement des classes, dans son programme, le candidat Emmanuel Macron avait estimé à 12 000 postes le besoin de recrutement.

Nous ne doutons pas de la volonté du Président de la République d’honorer rapidement ses engagements. Votre collègue en charge de l’enseignement supérieur et de la recherche a lancé une grande concertation dont les conclusions fourniront la matière d’une grande loi de programmation pluriannuelle de la recherche qui sera présentée au Parlement avant la fin de l’année. Pour satisfaire les ambitions du Président de la République en faveur de l’école, nous vous proposons la même méthode.

C’est l’objet de cette motion tendant à opposer la question préalable : nous donner collectivement le temps de préparer ensemble, avec tous les acteurs de l’éducation, la grande loi dont l’école de la République a besoin, pour, selon les mots de Condorcet, « contribuer [au] perfectionnement général et graduel de l’espèce humaine, dernier but vers lequel toute institution sociale doit être dirigée ».

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Philippe Mouiller, contre la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre groupe s’opposera à cette motion tendant à opposer la question préalable, déposée par le groupe CRCE.

Certes, nous avons noté les faiblesses du projet de loi, pour ne pas dire son absence de contenu. Vous aviez d’ailleurs déclaré, au début de votre mandat, monsieur le ministre, qu’il n’y aurait pas de « loi Blanquer », car vous-même n’en ressentiez pas la nécessité. Le Gouvernement a surtout fait un acte de communication en affichant plusieurs messages symboliques.

Tout d’abord, la mesure phare du projet de loi, l’abaissement à 3 ans de l’instruction obligatoire. Celle-ci ne concernera pourtant qu’une infime proportion d’enfants, beaucoup étant déjà scolarisés dès 3 ans.

De même, la confiance prônée par le projet de loi est censée s’appuyer sur un respect mutuel, qu’il est aisé de décréter.

Quant au principe d’une formation obligatoire entre 16 et 18 ans, c’est une sorte de vœu pieux, qui ne règle en rien le problème crucial de la déscolarisation.

Le reste du projet de loi permet d’adopter diverses mesures d’intérêt varié et sans grande cohérence. Nous partageons donc le sentiment d’un manque d’ambition du texte. Cependant, le projet de loi a été remanié en commission. Notre rapporteur Max Brisson, dont je salue la qualité du travail, s’est attaché à corriger les défauts et les oublis du texte.

Ainsi, plutôt que de les placer sur un même plan, la commission a rappelé la place majeure de l’autorité de l’enseignant sur les élèves. Elle a introduit de la souplesse dans l’application du principe de scolarisation à 3 ans et garanti la compensation pour toutes les communes concernées. Elle a complété le chapitre dédié à l’école inclusive pour un meilleur accompagnement des élèves en situation de handicap. Elle a rassuré parents, enseignants, directeurs et élus locaux, en supprimant l’article 6 quater, qui a fait grand bruit en étant introduit sans concertation préalable à l’Assemblée nationale.

La commission a également traité de sujets qui ne figuraient pas dans le projet de loi, mais sur lesquels nous appelons à légiférer de longue date, comme le statut des directeurs d’établissements ou la formation continue.

Je n’irai pas plus loin, car la liste est longue : quelque 141 amendements ont été adoptés en commission pour redessiner le texte.

Notre groupe estime dès lors qu’il serait regrettable d’effacer et d’interrompre ce travail sénatorial, en renvoyant ainsi un texte inachevé et bancal aux députés. C’est la raison pour laquelle nous voterons contre cette motion.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Max Brisson

L’école de la République appelle l’union de tous les efforts, et non la clôture des débats. En rejetant ce texte en bloc, vous remettriez en cause les apports de la commission et les 141 amendements qui ont été adoptés, fruit d’un travail collectif.

La commission a fait le choix d’une position constructive, critique, mais elle a cherché à améliorer ce texte. Son avis est donc évidemment défavorable.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Blanquer

Tout d’abord, je souscris entièrement aux arguments qui viennent d’être présentés par le rapporteur. Il serait paradoxal de balayer tout le travail réalisé par le Sénat, alors même que vous souhaitez, mesdames, messieurs les sénateurs, que les assemblées puissent se saisir des grands problèmes de l’éducation.

Je souligne en outre un certain nombre d’éléments très intéressants dans vos propos, monsieur Ouzoulias.

Je vous remercie, tout d’abord, de la subtilité avec laquelle vous avez analysé la question de la loi, au début de votre intervention. Il est exact que le sujet de l’éducation relève d’une hiérarchie des normes particulière, qui ne dépend pas de moi et qui mérite d’être discutée. J’en suis pleinement conscient et vous donne raison sur ce point.

En revanche, il me semble en avoir tenu compte au cours des deux dernières années en venant parler devant votre assemblée des grandes réformes qui ne relèvent pas de la loi. J’ai volontiers répondu à chacune de vos invitations, bien évidemment, mais j’ai moi-même souhaité que les grandes évolutions de l’éducation soient discutées devant les députés et les sénateurs.

Par ailleurs, vous avez raison, monsieur Ouzoulias, des choses importantes ont été accomplies depuis deux ans – je vous remercie de cet hommage.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Blanquer

J’avais dit en effet qu’il n’y aurait pas de « loi Blanquer », c’est exact. Mais l’on oublie toujours de contextualiser le sens de cette phrase. Tout d’abord, j’ai affirmé qu’il n’y en aurait pas une immédiatement, et c’est effectivement ce qui s’est passé, puisque deux ans se sont écoulés depuis lors. Ensuite, je ne souhaite pas particulièrement que mon nom soit donné à cette loi.

Le sens profond de cette phrase, c’est qu’il n’est pas nécessaire, au début d’un quinquennat, de vouloir à tout prix faire une loi, en prétendant que celle-ci va tout changer. Sur ce point, je n’ai pas changé d’avis, d’où la relative humilité avec laquelle je me présente devant vous. Avec ce projet de loi, nous prétendons résoudre certains problèmes, mais pas tous.

D’autres difficultés ont commencé à être traitées par les réformes auxquelles vous avez fait référence ; d’autres restent encore à résoudre. C’est le cas, par exemple, des enjeux de ressources humaines du ministère, qui sont évidemment très importants. Ils ne nécessitent pas de loi, pour la plupart d’entre eux, mais ils méritent d’être débattus au Parlement.

C’est donc une vision complète et systémique que je vous présente. Cette loi n’en constitue qu’un élément, et cette vision se veut par ailleurs très respectueuse des assemblées, pour deux raisons.

Premièrement, nous discutons ici au Sénat de tout, y compris de ce qui relève non pas de la loi, mais du règlement.

Deuxièmement, je suis évidemment ouvert à la transformation du texte par voie d’amendements, car je suis respectueux du dialogue social comme du dialogue avec les chambres. C’est exactement l’attitude que j’ai adoptée devant l’Assemblée nationale.

Quel paradoxe de se voir reprocher par un parlementaire d’avoir pris en compte des amendements parlementaires ! J’arrive au Sénat, comme à l’Assemblée nationale, les mains ouvertes. Et vous ne manqueriez pas de vous offusquer si, demain, des députés me reprochaient d’avoir pris en compte des amendements sénatoriaux.

Je prendrai évidemment en compte tous les amendements au cours de cette discussion, quelle que soit leur origine, tout comme je me suis inspiré, pour ce projet de loi, d’éléments qui ont pu figurer dans des programmes de gauche comme de droite. C’est le cas de l’instruction obligatoire à 3 ans et de la formation obligatoire de 16 à 18 ans.

Vous avez tous les deux, messieurs les sénateurs, abordé ce point dans vos interventions, et je ne comprends pas pourquoi vous cherchez à minimiser la portée de ce dispositif. Vous avez appelé de vos vœux la prolongation de la formation jusqu’à 18 ans, monsieur Ouzoulias, en faisant référence au plan Langevin-Wallon. L’on ne peut que saluer cette référence, mais le dispositif prévu dans la loi constitue un pas très important dans cette direction.

Oui, nous nous donnerons les moyens de faire en sorte qu’aucun jeune de moins de 18 ans ne soit sans emploi ni formation. C’est l’ambition considérable portée par ce projet de loi.

J’ai par ailleurs été étonné de constater que cette disposition avait été peu commentée jusqu’à présent. Je souhaite vivement qu’elle soit discutée devant la Haute Assemblée, mais je préférerais que l’on se demande comment lui donner toute sa portée, plutôt que d’affirmer a priori qu’elle n’en a aucune…

Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur cette motion, parce que je pense que les journées de débat qui sont prévues permettront de faire évoluer substantiellement ce projet de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Antoine Karam, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Karam

J’ai passé quarante ans de ma vie professionnelle à enseigner, et j’ai vu de nombreuses tentatives de réforme échouer, quel que soit le gouvernement en place. « Il est urgent d’attendre », « nous ne sommes pas prêts »… Voilà ce que nous entendions trop souvent.

Avec mon groupe, je vois enfin dans cette réforme une volonté de changer les choses, de façon très cohérente et dans un esprit de dialogue social, notamment s’agissant du devoir d’exemplarité. Un enseignant qui arrive en retard, qui part avant les élèves et qui n’a pas une bonne tenue n’est pas exemplaire. Des parents d’élèves qui viennent régler leurs comptes dans les écoles ne le sont pas plus. Chacun doit balayer devant sa porte.

S’agissant de l’instruction obligatoire à 3 ans, elle est peut-être symbolique dans la France hexagonale, mais certainement pas outre-mer. À Mayotte, quelque 25 % des enfants ne sont pas scolarisés à l’âge de 3 ans, et ils sont 30 % en Guyane.

Des compensations sont prévues pour permettre aux communes de mettre en œuvre cette instruction obligatoire. En Guyane, les communes de l’intérieur comme celles du littoral seront accompagnées pour leur permettre de construire, selon des normes dérogatoires, de nouveaux bâtiments scolaires.

Enfin, les assistants d’éducation pourront appréhender le métier d’enseignant, à raison de huit heures par semaine, en contrepartie d’une rémunération cumulable avec les bourses.

Nous avons bien compris la démarche de nos collègues du CRCE, mais le groupe La République En Marche votera contre la motion tendant à opposer la question préalable.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – MM. Jean-Marc Gabouty et Robert Laufoaulu applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

La motion n ’ est pas adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Stéphane Ravier.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte aurait dû être fondamental, mais il est au final bien décevant : aucun cap, aucune vision, aucun changement, même pas de « nouveau monde »…

On y retrouve toutes les dérives de ce monde de déracinés porté par les idéologues du ministère de l’éducation nationale depuis des années.

Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

On remplace les termes « intégration dans la société » par « société inclusive » : c’est tout le symbole de la disparition d’une vision globale de la communauté, du bien commun et de la Nation.

C’est la consécration des intérêts particuliers face à l’impérieuse nécessité de l’instruction des savoirs fondamentaux, de la transmission de notre héritage, de notre culture et de l’assimilation à notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

On ne doit pas inclure les personnes handicapées ?

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Monsieur le ministre, votre projet de loi s’intitule « pour une école de la confiance », mais la confiance, cela ne se décrète pas !

Cette confiance, elle se mérite et se gagne en créant les conditions favorables à son éclosion, et ces conditions ne sont en rien réunies dans ce texte. Il faut en réalité changer totalement de cap, en redonnant du sens à l’autorité du professeur sur les élèves. L’élève ne saurait être l’égal du maître. Le maître est là pour enseigner, pour transmettre ; l’élève pour écouter, apprendre, comprendre dans le respect absolu de son professeur.

On se souvient tous de cette vidéo d’un professeur braqué par un élève avec une arme qui s’est révélée être factice, et de toute la polémique du hashtag #PasDeVague d’un corps professoral qui n’en peut plus de cette violence devenue quotidienne. Rien donc sur l’insécurité à l’école ! Vous préférez au contraire rappeler le devoir de réserve des professeurs dès l’article 1er.

« Ouvrez une école, et vous fermerez une prison », disait en son temps Victor Hugo. Aujourd’hui, ce sont les professeurs qui sont incarcérés dans leur classe, isolés derrière les barreaux de la violence issue des quartiers ethniques et de l’indifférence de leur ministre de tutelle !

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

M. Stéphane Ravier. Rien sur les programmes désastreux qui nous font plonger chaque année plus bas dans le classement PISA ; rien sur le poids de l’immigration

Exclamations.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

… qui, de toute évidence, constitue, là aussi, un véritable fardeau, contribuant à l’effondrement du niveau scolaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

À croire que, demain, quand cette loi sera votée, les classes en ruralité pourront continuer de disparaître, et les établissements de REP et REP+ continuer de péricliter. Quant aux élus locaux, ils seront plus abandonnés encore dans la gestion des établissements.

De plus, ce regroupement des écoles et des collèges en établissements publics de savoirs fondamentaux s’apparente à la création d’une superstructure qui compliquera davantage la tâche des élus locaux. Il supprime la présence de l’interlocuteur primordial pour les parents d’élèves qu’est le directeur d’école et constitue la menace de voir à terme la suppression de postes et d’écoles.

On ajoute à cela l’apparition des termes « parent 1 » et «parent 2 » dans les formulaires scolaires, une véritable provocation qui ne semble pas heurter la majorité de droite du Sénat, et qui est tellement révélatrice de la place qu’occupe l’idéologie dans nos institutions, y compris, et même surtout, au sein de l’institution scolaire.

Finalement, l’instruction obligatoire à 3 ans représente une nouvelle contrainte pour les familles et les collectivités locales. C’est en réalité un pur gadget pour faire croire que tout change, alors que rien ne change.

Les bases essentielles nécessaires au savoir, qui permet à chaque enfant devenu adulte d’être libre, se dérobent sous nos pieds, créant les conditions d’une société en marche vers toujours plus d’échecs, d’inégalités et de communautarisme exacerbé.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen du projet de loi pour une école de la confiance, que nous entamons aujourd’hui, marque l’aboutissement d’un intense travail préparatoire.

Je tiens à remercier dès à présent notre collègue rapporteur, Max Brisson, de la qualité de ses travaux et de l’écoute qu’il a accordée aux propositions des différents commissaires, ainsi que la présidente de la commission, Catherine Morin-Desailly. Je veux d’autant plus les remercier, ainsi d’ailleurs que l’ensemble des membres de la commission, que l’état d’esprit qui a dominé, en dehors de celle-ci, lors de l’étude de ce texte, n’a pas toujours été des plus sereins au cours des dernières semaines ; nous avons tous été saisis ou alertés à propos de telle ou telle disposition du texte qui pouvait inquiéter.

Le déchaînement des passions qu’entraîne bien souvent un projet de loi sur l’éducation nationale a encore une fois eu lieu avec ce texte. Cela montre tant l’attachement des acteurs à l’organisation actuelle que leur extrême sensibilité à toute modification de celle-ci, qui, si elle n’est pas forcément vécue comme satisfaisante, semble tout de même protectrice. Je pense en particulier à l’article 6 quater, introduit dans le texte à l’Assemblée nationale ; j’y reviendrai dans un instant.

Quoi qu’il en soit, le projet de loi pour une école de la confiance propose de réformer plusieurs éléments de notre système scolaire ; cela dit, la portée limitée des modifications envisagées ne justifiait sans doute pas l’ampleur des réactions suscitées. En effet, le texte que nous examinons aujourd’hui semble être davantage une juxtaposition de mesures dont la cohérence n’apparaît pas avec une grande évidence.

Il trouve son origine dans la volonté du Gouvernement de généraliser l’instruction des enfants dès l’âge de 3 ans. Si cette mesure ne concerne, en métropole, que quelques milliers d’enfants, elle est cependant motivée par un objectif, que nous partageons, d’égalité scolaire et sociale, et de détection précoce des maladies ou situations de handicap.

La question, impliquée par cette disposition, du financement des communes semblant avoir été mal évaluée, ou en tout cas mal prise en compte, par le Gouvernement, notre commission, sur la proposition de son rapporteur, a apporté une réponse à cet enjeu crucial pour les collectivités. Cette réponse sera, je le crois, de nature à nous satisfaire tous.

Le texte institue par ailleurs un conseil d’évaluation de l’école, qui remplace l’actuel Conseil national d’évaluation du système scolaire, le Cnesco. Des craintes ont pu être exprimées quant à une mainmise plus importante du ministère sur ce nouvel organisme, ce à quoi notre commission a, là encore, apporté une réponse qui saura, je l’espère, satisfaire chacun de nous.

Toutefois, mon groupe et moi-même signalons ceci : le Cnesco ayant été mis en place seulement en 2013, nous ne pensons pas disposer du recul nécessaire sur son fonctionnement pour justifier une transformation si radicale.

Au-delà de ces problématiques purement scolaires, le texte contient une série de dispositions appelant, notamment, à une meilleure prise en compte du handicap dans l’école et autour d’elle, à une revalorisation du statut des accompagnants, ainsi qu’à des mesures de sensibilisation destinées aux élèves. Nous nous réjouissons bien entendu que soit ainsi valorisée l’école inclusive, enjeu essentiel sur lequel notre groupe s’est beaucoup investi, à différentes reprises.

À ce sujet, le texte prévoit notamment la création des pôles inclusifs d’accompagnement localisés, les PIAL. Ce dispositif vise à coordonner, au sein des établissements scolaires, les moyens humains dédiés à l’accompagnement des élèves en situation de handicap. Une certaine inquiétude demeure néanmoins à ce sujet au sein de la communauté médico-éducative, inquiétude qui pourra, je l’espère, être levée par nos travaux.

J’en viens à la disposition la plus débattue de ce projet de loi : la mise en place des établissements publics des savoirs fondamentaux, prévue à l’article 6 quater, dans le cadre des travaux engagés, depuis plusieurs années, autour du concept d’école du socle.

Les auteurs du texte concevaient cette disposition comme une réponse, parmi d’autres, à la problématique du déclin démographique qui frappe de plein fouet certaines zones du territoire. Cela dit, la maladresse avec laquelle ce dispositif a été introduit, les craintes légitimes qu’il a pu susciter et l’absence d’étude d’impact ont justifié sa suppression par notre commission, à l’unanimité de ses membres.

Il semble en effet regrettable que ce dispositif ait été introduit dans un contexte très sensible, celui des fermetures, souvent agressives et mal comprises, de classes et d’écoles, subies au cours des dernières années par les collectivités locales, dont le dialogue avec l’État et ses représentants n’a pas forcément été facile. Le rapport Politiques éducatives et territoires de Pierre Mathiot et Ariane Azéma, devait être présenté en juin ; il aurait pu calmer les tensions et nourrir la réflexion sur ce sujet, mais la manière dont a été inséré cet article n’a fait qu’aviver les craintes et les crispations.

Cette disposition ne peut que nourrir les regrets concernant le calendrier selon lequel ce projet de loi est arrivé devant la Haute Assemblée, à savoir avant que le rapport de M. Mathiot et Mme Azéma et celui que mon collègue Jean-Yves Roux et moi-même rédigeons, au nom de notre commission, aient pu poser le problème dans sa globalité. C’est bien par manque de méthode et de pédagogie que cet article a failli ; la confiance ne s’impose pas, elle se construit, notamment par le dialogue et la pédagogie.

Les suites qui seront réservées à ce projet de loi constituent également une source d’interrogations ; j’espère que les débats que nous aurons dans les heures et les jours qui viennent permettront d’y répondre. En effet, certaines mesures se télescopent avec des annonces du Président de la République faites après le dépôt du projet de loi et qui, bien entendu, en modifient certains aspects.

Je tiens à le souligner, le groupe des sénateurs centristes entend néanmoins proposer une réponse aux craintes concernant des fermetures de classe.

Enfin, le texte prévoit le recours à l’expérimentation pour les établissements, dans un cadre défini et contrôlé. Ce droit à l’expérimentation nous semble nécessaire pour permettre à l’éducation d’évoluer et de s’adapter aux nouveaux besoins pédagogiques et territoriaux ; il pourrait toutefois être plus ambitieux et concerner des champs plus larges, notamment sur le plan administratif.

C’est en effet une conviction que nous portons : dans le domaine de l’éducation nationale, où la moindre évolution peut provoquer des réactions parfois irrationnelles, la solution passe sans doute par un surcroît d’initiatives des acteurs locaux – élus, personnel de l’éducation, parents –, pour répondre aux besoins des territoires en matière éducative. Le projet de loi pourrait aller plus loin en la matière ; tel est le sens d’amendements que nous défendrons.

Si le texte pouvait redonner confiance aux acteurs locaux pour prendre des initiatives, alors, dans ce cas, le nom donné au projet de loi prendrait certainement davantage de sens.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Mes chers collègues, voici le résultat du scrutin pour l’élection d’un juge titulaire et d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République :

Nombre de votants : 271

Suffrages exprimés : 242

Majorité absolue des suffrages exprimés : 122

Bulletins blancs : 27

Bulletins nuls : 2

Ont obtenu :

Mme Catherine Troendlé, titulaire, 242 voix ;

Mme Muriel Jourda, suppléante, 242 voix.

Ces candidates ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, elles sont proclamées juges à la Cour de justice de la République.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe La République En Marche et du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Mme le juge titulaire et Mme le juge suppléant à la Cour de justice de la République vont être appelées à prêter, devant le Sénat, le serment prévu par l’article 2 de la loi organique du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République.

Je prie Mme le juge titulaire et Mme le juge suppléant de bien vouloir se lever. (Je vais donner lecture de la formule du serment, et je prierai ensuite Mme le juge titulaire, puis Mme le juge suppléant, de répondre, en levant la main droite, par les mots : « Je le jure. »

Voici la formule du serment : « Je jure et promets de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder le secret des délibérations et des votes, et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat. »

Successivement, Mme Catherine Troendlé, juge titulaire, et Mme Muriel Jourda, juge suppléant, disent, en levant la main droite : « Je le jure. »

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. Acte est donné par le Sénat du serment qui vient d’être prêté devant lui.

Applaudissements.

M. Jean-Marc Gabouty remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une école de la confiance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Colette Mélot.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’école n’est plus ce qu’elle était. Ne voyez pas là de la nostalgie, mais simplement un constat : l’école n’est plus ce qu’elle était, et les parents, les enfants et les enseignants non plus.

Cette évolution, qui s’impose à nous, nous invite à inventer le monde de demain ; vaste entreprise ! Aussi, monsieur le ministre, lorsque vous avez présenté votre vision de l’école de demain – l’école de la confiance, avec des valeurs aussi fortes que la République, l’excellence, la bienveillance et des priorités comme l’enseignement primaire et la lutte contre les inégalités –, nous ne pouvions qu’adhérer.

Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui a donc vocation à s’inscrire parmi les grandes lois républicaines sur l’école qui ont marqué notre temps. En 1882, la loi Ferry instaurait l’âge obligatoire d’instruction à 6 ans ; en 1936, près de cent ans après l’adoption des premières lois sur l’interdiction du travail des enfants, l’école était rendue obligatoire jusqu’à 14 ans ; puis, en 1959, elle le fut jusqu’à 16 ans. En 2019, le Gouvernement souhaite, en même temps, abaisser l’âge obligatoire de la scolarité à 3 ans et proposer une obligation de formation ou d’activité pour les jeunes de 16 à 18 ans.

Vous le savez aussi bien que nous, monsieur le ministre, l’impact de la scolarité obligatoire dès 3 ans restera limité. En effet, 97 % des enfants de 3 ans sont déjà scolarisés, de façon toutefois inégale selon les milieux. Il s’agit donc simplement de transformer une liberté d’instruction précoce, déjà largement diffusée en France, en obligation légale. Ce qui est présenté comme le fer de lance de l’État contre la reproduction des inégalités sociales et la lutte contre l’échec scolaire ne concernera que 26 000 enfants par classe d’âge, tandis que l’échec scolaire concerne plus de 100 000 élèves par an…

Au grand dam des élus locaux, le projet de loi initial ne prévoyait pas de pleine compensation des charges occasionnées pour les communes, même si cela ne concerne que très peu d’enfants. L’exigence de cette compensation a été introduite dans le texte par la commission de la culture du Sénat, sur l’initiative de notre rapporteur, Max Brisson, dont je salue la qualité du travail.

Nous nous félicitons des aménagements d’assiduité prévus dans le cadre de la première année d’école maternelle, adoptés lors de l’examen du texte en commission.

La France présente une particularité : celle d’une école qui s’administre de façon collégiale, quand le système éducatif est, partout ailleurs, étroitement hiérarchisé. Cette question suscite des débats depuis bien longtemps, depuis l’apparition des établissements publics de l’enseignement primaire, institués par François Fillon. Depuis lors, les rapports se sont multipliés et la question reste posée…

Notre commission de la culture a introduit une mesure instaurant un lien hiérarchique entre le directeur d’école et les professeurs. En réalité, les directeurs d’école ont besoin d’une évolution pour mieux gérer leur école ; surtout, il serait temps de créer, dans le cadre d’une concertation entre le ministère, l’administration de l’éducation nationale, les syndicats et les élus, un véritable statut de directeur d’école. Cela mériterait un texte à part entière, et non un simple article au milieu d’un texte de loi.

