Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’école n’est plus ce qu’elle était. Ne voyez pas là de la nostalgie, mais simplement un constat : l’école n’est plus ce qu’elle était, et les parents, les enfants et les enseignants non plus.
Cette évolution, qui s’impose à nous, nous invite à inventer le monde de demain ; vaste entreprise ! Aussi, monsieur le ministre, lorsque vous avez présenté votre vision de l’école de demain – l’école de la confiance, avec des valeurs aussi fortes que la République, l’excellence, la bienveillance et des priorités comme l’enseignement primaire et la lutte contre les inégalités –, nous ne pouvions qu’