La première finalité de l’école est de permettre à chaque élève de trouver un métier, une place dans la société, correspondant dans la mesure du possible à ses aspirations individuelles. Plus d’efforts, plus d’argent investi aujourd’hui dans notre système éducatif, c’est moins de chômage, moins de misère dans le monde de demain. Aussi, nous devons tout mettre en œuvre pour améliorer la qualité de l’enseignement, les conditions de travail des enseignants et favoriser la réussite des élèves.

Après l’acquisition des savoirs fondamentaux, la maîtrise des langues étrangères est un autre cheval de bataille pour la France ; vous l’avez souligné, monsieur le ministre. La diffusion des établissements publics locaux internationaux est un levier intéressant pour renforcer l’ouverture de notre système éducatif à l’international.

La deuxième finalité de l’école est de forger chez chacun un certain sens de la citoyenneté, en proposant un terreau de valeurs, celles qu’incarne la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, mais aussi de développer le sens critique, pour que chacun puisse exercer ses devoirs au sein de la société en toute indépendance d’esprit, sans tomber dans le piège de la désinformation, qui sclérose notre démocratie.

Enfin, il nous appartient, au travers du réseau d’écoles, de collèges et de lycées qui maille notre territoire, de sensibiliser les élèves dès le plus jeune âge aux grands défis du XXIe siècle : la préservation de l’environnement et la protection du modèle démocratique. Tel est le sens de certains des amendements que notre groupe défendra.

Monsieur le ministre, le groupe Les Indépendants – République et Territoires ne croit pas à un grand soir de l’éducation qui bouleverserait en totalité le système, et qui risquerait de casser ce qui marche sans remédier à tous ses défauts. Ce que nous souhaitons, c’est faire évoluer les résultats de notre système éducatif ; John Fitzgerald Kennedy l’a bien dit, « Nos progrès en tant que nation dépendront de nos progrès en matière d’éducation. »

Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Karam

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant de commencer mon propos, permettez-moi d’adresser un message de soutien et de solidarité aux familles et à la communauté éducative du collège Gran Man Difou de Maripasoula en Guyane, endeuillées par le suicide d’une jeune aide-documentaliste.

Ce drame nous rappelle douloureusement le phénomène insupportable des suicides, qui touche depuis trop longtemps nos concitoyens amérindiens et contre lequel l’école a sans nul doute un rôle fondamental à jouer.

Nous sommes réunis aujourd’hui pour aborder l’examen d’un texte important pour la République. Le projet de loi pour une école de la confiance est en effet un marqueur de la politique engagée par le Gouvernement en faveur d’une « élévation du niveau général des élèves » et d’une école plus juste. Dégradation des performances et des acquis, décrochage scolaire et inégalités : notre école doit relever de nombreux défis. Ce texte ne saurait, à lui seul, y répondre, parce que tout ne relève pas de la loi, mais aussi parce qu’il s’inscrit avec cohérence dans une politique bien plus ambitieuse.

Il est vrai que, depuis son adoption à l’Assemblée nationale, de vives inquiétudes ont été exprimées, parfois en raison d’imprécisions réelles, le plus souvent à cause de rumeurs et de contre-vérités, qui touchent les fondements mêmes de la démocratie.

Monsieur le ministre, vous avez engagé un dialogue essentiel avec les principaux acteurs et rassuré quant à votre volonté d’améliorer ce projet de loi, afin, vous l’avez souvent répété, qu’il soit mieux compris par chacun. Le dialogue va se poursuivre dans cet hémicycle ; en tout cas, je l’espère. Cela nous permettra d’apporter les clarifications nécessaires et de faire la lumière sur les véritables mesures proposées.

« Incohérent », « symbolique », voire « inutile » ; beaucoup de choses ont été reprochées à ce texte, en oubliant parfois sa portée éminemment sociale.

Social, ce texte l’est tout d’abord en ce qu’il abaisse à 3 ans de l’âge de l’instruction obligatoire. Lorsque l’on connaît l’importance des premières années de l’enfant dans sa capacité d’apprentissage, mais aussi dans la construction des inégalités et du décrochage scolaires, on réalise qu’il s’agit, quoi qu’on en dise, d’une avancée sociale importante.

Il est vrai que, avec 98 % d’enfants de 3 ans déjà scolarisés, cette mesure accompagne un mouvement déjà imprimé par la société ; mais il est aussi vrai que, derrière les 2 % restants, se cachent d’immenses inégalités sociales et territoriales. Ce simple état de fait devrait convaincre chacun d’entre nous de la nécessité de légiférer, pour faire en sorte que la promesse républicaine soit tenue pour tous les Français.

Dans le détail, ce sont plus de 25 000 enfants supplémentaires qui rejoindront les bancs de la maternelle à la rentrée prochaine, soit respectivement 3 400 et 3 800 en Guyane et à Mayotte. Là encore, nous le voyons, cette mesure, loin d’être symbolique, constituera un défi colossal pour ces deux territoires. Je préfère le dire, malgré l’engagement réel de l’État, les communes guyanaises et mahoraises ne seront pas en mesure d’accueillir, faute de places, tous les enfants en septembre prochain.

Ah ! sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Karam

Les expériences de double vacation sont une première réponse, mais ce n’est pas suffisant. À titre d’exemple, il faudrait construire une nouvelle école tous les neuf mois dans une ville comme Saint-Laurent-du-Maroni pour répondre à la pression démographique. Il nous faut donc donner plus de souplesse aux élus dans la construction d’infrastructures. Notre rapporteur l’a bien compris, et je tiens à l’en remercier.

Social, ce texte l’est encore lorsqu’il propose d’instaurer une obligation de formation pour tous les jeunes de 16 à 18 ans, l’objectif étant que, à l’horizon de 2020, aucun jeune ne soit dépourvu d’un emploi ou d’une formation.

Social, il l’est aussi dans la mesure où il renforce, avec le prérecrutement, l’attractivité du métier de professeur, pour en faire ce qu’il a toujours été : une voie de promotion sociale.

Social, ce projet de loi l’est enfin, en ce qu’il renforce l’école inclusive. Nous le savons, c’est une révolution que nous devons engager. Je pense aux accompagnants d’élèves en situation de handicap, qui doivent être considérés comme de véritables membres du personnel de l’éducation nationale. Je pense également aux pôles inclusifs d’accompagnement localisés, qui permettront d’avoir une approche au plus près des élèves, y compris par le biais du personnel médico-social.

Enfin, dans le prolongement de ces mesures, le projet de loi instaure de nouveaux outils pour les territoires. C’est le cas avec la création d’un rectorat de plein exercice à Mayotte et la réforme des instances locales de dialogue. C’est aussi le cas avec la création d’établissements publics locaux d’enseignement international, les EPLEI, et d’établissements publics locaux d’enseignement des savoirs fondamentaux, les EPLESF, sur lesquels je reviendrai.

Avant l’examen en séance, je veux saluer le travail de notre commission, qui a su, dans un esprit d’ouverture et de compromis, aborder ce projet de loi avec pragmatisme, pour favoriser un débat serein et équilibré. C’est donc dans un esprit résolument constructif que le groupe La République En Marche y prendra part. Ce groupe n’en restera pas moins déterminé à marquer son attachement à certains principes.

Premier principe : l’exemplarité. Notre commission a réécrit l’article 1er en conservant cette notion, qui nous semble essentielle. Toutes les disciplines scolaires ont en elles-mêmes des vertus éducatives, et, dans les yeux d’un enfant, tout adulte est un éducateur potentiel. À cet égard, loin d’être un instrument pour museler les enseignants, cet article rappelle ce qui fonde la relation entre le maître et l’élève.

Deuxième principe : la libre administration des collectivités territoriales. C’est à ce titre que certaines communes avaient fait le choix de participer à la prise en charge partielle des dépenses de fonctionnement des classes maternelles privées, et c’est au nom de ce même principe que nous proposerons de supprimer la pleine compensation versée par l’État à ces communes, ainsi qu’en a décidé notre commission.

Troisième principe : le dialogue social. Notre commission a souhaité avancer sur le statut des directeurs d’école, en plaçant les enseignants sous son autorité. Si nous sommes naturellement favorables à un statut, nous rappelons que ce lien hiérarchique est loin de faire l’unanimité parmi les directeurs eux-mêmes. C’est pourquoi il semble essentiel que ce statut soit le fruit d’un dialogue avec les syndicats.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Karam

Quatrième principe, enfin : l’innovation territoriale. Notre commission a envoyé un signal fort en supprimant l’article 6 quater, qui crée les EPLESF.

Nous espérons néanmoins pouvoir en débattre à nouveau dans les prochains jours, afin de trouver une rédaction qui rassure tous les acteurs. Ces établissements doivent rester un outil, une innovation pour les territoires qui en expriment le besoin, et non une menace pour l’ensemble du système éducatif.

Mes chers collègues – les nombreuses sollicitations dont nous avons fait l’objet dans nos territoires et un peu partout en témoignent –, les Français attendent du Sénat qu’il clarifie la situation. Gageons que nous serons à la hauteur, dans l’intérêt de tous nos enfants.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Céline Brulin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, même après vous avoir écouté très attentivement, monsieur le ministre, je trouve toujours aussi curieux d’avoir intitulé ce texte « projet de loi pour une école de la confiance ».

Une école de la confiance conforterait le lien étroit, le lien de confiance, précisément, entre la commune et l’école, ces deux piliers de la République, auxquels nos concitoyens sont d’autant plus attachés qu’ils se sentent abandonnés, la plupart des services publics disparaissant dans bien des territoires.

Or vous tentez de briser ce lien, d’accélérer les regroupements, de créer des établissements « XXL », éloignés, avec des chefs d’établissement missionnés plutôt pour gérer des moyens financiers et des ressources humaines que pour enseigner.

Nous nous réjouissons que, lors de son passage en commission, au Sénat, votre projet se soit délesté des établissements publics des savoirs fondamentaux, qui suscitent tant de méfiance de la part des parents d’élèves, des enseignants et des élus locaux.

Cette méfiance est née de l’expérience, car ces élus voient en effet se multiplier, sur le terrain, les appels à considérer l’échelon intercommunal comme la nouvelle maille de l’organisation scolaire. Ils sont parfois contraints à signer des conventions visant peu ou prou le même objectif que ces EPLESF, à savoir la rationalisation. Il serait regrettable que le Sénat, la chambre des territoires, soit sourd à ce qu’ils expriment et fasse entrer par la fenêtre ce qui vient d’être sorti par la porte, avec des conséquences évidentes pour le maillage scolaire, en particulier dans les territoires ruraux.

Une école de la confiance viserait la réduction des inégalités sociales, territoriales et scolaires, qui, bien souvent, se confondent, en ambitionnant la réussite de tous, tout particulièrement dans un moment où grondent, en France, une colère très grande et une exigence tout aussi grande de justice sociale.

Or la création des établissements publics locaux d’enseignement international, où seraient dispensés, durant toute la scolarité, des enseignements en français et en langue vivante et dont le budget pourrait comprendre des dons privés, nous semble clairement tourner le dos à cet objectif.

Il en a malheureusement été assez peu question dans nos débats jusqu’à présent, mais cela contribue à entériner une école à deux vitesses, les enfants des cadres internationaux – les Britanniques vivant en France, par exemple, en attendant le Brexit – étant, de fait, mieux lotis que les élèves de la plupart de nos communes et de nos quartiers.

Une école de la confiance accompagnerait les communes dans la mise en œuvre de l’instruction obligatoire dès 3 ans, pour en faire un élément de progrès partagé.

Or les communes, après avoir parfois connu des difficultés pour dédoubler les classes de CP et de CE1 en réseau d’éducation prioritaire, REP, et en réseau d’éducation prioritaire renforcé, REP+, faute d’avoir été accompagnées financièrement dans un contexte budgétaire que chacun sait extrêmement tendu, découvrent aujourd’hui que les conséquences de cette mesure ne seront pas totalement compensées. Elles se demandent même, d’ailleurs, si l’objectif n’est pas d’affaiblir le service public, l’école privée étant finalement la grande gagnante de cette mesure…

Une école de la confiance pourrait, en parallèle, étendre l’obligation de la scolarisation à 18 ans, comme nous le proposions au travers d’un amendement, qui a malheureusement été déclaré irrecevable. Ce serait une bien meilleure manière de lutter contre le décrochage que l’obligation de formation jusqu’à 18 ans, qui reste, dans le texte, très vague, en deçà des enjeux, et qui – c’est un comble – pourrait recouvrir la recherche d’emploi. Ce serait, à nos yeux, une mesure bien plus efficace.

Une école de la confiance se donnerait aussi les moyens d’être enfin à la hauteur de la loi de 2005 pour l’inclusion des enfants handicapés, en assurant la formation de leurs accompagnants, en dotant ceux-ci d’un véritable statut et en leur garantissant un salaire décent, afin de sécuriser et d’anticiper l’accueil des enfants. On sait combien les rentrées sont de plus en plus chaotiques pour eux. La mutualisation des accompagnants, synonyme de réduction des moyens, constitue l’exact opposé de ces mesures nécessaires et nous éloigne d’une école véritablement inclusive.

Une école de la confiance se fierait à ceux qui l’incarnent et la font vivre au quotidien, je veux bien entendu parler des enseignants, qui, certes, ont des obligations, conformément à leur mission de fonctionnaires, mais qui n’en restent pas moins des citoyens et des formateurs de futurs citoyens. Leur interdire la moindre critique publique à l’encontre des choix politiques de leur ministère de tutelle n’est pas une bonne chose pour la démocratie.

Le remplacement du Cnesco, organisme indépendant dont la qualité des travaux est reconnue de tous, par un organe qui n’aurait plus pour mission d’évaluer les politiques éducatives et dont la majorité des membres seraient nommés par vous-même et par vos successeurs, monsieur le ministre, participe de la même logique.

Un ministre qui voudrait regagner la confiance commencerait par entendre la contestation qui s’exprime depuis plusieurs semaines, il prendrait en compte les mobilisations, il écouterait les critiques, il traduirait les orientations données par le Président de la République à l’issue du grand débat – je pense par exemple à l’objectif de 24 élèves par classe, de la grande section au CE1, qu’a mentionné mon collègue et ami Pierre Ouzoulias.

Invoquer la confiance, décrire ce texte comme un projet social ne suffira pas, monsieur le ministre, à masquer la réalité : c’est un projet d’essence ultralibérale, qui sape les fondements de notre système scolaire.

La confiance, c’est donner de la réalité à la promesse d’une école qui fait réussir le plus grand nombre et qui – enfin – réduit les inégalités.

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryvonne Blondin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors des assises de la maternelle, en mars 2018, le Président de la République affirmait : « Il y a toujours quelque chose d’éminemment politique au sens le plus noble et le plus profond du terme, lorsqu’on parle […] de l’éducation, parce que c’est là que l’on construit la société qu’on a à faire et qu’on veut voir ». Nous ne pouvons que souscrire à ce propos, tant l’école constitue le fondement même de notre société, le creuset de la République et de ses valeurs.

Parce que l’éducation constitue justement un sujet politique, chacune des réformes entreprises en la matière provoque réactions et débats. Mais ce texte a suscité de réelles inquiétudes.

Les polémiques actuelles s’inscrivent tout d’abord dans un contexte plus global : depuis le début du quinquennat, vous avez engagé de multiples réformes éducatives, détricotant les acquis de la loi de refondation de l’école de 2013, épuisant l’ensemble des acteurs concernés, las de devoir appliquer de nouvelles dispositions alors même que les effets des précédentes n’ont encore été ni mesurés ni évalués.

Alors qu’enseigner et apprendre nécessite du temps, les enseignants et les élèves sont les premiers affectés par ces changements à marche forcée.

Dans le contexte de crise sociale et politique actuel, les enseignants ont tenté de faire entendre leur voix par de nouveaux modes de contestation, attirant désespérément votre attention sur la dégradation de leurs conditions de travail et de leur pouvoir d’achat, sur le manque de reconnaissance, sur les violences quotidiennes, sur leur désarroi face à leur incapacité à répondre aux besoins de leurs élèves, faute de moyens, et sur les difficultés prégnantes qu’ils rencontrent trop souvent avec leur hiérarchie.

Hélas ! le présent texte n’apporte pas de réponse à ces cris d’alarme, notamment en ce qui concerne la gestion des ressources humaines et le bien-être des personnels : aucune mesure visant à assurer le suivi psychologique et médical, aujourd’hui inexistant, n’est envisagée.

Pourtant, la confiance et la bienveillance passent aussi par la responsabilité de l’employeur vis-à-vis de ses personnels, qui, je le rappelle, sont au nombre de 800 000.

Au-delà du contexte général, le projet de loi en lui-même inquiète l’ensemble des acteurs : la méthode, dénuée de toute concertation, n’a pas permis de les associer à la rédaction du texte. Le recours aux ordonnances témoigne aussi d’une volonté de limiter le débat parlementaire.

Vous conviendrez, monsieur le ministre, que la confiance ne peut nullement se décréter dans un article de loi, a fortiori quand ce dernier suscite la défiance des principaux intéressés.

En dépit des stéréotypes parfois véhiculés moquant leur corporatisme et leur résistance au changement, les enseignants ont en réalité toujours su adapter leur pédagogie aux évolutions de la société. Faites-leur confiance !

Si ce projet de loi visait initialement à traduire dans le droit la volonté du Président de la République d’abaisser l’âge de l’instruction obligatoire à 3 ans, force est de constater qu’il engage, en réalité, de nombreux et profonds changements de notre système éducatif, tout en en taisant la plupart des aspects concrets et opérationnels, dont il eût pourtant été intéressant et nécessaire de débattre.

Jugé trop disparate, décrit comme un « fourre-tout législatif », il interroge sur sa cohérence propre et son articulation avec l’ensemble de votre politique éducative. En réalité, il apparaît clairement que vous engagez, depuis deux ans, une vaste transformation du système éducatif : une éducation marquée par l’autonomie des établissements, par la concurrence, par l’évaluation, et par l’instauration d’une école à deux vitesses.

Le projet de société que vous y dessinez, profondément ancré dans une conception libérale, ne répond ni aux enjeux du système éducatif ni aux difficultés auxquelles notre société est aujourd’hui exposée avec une acuité sans précédent.

Une question demeure : quelle plus-value apporte ce projet de loi au système éducatif, à la réussite de nos élèves et à la lutte contre les inégalités ?

Monsieur le ministre, la confiance, celle qui lie nos concitoyens et l’institution scolaire, ne pourra être restaurée que lorsque l’école de la République disposera des moyens nécessaires et suffisants pour remplir sa mission essentielle : garantir à chacun, et en particulier aux plus vulnérables, la possibilité de se hisser au meilleur de ses capacités, en enrayant tous les déterminismes, pour qu’ils aient l’envie et le plaisir d’aller à l’école.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Jouve

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous commençons ce jour l’examen du projet de loi pour une école de la confiance.

La multiplicité et la diversité des sollicitations dont nous avons pu faire l’objet témoignent des préoccupations profondes de la communauté éducative, des élus locaux et des parents d’élèves.

Certaines objections ont pu être formulées à l’aune d’inquiétudes qui ne sont pas nécessairement fondées – nous le reconnaissons volontiers, monsieur le ministre. Toutefois, ce phénomène, particulièrement prégnant pour ce texte, n’est peut-être pas étranger à l’insuffisance du dialogue et de la concertation engagés en amont de son élaboration.

Ce projet de réforme est venu se heurter aux attentes des Français, qui demeurent intactes, six années après la promulgation de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République.

Les études PISA successives montrent, depuis près de deux décennies, une évolution assez alarmante du système éducatif français. Une des tendances les plus préoccupantes réside sans doute dans le profond délitement de l’attractivité du métier d’enseignant. Bien qu’il s’agisse d’un levier de réforme essentiel, ce projet de loi demeure relativement muet sur cette question.

Notre collègue Françoise Laborde et notre rapporteur, Max Brisson, ont commis, l’an passé, un rapport sur l’attractivité du métier d’enseignant que vous avez vous-même qualifié, monsieur le ministre, « d’inspirant ».

La reprise, par notre commission, de plusieurs de leurs préconisations, comme l’inscription de l’obligation de formation continue de tous les professeurs, vient donc très opportunément enrichir ce texte.

Notre groupe, au travers du dispositif de préprofessionnalisation ouvert aux assistants d’éducation, salue une disposition qui a vocation à familiariser les futurs enseignants avec le terrain scolaire. Toutefois, nous demeurons soucieux d’encadrer finement ce dispositif, afin que son objet ne soit pas détourné.

Le RDSE se félicite également des nouvelles dispositions tendant à ce que l’abaissement de l’âge de la scolarité obligatoire à 3 ans ne pèse pas, outre mesure, sur les budgets communaux.

Notre groupe s’est particulièrement mobilisé sur ce point. Par deux fois, lors des questions au gouvernement, je vous ai interrogé, monsieur le ministre, sur l’accompagnement financier que le Gouvernement entendait mettre en œuvre du fait de l’obligation nouvelle qui sera faite aux communes de participer au fonctionnement des écoles maternelles privées sous contrat.

Le raisonnement de l’exécutif consistant à dire « qui faisait quoi avant ? » ou « qui engagera des dépenses nouvelles ? » ne pouvait nous satisfaire. La Haute Assemblée a donc voulu poser un principe équitable, les deux tiers des communes concernées accompagnant déjà, de manière facultative, l’enseignement maternel privé sous contrat.

Nous nous sommes donc attachés à ce que toutes les communes soient soutenues financièrement et pas uniquement celles qui engagent une dépense nouvelle.

Je profite de l’évocation de ce point pour attirer votre attention sur une autre réforme scolaire en vue qui ne sera, là encore, pas sans conséquence financière pour nos communes. Il s’agit de l’extension aux grandes sections de maternelle du dispositif de dédoublement des classes en réseau d’éducation prioritaire, ainsi que du plafonnement à 24 élèves, à l’horizon 2022, des effectifs, hors « REP », des classes de grande section de maternelle, de CP et de CE1. L’ouverture de 10 000 classes supplémentaires n’aura en effet rien d’anodin pour nos collectivités, qu’il s’agisse de locaux ou de personnels dédiés.

Le 30 avril dernier, j’ai voulu vous interroger sur ce sujet. Vous étiez retenu, et c’est M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse qui m’a répondu… ou plutôt qui ne m’a pas répondu.

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Jouve

Il m’a été dit, en substance, que je devrais plutôt « me réjouir » de cette annonce. L’un n’empêche pas l’autre, monsieur le ministre ! Le renforcement de l’apprentissage des fondamentaux est primordial, et nous l’appelons, avec constance, de nos vœux. Mais nos élus locaux ne veulent plus d’un État dont les réformes qu’il lance engagent surtout les autres, et ce sans consultation préalable.

En dépit d’une dynamique démographique tendant à réduire les effectifs du premier degré, personne ici ne se risquerait à dire que nos écoles publiques souffrent très majoritairement de surdimensionnement chronique. Là encore, le Sénat est dans son rôle lorsqu’il appelle le Gouvernement à la plus grande vigilance sur ce point.

Monsieur le ministre, nous souscrivons pleinement à l’abaissement de l’âge de la scolarité obligatoire, même si sa portée, en termes d’accueil, demeurera toute relative dans la grande majorité des territoires français.

Les sénateurs du RDSE ont souhaité apporter des aménagements à cette mesure, afin de mieux prendre en compte le rythme biologique des élèves en petite section ou de pérenniser des structures existantes, comme les jardins d’enfants, qui ont toujours donné pleine satisfaction.

Sur proposition de notre collègue Jean-Yves Roux, les membres de notre groupe ont, en outre, obtenu l’inscription du principe d’un accueil de l’enfant au plus près de son domicile.

Le présent projet de loi introduit également une obligation de formation pour les jeunes de 16 ans à 18 ans. Nous comprenons la démarche qui tend à poser le principe d’une obligation d’éducation et de formation de 3 ans à 18 ans, mais les conditions dans lesquelles a été introduite cette disposition, par voie d’amendement et sans étude d’impact, révèlent une impréparation certaine et réduiront vraisemblablement cette mesure à l’état de symbole.

Les conditions d’exercice et d’encadrement de l’instruction en famille ont aussi fait l’objet d’une attention particulière de notre commission. Notre groupe, notamment par le biais des propositions portées par notre collègue Nathalie Delattre, continuera de veiller à ce que ce recours, souvent précieux, ne soit pas dévoyé.

Le RDSE partage aussi pleinement la position de la commission qui a conduit à la suppression de l’article portant création d’établissements publics locaux d’enseignement des savoirs fondamentaux.

Sur la forme, le législateur ne saurait valider un dispositif aussi considérable sans étude ou évaluation préalables. Sur le fond, les craintes suscitées sont nombreuses, notamment en termes de concentration scolaire « forcée » en zone rurale. Alors que la notion de proximité est revenue au cœur du débat public, cette disposition paraît bien inopportune.

En ce qui concerne la création du Conseil d’évaluation de l’école, le groupe du RDSE aurait plutôt souhaité voir évoluer les prérogatives du Cnesco. Nous adhérons toutefois aux aménagements apportés par notre rapporteur pour renforcer l’indépendance et la pluralité de la future structure.

Le RDSE aurait également été partisan d’une poursuite de l’expérimentation du dispositif des PIAL, et de son évaluation, avant de procéder à un déploiement plus important. L’école inclusive représente un défi majeur. Les attentes sont de plus en plus fortes chez les parents d’élèves en situation de handicap. Les accompagnants des élèves en situation de handicap, ou AESH, sont au cœur du mécanisme, et la précarité professionnelle dans laquelle ils exercent leurs missions doit faire l’objet d’une attention accrue.

Les sénateurs de notre groupe ont enfin porté et soutenu la suppression de la demande de réforme par ordonnances de la carte académique. En effet, au regard des annonces récentes du Gouvernement, une telle disposition ne paraît plus adaptée.

Soucieux d’associer pleinement tous les acteurs à une réforme des conseils académiques de l’éducation nationale, ou CAEN, et des conseils départementaux de l’éducation nationale, ou CDEN, nous continuerons également de défendre une position similaire de suppression de l’article 18, même si nous ne contestons aucunement l’opportunité d’une réforme profonde de ces structures.

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

M. le président. La parole est à M. Jacques Grosperrin.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Grosperrin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les ministres se succèdent – près de cent sous la Ve République ! –, mais ne se ressemblent pas

Il y a eu des ministres avec des périmètres différents, des secrétaires d’État et parfois même des secrétaires d’État en charge de l’enseignement préscolaire. Georges Pompidou, chargé de mission pour l’éducation nationale au cabinet du général de Gaulle à la Libération, est devenu Premier ministre, puis Président de la République en 1969. D’anciens anciens ministres de l’éducation nationale ont été Premiers ministres – Lionel Jospin, François Fillon – et auraient voulu devenir présidents, à l’instar également de François Bayrou. D’autres sont aujourd’hui académiciens ou ont déjà été oubliés.

Aujourd’hui, vous occupez ce poste, monsieur Blanquer. Je pensais que vous préféreriez les petits matins à un grand soir. Or cette réforme au nom évocateur – « école de la confiance » – portera en fait votre nom.

L’annonce du Président de la République sur la scolarisation dès 3 ans vous a obligé à écrire rapidement, peut-être trop rapidement, votre projet de loi, alors même que vous faisiez un parcours sans faute.

Aujourd’hui, un trop grand nombre d’incertitudes demeure, que le Sénat, dans sa grande sagesse et sa responsabilité, essaie de rectifier avec son excellent rapporteur Max Brisson.

Y avait-il nécessité, de la part du Président de la République, d’annoncer l’instruction obligatoire à 3 ans, alors que quelque 97, 5 % des enfants de 3 ans sont déjà scolarisés et qu’ils sont 99, 5 % à l’être dès 4 ans, sans se soucier des incidences financières sur les collectivités locales et sur les maires ?

Les lois se succèdent, et ne se ressemblent pas : Berthoin, Haby, Savary, Jospin, Fillon… Parlerons-nous de la loi Blanquer dans quelques années ? L’histoire nous le dira.

En revanche, les évaluations, elles, se succèdent et se ressemblent. Vous les connaissez bien. Je pense à Timss, par exemple, l’évaluation consacrée aux mathématiques et aux sciences, qui a commencé le 6 mai en CM1 et le 13 mai en quatrième. Les derniers résultats montrent qu’il existe peut-être un problème en matière de formation des enseignants, notamment au regard de la faiblesse du score de nos élèves par rapport aux vingt-six pays de l’OCDE.

Je pense aussi aux études PISA : nous étions à la vingt-cinquième place, sur soixante-dix, en 2012, puis vingt-sixièmes en 2016. Nous connaîtrons à la fin de 2019 nos résultats pour 2020, et ils seront obtenus sous votre responsabilité, monsieur le ministre. Nous verrons alors quels sont les effets de votre politique. Quant à l’étude PIRLS, nous sommes dans la moyenne des pays de l’OCDE.

Je sais que vous êtes conscient de cette situation et que vous essayez de travailler en ce sens, notamment au travers du dédoublement des classes.

Néanmoins, comme le souligne le Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi, l’article 1er de ce texte est symbolique et non normatif. Il risque de conduire à la mise en cause de l’enseignant au lieu de le soutenir, alors même que 58 % de directeurs d’école déclaraient, en 2018, avoir subi des bousculades, des insultes, voire des agressions.

L’article 3 crée une obligation de formation jusqu’à 18 ans. N’est-ce pas encore un engagement de communication du Président de la République, alors que le retour en formation ou à une formation professionnelle existait déjà ?

L’article 10 transforme les écoles supérieures du professorat et de l’éducation, les Espé, en instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation, ou Inspé. Ce changement de dénomination doit entraîner un changement de recrutement, de fonctionnement et de méthode ; nous l’attendons.

Permettez-moi de m’attarder sur l’article 6 quater et sur la création des établissements publics locaux d’enseignement des savoirs fondamentaux, qui ont suscité tant de méfiance, notamment, je le concède, en raison de rumeurs et de fausses informations. Toutefois, dans la mesure où vous connaissez mieux que moi le travail de certains partenaires de l’éducation, peut-être aurait-il fallu réfléchir à une meilleure anticipation.

J’ai donc décidé, ainsi que mon groupe, de supprimer cet article et de le réécrire avec toute la sécurité demandée et souhaitée.

Déjà, en 2019, à l’Assemblée nationale, un rapport montrait l’intérêt de cette école. Déjà, Frédéric Reiss parlait de regroupement. Déjà, Yves Durand parlait de la mise en amélioration de cette liaison, tout comme Alain Marc, qui soulignait l’importance d’une amélioration de la liaison entre l’école et le collège. Le rapport Thélot évoquait également un regroupement CE2, CM1, CM2, sixième.

Il faut un cadre juridique à cette école. Il faut, et c’est l’objet de mon amendement, décrire la création, sur la base du volontariat des collectivités territoriales et de la communauté éducative, d’un établissement correspondant à l’école du socle et nommé « établissement public local d’enseignement du socle commun ».

Les établissements qui sont en expérimentation à ce jour le demandent. Nous avons reçu, par exemple, des responsables de l’école du socle de Jussey, qui réclament ce texte juridique.

Toutefois, nous devons nous appuyer sur une délibération unanime et des collectivités locales et du conseil d’administration des collèges, ainsi que sur chacun des conseils d’école. Il nous faut rappeler que le collège et les écoles qui composent cet établissement peuvent être implantés sur plusieurs sites, et non sur un site unique dans le collège, comme on a pu l’entendre.

Il nous faut l’accord des collectivités territoriales pour toute modification des classes. Il nous faut, bien sûr, maintenir le directeur dans chaque école.

Telles sont les conditions indispensables pour retisser la confiance avec les élus, avec les enseignants et avec les parents.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Oscar Wilde disait que « le seul moyen de se débarrasser d’une tentation, c’est d’y céder ». Avec ce projet de loi, monsieur le ministre, vous venez conforter cette maxime. N’aviez-vous pas annoncé, en début de quinquennat, qu’il n’y aurait pas de loi Blanquer ? La vie politique est ainsi faite…

Quelle est, à l’origine, la motivation principale de ce texte ? Sans aucun doute, celle de concrétiser la promesse du candidat Macron de porter à 3 ans l’âge de l’instruction obligatoire.

Au nom de quoi, de quel principe ? Permettez-moi de m’inscrire totalement en faux par rapport à l’argumentaire, souvent développé, selon lequel, avec cette mesure, notre pays disposera de la plus forte précocité en Europe en termes d’instruction. Je considère que l’on ne prend pas des mesures politiques pour battre des records, tout particulièrement dans le domaine si sensible de l’éducation nationale…

Tout acteur de la communauté éducative pourra convenir, avec un minimum d’objectivité, que le rythme d’un enfant de 3 ans n’est pas systématiquement adapté à une journée d’école qui démarre souvent dès sept heures trente, pour finir parfois après dix-huit heures.

J’ai ainsi proposé un amendement, adopté en commission, qui vise à déroger à cette règle pour les plus jeunes, à l’issue d’une concertation entre parents, directeurs et équipes éducatives. Par ailleurs, il me semble important de redire que la cellule familiale doit rester le premier éducateur de l’enfant.

J’ajoute que, au lieu de porter spécifiquement les efforts sur les départements qui se signalent par une singularité – ils ont été évoqués voilà quelques instants –, on généralise à l’ensemble du territoire national, sans anticiper sur les conséquences, notamment financières, pour toutes les communes de France. Les élus locaux sont inquiets de cette nouvelle charge.

Les élus ne sont pas les seuls à avoir fait connaître leurs vives inquiétudes vis-à-vis de ce projet de loi. Bien sûr, comme tout texte touchant à l’école, celui-ci n’a pas manqué d’hystériser le débat public, à l’image de la mobilisation contre l’article 6 quater, qui créait les établissements publics locaux d’enseignement des savoirs fondamentaux.

Parents d’élèves, personnels de l’éducation, enseignants et directeurs d’école ont beaucoup critiqué cette mesure avec, il faut bien le dire, des interprétations parfois malheureuses, et pas toujours objectives, tant s’en faut.

Toutefois, comme trop souvent malheureusement, la méthode d’introduction de cette mesure n’était pas la bonne. Aussi, les membres de la commission de la culture et notre rapporteur Max Brisson, dont je salue le travail de grande qualité, ont-ils su entendre les craintes. Dans un souci d’apaisement, nous avons fait le choix de supprimer l’article 6 quater, au motif qu’il risquait, pour paraphraser mon collègue Jacques Grosperrin, de « constituer un cheval de Troie pour des regroupements non désirés ».

Il faut néanmoins laisser une large place à l’expérimentation, car nous savons que ce dispositif correspond, localement, à des besoins réels.

Poursuivant en quelque sorte la même logique que pour l’instruction obligatoire à 3 ans, le Gouvernement a introduit, à l’Assemblée nationale, l’obligation d’instruction jusqu’à 18 ans. Là encore, je m’interroge sur les effets visés.

L’article 3 bis dispose que tout individu devra être inscrit dans un établissement scolaire, ou en formation, ou en emploi. Mais où serait-il donc si tel n’était pas le cas ? J’ai la nette impression que nous connaissons tous la réponse et que le mal profond auquel elle fait référence nécessite bien davantage qu’une mesure cosmétique de contrainte, qu’il sera bien difficile de faire respecter dans certains quartiers, surtout en confiant la mission de contrôle aux petits bras musclés de nos missions locales.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

Quitte à dépenser 100 millions d’euros en année pleine, j’aurais tellement aimé qu’on les destine à des dispositifs qui ont fait leurs preuves, comme les écoles de la deuxième chance.

Par ailleurs, le rôle des futurs assistants d’éducation doit absolument être précisé dans ce texte, pour éviter, là encore, des suspicions de mesures simplement budgétaires. La pratique, aux côtés d’un professionnel expérimenté, doit être encouragée, mais elle ne peut se transformer en système de remplacement.

L’article 1er donne généralement le ton d’un texte. Comme vous le savez, monsieur le ministre, cet article est ici à l’origine de bien des manifestations hostiles de la part du corps enseignant. Il faut reconnaître que la notion d’exemplarité est tellement sujette à interprétation et tellement imprécise, qu’elle ne peut que susciter la défiance, ce qui est l’exact contraire de l’objectif annoncé par le titre de ce projet de loi. Il me semble que le terme de « neutralité » serait plus adéquat.

Je vous proposerai également, mes chers collègues, de modifier l’intitulé de ce texte en « projet de loi pour une école de la confiance et du respect ». Je suis en effet persuadé que tous les enseignants appellent cet équilibre de leurs vœux, alors même que les agressions se multiplient dans les établissements scolaires.

Ce respect dû aux enseignants devrait aussi être un principe que les organisations syndicales s’appliquent à elles-mêmes, en commençant par respecter les directives de leur ministre de tutelle, qui a indiqué clairement que l’écriture inclusive, par exemple, n’était pas acceptable.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

M. Stéphane Piednoir. Sur ce point, je suis en parfait accord avec vous, monsieur le ministre. L’essentiel est le retour aux fondamentaux sur le vocabulaire et la grammaire.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre Monier

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme vient de le démontrer ma collègue Maryvonne Blondin, il est manifeste que nous ne partageons pas, monsieur le ministre, la même vision de l’école de la République. Pour nous en rendre compte, nous devons regarder l’ensemble des changements réalisés sous ce gouvernement.

La réforme du lycée, dont l’application renforcera les inégalités territoriales, a succédé à la mise en place problématique de Parcoursup et à une nouvelle organisation des rythmes scolaires à la carte.

À cela s’ajoutent les suppressions de postes, plus nombreuses chaque année, alors que les 60 000 postes créés lors du quinquennat précédent avaient tout juste permis de compenser les suppressions effectuées sous la présidence de Nicolas Sarkozy.

Aujourd’hui, vous nous proposez un projet de loi dénommé « pour une école de la confiance », mais qui suscite tout le contraire : suspicion, inquiétude et même angoisse. En fait, c’est de défiance qu’il s’agit.

Vous mettez à mal l’école, notre École – avec un grand E –, sans concertation avec celles et ceux – élus, notamment ruraux, parents, communauté éducative – qui vivent l’école au quotidien. Et tout cela, sans aucune évaluation de ce qui a été fait précédemment. Vous empilez une nouvelle loi Blanquer, alors que ce dont notre école a besoin aujourd’hui, c’est d’un frein au train incessant des réformes, pour prendre enfin le temps de mettre en place ce qui existe.

Ce projet de loi est un catalogue, un patchwork de mesures qui vont affecter structurellement notre système éducatif. Si son fonctionnement est encore à améliorer, vous proposez, avec ce texte, non pas une vision politique de l’éducation, mais une vision comptable qui consiste à trouver des professeurs qui coûteront le moins cher possible, au détriment de la qualité des conditions d’apprentissage des enfants, ou à réduire le nombre de directeurs et de directrices d’école, alors qu’ils, et elles, sont le lien indispensable entre les différents membres de la communauté éducative.

Quelques dispositions peuvent, certes, aller dans le bon sens. Je pense au meilleur contrôle de l’instruction en famille ou à l’instruction obligatoire dès 3 ans, une mesure que nous défendons depuis plusieurs années. Mais même sur ces points, nos craintes persistent, car ces réformes ne doivent pas être mises en œuvre au détriment des communes.

Nous nous inquiétons également de la suppression du Cnesco au profit d’un conseil constitué de membres désignés en grande partie par le ministère. L’indépendance des instances d’évaluation est cruciale, autant pour l’impartialité de ses évaluations que pour l’engagement pédagogique du corps enseignant.

Ce texte met aussi en place une mise en concurrence des établissements. Ainsi, sous couvert d’expérimentation, la répartition des heures d’enseignement par matière pourra différer d’un établissement à l’autre.

C’est aussi, comme je le soulignais, des choix purement comptables. Je pense, par exemple, au fait de confier des missions d’enseignement, de façon tout à fait prématurée, aux assistants d’éducation, dès la L2, lorsqu’ils, ou elles, se destinent à l’enseignement, afin de compenser les suppressions de postes et de réaliser des économies.

Quant à l’article 6 quater, point dur du texte, dont nous saluons le retrait à l’unanimité par la commission, nous ne saurions accepter de le réintégrer sous une rédaction peut-être plus habile, mais aux conséquences tout aussi néfastes pour les territoires et le service public de l’éducation.

Oui, la création d’établissements publics locaux d’enseignement des savoirs fondamentaux, ou EPLESF, ou tout autre nom qui pourrait être donné à un tel organisme, renforcera les inégalités, particulièrement dans les territoires ruraux. Les fermetures de classes qui en découleront – en effet, vous ne nous ferez pas croire que la création de ces établissements n’entraînera pas la fermeture de classes – mettront gravement à mal le lien social que l’école maintient dans les communes rurales. Ce n’est pas notre modèle d’une politique éducative de proximité.

La portée de certains articles a été aggravée lors de l’examen du texte en commission, au Sénat. Je pense notamment à la détérioration des conditions de travail et de formation des enseignants.

À gauche, l’école de la République doit être un lieu d’émancipation individuelle et collective, un lieu d’acquisition des savoirs et des connaissances culturelles et, pour toutes et tous les élèves, un lieu de formation de citoyens éclairés, responsables, libres.

Cela ne peut se faire sans le personnel enseignant ni la communauté éducative sur lesquels vous faites planer une suspicion injuste au travers de l’article 1er. Ce sont eux qui font face, en première ligne, aux difficultés scolaires du quotidien. Ils ont besoin de reconnaissance, de respect, d’une revalorisation de leur métier, de moyens humains et financiers. Ils ont tout simplement besoin de confiance.

Monsieur le ministre, vos choix politiques sont cohérents et clairs. Ce texte n’est pas sans rappeler les attaques incessantes dont notre système scolaire a été victime entre 2007 et 2012 – un affaiblissement grave auquel vous aviez d’ailleurs pris part.

Vous faites l’éloge de l’employabilité comme objectif premier de l’école, de la performance à tout prix et de l’individualisme. Il est clair que ce texte ne répond pas aux exigences d’égalité, qu’il est si nécessaire de satisfaire pour construire une société émancipatrice. Le groupe socialiste fera, par amendements, des propositions pour l’améliorer.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Paccaud

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes plusieurs à avoir croisé, avant d’entrer dans cet hémicycle, le regard d’albâtre de Jules Ferry, dont le nom est indissociable de l’histoire et de notre école et de notre République.

Comme certains, je crois aux forces de l’esprit. Là où il est, Jules Ferry ne peut qu’être interpellé par le nom de votre projet de loi, monsieur le ministre : « Pour une école de la confiance ».

La plupart d’entre nous, ici, sont les filles et les fils de l’école de la République, cette République qui, dans les années 1880, a sonné le carillon de la plus heureuse et de la plus silencieuse des révolutions.

En offrant à tous les enfants l’accès au savoir, qui était jusqu’alors avant tout réservé aux catégories les plus aisées, elle leur permettait aussi d’espérer une progression sociale par la réussite scolaire, les mérites de chacun étant ainsi reconnus. Alors que le suffrage universel a établi l’égalité des droits, c’est l’instruction publique qui fut la servante consacrée de l’égalité des chances. École, méritocratie et République sont donc intimement liées dans notre histoire et notre mémoire collective.

Or, depuis plusieurs décennies, la confiance entre les Français et leur école est fissurée. Preuve éclatante du malaise scolaire : l’exode massif d’élèves de l’école publique vers le privé. Personne ne peut croire que cette « fuite des cerveaux » soit due à une quelconque fièvre religieuse. Dans l’esprit de bien des parents, l’école privée d’aujourd’hui est tout simplement l’école publique d’hier, …

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Paccaud

… celle où l’autorité du maître, le respect que les élèves lui témoignent et la valorisation des efforts étaient des fondements incontestables et incontestés.

Bien des enseignants doutent, eux aussi. Mal payé, peu considéré, le professorat n’attire plus, tandis que des mouvements comme « les stylos rouges » ou « PasDeVague » illustrent cette grogne qui monte au sein de l’éducation nationale.

Oui, monsieur le ministre, il faut rebâtir ce socle de confiance indispensable pour que notre école retrouve sérénité et efficacité.

Malheureusement, à la lecture du projet de loi déposé à l’Assemblée nationale, quelle déception, tant, loin d’une grande loi sur l’école, le texte présenté se révélait un bouquet fourre-tout, sans harmonie, sans ambition, sans vision.

Quant à la mesure emblématique, l’abaissement de l’âge de l’instruction obligatoire à 3 ans, déjà en vigueur quasiment partout dans l’Hexagone – je n’oublie pas, cela dit, nos amis de Mayotte et de la Guyane –, il est difficile de ne pas y voir un « coup de communication » à la portée pédagogique toute relative.

De même, vouloir transformer les Espé, les écoles supérieures du professorat et de l’éducation, en Inspé, ou instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation, ne traduit pas une inspiration débordante.

La version corrigée par nos collègues de l’Assemblée a avant tout créé des craintes et des polémiques inutiles, qu’il s’agisse de la décapitation du « père » et de la « mère » dans les documents administratifs ou de la création des obscurs établissements publics des savoirs fondamentaux.

Si certains se sont saisis du flou de cet article 6 quater pour agiter les peurs et cristalliser les ressentiments, force est de constater que l’on a rarement vu texte plus mal écrit. « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément » – ces vers de l’Art poétique de Nicolas Boileau sont à méditer.

Si le rapporteur Max Brisson, notre ami et collègue, n’est pas un titan tout droit sorti de la mythologie, il a néanmoins, avec passion et détermination, mené au cœur de la commission de la culture un travail titanesque, qui a permis d’améliorer le texte. Je pense notamment aux amendements relatifs à l’école inclusive, même s’il reste, en la matière, beaucoup à faire, au retour au bon sens et à la sagesse concernant les jardins d’enfants, à l’affirmation du rôle et de l’autorité des directeurs d’école.

Espérons que l’examen qui s’ouvre sera fertile et que l’attitude positive et constructive de la Haute Assemblée, jamais démentie, recevra l’écoute souhaitée de la part du ministère.

L’école de la République a besoin d’un nouveau souffle et, sans doute, d’une véritable loi de refondation. Ce ne sera pas pour cette fois, mais peut-être pour une autre – il faudra bien, notamment, évoquer en profondeur la formation initiale et continue des enseignants, leurs modalités d’affectation, leur statut, le fonctionnement des établissements scolaires et la place de l’école dans les territoires.

Nous ne sommes plus au temps des hussards noirs de la République, mais l’école est toujours aussi importante. Tentons donc de ressusciter cette confiance disparue.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Blanquer

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne vais évidemment pas répondre à chacun des points évoqués par chacun d’entre vous – ce serait trop long, et j’aurais peur de vous lasser. Je voudrais néanmoins revenir sur ce qui a été exprimé au travers des différentes interventions.

La première question que je souhaite éclaircir est celle de l’intention qui motive la présentation de ce projet de loi. Il me paraît particulièrement important, en effet – plusieurs d’entre vous l’ont dit –, que nous puissions discuter de bonne foi de ce que contient réellement ce texte. Si, au point où nous en sommes de la discussion, je n’avais qu’une seule idée à formuler, je dirais que nous n’avons strictement aucune intention cachée. Je tiens énormément à le dire : l’intention de ce projet de loi est parfaitement claire ; elle est affichée.

Nous vivons – c’est incontestable – dans une société de la défiance et du soupçon ; à ce titre, chacun doit faire son introspection pour savoir s’il contribue à la logique de la confiance ou à celle du soupçon.

J’ai fait il y a un an quelque chose de relativement rare pour un ministre de l’éducation en exercice : j’ai écrit un livre sur ce que nous avions commencé à faire et sur ce que nous nous apprêtions à faire. J’avais d’ailleurs écrit, dans ce livre que chacun peut lire, que le temps de la loi viendrait au moment voulu. J’ai donc expliqué par écrit le pourquoi et le comment des différentes mesures que nous sommes en train de prendre.

Mesdames, messieurs les sénateurs, quel que soit le groupe politique auquel vous appartenez, je vous prie de croire – c’est la seule requête que je vous soumettrai – que les intentions qui sont derrière ce projet de loi sont tout simplement les intentions affichées. Autrement dit, il n’y a aucune autre intention que celle qui est affichée.

Vous avez le droit d’être contre ces intentions ; mais si vous ne voulez pas contribuer à alimenter cette société du soupçon dans laquelle nous vivons, alors n’allez pas chercher je ne sais quelle intention cachée. Il y a quelque chose d’absurde à vous voir critiquer, en brandissant une intention soi-disant dissimulée, certaines mesures que vous avez vous-mêmes préconisées, à gauche comme à droite.

Je pourrais prendre bien des exemples. L’instruction obligatoire à 3 ans est un vieux projet, souvent venu des travées de la gauche. Certains d’entre vous l’ont saluée, tout en éprouvant immédiatement le besoin de préciser que le projet proposé n’est pas celui que vous auriez, vous, mis en œuvre. Je ne saurais dire à quoi eût bien pu ressembler votre instruction obligatoire à 3 ans pour être si belle, quand la nôtre est si laide ! Je ne vois pas de différence entre l’intention qui était la vôtre et celle que nous sommes en train, pour notre part, de mettre en œuvre.

Très souvent, en vous écoutant – pardonnez-moi de vous le dire –, l’adage selon lequel la critique est aisée, mais l’art est difficile me venait à l’esprit. Il y a bien des choses, en effet, que vous avez préconisées et que nous sommes en train d’accomplir.

Ce constat vaut aussi pour les travées de droite – le sénateur Grosperrin a eu l’honnêteté d’évoquer les travaux réalisés sur l’école du socle.

Le sénateur Ouzoulias a fait référence au plan Langevin-Wallon, dont les concepteurs appelaient de leurs vœux une « école fondamentale », c’est-à-dire une vision englobant l’école et le collège, leur volonté étant de tracer un continuum pour tous les enfants de France. Il y a là – vous avez eu l’honnêteté de le rappeler, monsieur le sénateur – l’une des sources d’inspiration de ce projet de loi.

Aujourd’hui, certains éprouvent le besoin de caricaturer ce texte, faisant comme si ses objectifs étaient éloignés de ceux que vous-mêmes, dans le passé, avez poursuivis, sans que les gouvernements que vous souteniez aient pu les atteindre – telle est la vérité ! Nous sommes, nous, en train d’ouvrir quelques portes, qui n’ont pas été ouvertes par les gouvernements précédents. C’est peut-être cela, d’ailleurs, qui motive certaines critiques – j’y vois l’intention cachée, pour le coup, de certaines interventions.

Je voudrais donc vous demander, à l’aube des différents débats que nous allons avoir, non pas que nous soyons d’accord sur tout, évidemment – ce ne serait ni possible, ni même souhaitable –, mais de ne pas chercher derrière le texte des intentions qui n’y sont pas.

Pourquoi, par exemple, Jean-Pierre Chevènement aurait-il salué plusieurs des mesures que j’ai prises depuis mon entrée en fonction si mon intention était de créer cette école ultralibérale dont vous me prêtez le dessein ? Pourquoi des défenseurs habituels de l’enseignement des savoirs fondamentaux à l’école, par exemple venus de l’Académie française, soutiendraient-ils la politique que nous menons en la matière, et pourquoi voudrais-je, moi, autre chose que ce que souhaitent ces différentes personnalités ?

Je le répète, on a le droit de ne pas être d’accord avec ce que nous faisons. Mais si nous ne voulons pas contribuer à cette société du soupçon que, par ailleurs, nous déplorons tous chaque fois que nous la constatons, nous ne devons pas faire semblant de lire des intentions cachées là où il n’y en a pas.

Mes intentions sont parfaitement claires ; elles sont affichées dans l’exposé des motifs et transparentes dans les politiques menées jusqu’à présent. Elles peuvent être contestées – je n’en dénie le droit à personne. Mais il me paraît vain de disserter sur un projet qui n’est pas celui que nous présentons ; ce sont de telles interventions qui nourrissent la défiance.

Quant à la confiance, plusieurs d’entre vous ont dit qu’elle ne se décrétait pas, mais qu’elle se créait. Je suis complètement d’accord avec ces propos – j’ai bien conscience qu’un intitulé de projet de loi ne suffira pas à créer une société ou une école de la confiance, et qu’il s’agit d’un enjeu collectif. Mais j’essaie d’y apporter ma pierre ; et nous verrons bien si ce cercle vertueux sera effectivement enclenché.

Toutefois, là encore, j’invite à l’introspection : les sociétés qui vont bien, dans le monde d’aujourd’hui, sont celles qui ont confiance en leur école et qui n’ont pas plaqué sur elle le clivage gauche-droite.

Certains déclarent solennellement que ma conception de l’école n’est pas la leur. Je veux bien l’entendre : des divergences peuvent exister entre nous ; mais je ne suis pas certain qu’elles soient si profondes. Nous avons beaucoup à gagner à nous rapprocher les uns des autres, pour construire une école qui corresponde à tous les citoyens, sans discrimination et – je le répète – sans clivage gauche-droite plaqué sur ces enjeux.

Vouloir que l’école maternelle crée les conditions de l’égalité entre tous les enfants, ce n’est ni de gauche ni de droite.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Savin

M. Michel Savin. Non, c’est « en marche » !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Blanquer

Vouloir que l’école soit inclusive et accueille tous les élèves handicapés, ce n’est ni de gauche ni de droite. Vouloir organiser l’école avec une certaine souplesse, pour tenir compte des différences entre les territoires, ce n’est ni de gauche ni de droite. Vouloir une école permettant de traiter les enjeux non seulement d’instruction, mais aussi d’éducation, en collaboration avec les parents d’élèves, ce n’est ni de gauche ni de droite.

Tous ces enjeux – la liste que je viens de donner n’est pas exhaustive – figurent dans ce projet de loi.

J’ai parlé de l’intention qui préside à la présentation de ce texte ; je voudrais conclure en précisant quelle est sa nature. Je ne discuterai pas de savoir s’il s’agit d’une petite ou d’une grande loi ; je vous ai dit qu’il ne s’agissait pas de refonder l’ensemble du système scolaire. Je pense d’ailleurs que l’absence d’une telle prétention pourrait être le gage de la qualité de ce texte.

Puisqu’il a été fait référence à Jules Ferry, faisons un peu d’histoire. Si une grande loi se mesure au nombre d’insultes et de critiques que l’on recueille en la présentant, alors Jules Ferry a fait une très grande loi : lorsqu’il a rendu obligatoire l’instruction à partir de 6 ans, il n’a pas recueilli, lui non plus, l’assentiment général sur les différentes travées des deux chambres – il suffit pour s’en convaincre de lire le compte rendu des débats de cette époque.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Blanquer

À l’époque, fort heureusement, une très grande proportion d’enfants, en France, était déjà scolarisée, grâce au travail de Guizot ou de Duruy.

Jules Ferry, lui, a fait quelque chose d’absolument indispensable, qui a été fondateur pour la République : rendre cette scolarisation obligatoire pour tous. La conséquence n’a pas seulement été d’amener à l’école les enfants qui n’y allaient pas ; elle a été de donner un socle, un cadre juridique, mais aussi psychologique, à ce qui devait être l’école de la République.

Telle est évidemment notre intention au travers de l’instruction obligatoire à 3 ans : la valorisation de l’école maternelle. Il n’y va pas seulement des 25 000 enfants qui ne vont pas à l’école et qui iront désormais.

Je précise, d’ailleurs, que ces enfants ne vivent pas tous en Guyane et à Mayotte : j’ai en tête cet enfant d’une partie rurale profonde de l’Orne dont on me parlait lors de l’un de mes déplacements et qui, arrivant en CP à 6 ans, avait un vocabulaire extrêmement faible. C’est ce type de cas, aussi, que nous allons résoudre ; chaque enfant compte, évidemment – et quelques milliers ne sont absolument pas quantité négligeable.

Ce faisant, donc, nous n’allons pas seulement amener ces enfants à l’école ; nous construisons un cadre pour l’école maternelle. Ce dernier a déjà des conséquences juridiques concrètes – je pense à la visite médicale à 3 ans pour tous, qu’il n’a pas été possible, jusqu’à présent, de mettre en œuvre, précisément parce que l’école n’était pas obligatoire.

Il faut donc avoir en vue les conséquences de ce que nous faisons, qui toutes sont la déclinaison de deux objectifs – telle est notre intention en présentant cette loi ; il n’y en a pas d’autre. On peut bien discuter des chemins que nous empruntons pour réaliser cette intention, mais pas de l’intention elle-même, qui est claire et manifeste.

Cette intention se traduit, comme je le disais, en deux objectifs : l’élévation du niveau général et la justice sociale.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

TITRE Ier

GARANTIR LES SAVOIRS FONDAMENTAUX POUR TOUS

Chapitre Ier

L’engagement de la communauté éducative

Après l’article L. 111-3 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 111-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 111 -3 -1. – L’engagement et l’exemplarité des personnels de l’éducation nationale confortent leur autorité dans la classe et l’établissement et contribuent au lien de confiance qui unit les élèves et leur famille au service public de l’éducation. Ce lien implique le respect des élèves et de leur famille à l’égard des professeurs, de l’ensemble des personnels et de l’institution scolaire. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Boyer, sur l’article.

M. Vincent Segouin applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Boyer

Ce projet de loi est censé instaurer une école de la confiance. Or la confiance exige qu’il soit fait droit à certains principes fondamentaux, au nombre desquels figure le respect que les acteurs de l’école se doivent mutuellement, en particulier, le respect que les écoliers doivent à leurs maîtres. Comment le transfert des savoirs peut-il s’accomplir si ceux à qui ils sont transmis ne respectent pas ceux qui les leur transmettent ?

Je félicite mon collègue rapporteur Max Brisson de son travail de qualité ; il rappelle que le respect est d’abord dû par les élèves et leurs familles aux professeurs, à l’ensemble des personnels et à l’institution scolaire.

Le second principe qui me paraît fondamental pour instaurer la confiance est la proximité. C’est pourquoi j’ai tenu, avec bon nombre de mes collègues, à ce que nous ne généralisions pas l’expérimentation relative aux établissements publics des savoirs fondamentaux, qui pourraient porter atteinte à ce principe.

Le regroupement envisagé éloignerait en effet les familles et les enseignants de la première école du quotidien : le directeur d’école serait mis entre parenthèses, le lien entre le maire et le directeur, pourtant essentiel à la bonne marche de nos écoles, serait mis en cause, et la pérennité des écoles rurales serait menacée – ces écoles comptant peu de classes, un regroupement de classes peut signifier une fermeture d’école.

J’ai eu la chance d’aller à l’école de mon village, qui était une école à classe unique. L’école était à côté de chez moi. Cette proximité n’a pas de prix, monsieur le ministre, car c’est le quotidien de nos enfants qui se déroule à l’école, et c’est leur avenir qui s’y prépare.

Je souhaite ici rappeler l’engagement du Président de la République à ne pas fermer d’école, et le vôtre à poursuivre, lorsque certaines conditions sont remplies, la fermeture de classes.

Vous êtes venu dans le Puy-de-Dôme en 2018 ; vous avez pu y constater la réalité d’une école primaire riche de ses maîtres et la vitalité d’un collège rural.

Monsieur le ministre, si vous voulez une école de la confiance, regardez nos villages : l’église est au centre du village, l’école au centre de la commune et l’élève au centre de l’école communale.

Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Eustache-Brinio

Quelques mots, monsieur le président – je ne souhaite pas faire durer les débats.

Monsieur le ministre, nous allons aborder le chapitre Ier de votre projet de loi, qui s’intitule « L’engagement de la communauté éducative ». Or la réalité est que, depuis trente ans, un nombre important de circulaires a affaibli la place de l’enseignant au sein de sa classe. Les enseignants, aujourd’hui, n’osent plus bouger, tant ils ont peur de certaines réactions.

Il est certes important et nécessaire de rappeler aux enseignants leur engagement, mais il est tout aussi nécessaire, monsieur le ministre, de rappeler quelle doit être la place des parents au sein de l’école, et de rappeler aux enfants que la parole de l’adulte n’est pas identique à celle de l’enfant, afin que les enseignants puissent se sentir soutenus.

L’école de la République est un lieu merveilleux et une chance pour la mixité sociale. Mais il est grand temps, monsieur le ministre, de redonner du cadre à cette belle institution, de faire confiance aux enseignants et de les soutenir lorsqu’ils en ont besoin.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Antiste

Le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui est compliqué.

Compliqué, il l’est en premier lieu dans sa construction, puisqu’il a été élaboré sans aucune concertation et qu’il est devenu, au fur et à mesure de ses évolutions, un recueil de mesures disparates et hétérogènes. Pourtant, il s’agit d’un texte dont l’adoption bouleverserait en profondeur le fonctionnement du système éducatif, mais sans aucune certitude de progrès.

Compliqué, il l’est aussi dans son esprit. Ce texte, qui se veut ambitieux, doit être, selon vos propres mots, « le socle d’une école qui inspire confiance et qui crée de la confiance en permettant la réussite et l’épanouissement de l’élève dès le début de sa vie ».

Pourtant, monsieur le ministre, ce texte fait l’unanimité contre lui, chez les enseignants en particulier, au sein de la communauté éducative en général, et même chez un très grand nombre de parents d’élèves !

Si l’ambition du texte est de ramener de la confiance dans le monde enseignant, par ailleurs particulièrement en souffrance, la tâche est ardue, monsieur le ministre. Je souhaite évoquer, de ce point de vue, le désespoir quotidien d’un très grand nombre de nos enseignants nés en outre-mer et systématiquement parachutés dans l’Hexagone alors que des besoins dans leurs matières existent au sein de leur académie – entre 2009 et 2016, 839 équivalents temps plein, dont 278 dans le premier degré et 561 dans le second degré, ont été affectés dans l’Hexagone.

J’ai bien conscience que cette question devrait être traitée dans le prochain projet de loi de réforme de la fonction publique. Mais j’insiste sur le fait que la refondation du système éducatif passe également par une refonte du système des mutations, s’agissant en particulier de nos enseignants, notamment de ceux qui sont néo-titulaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Dans un opuscule de 2007, Yann Algan et Pierre Cahuc montrent à quel point la société française est une société de défiance. La méfiance à tous les échelons finit par affecter négativement notre modèle social et la perception que chacun peut avoir de l’État providence.

En 2012, ces mêmes auteurs, ainsi que d’autres économistes, prolongent l’analyse et expliquent les causes de cette défiance, pointant notamment l’obsession française pour les classements, l’inertie liée à son fonctionnement pyramidal et la fragmentation horizontale qui en résulte.

L’école n’échappe pas à ce constat. Selon un sondage réalisé par l’IFOP, en 2018, 65 % des Français considèrent que le système scolaire ne garantit plus l’égalité des chances. Autrement dit, la promesse républicaine attachée à l’école apparaît comme une illusion.

À ce titre, monsieur le ministre, nous ne pouvons que souscrire à la volonté, que vous avez maintes fois exprimée, de réintroduire de la confiance au sein du système scolaire.

En revanche, nous ne pouvons que nous interroger sur la méthode employée : peut-on créer une spirale positive, créant progressivement la confiance dans l’ensemble de la communauté éducative, en instillant implicitement une forme de défiance à l’encontre des personnels de l’éducation nationale, en particulier des professeurs, et ce dès l’article 1er du projet de loi ?

Tel n’était peut-être pas votre objectif initial, mais tel a été le résultat, comme vous avez pu le constater. On pourrait d’ailleurs s’interroger sur la portée normative de ces dispositions, comme l’a fait le Conseil d’État dans son avis – cela a été dit. En d’autres termes, l’intention est louable, mais il n’est nul besoin de la loi pour répéter la loi !

Monsieur le ministre, vous avez choisi de réaffirmer le devoir de réserve des personnels de la communauté éducative, et, au premier chef, celui des enseignants. Ce faisant, vous suscitez le doute, l’incompréhension et, in fine, la méfiance entre votre ministère et les enseignants. Pensez-vous que cette manière de procéder est de nature à instaurer le climat de confiance que tout le monde désire ?

Le lien de confiance qui unit les élèves et leurs familles au service public de l’éducation suppose de l’écoute et de l’apaisement. Pour cette raison, il nous semble plus que nécessaire de retirer cet article du projet de loi.

L’envoi d’un tel signal calmerait les craintes de la communauté éducative et nous permettrait de concentrer vraiment nos efforts, dans les heures et les nuits à venir, sur le projet dont nous souhaitons la réalisation pour l’école, ainsi que sur les moyens de parvenir à renforcer la confiance en son sein.

Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Monsieur le ministre, le problème est que ce débat, au moment où nous l’amorçons, est semé de faux-semblants, contrairement à ce que vous avez essayé de démontrer dans votre réponse.

Comme nombre de vos collègues ministres, vous avez voulu faire croire, en arrivant aux responsabilités, que vous aviez inventé l’eau chaude.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Lorsque l’occasion vous a été donnée d’agir, nous avons vu les résultats !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Vous vous êtes approprié des concepts que vos prédécesseurs – je pense en particulier à Vincent Peillon – avaient fait leurs, prenant des mesures très importantes.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Ainsi a-t-il fallu se bagarrer pour que chacun se persuade, enfin, que tout commence par l’école primaire, et qu’il fallait donc inverser les choses et faire porter les efforts prioritairement sur cette dernière. Des mesures concrètes ont suivi : « Plus de maîtres que de classes ». Ce n’est donc pas vous qui avez inventé cette façon de procéder, mais c’est ce que vous avez affirmé.

Vous avez prétendu combattre les inégalités en dédoublant les classes. Soit ! Mais vous avez oublié de dire que ce dédoublement s’était fait en vidant de son sens le principe « plus de maîtres que de classes », et non en créant des postes de maîtres pour renforcer le dispositif qui avait été mis en place.

De la même façon, vous dites œuvrer « pour une école de la confiance », mais commencez votre texte, à l’article 1er, par un geste de défiance envers les enseignants. C’est bien qu’il y a un problème !

Vous pouvez bien dire que vous avez été mal compris, mais les faits sont là. Vous n’aimez pas les lois bavardes ; vous aviez même dit qu’il n’y aurait pas de loi portant votre nom : vous disiez préférer l’action concrète… Pourtant, dès l’article 1er, vous introduisez dans la loi une disposition qui n’a aucune valeur normative, qui existe déjà dans le code de l’éducation : bien entendu, les professeurs doivent être exemplaires, comme, d’ailleurs, tous les fonctionnaires.

Néanmoins, vous oubliez que, pour que les professeurs et tous les fonctionnaires soient respectés, il faut cesser de dénigrer et d’affaiblir la fonction publique. Ce qui pèse sur l’autorité des enseignants, c’est que la parole politique, loin de les valoriser, ne cesse de répéter que l’on fait moins bien dans l’école publique que dans l’école privée – je l’ai encore entendu dans une intervention prononcée tout à l’heure à droite de l’hémicycle.

Aujourd’hui, si l’on veut que la société les respecte, il faut dire aux professeurs que ce qu’ils font est exemplaire et leur donner les moyens de formation et les salaires suffisants pour qu’ils soient respectés.

Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Monsieur le ministre, vous avez raison : il faut un préjugé positif de confiance pour qu’une société, a fortiori républicaine, fonctionne correctement.

Le seul problème est que la confiance doit s’étayer sur des faits ; or, quand les faits créent la défiance, les mots ne suffisent pas à rattraper la situation. Vous mentionnez, à l’article 1er, l’obligation pour le corps enseignant de respecter le droit de réserve, lequel a toujours existé, et peut-être, d’ailleurs, chez les enseignants plus qu’ailleurs, au regard de l’éthique éducative.

Si l’on met cette mention en regard des pratiques administratives actuelles, on peut avoir des doutes en matière de confiance. Quand des syndicalistes prennent position, en dehors du temps scolaire, contre M. Macron, en faisant grève ou en protestant, ils sont réprimandés par leur hiérarchie et se trouvent mis au ban, mal vus, voire sanctionnés. Jusqu’à preuve du contraire pourtant, et aucun républicain ne me contredira, M. Macron n’est pas Dieu le Père !

Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Or, en dehors de l’école, l’enseignant est un citoyen comme les autres : il a les mêmes droits et les mêmes devoirs.

Dans la période où nous vivons, nous avons besoin de citoyens qui assument leur indépendance : respectueux de l’obligation de neutralité dans l’école, ils ne sauraient néanmoins être des sous-citoyens s’agissant de l’exercice de leurs droits et de leurs libertés. Votre article 1er, monsieur le ministre, ne peut donc être interprété, aujourd’hui, qu’au regard de cette défiance.

Par ailleurs, si nous voulons avoir confiance en nos enseignants – là est le nœud de la réussite éducative –, il faut revaloriser leur fonction, leur statut et leur rémunération.

Le niveau de rémunération des enseignants français se situe dans la moyenne basse des pays de l’Union européenne : ils sont payés 40 % de moins que les enseignants allemands. Or toutes les études européennes montrent une corrélation entre le niveau de rémunération et le niveau de réussite scolaire. Dans le monde d’aujourd’hui, en effet, …

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Mme Marie-Noëlle Lienemann. … où l’argent a trop tendance à signifier la valeur, sous-payer nos enseignants, c’est ne pas les valoriser !

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Joly

Une école de la confiance est une école dans laquelle le dialogue est continu entre tous les acteurs : les enfants, les enseignants, les personnels encadrants, les parents et les élus. Il s’agit d’une école tournée vers le monde, qui offre aux enfants la possibilité de s’épanouir et de prétendre à un avenir prometteur.

Une école de la confiance ne doit pas inspirer de craintes, de doutes, de suspicions sur les intentions qu’elle affiche – je pense notamment aux craintes exprimées à l’égard des pôles inclusifs d’accompagnement localisés pour les enfants en situation de handicap. Cette école doit au contraire apaiser et sécuriser chacun.

Une école de la confiance implique aussi une reconnaissance de la spécificité et des besoins de chaque territoire. Il en est ainsi, notamment, de nos écoles rurales, qui pâtissent souvent de regroupements imposés. Il ne faut pas non plus oublier le travail accompli par les élus locaux de ces territoires, qui ne ménagent pas leurs efforts pour préserver leurs écoles, attirer des familles et faire vivre ainsi leurs villages.

Notre ruralité souffre déjà trop de la disparition de multiples services publics. Il ne faut pas y ajouter la disparition de nos écoles, souvent liée aux fermetures de classes. La réduction du nombre de contrats aidés, dont ceux d’auxiliaires de vie scolaire, pourtant nécessaires, a été un coup dur porté aux services offerts aux enfants dans nos territoires ruraux. Cette mesure porte atteinte aux efforts de redynamisation de ces territoires oubliés de la République.

Que dire aussi, lorsque l’on voit que le temps quotidien de transport en bus pour certains enfants en grande section de maternelle excède parfois une heure ? Il faut bien en parler : nous savons tous ici que les territoires ruraux, qui ne sont pas classés en REP, souffrent de la fermeture de classes et d’un taux d’encadrement dégradé, parce que l’on prend en compte des ratios peu adaptés aux écoles et établissements scolaires avec de faibles effectifs. Cette tendance accentue les inégalités en défaveur des enfants scolarisés en zone rurale.

Enfin, pour revenir à l’article 1er, en dépit des intentions que vous avez affichées, monsieur le ministre, on ne voit pas très bien quelle politique vous comptez mener pour faciliter les relations, hors de tout conflit, entre familles et équipes enseignantes.

Les parents font en effet partie de la communauté éducative. Il faut réfléchir aux moyens de les rendre véritablement parties prenantes de ce qui se fait à l’école. Or rien n’est dit sur ce point, à l’exception du rappel sur le devoir d’exemplarité des enseignants.

Mme Marie -Pierre Monier applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à Mme Angèle Préville, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

Monsieur le ministre, alors que nous sommes certainement confrontés aujourd’hui à une crise des vocations, vous commencez, dans le cadre de l’article 1er, par évoquer l’« engagement » et l’« exemplarité » des personnels de l’éducation, comme si vous les mettiez en doute.

L’engagement des professeurs va de soi ! Il est consécutif à leur choix de devenir enseignant. D’ailleurs, cet engagement se concrétise tout au long de leur carrière, dans la durée, face aux difficultés qu’ils peuvent rencontrer. Ce terme est donc vraiment inutile. Que voulez-vous obtenir des professeurs qu’ils ne fassent déjà, surtout quand on sait que leurs salaires n’atteignent même pas 1 500 euros nets par mois ?

Le second terme, celui d’« exemplarité », pose aussi problème : il est à la fois plus flou et plus stigmatisant. En effet, de quoi l’exemplarité est-elle le nom ? Être exemplaire, qu’est-ce que cela signifie ? Et ne pas l’être ? Y a-t-il de tels problèmes autour de cette prétendue « exemplarité » que vous l’inscriviez dans la loi ? Je me pose la question.

Monsieur le ministre, cette notion est trop vague : s’applique-t-elle aux tenues, au vocabulaire, aux comportements, aux activités en dehors de l’école ? D’ailleurs, faut-il formater les professeurs ? Doivent-ils être lisses, ne pas avoir de caractère ?

Pour ma part, je pense que non. La richesse de l’éducation nationale découle notamment de ces professeurs à la personnalité une peu forte et de leur propension à insuffler aux élèves l’envie d’apprendre et de travailler, à les intéresser à une discipline. Enseigner est une alchimie humaine : cela ne consiste pas à obéir à des consignes et ne se décrète pas.

Si cela était possible, je conseillerais bien à tous ceux qui n’en sont pas persuadés de suivre un professeur pendant sa journée de travail. Les enseignants sont engagés et motivés. En effet, si c’est le plus beau métier du monde, c’est aussi un métier complexe, qui expose.

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

Mme Angèle Préville. Oui, un professeur s’expose, et le public – si je puis m’exprimer ainsi – est sans concession, ne pardonne rien et oblige à se remettre continuellement en question. Il faut avoir la foi chevillée au corps pour être enseignant. Et c’est un professeur qui vous le dit !

Mme Marie-Pierre Monier et M. Jean-Pierre Sueur applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L’amendement n° 2 est présenté par M. Grand.

L’amendement n° 121 est présenté par Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 198 rectifié bis est présenté par MM. Dallier et Bonhomme, Mmes Bories et Canayer, MM. Daubresse, de Nicolaÿ et del Picchia, Mmes Delmont-Koropoulis, Deromedi, Estrosi Sassone, Garriaud-Maylam et Giudicelli, M. Houpert, Mme Imbert, M. Laménie, Mme Lamure, M. D. Laurent, Mme Lavarde, M. Lefèvre, Mmes Malet et Micouleau, MM. Savary, Segouin et Charon, Mmes de Cidrac et Di Folco, MM. B. Fournier et Gremillet, Mme Lanfranchi Dorgal et MM. Pellevat, Pointereau, Sido, Bouloux et Bonne.

L’amendement n° 269 rectifié est présenté par Mmes Monier, Blondin et Lepage, M. Antiste, Mme S. Robert, MM. Temal et Assouline, Mme Ghali, MM. Lozach, Magner, Manable, Kanner, Bérit-Débat, Durain, Féraud et Fichet, Mme G. Jourda, M. Marie, Mme Meunier, M. Montaugé, Mme Taillé-Polian, M. Tourenne, Mmes Van Heghe et Rossignol, MM. Kerrouche, Courteau et Daunis, Mme Préville, M. Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour présenter l’amendement n° 2.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Grand

L’article 1er vise à créer un lien de confiance au sein de l’école, en définissant un devoir d’exemplarité des personnels et en exigeant, en retour, le respect des élèves et des familles.

Sur la forme, le Conseil d’État s’est interrogé sur la portée normative de cet article. Il considère que, si ces dispositions expriment certaines des valeurs incontestables autour desquelles l’école républicaine est fondée, elles ne produisent par elles-mêmes aucun effet en droit et réitèrent des obligations générales qui découlent du statut des fonctionnaires comme de lois particulières assorties, le cas échéant, de sanctions pénales.

De son côté, le Conseil constitutionnel rappelle que la loi a vocation à énoncer des règles et censure les dispositions manifestement dépourvues de toute portée normative.

Sur le fond, après la suppression de la notion de « respect mutuel » en commission, cet article stigmatise plus encore les parents en insinuant que, par principe, ils ne respecteraient pas l’école à laquelle ils contribuent par leur parole et leur engagement. Nous, maires et anciens maires, savons bien que c’est faux, naturellement.

S’imaginer que le respect peut s’obtenir via une disposition législative est le meilleur moyen de ne pas y parvenir. Je vous propose donc de supprimer cet article polémique, qui jette inutilement l’opprobre sur tous.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 121.

Debut de section - PermalienPhoto de Céline Brulin

Monsieur le ministre, il est tout de même quelque peu étonnant de constater que le premier article d’une loi s’intitulant « pour une école de la confiance » vise à encadrer – parce que c’est de cela qu’il s’agit ! – la liberté d’expression des personnels de l’éducation nationale.

D’ailleurs, avant même que ce projet de loi ne soit voté et que les décrets d’application soient publiés, on nous fait part de pressions hiérarchiques, phénomènes que nous n’avions pas connus par le passé. Ces faits ne vont pas dans le sens que vous avez indiqué, et sur lequel je pourrais pourtant vous rejoindre, c’est-à-dire celui d’un débat serein, approfondi, certes probablement clivant et prenant la forme d’une opposition entre des points de vue exprimés avec force, mais un vrai débat ! Malheureusement, je crois que le climat actuel ne le permet pas.

Par ailleurs, sur l’initiative de la présidente de la commission de la culture, nous avons auditionné il y a quelque temps – j’en garde un souvenir très vif, comme nombre de nos collègues, je pense – des enseignants qui avaient communiqué via le hashtag #PasDeVague. J’avais été frappée par le fait que ces enseignants victimes de violences, qui sont peut-être les mieux à même de réfléchir sur ce qui nous rassemble aujourd’hui, faisaient preuve d’une hauteur de vue exceptionnelle et avaient une confiance absolue dans l’éducation pour faire face à ces phénomènes.

Je crois que c’est en soutenant et en accompagnant ces fonctionnaires – nombre d’entre eux regrettent d’ailleurs de ne pas toujours trouver cette aide auprès de leur hiérarchie –, que nous recréerons de la confiance, car, effectivement, c’est tout à fait nécessaire.

Enfin, comme l’ont dit certains de mes collègues, la position et les recommandations du Conseil d’État, qui s’est interrogé sur la portée normative de l’article, devraient suffire à en justifier la suppression, comme nous le proposons.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à M. Philippe Dallier, pour présenter l’amendement n° 198 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Monsieur le ministre, vous l’avez reconnu vous-même : votre texte suscite beaucoup de controverses, parfois de l’incompréhension, que ce soit de bonne foi ou en raison de petits jeux politiques.

Comme beaucoup d’entre nous certainement, j’ai rencontré dans ma commune des directeurs d’école, des enseignants, des parents d’élèves. Je me suis parfois trouvé en situation difficile : j’ai notamment été obligé d’expliquer à mes interlocuteurs que je n’étais pas ministre de l’éducation nationale, …

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

… ni même membre de la majorité, tant la discussion était vive sur un certain nombre de sujets, notamment s’agissant de l’article 1er.

À quoi bon, monsieur le ministre ? Comme le Conseil d’État l’a souligné, l’article n’a pas de portée normative. Il n’en a pas !

On nous reproche de faire des lois bavardes et on nous demande de nous concentrer sur l’essentiel. Mes chers collègues, j’ai envie de vous dire : « Faisons-le ! » Nous ferons œuvre utile si le texte voté par le Sénat comporte les dispositions les plus claires possible, qui mettent en œuvre vos objectifs, monsieur le ministre.

Je crois que le Sénat pourrait parvenir à un large consensus pour aller dans le sens que vous souhaitez. Mais lorsque certaines dispositions suscitent le trouble, comme c’est le cas avec l’article 1er, et que, au bout du compte, des inquiétudes subsistent – on le voit bien –, même si je salue les efforts de la commission pour en réécrire le dispositif, sincèrement, à quoi bon, mes chers collègues ?

Nous partageons certains des objectifs que vous visez, monsieur le ministre, même si nous avons quelques points de vue divergents. Aussi, concentrons-nous sur l’essentiel et supprimons l’article 1er !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

C’est plein de bon sens et très pertinent ! Il suffit de vous écouter pour le comprendre, monsieur Dallier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour présenter l’amendement n° 269 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre Monier

Si l’article 1er a été quelque peu récrit en commission, c’est vrai, sa portée normative reste quasiment nulle. Il s’agit d’une déclaration de principe, sans aucun dispositif dissuasif associé : rien n’est prévu en cas de non-respect des principes énoncés dans l’article par l’une des parties de la communauté éducative.

Le problème des incivilités au sein de la communauté éducative est pourtant réel et recrudescent. J’ai été moi aussi vraiment très choquée par les témoignages que nous avions entendus en commission – je rejoins en cela ma collègue Céline Brulin. Écouter ces enseignants parler de leur détresse était dramatique.

Chaque semaine, on nous signale des cas d’enseignants ayant eu maille à partir avec des élèves, voire avec des parents d’élèves s’érigeant en justiciers. Cela va même parfois jusqu’à des actes violents. De la même manière, les incidents qui impliquent des personnels parlant mal à des élèves sont désormais fréquemment dénoncés. Il serait pertinent de s’attaquer au problème.

Je note au passage que le législateur a déjà prévu des dispositions dans le code de l’éducation : il s’agit de l’article L. 111-4, qui traite des relations entre les parents, les professeurs et les autres personnels.

Néanmoins, comme je viens de le dire, une simple déclaration de principe ne permettra malheureusement pas de résoudre les nombreuses situations conflictuelles.

Les termes employés dans le dispositif de l’article, comme celui d’« exemplarité », risquent même d’envenimer les relations et de faire peser a priori la suspicion sur le comportement de l’ensemble des personnels de l’éducation nationale, sans qu’aucun outil concret ne permette de remédier aux comportements inappropriés des personnels ou des élèves et de leurs familles.

Ces considérations nous conduisent à demander la suppression de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Max Brisson

Je demande à leurs auteurs de bien vouloir retirer ces amendements identiques, qui tendent à supprimer l’article tel qu’il a été revu par la commission – j’insiste sur ce point.

À défaut, l’avis de la commission serait défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Max Brisson

M. le ministre a appelé à l’exemplarité, non seulement les professeurs, mais aussi les parlementaires : il a raison ! L’école regarde nos débats.

C’est d’ailleurs pourquoi nous avons appréhendé l’article 1er pour ce qu’il est, monsieur le ministre, et non pour ce qu’il serait susceptible d’être. Cela ne veut pas dire pour autant que l’article tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale était bien rédigé. D’ailleurs, la commission en a proposé une réécriture.

Cela étant, je veux dire à mes collègues, notamment à MM. Dallier et Grand, que j’ai du mal à imaginer que des professeurs puissent ne pas être exemplaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Max Brisson

Ce sont en effet les premiers adultes que les enfants rencontrent après leurs parents.

Personnellement, je suis devenu professeur parce que, lorsque j’étais élève, j’ai eu la chance d’avoir des professeurs exemplaires, des modèles. L’exemplarité du professeur est naturelle et au cœur même du métier.

La commission est favorable à ce que cela soit écrit dans la loi, à condition, bien entendu, comme elle le propose, que l’exemplarité soit conçue comme la contrepartie de l’autorité du professeur et du respect qu’on lui doit. L’exemplarité des enseignants conforte en effet cette autorité et ce respect.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Guillemot

Tout le monde se doit d’être exemplaire, y compris les parlementaires !

Debut de section - PermalienPhoto de Max Brisson

Puisque certains ici font référence à la campagne « PasDeVague », ils devraient naturellement rejoindre les concepteurs d’un texte qui affirme clairement, alors que les insultes, les incivilités, et parfois des actes encore plus graves, se développent, que tout un chacun, la société, les parents et les enfants doivent d’abord respecter le professeur, parce qu’il incarne l’institution et l’école de la République.

Tout ne se vaut pas : le respect de l’enfant à l’égard de l’adulte – les professeurs comme le reste du personnel – est une évidence et constitue une valeur.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Max Brisson

Je demande donc le retrait de ces quatre amendements identiques.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Blanquer

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le rapporteur vient d’exprimer avec beaucoup d’éloquence ce que je tenais à vous dire. Aussi, mon intervention sera assez brève.

Tout d’abord, je reconnais bien volontiers – j’entame la démarche que j’annonçais précédemment – que les modifications faites par le Sénat apportent une amélioration au texte. En effet, l’ajout de la notion d’« autorité » est très important, et j’y souscris pleinement.

Le terme d’« exemplarité » a pu faire naître des malentendus. Aussi, profitons de ce débat parlementaire, de ce moment républicain, pour les dissiper.

Puisque nos débats sont suivis, j’aimerais lire le dispositif de l’article 1er devant tout le monde. La première phrase du second alinéa dispose que « l’engagement et l’exemplarité des personnels de l’éducation nationale confortent leur autorité dans la classe et l’établissement et contribuent au lien de confiance qui unit les élèves et leur famille au service public de l’éducation. »

Puis, vient la seconde phrase, que personne ne commente jamais et qui est pourtant la phrase la plus importante du dispositif : « Ce lien implique le respect des élèves et de leur famille à l’égard des professeurs, de l’ensemble des personnels et de l’institution scolaire. »

Le fait que tout le monde commente la première phrase en lui attribuant un autre sens que celui que nous lui donnons et que tout le monde oublie la seconde phrase, qui est le cœur de l’article, est très significatif. Le rapporteur l’a dit avec éloquence : l’axe principal de cet article est justement d’apporter une réponse positive au mouvement « PasDeVague ».

Je suis un ministre qui, dès sa nomination et avant même cette campagne sur internet, a dit qu’il ne serait jamais favorable à la philosophie du « PasDeVague » et qui a demandé à l’institution scolaire d’être transparente sur les violences existantes, de les faire remonter et de ne pas empêcher la tenue de conseils de discipline afin d’éviter de mauvaises statistiques.

Je n’ai pas dit cela pendant ou après la campagne « PasDeVague » ; je l’ai dit avant, précisément parce que je respecte les professeurs.

Comme le rapporteur, celui qui vous parle est lui-même professeur. Il est également fils de professeur. Il est donc insoupçonnable de manquer de respect aux enseignants. Cela m’attriste d’être soupçonné du contraire, alors que l’article 1er témoigne d’un profond respect envers les professeurs.

La société doit bien entendu respecter ses enseignants. La question de la dignité des professeurs et de leur juste place dans la société est évidemment au cœur du sujet. Pour atteindre nos objectifs, il faudra évidemment d’autres dispositions que ce seul article. J’en suis le premier d’accord.

Ainsi, quand Mme Lienemann déclare que nous devrions prêter davantage d’attention aux rémunérations des enseignants, je suis là aussi le premier d’accord et le premier à dire que nous allons engager des actions en ce sens. D’ailleurs, je ne suis pas le seul, puisque le Président de la République l’a lui-même annoncé lors de sa conférence de presse. Nous sommes donc engagés dans ce combat pour le respect de la dignité des professeurs.

L’article 1er traite de cet enjeu. Que cet article soit source de malentendus et que l’on fasse semblant d’y voir autre chose que ce qu’il y est écrit montre évidemment les difficultés que j’évoque depuis le début.

Je demande à tous que l’on n’entretienne pas ces malentendus. L’intention du législateur compte lorsqu’il est question d’interpréter la loi. Ce que nous sommes en train de nous dire compte, tout comme ce que je suis en train de vous affirmer. Ce qui compte, c’est ce que je vous dis à propos de l’article 1er, à savoir qu’il ne vise absolument pas à renforcer le devoir de réserve des professeurs.

D’ailleurs, les rappels à l’ordre que certains enseignants se sont vu infliger, et dont on me fait le reproche, ont été faits dans le cadre de la législation actuelle, et certainement pas dans le cadre de la législation à venir. De telles sanctions s’inscrivent dans la continuité de ce que tous mes prédécesseurs ont fait lorsque des règles de base ont été violées, comme, par exemple, utiliser sa messagerie professionnelle pour enfreindre le principe de neutralité auquel chacun est soumis.

Je le dis très clairement : cet article entend renforcer le respect dû aux professeurs. Et si, à l’avenir, il devait entraîner des difficultés d’interprétation juridique, on pourra s’appuyer sur mes propos : c’est bien la seconde phrase du second alinéa de l’article qui importe.

La première phrase expose en quelque sorte cette réalité naturelle que le rapporteur et certains d’entre vous ont rappelée, à savoir qu’il existe une exemplarité consubstantielle à la mission exercée par les professeurs. Le jour où je suis devenu professeur, j’ai effectivement senti que l’exemplarité de l’enseignant était un élément de sa dignité et qu’il ne s’agissait certainement pas d’un problème.

Au contraire, l’exemplarité nous dignifie, comme c’est le cas pour tout agent qui entre dans la fonction publique. Il y a quelque chose qui nous dépasse lorsque l’on devient fonctionnaire : le fait de servir la République. Et ce service est, par définition, synonyme d’exemplarité.

La seconde phrase, quant à elle, réaffirme le respect dû aux professeurs dans une société où l’on constate effectivement chaque jour des phénomènes comme ceux qui ont été pointés par les enseignants mobilisés dans le cadre du mouvement « PasDeVague », c’est-à-dire des insultes, des agressions verbales et parfois physiques de la part d’élèves ou de parents d’élèves.

Oui, cet article accentue la protection que nous devons aux professeurs. C’est le sens de ce que nous proposons et l’intention visée par cette loi. Je suis très heureux de pouvoir clarifier devant vous ce point, dont j’espère qu’il pourra faire l’objet d’une conviction partagée.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à M. Laurent Lafon, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

L’article 1er nous pousse à nous livrer à un exercice de style, en nous éloignant de la version adoptée par l’Assemblée nationale pour nous plonger dans celle de la commission de la culture du Sénat.

Très franchement, j’avais lu et relu l’article 1er, tel que nos collègues députés l’avaient rédigé, pour essayer de comprendre le sens des dispositions que l’on cherchait à inscrire dans la loi. Le dispositif était confus et situait différentes valeurs et différents acteurs au même niveau. Il méritait vraiment d’être réécrit.

À mon sens, et j’invite mes collègues à en prendre connaissance, le travail de la commission va dans le bon sens, dans la mesure où l’article affirme clairement le nécessaire respect de l’élève et de la famille à l’égard des enseignants, mais aussi de l’institution scolaire.

Ce principe n’avait pas été posé avec autant de précision et de clarté depuis de nombreuses années. Il correspond à une idée à laquelle nous avons tous aspiré à de nombreuses reprises, dans le cadre de nos fonctions au Sénat ou des fonctions que nous exerçons dans les collectivités, notamment lorsque nous avons été confrontés à des faits d’actualité qui ont, j’en suis sûr, profondément choqué les convictions de la plupart d’entre nous.

C’est pourquoi, malgré les réticences que je pouvais avoir il y a quelques semaines à propos de cet article, je suis convaincu par la nouvelle rédaction proposée.

Je voterai cet article, tel que la commission l’a modifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

Je suis moi aussi favorable au texte tel que la commission l’a revu.

Si je puis comprendre que l’on critique un texte sans aucune portée normative, si l’on se place sur le strict plan juridique, les arguments exprimés du côté gauche de l’hémicycle ressemblent à de vieilles antiennes. Je ne veux pas que l’on puisse penser que le respect n’est pas nécessaire aujourd’hui à l’acte éducatif.

À l’époque où j’étais député, nous avions analysé les raisons pour lesquelles certains départements avaient de meilleurs résultats que d’autres dans le cadre des évaluations réalisées dans le primaire. Mon département était classé troisième sur cent un.

Nous nous étions rendu compte que le respect de l’élève pour le maître, celui du maître pour l’élève et celui des parents d’élèves pour le maître étaient plus répandus dans les départements les mieux classés. Pourquoi ? Tout simplement, parce que le maître était lui aussi souvent exemplaire.

Le rappeler n’a certes pas de portée normative, mais est essentiel pour la réussite des élèves. Il est extrêmement important de faire figurer ce principe dans la loi : je suis d’accord avec vous, monsieur le ministre.

M. Pierre Louault applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Grand

La beauté du Parlement, ce sont ses débats : on part avec une idée, on écoute ce qui se dit – c’est la beauté de la démocratie que de s’écouter, même si, malheureusement, on se s’écoute pas assez –, puis on prend sa décision.

Sur ces travées, nous avons tous délivré un très beau message en parlant de « respect ». Dieu sait que l’on entend ce mot partout aujourd’hui : respect pour la police, pour les élus, pour les citoyens et pour nos enseignants.

Monsieur le rapporteur, vous m’avez pleinement convaincu. Monsieur le ministre, vous avez parfaitement complété les propos du rapporteur.

Je retire donc mon amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

L’amendement n° 2 est retiré.

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Monsieur le ministre, il est important que vous vous soyez prononcé sur cet article, parce que cela permet de clarifier certains points.

Votre intervention ne m’a pas du tout convaincu de l’utilité de cet article. Cependant, peut-être sous l’effet de la pression que nous avons exercée, ce qui est d’ailleurs notre rôle, vous avez déclaré que vous respectiez les professeurs et que votre volonté n’était pas de les sanctionner. Vous avez envoyé un message qui diffère de ce que l’on ressentait ici ou là, dans le climat actuel qui est celui de l’éducation nationale, et de ce que l’on entendait dans les rectorats.

Nous vous avons poussé à vous exprimer, et les professeurs ne peuvent que s’en satisfaire. Toutefois, cela n’explique pas pourquoi une disposition sans portée normative figure à l’article 1er d’un texte de loi.

Vous parlez souvent de pragmatisme. Or on confond ici deux choses : le respect dû à l’institution et son exemplarité.

Je suis très heureux d’entendre autant de paroles fortes sur l’école de la République depuis la droite de cet hémicycle. Jusqu’à présent, en effet, que l’on le veuille ou non, et même s’il n’y a bien entendu pas une école de gauche et une école de droite, il suffit de considérer l’histoire des combats pour l’école gratuite et laïque pour se rendre compte que mon camp politique a beaucoup manifesté, alors que d’autres ont au contraire usé leurs semelles pour l’école privée ! §Est-ce que c’est vrai ou pas ?

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je suis très heureux de voir que le respect que l’on doit à l’institution qu’est l’école publique fait désormais l’unanimité dans cet hémicycle.

Ce n’est pas rendre service à cette loi que de la rendre bavarde dès l’article 1er, d’autant que les enseignants se sont sentis mis en cause par cet article. Même s’il y a un malentendu, il faut le prendre en considération. L’exemplarité fait partie des règles s’appliquant à la fonction publique.

On débattra ultérieurement de la question de l’autorité des enseignants, mais, franchement, ce n’est pas en introduisant une disposition comme celle-là que cette autorité sera rétablie. On ne rencontre pas les mêmes problèmes sociaux, les mêmes problèmes en matière d’autorité dans tous les départements. Un professeur qui a devant lui une certaine population, dont les parents n’ont pas les moyens…

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Nous poursuivrons plus tard ce débat sur l’autorité des enseignants. En tout cas, je ne pense pas que la restauration de cette dernière passe par une proclamation de principe à l’article 1er de ce projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à Mme Samia Ghali, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Samia Ghali

Monsieur le ministre, vous avez dit vous-même que vous n’aviez pas été compris et qu’il pouvait y avoir une confusion entre les deux phrases que comporte l’article. Dans un premier temps, peut-être faudrait-il les inverser ?

J’ai vu des parents d’élèves soutenir des enseignants pour la première fois, peut-être parce qu’ils avaient mieux compris que les autres que la mise en cause de l’autorité des professeurs avait pour effet de leur ôter une part du respect qui leur est dû.

On donne le sentiment que les enseignants devraient être exemplaires, alors qu’ils le sont déjà au quotidien pour une grande majorité d’entre eux. Ils exercent en effet leur métier avec beaucoup de militantisme, au sens noble de ce terme, s’impliquant au-delà même de ce que l’on demande. Sans cela, je puis vous assurer que, dans certains quartiers, il n’y aurait même plus d’école !

Il ne faut pas donner aux enseignants le sentiment qu’on les pointe du doigt au moment où certains, qui exercent d’autres professions ou qui travaillent dans d’autres fonctions publiques auraient besoin d’un tel article. En tout cas, les enseignants n’en ont pas besoin, eux.

Cet article est une façon de les montrer du doigt, de les mettre en difficulté. Souvent, et je suis bien placée en tant qu’élue de Marseille pour le savoir, ce sont les professeurs qui rapportent les problèmes liés à des collectivités qui ne jouent pas leur rôle sur le plan scolaire. Ce sont souvent les enseignants qui accompagnent les parents, qui les aident dans leur combat contre ces collectivités ou contre les politiques à l’encontre de leurs propres enfants. Je crois que, d’une certaine manière, les enseignants protègent ces enfants.

Lorsque l’on évoque l’exemplarité du personnel de l’éducation nationale, il faut veiller à ne pas restreindre son action et faire en sorte qu’il puisse continuer à aller au-delà de son rôle, qui est d’accompagner et surtout de protéger les enfants. Dans cette discussion, on a peut-être un peu vite oublié la question de la protection de l’enfance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Nous avons engagé un débat sur la rationalité de notre discours et sur la légistique ; je crois qu’il faut y revenir.

Je rejoins notre collègue Laurent Lafon : ce qui est sorti des travaux de l’Assemblée nationale était parfaitement illisible et totalement incompréhensible. Pour autant, je trouve que la modification apportée est tautologique. Si l’on examine le contenu de cet article – la première phrase, monsieur le ministre, pas la seconde –, de quel engagement et de quelle exemplarité est-il question ? De ceux du personnel de l’éducation nationale en faveur du service public de l’éducation nationale !

Sommes-nous obligés de passer deux heures à discuter d’une phrase complètement tautologique ? J’en doute.

Par ailleurs, monsieur le rapporteur, au cours des travaux de commission, vous avez rejeté – peut-être à raison – certains de nos amendements, considérant qu’ils relevaient du domaine réglementaire. Mais vous avez emporté la décision, par votre autorité, pour faire examiner l’amendement proposant cette rédaction, sur lequel on pouvait avoir le même raisonnement.

Soyons fidèles à la tradition du Sénat, mes chers collègues, celle qui consiste à rédiger une bonne loi, qui ne soit pas bavarde. Suivons la proposition de notre collègue Philippe Dallier ; évitons d’encombrer ce texte d’un certain nombre de dispositions réglementaires, fussent-elles, comme c’est le cas ici, du domaine du déclaratif et du symbolique.

Il faut donc en rester à ce que nous avons défini en commission et rejeter, pour des raisons légistiques, l’article qui nous est proposé ici.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre Monier

Mme Marie-Pierre Monier. Pour ma part, je me pose une question : que signifie « exemplarité » ? J’ai l’impression qu’il faudrait fixer un cadre. Lequel ? Un enseignant, en public, ne doit-il pas fumer ? Ne doit-il pas boire ? Doit-on considérer que ce n’est pas bien s’il montre aux élèves qu’il vit avec une personne du même sexe ? Lui interdit-on aussi de faire part de ses opinions politiques ?

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre Monier

Bien sûr pas en classe, mes chers collègues, mais qu’en est-il à l’extérieur ? D’ailleurs, la question est aussi là : où doit s’exprimer cette exemplarité ?

Nous sommes tous d’accord pour considérer que les enseignants font preuve d’exemplarité en classe. Comme le rapporteur l’a souligné, c’est inhérent à la fonction d’enseignant. Cela n’a donc pas à figurer dans la loi.

De plus, je le répète, cette phrase apparaît en début de texte. Ce sont les enseignants et les personnels de l’éducation nationale que l’on montre du doigt. Certains, je vous le signale, sont actuellement devant le Sénat, en train de manifester, parce qu’ils sont attachés à leur métier et qu’ils sont inquiets, notamment par cet article.

Il est dit que le cœur de l’article se trouve dans la deuxième phrase. Virons donc les termes « engagement » et « exemplarité » !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Taillé-Polian

J’ai compté, mes chers collègues : depuis le début de cette mandature, nous en sommes à trois textes – un par an – qui évoquent la confiance.

Il y a eu, en 2017, la loi pour la confiance dans la vie politique, dont nous pouvons peut-être douter des résultats : le niveau de confiance dans la vie politique, je crois, n’a pas beaucoup augmenté !

Il y a eu, en 2018, la loi pour un État au service d’une société de confiance, sur laquelle, de la même manière, on peut s’interroger.

Et voilà – c’est la cuvée 2019 ! – le projet de loi pour une école de la confiance.

Je pense, mes chers collègues, que la confiance est un peu comme l’amour : pour paraphraser Pierre Desproges, il y a ceux qui en parlent et ceux qui la « font », qui en donnent les preuves !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Taillé-Polian

Pour qu’il y ait confiance, il faut créer les conditions de l’exercice de cette dernière. Ce sont des pas mutuels que l’on fait les uns vers les autres. À cet égard, un premier pas pourrait être de retirer cet article, dont la portée, comme cela a été dit, est très limitée – à moins que l’on ne définisse plus tard ce que serait cette exemplarité.

En effet, monsieur le ministre, d’après ce qu’on lit dans les écrits de nombreux enseignants, il semble tout de même que les pratiques hiérarchiques au sein du ministère provoquent souvent une impression d’autoritarisme. Celles et ceux qui, parmi nous, ont été interpellés par les enseignants et les parents d’élèves – nous sommes nombreux –, ont plutôt le sentiment de voir émerger, au sein des personnels, la crainte d’exprimer leurs idées sur la façon dont leur travail peut s’exercer.

Vu la faiblesse de sa portée normative – tout le monde s’est accordé sur ce point –, soutenez les amendements de suppression de cet article, monsieur le ministre. Vous ferez certainement un pas vers le rétablissement de la confiance !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à M. Rachid Temal, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Rachid Temal

Dans le droit fil des interventions de mes collègues, je formulerai plusieurs remarques.

Tout d’abord, je veux le rappeler, ce que l’on tente d’inscrire dans ce texte est déjà prévu par la loi. La question est donc la suivante : quelles raisons y a-t-il à modifier la loi pour introduire un élément qui existe déjà ? C’est un premier point démontrant que cet article n’est pas une nécessité, sauf à ce que l’on fixe certaines obligations impérieuses, motivées par certaines raisons précises. Vous n’avez rien dit de tel, monsieur le ministre.

Ensuite, on évoque une « incompréhension », qui justifierait de clarifier certains éléments. On peut peut-être se dire aussi que, à partir du moment où la question des obligations des fonctionnaires est déjà traitée et où il y a des risques d’incompréhension, le retrait de cet article est bienvenu.

Cela s’impose d’autant plus que, si je comprends bien la première phrase proposée à l’article 1er, l’autorité des personnels serait confortée par leur engagement et leur exemplarité. C’est assez surprenant ! Moi, j’étais persuadé que les personnels étaient respectés parce qu’ils étaient professeurs, enseignants, fonctionnaires.

En d’autres termes, on renvoie l’exemplarité à l’individu seul, que la classe existe ou pas, qu’elle se passe bien ou non. Cela pose problème, me semble-t-il. Les enseignants attendent du soutien de votre part, monsieur le ministre, et non pas une remise en cause ou la mise en avant d’éventuels dysfonctionnements.

La sagesse voudrait que l’on retire cet article, ou qu’on le réécrive en commençant par saluer le travail au quotidien des enseignants et de la communauté éducative.

Debut de section - PermalienPhoto de Rachid Temal

Non, monsieur Patriat, ce n’est pas ce qui est écrit dans le texte.

C’est donc un article qu’il faut supprimer, ou peut-être réécrire. Dans sa forme actuelle, il introduit effectivement un doute sur le travail de fonctionnaires qui, dans leur pratique quotidienne – je le dis très honnêtement, en tant qu’élu de banlieue parisienne –, sont essentiels à la République et au lien dans les territoires. Le risque de les fragiliser par une remise en cause, car c’est ainsi qu’ils entendent cette phrase, doit vous convaincre d’accepter la suppression de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à M. Christian Manable, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Manable

Je ferai une très courte intervention, car je partage les avis exprimés, depuis de nombreuses minutes maintenant, sur la plupart des travées de cet hémicycle.

Monsieur le ministre, je vous le dis très sincèrement, avec tout le respect que je vous dois, mais fort de mes trente-cinq années d’enseignement, le terme d’« exemplarité », outre qu’il n’est pas normatif, m’a choqué. Il a tendance à stigmatiser le corps enseignant, et, pour être complet, je l’ai ressenti comme un terme à connotation morale, évoquant une période que nous ne voulons pas connaître.

Ce terme est en outre superfétatoire, parce que les enseignants, par définition, de par leur engagement auprès de l’école de la République et des enfants à qui ils enseignent, sont exemplaires. Et c’est sans compter, j’en terminerai là, que certains représentants de professions en lien avec les enfants – je parlerais même de « vocations », et tout le monde saisira quelle connotation ce terme peut avoir – ont parfois un comportement moins exemplaire que celui des enseignants !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La réponse de notre rapporteur ayant été quelque peu vive, je voudrais préciser un point : ce n’est pas parce que j’ai déposé un des amendements de suppression de l’article 1er, pour les raisons précédemment expliquées, que je ne considère pas que les enseignants ont un devoir d’exemplarité ou que les enfants et leurs parents doivent le respect au maître. Absolument pas !

Toutefois, nos discussions ont suffisamment démontré que, même réécrit par la commission, le texte de cet article suscite des interrogations.

Je le redis donc : à quoi bon ? Pour la sérénité des débats et pour ceux qui nous écoutent à l’extérieur, il vaudrait mieux supprimer cet article, qui, encore une fois, est seulement une formule déclamatoire, n’emportant aucune sorte de conséquences, et qui, donc, ne sert absolument à rien !

Bravo ! sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Ce débat est extrêmement riche, quelque peu répétitif, mais, après tout, je vais citer un auteur célèbre en matière de répétition.

Monsieur le ministre, je lis ce texte : « L’engagement et l’exemplarité des personnels de l’éducation nationale confortent leur autorité dans la classe et l’établissement et contribuent au lien de confiance qui unit les élèves et leur famille au service public de l’éducation. » Si l’un de nos élèves avait écrit une telle phrase, nous aurions envie de marquer dans la marge : « Pesant », « ampoulé », « qu’est-ce que cela apporte ? »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le président, permettez-moi de me référer à un livre, écrit par un homme qui aimait profondément l’école publique. Ce livre, paru en 1913, s’intitule L ’ Argent.

Je souhaiterais en lire un extrait, que l’on pourrait mettre en rapport avec la prose citée précédemment : « Nos jeunes maîtres étaient beaux comme des hussards noirs. Sveltes ; sévères ; sanglés. Sérieux, et un peu tremblants de leur précoce, de leur soudaine omnipotence. […] Ces hussards noirs étaient des enfants de la République. […] Ces instituteurs étaient sortis du peuple. […] Ils restaient le même peuple. »

Ne croyez-vous pas, monsieur le ministre, que tout avait déjà été dit en 1913 et que cela rend peut-être inutiles les phrases contournées, dont nous parlons depuis déjà quelques heures ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Les débats étant censés éclairer la loi, ils sont importants. Cette discussion, notamment, aura été tout à fait intéressante, car elle aura montré que les enseignants sont la clé de voûte de la maison éducation nationale et qu’ils ont à y jouer un rôle extrêmement particulier.

J’ai moi-même enseigné pendant vingt ans. Nous sommes nombreux dans ce cas sur les travées et, chacun, nous allons probablement réagir avec notre propre sensibilité et notre vécu.

Ce que je voulais dire pour ma part, avec beaucoup de simplicité, c’est que je ne suis absolument pas gênée de voir l’exemplarité des enseignants inscrite dans la loi, dès lors que, avec la réécriture proposée par notre collègue rapporteur, c’est pour mieux asseoir le respect dû à ces adultes qui, pour les enfants, sont des modèles, des référents, des repères.

Selon la première définition donnée par le dictionnaire Larousse,  « exemplaire » signifie « qui peut servir d’exemple ». Nous sommes des guides ; nous sommes des maîtres dans notre classe. Depuis les classes du plus jeune âge jusqu’à celles de l’enseignement supérieur, l’enseignant a un rôle fondamental, car c’est vers lui que le jeune, indépendamment de son âge, se tourne.

C’est donc plutôt une marque de confiance que nous inscririons, confiance dans le rôle majeur de l’enseignant au cœur de sa classe. Oui, il est un exemple et, à cet égard, on lui doit le respect !

Dans le cadre du phénomène « PasDeVague », que nous avons étudié avec beaucoup de sérieux, nous avons auditionné plusieurs enseignants, et c’est cette carence dans le respect qui leur était dû, en tant que référents de la République, qu’ils ont dénoncée.

J’aborde donc ce texte de manière positive. On peut considérer cet article 1er comme un article purement déclaratif, et aucunement normatif. Mais il faut parfois affirmer un principe fort.

Je reviendrai juste à la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, ou LCAP. Nous avons tous défendu le fait d’inscrire, dans son premier article, l’affirmation selon laquelle « la création artistique est libre ». Cette phrase n’a rien de normatif non plus ; pourtant, au terme d’un beau débat, nous sommes convenus de l’intégrer dans la loi.

Mes chers collègues, je voulais donc simplement apporter ma petite pierre à l’édifice, sans prétention aucune de détenir la Vérité, avec un grand V. Voilà simplement mon point de vue sur le sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à Mme Annie Guillemot, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Guillemot

Je voulais m’associer aux propos de Samia Ghali sur l’éducation et les enseignants dans les quartiers, car, me semble-t-il, ces personnels pourraient vraiment prendre mal cet article 1er. Ce sont les derniers remparts républicains dans un certain nombre de ces quartiers, les maires étant d’ailleurs souvent en relation directe avec eux.

Je voudrais aussi revenir sur trois points.

Premièrement, il existe déjà un code de déontologie de la fonction publique et un statut. Pourquoi en rajouter, surtout en cantonnant, par cet article 1er, la référence à l’exemplarité aux seuls enseignants ?

Deuxièmement, envisage-t-on, dans la prochaine réforme de la Constitution, de préciser que les parlementaires et les membres du Gouvernement doivent être exemplaires et servir de modèles aux citoyens ? Pourquoi pas, puisqu’on le précise pour certains personnels de la fonction publique ? Sommes-nous exemplaires ? Le ministre de l’intérieur est-il, en ce moment, exemplaire ? C’est une question qu’il faut se poser.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Guillemot

Troisièmement, et enfin, je souscris à la remarque relative à la connotation morale de ce terme.

Je ne sais pas si vous vous en souvenez, mes chers collègues, mais de nombreux professeurs sont intervenus à la suite des propos que le Président de la République avait tenus à la jeunesse indienne. Certes, c’était à l’étranger, mais ce dernier avait tout de même dit : Never respect the rules !, ce qui signifie : « Ne respectez jamais les règles ! ». De nouveau, il y a là une connotation morale… Mais est-ce exemplaire de donner de tels conseils à la jeunesse indienne ?

Très bien ! sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Tissot

Plusieurs de nos collègues se sont exprimés en s’appuyant sur leur expérience professionnelle de plusieurs années de ce beau métier qu’est celui de professeur ou d’instituteur. Pour ma part, je n’ai jamais exercé cette fonction ; je suis simplement paysan.

Le fait, monsieur le ministre, que vous vouliez inscrire le terme « exemplarité » dans la loi peut nous laisser imaginer que les instituteurs et les professeurs ne sont pas, pour vous, exemplaires.

En qualité de maire de commune rurale, j’en ai côtoyé plusieurs, ainsi que des directeurs et des directrices d’école. Tous donnent de leur temps. Au-delà même de leurs horaires de travail, ils reviennent le samedi, pendant leurs vacances, dès que le besoin s’en fait sentir.

Nul besoin d’inscrire ce terme dans la loi, monsieur le ministre ! Ces professionnels font naturellement preuve d’exemplarité. Apporter cette précision dans le texte du projet de loi, c’est porter préjudice à leur travail et c’est une attitude regrettable de votre part.

Bien évidemment, je voterai ces amendements identiques de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Paccaud

Je ne veux pas allonger les débats, qui ont déjà été nourris, mais je me pose la question : existe-t-il des mots interdits, des mots que l’on ne doit plus prononcer, que l’on ne doit pas écrire ?

Dans la version initiale de l’article 1er, celle qui nous est parvenue de l’Assemblée nationale, le terme « autorité » ne figurait pas, et je sais particulièrement gré à notre collègue Max Brisson de l’avoir réintroduit. En effet, l’autorité est indispensable pour qu’un professeur puisse transmettre le savoir. L’autorité implique aussi le respect.

Quant à l’exemplarité, notre débat sur ce sujet est peut-être quelque peu byzantin. J’ai entendu, à droite comme à gauche, que les professeurs – oui, il y en a beaucoup ici, moi le premier – sont exemplaires. Il y aura toujours une brebis galeuse, mais l’immense majorité des enseignants sont exemplaires. On le dit, mais on ne doit pas l’écrire… Je ne comprends pas !

Nous tournons en rond. Nous nous sommes interrogés sur la définition de l’exemplarité. Mais celle-ci est très simple : être exemplaire, c’est tout simplement adopter un comportement ne suscitant pas la critique. C’est valable pour les enseignants ; c’est valable pour les élus ; c’est valable pour les parents. C’est valable dans la vie, en général !

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Inscrivons-le dans la Constitution, puisque c’est valable pour tout le monde !

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Paccaud

M. Olivier Paccaud. Cet article est un bon article, il est bien écrit, et je le voterai.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Les Français doivent être exemplaires ! Le ministre doit être exemplaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

Je serai très brève, car je suis déjà intervenue précédemment.

Le début de la rédaction proposée à l’article 1er – « l’engagement et l’exemplarité des personnels de l’éducation nationale confortent leur autorité dans la classe et l’établissement » – s’apparente plutôt, à mes yeux, à un conseil délivré aux professeurs. Je ne vois donc pas pourquoi on insérerait une telle phrase dans la loi.

J’ai également souligné que le terme « exemplarité » posait le problème du sens que l’on veut lui donner. Il a un caractère stigmatisant. C’est pourquoi, comme mes collègues, je trouve préférable de le supprimer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à Mme Françoise Cartron, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

J’ai moi aussi enseigné pendant vingt ans en zone d’éducation prioritaire. Je sais donc toute l’importance de l’enseignant et du rôle qu’il a à jouer.

Pour moi, le mot « exemplaire » signifie que l’enseignant est un exemple. C’est encore plus le cas dans certains quartiers. Bien que j’aie quitté ce métier depuis quinze ans, je revois encore des élèves qui viennent me dire tout ce que j’ai pu leur apporter et leur faire passer comme messages.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

L’exemplarité n’était pas dans la loi à l’époque !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Je reçois ce terme « exemplaire » comme un encouragement et une valorisation, pour un métier qui n’est pas un métier comme les autres, qui est une vocation.

Par ailleurs, depuis plusieurs mois, je participe activement à des réunions de ce que l’on appelle des « collectifs enseignants-parents ». J’y entends deux chances : les enseignants s’inquiètent qu’on leur fasse un procès en non-exemplarité, certes, mais ils demandent à être renforcés face à des parents d’élèves qui ne les respectent pas et les agressent trop souvent.

Cet article marche donc sur deux pieds.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Mme Françoise Cartron. Je ne vois dans le terme « exemplaire » que ce qu’il apporte en dignité et en responsabilité. Lorsque l’on exerce ce métier, c’est vrai, on est un exemple pour de nombreux enfants, notamment dans certains quartiers particulièrement difficiles.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Je mets aux voix les amendements identiques n° 121, 198 rectifié bis et 269 rectifié.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 99 :

Le Sénat n’a pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Je suis saisi de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 254 rectifié bis, présenté par Mme Eustache-Brinio, MM. Bazin et Karoutchi, Mme Gruny, M. Charon, Mme Thomas, M. de Nicolaÿ, Mme Chain-Larché, M. Bonhomme, Mme Deromedi, M. Danesi, Mme Deseyne, M. Laménie, Mme Lassarade, M. Pierre, Mme Garriaud-Maylam, M. Vogel et Mme Bonfanti-Dossat, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 111 -3 -1. – Dans le respect de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, les personnels de la communauté éducative assurent la transmission des savoirs fondamentaux aux élèves. L’accomplissement de cette mission implique la confiance des élèves et de leur famille à l’égard des enseignants et le respect de leur autorité au sein des établissements scolaires. »

La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Eustache-Brinio

Je rappelle certaines des difficultés que des enseignants ont connues depuis le début de l’année : de la modification d’une sanction prise à l’encontre d’un élève tricheur sous la pression des parents jusqu’à, malheureusement, le suicide d’un enseignant à la suite d’une plainte des parents pour violences volontaires, alors que cet enseignant avait simplement attrapé l’enfant par le bras.

Je n’oublierai pas non plus de parler de cette classe de CM2 dans une école en Île-de-France, où une vingtaine d’enseignants n’ont pas résisté aux enfants, quelque peu agités, avec, comme résultat, que toujours aucun enseignant ne souhaiter donner classe à ces enfants au bout de six mois.

Ces exemples, parmi tant d’autres, montrent la remise en cause constante de l’autorité des enseignants par les élèves et leurs familles. L’année scolaire 2018-2019 donne d’autres illustrations de ces difficultés.

Le présent amendement vise donc à affirmer l’autorité des enseignants dans les établissements scolaires, condition nécessaire à l’exercice de la profession et à l’accomplissement de leurs missions au sein de l’école de la République.

Je propose une rédaction différente de l’alinéa 2 de l’article 1er, en partant du respect de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

L’amendement n° 270 rectifié, présenté par Mmes Monier, Blondin et Lepage, M. Antiste, Mme S. Robert, M. Assouline, Mme Ghali, MM. Lozach, Magner, Manable, Kanner, Bérit-Débat, Durain, Féraud et Fichet, Mmes Harribey et G. Jourda, M. Marie, Mme Meunier, M. Montaugé, Mme Taillé-Polian, M. Tourenne, Mme Van Heghe, MM. Kerrouche, Courteau et Daunis, Mme Préville, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art L. 111 -3 -1. – Dans le respect de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, les personnels de la communauté éducative contribuent à l’établissement du lien de confiance qui doit unir les élèves et leur famille au service public de l’éducation. Ce lien implique le respect entre les membres de la communauté éducative et celui des élèves et de leur famille à l’égard de l’institution scolaire. »

La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre Monier

Comme je l’ai précédemment indiqué, l’article 1er est un mauvais départ pour un texte traitant de la confiance dans l’école. Il suscite la défiance, en intimant aux enseignants et aux personnels de l’éducation nationale de faire preuve d’exemplarité et d’engagement, comme si ce n’était pas déjà le cas !

Par conséquent, nous préférons supprimer ces termes litigieux et prévoir que le seul lien de confiance entre les personnels de la communauté éducative, les élèves et leurs familles entraînera un respect mutuel et permettra la bonne marche du service public de l’éducation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

L’amendement n° 433 rectifié, présenté par Mmes Jouve et Laborde, MM. Roux, Castelli, Corbisez, Arnell, Artano et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Collin, Mme Costes et MM. Dantec, Gabouty, Guérini, Labbé, Menonville et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

L’engagement et l’exemplarité des

par les mots :

Dans le respect de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, les

La parole est à Mme Mireille Jouve.

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Jouve

Cet amendement tend à supprimer la référence aux notions d’« engagement » et d’« exemplarité », qui manquent de précision et ont suscité l’inquiétude des enseignants quant à leur portée juridique réelle, comme nous venons de le voir.

Il vise également à réintroduire la référence à la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, décrivant mieux leurs obligations relatives à la liberté d’expression.

Cet amendement tend donc à corriger l’article 1er, de sorte que la communauté enseignante comprenne bien, par la référence à la loi de 1983 sur la liberté d’expression des fonctionnaires, qu’aucun changement n’est prévu pour elle.

Inutile d’alerter et de susciter la défiance de la communauté éducative alors que cette disposition « ne produit par elle-même aucun effet de droit et réitère des obligations générales », comme l’a relevé le Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi.

Cet amendement ne tend pas à modifier la rédaction de la deuxième phrase, qui réaffirme que la relation entre l’élève et l’enseignant est une relation d’autorité, dans laquelle le respect est d’abord dû au personnel et à l’institution scolaire.

Toutefois pour répondre complètement aux inquiétudes des enseignants, dans le cadre du mouvement « PasDeVague », une prise en charge plus large du phénomène est requise. Divers rapports ont préconisé l’installation d’un médiateur.

Un véritable plan de lutte national contre les violences à l’école, annoncé par le Gouvernement, mais plusieurs fois ajourné, est nécessaire pour apporter des réponses concrètes et sortir des postures idéologiques. Nous restons vigilants quant au contenu et à la date de publication de ce plan, dont l’application est d’ores et déjà annoncée pour la rentrée prochaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

L’amendement n° 221 rectifié, présenté par M. Piednoir, Mme Deroche, M. Grosperrin, Mmes Thomas et Chain-Larché, MM. Paccaud, Kennel et Karoutchi, Mmes Procaccia et Garriaud-Maylam, MM. Panunzi, Saury, de Nicolaÿ, Bonhomme et Détraigne, Mme Deromedi, MM. Moga, Kern, Meurant, Bascher, Maurey et Savin, Mme Perrot, MM. Laménie, Chevrollier et H. Leroy, Mme Lamure, MM. Pointereau et Revet, Mme de Cidrac et MM. Pellevat, Rapin et Gremillet, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après le mot :

nationale

insérer les mots :

, en particulier au regard de leur obligation de neutralité,

La parole est à M. Jacques Grosperrin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Grosperrin

Il s’agit d’un amendement de M. Piednoir. La notion d’exemplarité du personnel de la communauté éducative est vaste et abstraite et peut installer un climat de défiance vis-à-vis de cette dernière.

Cet amendement vise à préciser que l’exemplarité attendue des enseignants s’entend plus précisément et plus particulièrement au regard de l’obligation de neutralité – religieuse, politique, etc. – qu’ils se doivent de respecter. En bref, il s’agit de ne pas exprimer ses opinions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

L’amendement n° 227, présenté par MM. Karam, Patriat et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer le mot :

unit

par les mots :

doit unir

La parole est à M. Antoine Karam.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Karam

Cet amendement a pour objet de renforcer la portée normative de l’article. On l’a dit, le lien de confiance est le socle de l’école. Il s’adresse tant aux personnels de l’éducation nationale qu’à la famille et aux élèves.

En insistant sur l’exemplarité et l’engagement des professeurs, cet article tend à démontrer à quel point ces derniers occupent une place centrale dans le système éducatif. Les professeurs sont les piliers du système scolaire : sans eux, l’école de la confiance est impossible.

Lors de l’examen à l’Assemblée nationale ou en commission au Sénat, nous avons entendu certains de nos collègues affirmer que cet article était dépourvu de portée normative. Pour renforcer sa portée normative, nous proposons donc d’inscrire dans la première phrase que le lien de confiance « doit unir » les élèves et leur famille au service public de l’éducation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

L’amendement n° 65 rectifié ter, présenté par MM. A. Marc, Bignon, Chasseing, Wattebled, Decool et Malhuret, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

, qui est formalisé et signé

La parole est à M. Alain Marc.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

Tout à l’heure, notre excellent collègue Philippe Dallier craignait que l’article 1er ne soit que déclamatoire.

Je propose donc que le lien de confiance soit formalisé et signé. Grâce à cet acte positif et fort, les parents prendraient pleinement conscience du respect qu’ils doivent également manifester aux enseignants.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

L’amendement n° 387 rectifié, présenté par MM. Cabanel, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Corbisez, Gabouty, Gold et Guérini, Mme Guillotin et MM. Labbé, Léonhardt, Menonville, Roux et Vall, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Tout apport à la communauté éducative et à la vie citoyenne, dans le respect du secret professionnel et du devoir de discrétion professionnelle, participe de cet engagement et de cette exemplarité. Dans l’engagement citoyen, la libre expression hors du cadre professionnel est un droit fondamental, dans les limites fixées par la loi. »

La parole est à M. Henri Cabanel.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Cabanel

Cet amendement vise à reconnaître et à garantir le rôle de l’enseignant dans la cité au-delà du seul exercice professionnel.

De même que les partenaires des établissements d’enseignement et de l’éducation nationale participent de la communauté éducative, les personnels de l’éducation nationale participent utilement à la vie citoyenne grâce à leurs compétences propres.

Plusieurs enseignants ont appelé l’attention des parlementaires sur des dispositions du présent projet de loi qu’ils estiment contestables. Le texte de ce projet de loi est public : lui appliquer une lecture critique participe des prérogatives des citoyens et ne contrevient pas en soi aux obligations des fonctionnaires.

Pourtant, dans l’Hérault, un enseignant également adjoint au maire qui s’est exprimé publiquement pour appeler les sénateurs à exercer leur esprit critique sur le présent projet de loi a été convoqué par le directeur académique, qui l’aurait réprimandé. Il a reçu une lettre le rappelant à l’ordre.

Si ce document n’est pas présenté par son auteur comme une sanction, son versement au dossier individuel de l’intéressé risque de nuire à ses évolutions de carrière et à ses demandes de mutation. Au-delà du grief, la démarche est de nature à intimider tous les membres de l’éducation nationale.

Le présent amendement vise donc à préciser que l’engagement et l’exemplarité, que le présent article vise à inscrire dans le code de l’éducation, et qui font la richesse et la spécificité de l’apport des enseignants aux élèves, se mesurent aussi à l’aune de l’apport à la vie citoyenne par l’appel à l’analyse critique, au respect de l’engagement citoyen et au respect de la République qui la permet.

Debut de section - PermalienPhoto de Max Brisson

Je comprends les préoccupations exprimées par Mme Eustache-Brinio au travers de l’amendement n° 254 rectifié bis. Elle a été en particulier marquée par les faits qui se sont produits dans son département, et que nous avons tous encore en mémoire.

Pour autant, l’article, tel qu’il a été rédigé par la commission, les débats que nous avons eus et les propos de M. le ministre, qui a repris le texte voté par la commission, répondent largement à son souci. Cet amendement est donc satisfait.

Par ailleurs, l’amendement vise à préciser que les personnels de la communauté éducative assurent la transmission des savoirs fondamentaux aux élèves : cela me semble assez réducteur. Bien sûr, les savoirs fondamentaux sont importants, mais il est ici question de l’école, de la maternelle jusqu’à la terminale. Il convient donc d’aller au-delà !

Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.

L’amendement n° 270 rectifié de Mme Monier vise à supprimer les références à l’exemplarité et à l’engagement. En outre, le respect dû par les élèves à leurs professeurs est remplacé par la mention d’un lien de respect entre les membres de la communauté éducative.

Le respect entre les membres de la communauté éducative est important, mais il y a dans une classe – je l’ai précédemment affirmé avec force – un adulte et des enfants. Nous en avons largement débattu, à mon sens le respect est d’abord dû par les enfants à l’adulte et à l’autorité du professeur. Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable.

Pour les mêmes raisons, je suis défavorable à l’amendement n° 433 rectifié de Mme Jouve.

Concernant l’amendement n° 221 rectifié, je partage pleinement l’intention de M. Piednoir : l’exigence d’exemplarité s’entend bien sûr au regard de l’obligation de neutralité des enseignants. Cette précision ne paraît toutefois pas utile : cette intention ressort clairement de nos travaux, sans qu’il soit nécessaire de l’inscrire dans la loi.

De surcroît, cette précision pourrait être réductrice : l’exemplarité est plus large que l’obligation de neutralité. C’est d’ailleurs à l’occasion de violences sexuelles commises par un enseignement sur des mineurs en dehors du service que le Conseil d’État a affirmé l’exigence d’exemplarité et d’irréprochabilité qui incombe aux enseignants dans leurs relations avec des mineurs.

Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

La modification proposée au travers de l’amendement n° 227, défendu par M. Karam, vise à reprendre les termes d’une décision du Conseil d’État. Je ne suis pas convaincu de la pertinence de cette modification : le lien de confiance entre l’école de la République et nos concitoyens existe. Remplacer le mot « unit » par les mots « doit unir » pourrait laisser penser que ce lien de confiance n’existe pas. Il doit être préservé et conforté.

Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.

La précision que vise à apporter l’amendement n° 65 rectifié ter de M. Marc n’est pas nécessaire. À chaque rentrée, les élèves comme leurs parents prennent connaissance du règlement intérieur de l’établissement et le signent.

Je demande le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.

Quant à l’amendement n° 387 rectifié, l’expression « apport à la communauté éducative et à la vie citoyenne » me laisse perplexe. Je comprends l’intention de M. Cabanel, qui souhaite inscrire une liberté d’expression hors du cadre professionnel. Comme tous les fonctionnaires, les enseignants sont soumis au devoir de réserve, dont les conditions sont définies par la jurisprudence administrative.

Il s’agit d’un régime subtil et protecteur des agents, qui tient compte de leur rôle hiérarchique. C’est le corollaire de l’obligation de neutralité, qui ne se résume pas à la laïcité. Cet amendement tend à remettre en cause ce fragile équilibre. Même en dehors du service, les enseignants, comme tous les fonctionnaires, doivent faire preuve de retenue.

Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Blanquer

Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 254 rectifié bis. Son argumentaire est comparable à celui du rapporteur : cet amendement est satisfait par la rédaction adoptée en commission.

J’émets le même avis défavorable sur les amendements n° 270 rectifié et 433 rectifié : je ne souhaite pas que l’on supprime les mots « exemplarité » et « engagement ».

En ce qui concerne l’amendement 221 rectifié et l’obligation de neutralité, je suis d’accord avec les arguments du rapporteur. Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 227, car celui-ci vise à renforcer la partie normative de l’article. Remplacer le mot « unit » par les mots « doit unir » me paraît une amélioration.

Quant aux amendements n° 65 rectifié ter et 387 rectifié, je partage l’avis du rapporteur : avis défavorable. Ces ajouts n’apportent rien à la rédaction de l’article adoptée en commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

Je ne suis pas étonné que la reformulation du principe d’autorité fasse autant débat.

En une trentaine d’années, l’école est sans doute devenue l’instrument d’intégration de la République le plus malade. Les causes en sont multiples. Parmi ces facteurs, la perte de l’autorité du professeur en est probablement le symptôme le plus manifeste, suscitant une forte diminution de la reconnaissance sociale des professeurs.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

La place privilégiée qu’ont occupée les enseignants dans la société reposait précisément sur la qualité de leurs connaissances et sur l’autorité qu’ils tiraient de leur mission de transmission.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

Les multiples reformes engagée ces dernières années ont manifestement affaissé l’autorité des professeurs. Or nous avons besoin d’autorité.

Cette autorité du professeur et le prestige de la fonction se sont aussi progressivement effrités en raison de l’irruption du numérique dans la société et, malheureusement, à l’école. Le numérique a été totémisé en vertu d’une lecture erronée de la modernité. Les enseignants sont de plus en plus considérés comme de simples « prestataires de services » et les élèves sont « de moins en moins élèves » et de plus en plus les clients de l’école !

La parole du professeur est de plus en plus « concurrencée » par l’envahissement du numérique. Or l’école devrait être préservée et être à l’abri de ce mouvement général de destitution du savoir et de déclassement du professeur.

D’aucuns me répondront que tout cela n’est pas vraiment nouveau. Je ne suis pas d’accord. Il me semble même que cette fragilisation de l’autorité s’est accélérée et aggravée.

En quelques années, de moins en moins de lieux échappent à ce mouvement général et singulièrement l’école. L’ensemble des professeurs en fait quotidiennement l’amère expérience : plus les élèves sont connectés, moins ils sont attentifs alors même que « la formation de la faculté d’attention est le but véritable et presque l’unique intérêt des études », comme l’écrivait la philosophe Simone Weil.

Chacun peut mesurer le résultat tangible de ce double mouvement sur le fonctionnement cognitif des élèves : moins d’attention et moins de concentration. Ce sont les réflexes qui sont mis en avant au détriment de la réflexion et les passions qui prennent le pas sur la raison. Ce sont aussi parfois les lumières philosophiques qui s’éteignent au profit des signaux numériques.

Mes chers collègues, je vous invite à lire, si ce n’est encore fait, La Civilisation du poisson rouge : Petit traité sur le marché de l ’ attention de Bruno Patino, ouvrage qui nous alerte sur la menace qui nous guette.

C’est pourquoi seule la verbalisation du principe d’autorité parviendra à rétablir le professeur dans ses prérogatives. Pour ce faire, nous avons besoin du soutien de toute l’institution scolaire.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote sur l’amendement n° 270 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La discussion, qui a commencé de manière globale, s’est concentrée ensuite sur la question de l’autorité. Les avis divergent, mais quelqu’un peut-il contester ici que la perte d’autorité des professeurs n’est pas liée à un article de loi ? Et pouvons-nous la restaurer ?

Nous vivons dans une société consumériste, qui valorise l’argent et la compétition. J’ai pu constater cette dérive, car j’ai moi-même été enseignant pendant un certain nombre d’années.

Enfant, à chaque rentrée scolaire, lorsque l’on me demandait ce que je voulais faire plus tard, je répondais : je veux être professeur d’histoire-géographie ou archéologue, contrairement à la plupart des autres enfants de ma classe, qui voulaient être aviateurs !

Debut de section - PermalienPhoto de Jackie Pierre

M. Jackie Pierre. Et vous êtes devenu sénateur !

Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

M. David Assouline. Quand je suis devenu professeur, les choses avaient déjà changé. La majorité des enfants voulaient être footballeurs, car on leur assénait que c’était un métier où la réussite était possible et où l’on gagnait beaucoup d’argent. Or le professeur que j’étais en gagnait très peu et était considéré comme un loser !

Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Ne plaisantez pas, chers collègues, car la majorité des professeurs souffrent de ne plus bénéficier aujourd’hui de l’estime dont pouvait se prévaloir l’instituteur qui, avec le curé, occupait une place centrale dans la vie du village ou du quartier !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La parole publique, notamment celle du ministre, se ferait honneur à insister chaque fois que c’est possible sur ce lien. Pourquoi ne pas inscrire à l’article 1er que la République honore ces personnels et leur apporte sa confiance ? Cela pourrait valoriser ces professions.

Quelle serait votre réaction, moi qui respecte les policiers, si l’on commençait par demander aux policiers, dans une loi sur la police, d’être exemplaires ? Vous seriez tous en train de dire : ne jetons pas la suspicion sur les policiers !

J’aimerais que tous les fonctionnaires, qu’ils soient policiers, enseignants ou personnels de santé, bénéficient de votre part de la même attention.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

Si je comprends bien M. le rapporteur, le respect dû au professeur figurera dans le règlement intérieur de toutes les écoles de France que signeront les parents d’élèves ?

Monsieur le rapporteur, pouvez-vous me l’assurer ? Si tel est le cas, je veux bien retirer mon amendement…

Debut de section - PermalienPhoto de Max Brisson

Le règlement intérieur d’un établissement s’inspirera largement de la loi qui sera votée et sera conforme aux circulaires qui seront établies par le ministre.

Le règlement intérieur d’un établissement ne reprendra peut-être pas exactement ce texte, mais il reprendra néanmoins le contenu des lois qui organisent le fonctionnement de notre école.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

Je ne suis pas certain que tous les parents d’élèves soient assez fins juristes pour aller chercher dans le code de l’éducation ce qui sera retranscrit ensuite dans le règlement intérieur de l’école…

Cela dit, je retire cet amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

L’amendement n° 65 rectifié ter est retiré.

La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote sur l’amendement n° 387 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Cabanel

Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, vos arguments ne m’ont pas du tout convaincu.

L’exemple que j’ai cité pose la question de la limite entre le droit de réserve de chaque enseignant et sa liberté d’expression en tant que citoyen. Cet enseignant s’est exprimé non pas dans un établissement scolaire, mais dans un lieu public. Or il a été réprimandé.

Je suis d’accord avec vous, monsieur le ministre, quand vous critiquez la société du soupçon, mais la confiance dont nous parlons beaucoup cet après-midi ne se décrète pas : elle se tisse, et cela du temps. Il y a ici à mon avis deux poids, deux mesures !

Sans vouloir polémiquer, l’un de vos députés de la majorité, professeur des universités, s’est exprimé sur Twitter, avec les logos de son université derrière lui, pour faire l’apologie de votre liste aux élections européennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Cabanel

J’aimerais savoir si, comme cet enseignant de l’Hérault, il a été et réprimandé, et jusqu’où doit aller l’exemplarité d’un professeur de faculté ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre Monier

Je suis très inquiète de l’exemple cité par mon collègue Cabanel. Je rappelle que, aux termes de l’article 6 de la loi Le Pors de 1983, « la liberté d’opinion est garantie aux fonctionnaires ».

Or le fonctionnaire dont il est ici question ne s’est pas exprimé devant sa classe, mais il s’est exprimé en dehors. Et il y a pourtant eu réprimande !

Nous soutiendrons donc l’amendement de M. Cabanel.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Blanquer

Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de vous rappeler une première évidence : les faits que vous évoquez se passent sous le régime juridique actuel et non sous un régime juridique futur !

Or celui-ci correspond à la loi de 1983, que vous venez de citer à juste titre avec révérence. Nous sommes dans un état de droit, autrement dit, s’il y a le moindre problème dans la façon dont l’inspecteur d’académie a jugé le comportement de tel ou tel enseignant, la loi sera respectée.

Il se trouve que les termes de cette loi sont extrêmement clairs. Votre révérence pour cette loi de 1983, qui, au fond, n’est pas très différente de ce que nous voulons faire au travers de l’article 1er de ce projet de loi, me paraît parfois étonnante. Il faut croire que l’émetteur compte pour beaucoup dans la réception…

Quoi qu’il en soit, la loi de 1983 est très claire sur la façon dont on peut exercer sa liberté d’opinion lorsque l’on est fonctionnaire. Un fonctionnaire ne doit notamment pas exciper de son titre quand il exerce sa liberté d’opinion. C’est ce qui fait toute la différence dans une affaire comme celle-ci.

Bien sûr, un élu a une très grande liberté d’opinion, et il est tout à fait possible, en tant qu’adjoint au maire, de s’exprimer. Idem pour un syndicaliste. En revanche, un directeur d’école ou un professeur ne peut exciper de son titre lorsqu’il s’exprime.

En l’occurrence, l’inspecteur d’académie n’a pas sanctionné l’enseignant. Il lui a simplement rappelé la loi. Lorsque l’on aime l’école de la République, ce que vous avez tous affirmé haut et fort sur toutes les travées, on aime aussi que les droits et les devoirs soient respectés. Nous devrions donc tous tomber d’accord lorsque la loi est rappelée, a fortiori lorsqu’il s’agit d’une loi que vous respectez.

On oublie souvent les choses de base dans le débat public – cela ne vaut pas que pour l’éducation nationale. C’est ce qui conduit parfois aux insultes sur les réseaux sociaux ou à un exercice de la liberté qui contrevient à la liberté des autres. Il faut donc à certains moments, de manière très calme et sereine, rappeler la loi sans excès d’autoritarisme.

C’est bien ce qui a été fait ici, car il ne s’agit que de l’envoi d’une simple lettre. C’est cela, aussi, l’école de la République !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à Mme Annie Guillemot, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Guillemot

Monsieur le ministre, votre réponse m’interpelle.

Premièrement, quand un élu prend la parole, c’est souvent le journaliste qui rappelle sa fonction. Il importe donc d’être vigilant et de ne pas accuser trop vite la personne mise en cause.

Deuxièmement, plusieurs médecins de la fonction publique hospitalière, dont le père de l’actuel ministre du logement, ont lancé une pétition pour s’offusquer du fichage des gilets jaunes. Seront-ils sanctionnés, y compris le professeur Debré ? Ils sont pourtant fonctionnaires et ils exercent à l’hôpital. Je ne suis pas la seule à penser qu’il y a là deux poids, deux mesures.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ article 1 er est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinquante.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

L’amendement n° 469 rectifié bis, présenté par MM. H. Leroy, Meurant, Courtial, Laménie et Grosdidier, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 111-3 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 111-3-… ainsi rédigé :

« Art. L. 111 -3 -…. – Le respect des élèves à l’égard des professeurs et du personnel est une valeur fondamentale qui doit être observée à tout moment. À ce titre, le règlement intérieur des établissements scolaires fixe les conditions dans lesquelles les élèves doivent se lever lorsqu’un professeur rentre dans une salle de classe. »

La parole est à M. Henri Leroy.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Leroy

Le respect étant une valeur fondamentale, cet amendement a tout simplement pour objet d’imposer aux élèves de se lever lorsqu’un professeur accède à une salle de classe, dans des conditions définies par le règlement intérieur des établissements scolaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Max Brisson

Mon cher collègue, la première phrase de votre amendement me semble pleinement satisfaite par l’article 1er, dans la rédaction qui vient d’être adoptée.

S’agissant des conditions dans lesquelles les élèves doivent se lever lorsqu’un professeur entre dans une salle de classe, il ne me semble pas que ce soit à la loi de se mêler de ce genre de question ; tout cela relève, comme vous l’indiquez justement, du règlement intérieur des établissements.

Pour ces raisons, je vous demande de retirer cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à Mme Catherine Troendlé, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Même si, effectivement, sa proposition relève davantage du domaine réglementaire, je remercie M. Leroy d’avoir déposé cet amendement et d’avoir rappelé l’importance que revêt le respect, par l’élève, de l’enseignant et, au-delà, de toute personne qui pourrait se présenter en salle de classe – par exemple le maire.

Monsieur le rapporteur, vous avez affirmé que cet amendement était satisfait et que les règles doivent être fixées par le règlement intérieur des écoles. J’en conviens parfaitement, mais une petite piqûre de rappel dans le cadre de ce débat ne ferait pas de mal, et si nos échanges ont une portée réelle et effective dans toutes les écoles de France, j’en serai ravie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à Mme Samia Ghali, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Samia Ghali

J’ai connu cette époque où tout le monde, pour le saluer, se levait lorsqu’un professeur, la directrice ou tout simplement un membre du personnel de l’école entrait dans la classe. Aujourd’hui, je pense, le problème ne serait pas de faire se lever les élèves ; ce serait plutôt de les faire se rasseoir !

Les enfants d’aujourd’hui ne sont malheureusement plus ceux du passé, et obliger les enseignants à faire la police leur ajouterait une pression supplémentaire. Je considère que c’est par la pédagogie au sein de l’établissement qu’il serait possible de faire se lever les élèves, en signe de respect. Cela a eu cours dans le passé, comme d’autres pratiques, et l’on n’en est pas mort.

Je suis sensible à cette proposition, mais si cette mesure devait rester sans effet faute de sanction réelle, je crains qu’elle ne soit contre-productive, malheureusement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à M. Henri Leroy, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Leroy

Monsieur le ministre, je précise que le code de l’éducation, dans sa nouvelle rédaction, mentionne la notion de respect, mais n’en donne aucune application concrète.

L’objet de cet amendement est tout simplement d’en donner un commencement d’exécution. Les professeurs ne sont pas les égaux des élèves : ils incarnent l’autorité et l’ordre, tandis que les élèves sont dans une phase de formation et d’apprentissage – apprentissage des savoirs et du respect vis-à-vis des adultes.

Se lever lorsqu’un professeur arrive, c’est un signe de courtoisie, de reconnaissance et de respect pour celui qui diffuse et transmet le savoir. Aujourd’hui, cette pratique est laissée à la discrétion des établissements et des professeurs ; elle doit être partout obligatoire, monsieur le ministre, et je ne puis croire que vous ne soyez pas d’accord avec ce principe de respect.

Je vous demande de ne pas esquiver ce débat, car c’est une question importante. Monsieur le ministre, si vous considérez à juste titre que cette mesure réglementaire n’a pas sa place dans la loi, seriez-vous prêt à diffuser une circulaire – cela dépend de vous – pour inviter les établissements à inscrire cette disposition dans leur règlement intérieur ?

Voilà tout simplement ce que je souhaite : respecter celui qui dispense le savoir.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

L’amendement n° 101 rectifié quater, présenté par MM. Retailleau, Babary, Bascher et Bazin, Mmes Berthet et A.M. Bertrand, MM. Bizet, Bonhomme et Bonne, Mme Bories, MM. Bouchet, Bouloux et J.M. Boyer, Mme Bruguière, MM. Calvet et Cambon, Mme Chain-Larché, MM. Chaize et Charon, Mme Chauvin, MM. Courtial, Cuypers, Dallier, Danesi, Darnaud et Daubresse, Mmes Delmont-Koropoulis, Deroche, Deromedi, Deseyne et Di Folco, M. Dufaut, Mme Dumas, M. Duplomb, Mmes Duranton, Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. B. Fournier et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, MM. Genest, Gilles et Ginesta, Mme Giudicelli, MM. Gremillet et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Guené, Houpert et Huré, Mme Imbert, MM. Joyandet, Karoutchi, Kennel et Laménie, Mmes Lamure, Lanfranchi Dorgal et Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Lefèvre, Le Gleut et Leleux, Mmes Lopez et Malet, M. Mayet, Mme M. Mercier, M. Meurant, Mme Micouleau, MM. Milon et de Montgolfier, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller et de Nicolaÿ, Mme Noël, MM. Nougein, Pellevat, Pemezec, Perrin, Piednoir, Pierre, Pointereau et Priou, Mmes Procaccia, Puissat et Raimond-Pavero, MM. Raison, Rapin, Reichardt, Revet, Saury, Savary, Savin, Schmitz et Sol, Mmes Thomas et Troendlé et MM. Vial et Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le code de l’éducation est ainsi modifié :

1° Au troisième alinéa de l’article L. 131-6, après le mot : « éducation », sont insérés les mots : «, en application de l’article L. 131-8, » ;

2° L’article L. 131-8 est ainsi modifié :

a) Au troisième alinéa, après le mot : « sanctions », sont insérés les mots : « administratives et » ;

b) Les avant-dernier et dernier alinéas sont remplacés par sept alinéas ainsi rédigés :

« L’autorité de l’État compétente en matière d’éducation saisit sans délai le président du conseil départemental du cas des enfants pour lesquels un avertissement est intervenu en vue de la mise en place d’un contrat de responsabilité parentale ou de toute autre mesure d’accompagnement que le président du conseil général pourrait proposer aux familles en application de l’article L. 222-4-1 du code de l’action sociale et des familles.

« Elle communique trimestriellement au maire la liste des élèves domiciliés dans la commune pour lesquels un avertissement tel que défini au présent article a été notifié.

« Les informations communiquées au maire en application du présent article sont enregistrées dans le traitement prévu à l’article L. 131-6.

« Dans le cas où, au cours d’une même année scolaire, une nouvelle absence de l’enfant mineur d’au moins quatre demi-journées sur un mois est constatée en dépit de l’avertissement adressé par l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation, cette dernière, après avoir mis les personnes responsables de l’enfant en mesure de présenter leurs observations, et en l’absence de motif légitime ou d’excuses valables, saisit le directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales qui suspend immédiatement le versement de la part des allocations familiales dues au titre de l’enfant en cause, calculées selon les modalités prévues à l’article L. 552-4-1 du code de la sécurité sociale. Le directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales informe l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation ainsi que le président du conseil départemental de la date de mise en œuvre de cette suspension. Il informe les personnes responsables de l’enfant de cette décision et des dispositifs d’accompagnement parental auxquels elles peuvent avoir recours.

« Le versement des allocations familiales n’est rétabli que lorsque l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation a signalé au directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales qu’aucun défaut d’assiduité sans motif légitime ni excuses valables n’a été constaté pour l’enfant en cause pendant une période d’un mois de scolarisation, éventuellement interrompu par des vacances scolaires, depuis le mois au titre duquel le versement des allocations familiales a été suspendu.

« Le rétablissement du versement des allocations familiales est rétroactif. Si, depuis l’absence ayant donné lieu à la suspension, une ou plusieurs nouvelles absences de quatre demi-journées par mois sans motif légitime ni excuses valables ont été constatées, à la demande de l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation et après que les personnes responsables de l’enfant ont été mises en mesure de présenter leurs observations, aucun versement n’est dû au titre du ou des mois au cours desquels ces nouvelles absences ont été constatées.

« La suspension des allocations familiales ne peut prendre effet qu’à une date permettant de vérifier sous deux mois la condition de reprise d’assiduité définie aux deux alinéas précédents. » ;

3° L’article L. 131-9 est complété par les mots : «, sauf dans le cas où elle a sollicité du président du conseil départemental la mise en œuvre d’un contrat de responsabilité parentale. »

II. – Après l’article L. 552-4 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 552-4-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 552 -4 -1 – En cas de manquement à l’obligation d’assiduité scolaire, le directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales suspend, sur demande de l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation, le versement de la part des allocations familiales due au titre de l’enfant en cause, selon les modalités prévues à l’article L. 131-8 du code de l’éducation. Le rétablissement des allocations familiales s’effectue selon les modalités prévues à ce même article. Les modalités de calcul de la part due au titre de l’enfant en cause sont définies par décret en Conseil d’État. »

III. – Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° L’article L. 222-4-1 est rétabli dans la rédaction suivante :

« Art. L. 222 -4 -1 – Lorsque le président du conseil départemental est saisi par l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation en cas d’absentéisme scolaire, tel que défini à l’article L. 131-8 du code de l’éducation, il peut proposer aux parents ou représentants légaux du mineur concerné la signature d’un contrat de responsabilité parentale.

« Ce contrat rappelle les obligations des titulaires de l’autorité parentale. Son contenu, sa durée et les modalités selon lesquelles il est procédé à la saisine du président du conseil départemental et à la conclusion du contrat sont fixés par décret en Conseil d’État. Ce décret fixe aussi les conditions dans lesquelles les autorités de saisine sont informées par le président du conseil départemental de la conclusion d’un contrat de responsabilité parentale et de sa mise en œuvre.

« Lorsqu’il constate que les obligations incombant aux parents ou au représentant légal du mineur n’ont pas été respectées ou lorsque, sans motif légitime, le contrat n’a pu être signé de leur fait, le président du conseil départemental peut :

« 1° Saisir le procureur de la République de faits susceptibles de constituer une infraction pénale ;

« 2° Saisir l’autorité judiciaire pour qu’il soit fait application, s’il y a lieu, de l’article 375-9-1 du code civil.

« Lorsque le contrat n’a pu être signé du fait des parents ou du représentant légal du mineur, le président du conseil départemental peut également leur adresser un rappel de leurs obligations en tant que titulaires de l’autorité parentale et prendre toute mesure d’aide et d’action sociales de nature à remédier à la situation. » ;

2° L’article L. 262-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La part des allocations familiales dont le versement fait l’objet d’une mesure de suspension ou de suppression en application de l’article L. 131-8 du code de l’éducation demeure prise en compte pour le calcul du revenu de solidarité active. »

La parole est à M. Jacques Grosperrin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Grosperrin

Le présent amendement vise à lutter contre l’absentéisme scolaire, en prévoyant notamment la possibilité d’effectuer une retenue sur les allocations familiales versées aux parents d’élèves de moins de 16 ans.

En effet, la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère a évalué, en mars 2018, le nombre d’élèves absentéistes à 250 000. Elle relève également que, de septembre 2017 à mai 2018, dans les établissements publics du second degré, quelque 5, 6 % des élèves ont été absents, de façon non justifiée, quatre demi-journées ou plus par mois, en moyenne.

Ce taux d’absentéisme a crû en moyenne de 0, 7 point pour l’ensemble des établissements par rapport à l’année 2016-2017, et le taux d’absentéisme moyen annuel est de 3, 2 % dans les collèges, de 6, 8 % dans les lycées d’enseignement général et technologique et de 18, 3 % dans les lycées professionnels. En outre, l’absentéisme est plus élevé dans les établissements socialement défavorisés.

Il s’agit donc d’une réalité tangible, qui impose aux pouvoirs publics de réagir. Le défaut d’assiduité des élèves influant nécessairement sur leurs résultats scolaires, il convient de ne pas laisser les jeunes obérer leurs chances d’avenir.

L’amendement tend donc à faire de la responsabilisation des parents, éducateurs de leur enfant, un élément clé de la lutte contre l’absentéisme, au moyen d’un contrat de responsabilité parentale permettant de leur faire prendre conscience de la gravité de la situation. À cet égard, les parents bénéficient d’un accompagnement dans le cadre de ce contrat, et la complexité des situations individuelles est prise en compte.

La sanction administrative se veut plus dissuasive que punitive. Elle est rendue nécessaire par l’insuffisance du dispositif mis en place au moment de la suppression de la loi dite Ciotti du 28 septembre 2010 par la loi du 31 janvier 2013, qui se limitait à renforcer le dialogue parents-établissements et à prévoir un personnel référent.

L’évolution croissante de l’absentéisme impose manifestement de nouveaux outils.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Le sous-amendement n° 500 rectifié, présenté par M. Lafon et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :

Amendement n° 101 rectifié quater, alinéa 11

Remplacer le mot :

saisit

par les mots :

peut saisir

La parole est à M. Laurent Lafon.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Nous avons lu avec attention l’amendement que vient de défendre Jacques Grosperrin et, par ce sous-amendement, nous voudrions le préciser et, si possible, l’améliorer.

De notre point de vue, cette mesure doit être non pas systématique, mais seulement possible. Puisque, comme le prévoient les auteurs de cet amendement, c’est l’autorité compétente de l’État en matière d’éducation qui peut en prendre l’initiative, il nous semble qu’elle doit également apprécier si, dans certains cas, au regard de sa connaissance de la situation, en fonction du dialogue qu’elle aura noué notamment avec les parents, le retrait des allocations familiales peut avoir un effet positif sur l’enfant.

Pour nous, ce n’est pas systématique, et ce pourrait même être préjudiciable à l’occasion.

Debut de section - PermalienPhoto de Max Brisson

Comme l’a dit Jacques Grosperrin, cet amendement de Bruno Retailleau vise à reprendre les dispositions de la loi dite Ciotti du 28 septembre 2010, abrogée en grande partie en 2013, visant à lutter contre l’absentéisme. Il a pour objet d’introduire un mécanisme de responsabilisation, fondé sur un contrat de responsabilité parentale, et de permettre, en dernier recours, une sanction par une retenue sur les allocations familiales.

Comme l’abaissement à 3 ans de l’âge de l’instruction obligatoire, et peut-être même davantage que cette dernière, cette disposition est une mesure de justice sociale. On sait en effet que l’absentéisme concerne d’abord les élèves des milieux les moins favorisés.

La commission émet donc un avis favorable, ainsi que sur le sous-amendement de M. Lafon, qui, loin de s’opposer à l’amendement de M. Retailleau, tend à préciser les modalités de sa mise en œuvre.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Blanquer

Il s’agit là d’un sujet extrêmement sérieux.

La formation des professeurs et la relation entre les parents et l’école – objet de cet amendement – sont les deux facteurs les plus importants pour la réussite d’un système scolaire.

Au-delà de la question de l’absentéisme, de façon générale, nous devons toujours réfléchir à ce qui permettra de construire dans le futur cette bonne relation entre les parents et l’école. Lorsque l’on parle d’école de la confiance, il est question de la confiance en eux des élèves, de la confiance qu’on leur donne dans le futur, mais aussi de la confiance entre tous les acteurs.

On a beaucoup parlé de la confiance de l’institution envers ses professeurs et des professeurs envers l’institution, mais l’un des grands enjeux, c’est la confiance entre les parents et l’institution.

À cet égard, la situation en France n’est pas très bonne, faute d’une grande tradition de convergence entre les parents et l’école. Nous devons donc réfléchir à toutes les mesures qu’il convient de prendre pour réussir à créer cette confiance et à la coresponsabilité qui existe en la matière entre les parents et l’école.

C’est pourquoi la coéducation est, à mes yeux, un bon concept : elle sous-tend qu’il existe une responsabilité partagée entre l’institution scolaire, entre l’école de la République et les parents, et que c’est ensemble que nous devons réussir. C’est pourquoi, d’ailleurs, comme l’a signalé l’un d’entre vous, on constate une plus grande réussite quand les familles adhèrent aux valeurs de l’école et quand cette convergence est au rendez-vous.

Encore une fois, c’est au travers de ce prisme que nous devons réfléchir à des enjeux tels que la violence ou l’absentéisme.

L’idée de responsabilisation au travers d’un contrat me paraît tout à fait recevable, mais elle doit être envisagée dans un contexte plus large, qui dépasse celui de cette seule loi.

En outre, comme l’ont souligné plusieurs d’entre vous, nous devons mener une réflexion sur la violence scolaire, laquelle aboutira avant la fin de cette année scolaire pour trouver une traduction concrète à la rentrée prochaine. Elle conduira nécessairement à l’adoption de mesures de responsabilisation des parents vis-à-vis de l’école, et c’est dans ce cadre-là que nous aurons à réfléchir sur les enjeux de l’absentéisme.

Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur le sous-amendement et sur l’amendement.

Oh ! sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

Je voterai l’amendement ainsi sous-amendé. En effet, on peut se poser des questions sur l’absentéisme : pourquoi certains enfants ne vont-ils plus à l’école ? Pour les uns, la raison en est un défaut d’autorité des parents ; pour les d’autres, c’est peut-être l’échec scolaire qui les conduit à ne plus aller en cours.

Cela nous renvoie à un problème essentiel, qui pourra être résolu non pas à court terme, mais à moyen et long terme : l’investissement dans les premières années d’éducation, en maternelle et en primaire, parce que c’est là que tout se joue. Si l’on veut corriger les inégalités sociales et, partant, le problème de l’absentéisme plus tard, c’est ce combat qu’il faut mener, ce à quoi s’emploie cet amendement, ce qui est son mérite.

Le sous-amendement de Laurent Lafon, qui tend à faire de cette suspension du versement des allocations familiales une simple faculté, permettra d’apprécier au mieux chaque situation précise.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Le serpent de mer ressurgit… Combien de fois avons-nous eu ce débat dans cet hémicycle ? Depuis que je suis sénateur, il revient chaque fois qu’un gouvernement soumet une loi sur l’école.

Effectivement, quand la gauche était au gouvernement, nous sommes revenus sur la loi Ciotti. Depuis lors, je ne crois pas que de nouveaux arguments aient été versés au débat. Si l’on se montre pragmatique et si l’on met de côté toute idéologie, on sait très bien que ce n’est pas en frappant au portefeuille des familles, souvent les familles les plus défavorisées, dont les enfants sont les plus concernés par les difficultés de prise en charge et d’orientation, que l’on réglera quelque problème que ce soit.

Sur la question de l’absentéisme scolaire, j’ai une conception très exigeante de ce qui doit être fait, mais ce n’est pas la peine de faire semblant.

Mes chers collègues, je vais vous donner un exemple vous permettant d’identifier les responsabilités. Vous avez peut-être lu ces derniers jours des enquêtes accablantes sur le phénomène de l’uberisation. Un nombre croissant d’enfants, bien entendu issus des milieux les plus défavorisés, ne va plus à l’école : ils sont captés, notamment par les plateformes offrant des services de restauration à bicyclette ou à mobylette, car c’est pour eux un moyen de gagner de l’argent.

On peut se dire que l’on va taper les familles ; on peut se dire que l’on va « taper » Uber – je cite cette société, mais ce n’est qu’un exemple parmi d’autres. La responsabilité d’une société, ce n’est pas de faire semblant de penser que l’on réglera les problèmes en privant de moyens leur permettant plus ou moins de joindre les deux bouts des familles défavorisées, souvent débordées et complètement dépassées, non pas seulement en raison de leur situation sociale, mais aussi parce que les parents sont obligés de travailler tous les deux ou encore parce que les logements sont d’une taille trop réduite.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Nous voterons donc contre cet amendement et ce sous-amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à Mme Samia Ghali, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Samia Ghali

C’est le cœur serré que j’interviens sur cet amendement. Ce que j’entends là fait peur et traduit une vraie incompréhension de ce qui se passe sur le territoire.

Oui, l’absentéisme est une réalité. Oui, l’absentéisme est trop fréquent. Pour autant, ce n’est pas en suspendant les allocations familiales que l’on réglera la question.

Le premier problème, c’est celui de l’autorité parentale. Comme en dispose l’article 371-1 du code civil, « l’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant », donc, notamment, l’éducation.

Souvent, dans les familles monoparentales, ce sont des mères qui élèvent seules leurs enfants, qui sont seules à essayer de joindre les deux bouts. Voilà la réalité ! Souvent, les pères sont complètement absents et ne sont jamais rappelés à leurs responsabilités ! Et maintenant, il faudrait sanctionner la maman – voire la fratrie – qui élève ses enfants grâce aux allocations familiales ?

Ce n’est peut-être pas le cas de certains ici, mais, là d’où je viens, beaucoup ont été élevés grâce aux allocations familiales ; et heureusement qu’elles étaient là, parce qu’elles ont permis à beaucoup d’enfants et de jeunes de réussir scolairement, d’obtenir de vrais diplômes, de sortir de la galère, comme on dit, et d’être ce qu’ils sont aujourd’hui.

Je le dis à mes collègues : croyez bien que suspendre les allocations familiales ne fera qu’accentuer la fracture. Ce n’est pas l’enfant qui sera placé sur le banc des accusés, parce qu’il ira chercher ailleurs ce que vous aurez retiré à sa famille : ailleurs, c’est-à-dire chez les dealers, à l’école de la rue.

Cet amendement est dangereux, en ce qu’il tend à retirer à de nombreuses familles ce grâce à quoi elles arrivent malgré tout à maintenir les enfants dans un cadre.

Croyez-moi, ce n’est pas simple quand on est seul. Ce n’est pas simple quand on vit dans certains quartiers de France, quand on doit élever son enfant, quand l’école de la rue est simplement parfois plus forte que l’amour ou l’éducation que vous pouvez donner à vos enfants.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Mes chers collègues, huit d’entre vous doivent encore prendre la parole pour explication de vote.

Toutefois, je devrai suspendre la séance à dix-neuf heures vingt-cinq, en raison de la réunion de la conférence des présidents. Je vous invite donc à être concis, en dépit de l’intérêt de ce débat.

La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Grand

Je serai très concis, monsieur le président.

Le sous-amendement de M. Lafon est extrêmement important. Je ne suis pas totalement en désaccord avec les propos de notre collègue de Marseille, tant s’en faut.

Mon département compte des populations gitanes, tziganes, sédentaires ou non, et l’on est obligé de respecter leur mode de vie, même si nous nous efforçons de leur expliquer que leurs enfants doivent aller à l’école. De nombreux progrès ont été enregistrés, et, si la loi était trop dure, cela poserait d’autres problèmes.

Les auteurs du sous-amendement ont fait preuve de discernement – c’est ce qui en fait tout l’intérêt –, et dans le monde dans lequel nous vivons, c’est un mot qu’il faudrait apprendre dès la maternelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à Mme Claudine Lepage, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Claudine Lepage

Je partage totalement le propos de Mme Ghali. Nous sommes tous d’accord pour considérer l’absentéisme scolaire comme un grave problème dont les enfants, les élèves, sont les premières victimes. Mais les victimes, ce sont parfois aussi les parents, les mères seules, qui n’ont pas toujours sur leurs enfants l’autorité qu’elles devraient avoir.

Certes, la coresponsabilisation des familles et des enseignants est une très bonne chose, mais cela ne suffit peut-être pas. Je suis totalement opposée à la suppression des allocations familiales, mesure particulièrement antisociale.

Monsieur le rapporteur, vous avez affirmé que c’était là une mesure sociale : je ne sais pas comment l’on peut dire pareille chose ! Elle risque de précariser encore plus des familles déjà en difficulté.

Mme Ghali a parlé des mères qui élèvent seules leurs enfants, des mères souvent débordées, qui font ce qu’elles peuvent. Si on leur supprime une rentrée d’argent, leur situation empirera.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à M. Rachid Temal, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Rachid Temal

C’est un débat très complexe. Une partie de nos collègues porte cette idée depuis de nombreuses années, et, chaque fois qu’ils le peuvent, ils y reviennent.

Examinons sérieusement les choses : l’absentéisme scolaire est un échec collectif d’abord pour l’enfant, pour les parents, pour la communauté éducative, pour les acteurs sociaux. Dire que la seule réponse, comme un coup de baguette magique, serait de fragiliser les familles déjà socialement en difficulté n’est pas une bonne chose.

Ne nous mentons pas : on sait bien que, dans l’éducation nationale, les inégalités restent les mêmes entre le moment où l’on y entre et celui où l’on en sort. Notre propos n’est pas que l’on ne peut rien faire pour réduire les inégalités ou l’absentéisme. Personne n’affirme cela.

Toutefois, avant de proposer un contrat de coresponsabilité, il faudrait préalablement réunir tous les acteurs autour d’une table – l’élève, la communauté éducative, les parents, les collectivités et les acteurs sociaux et de prévention – pour répondre à une question : comment accompagner l’ensemble de la famille pour mettre fin à l’absentéisme, et non pas comment lui mettre la tête sous l’eau et amplifier ses difficultés pour qu’elle continue à perdre pied ?

Franchement, je vous invite à sortir de ce que je considère comme du dogmatisme, pour travailler collectivement à la lutte contre les inégalités, dès la naissance, dès le plus jeune âge – c’est avant l’âge de 3 ans que tout se passe bien souvent. N’allons pas pénaliser les familles en très grande difficulté. C’est pourquoi j’invite leurs auteurs à retirer ce sous-amendement et cet amendement.

Un dernier mot à l’adresse de M. le rapporteur : franchement, quand il parle de justice sociale, les bras m’en tombent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à Mme Françoise Cartron, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Vous le savez tous, je suis l’auteur de la proposition de loi destinée à abolir la loi Ciotti. Pourquoi avais-je proposé une telle disposition ? Pour prendre acte des effets de cette loi, qui étaient loin d’être significatifs : sur les 619 suppressions d’allocations familiales qui ont eu lieu entre 2011 et 2012, 142 prestations seulement ont été rétablies, et dans 77 % des cas, l’enfant n’était pas retourné à l’école. Il est donc prouvé que cette mesure n’était pas efficace et dissuasive.

Généralement, l’absentéisme scolaire est considéré de manière globale, mais il faut entrer dans le détail. Alors qu’à l’école primaire ce phénomène concerne moins de 1 % des enfants, au lycée professionnel, le taux atteint entre 15 % et 18 %. Pour quelles raisons certains jeunes sont-ils absents au lycée professionnel ?

Dans ces établissements, les jeunes ont 15, voire 16 ans. Je doute que la responsabilité du parent soit suffisante pour obliger l’enfant à aller à l’école le matin. Ensuite, ils ont été orientés par défaut, dans une section qui ne leur convient pas. À l’issue du premier mois de cours, ils réagissent avec leur mentalité d’adolescent face à cette orientation qu’ils n’acceptent pas, et ils sont absents.

Par ailleurs, autre élément très important, en classe de troisième, l’absentéisme se produit surtout à partir du deuxième trimestre. En effet, lorsque les jeunes constatent, à l’issue du premier trimestre, l’avis du conseil de classe défavorable et une situation à peu près pareille au deuxième trimestre, ils savent bien qu’ils n’obtiendront pas l’orientation dont ils rêvent. Ils se découragent alors et répondent par l’absentéisme.

La suppression des allocations familiales ne résoudra rien ; la solution viendra de la prise en compte globale par les parents, les enseignants, les enfants de ce problème d’orientation, de réussite scolaire, d’intégration dans le collège.

Telles sont les raisons pour lesquelles je voterai contre cet amendement.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à Mme Sylvie Goy-Chavent, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Je m’exprimerai sans dogmatisme, sans idéologie ; je parlerai de mon expérience.

Avant d’être élue dans cette grande maison voilà une dizaine d’années, j’ai été enseignante en lycée professionnel pendant plus de vingt ans, en zone d’éducation prioritaire. Et si en vingt ans j’ai vu vingt familles lors des conseils de classe, c’est le bout du monde !

Donc, c’est une vraie question : les parents se rendent difficilement à l’école, pour des raisons que je vous laisse analyser, chacun de votre côté, mes chers collègues – ce n’est pas le sujet.

Il faut remettre un petit peu les choses à leur place et remotiver les parents. Certains m’ont dit : « Mais si j’ai inscrit ma fille en CAP, c’est pour les allocations » ! §Je l’ai vraiment entendu, je ne l’invente pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Il faut croire notre collègue lorsqu’elle relate ce qu’elle l’a entendu !

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Ce n’est pas de l’idéologie, c’est de l’expérience. Il y a un vrai sujet. La suppression des allocations familiales n’est peut-être pas la meilleure solution pour remotiver les parents, mais le sous-amendement de notre collègue Lafon a le mérite de donner de la souplesse.

Mme Ghali nous parlait des mères isolées : cette question est aussi importante, car certaines familles étant en grande difficulté, il ne faut pas forcément leur enlever les allocations familiales. Cela étant, on pourrait peut-être apporter de la souplesse en autorisant juste une telle suppression en cas d’abus. À mon avis, ce serait la solution.

L’adoption de l’amendement n° 101 rectifié quater, modifié par le sous-amendement n° 500 rectifié, présenterait l’avantage de répondre à de nombreuses problématiques. Mes collègues, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent dans cet hémicycle, qui sont anciens professeurs ou continuent à enseigner se posent de sérieuses questions. Même lorsque la loi Ciotti était en vigueur, la suppression des allocations familiales, mesure que nous aurions aimé voir appliquer plus souvent, était compliquée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Je ne donnerai pas un exemple personnel et m’exprimerai plutôt au nom du groupe du RDSE.

La responsabilisation est essentielle et elle doit être partagée, aussi bien par le père, la mère, l’équipe éducative, que, au premier chef, par l’enfant.

La violence scolaire est très importante. Il faudra la traiter à part, puisque cette réalité recouvre la violence entre les élèves et la violence contre les enseignants de la part des parents et des élèves, notamment.

Cela étant, la suppression des allocations familiales reviendra à augmenter la fragilisation des plus faibles. Pour une fois, nous avons eu du recul par rapport à la loi Ciotti ; nous avons constaté que cette mesure ne servait à rien. Elle renforce simplement le rejet de l’école. Autrement dit, l’enfant va porter sur ses épaules la responsabilité du fait que ses parents touchent moins d’argent, début d’un cercle vicieux négatif.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Certains d’entre vous y voient peut-être un cercle vicieux positif, mais ce n’est pas notre position.

Je remercie M. le ministre d’avoir émis un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre Monier

Il ne faut pas être dogmatique, mais Mme Cartron a été très pragmatique en citant des chiffres précis qui montrent l’inefficacité de la mesure entre 2010 et 2013. Durant cette période, j’étais enseignante. Je peux vous dire, mes chers collègues, que le problème de l’absentéisme est vaste, et ce n’est pas le non-versement d’allocations à lui seul qui va changer grand-chose. Cela fonctionnera peut-être pour un cas, mais sur combien ? C’est un problème profond, difficile, qui demande au contraire plus d’aide, pas forcément financière, de l’État.

En agissant ainsi, vous stigmatiserez encore les plus pauvres. D’ailleurs, dans l’objet de l’amendement n° 101 rectifié quater, vous expliquez que « l’absentéisme est plus élevé dans les établissements socialement défavorisés ».

La mesure proposée est le contraire d’une mesure sociale. Donc je voterai contre cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

L’hebdomadaire La Vie titrait le 17 octobre 2014 : Catholiques et communistes unis contre la modulation des allocations familiales.

Le point de vue des communistes était défendu par Pierre Laurent. Bien qu’il ne nous reste plus beaucoup de dogmes

Rires.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

L’autre personnalité concernée est un éminent prélat, monseigneur Bernard Podvin, qui déclarait : « On risque à nouveau de diviser la famille, sans même d’ailleurs que la mesure ne produise une efficacité réelle ».

Comme en 2014, chers collègues, je vous demande de nous retrouver sur des valeurs fondamentales, à savoir l’universalité des allocations familiales et la défense de la famille.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

L’amendement proposé ne présente aucun intérêt, puisque les textes de loi permettent déjà d’agir, à condition que l’on s’en donne les moyens.

Lorsque l’enfant ne va pas à l’école et que ses parents sont responsables, ils ne respectent pas une de leurs obligations prévues par le code civil au titre de l’autorité parentale. Des mesures d’assistance éducative sont possibles ; mais nous n’en avons pas les moyens.

Le présent amendement prévoit que le maire soit informé. Quand j’étais maire, comme d’autres étaient enseignants, j’ai été interrogé sur ces questions. De quoi s’agit-il ? Lorsque des jeunes adolescents sont en difficulté, vous vous rendez compte très souvent qu’un problème s’est posé durant la petite enfance. C’est à ce moment-là qu’il faut agir. L’école doit permettre aux services sociaux d’intervenir, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

… mais l’action de ceux-ci n’est possible qu’avec l’accord des parents. De plus, la saisine d’un juge des enfants est compliquée, les psychologues scolaires sont débordés : telles sont les réalités !

Vous vous faites plaisir au travers d’un amendement qui rappelle la loi Ciotti – M. le ministre ayant émis un avis défavorable, à l’Assemblée nationale, la mesure ne devrait pas être maintenue –, mais vous n’aurez en rien réglé le problème, alors qu’il est profond, comme l’a dit notre collègue Samia Ghali.

De ce point de vue, nous devons faire preuve de responsabilité en notre qualité de représentants des élus locaux, élus qui sont confrontés à ce problème. C’est notamment le cas lorsque l’adolescent n’a pas eu une scolarisation facile et se retrouve dans la situation d’orientation par défaut décrite précédemment par Mme Goy-Chavent qui a enseigné dans un établissement professionnel. Cela renvoie à toutes les questions auxquelles est confrontée l’éducation nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à Mme Annie Guillemot, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Guillemot

Moi aussi, bien que socialiste, je suis favorable à l’universalité des allocations familiales, mais c’est un autre sujet.

Cela dit, j’ai été pendant près de dix-huit ans maire de Bron, comprenant des quartiers difficiles. Face à la concentration de la pauvreté, de familles en grande difficulté, de familles monoparentales, on manque de médecins scolaires, de psychologues.

Pour obtenir un rendez-vous en centre médico-psychologique, dans ma commune, il faut attendre entre six et huit mois aujourd’hui. Quand une maman vient réclamer de l’aide pour prendre en charge son enfant, pendant de nombreux mois, rien ne lui est proposé. Et je ne parle pas des maisons de justice et du droit ! Prévues à l’origine pour travailler sur ces problèmes scolaires, elles sont totalement surchargées par leurs nouvelles tâches, qui n’ont plus rien à voir avec leurs missions initiales.

Ce débat, nous l’avons déjà eu, et nous savons que la mesure proposée n’est pas la bonne solution.

Le sous-amendement est adopté.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de Mme Catherine Troendlé.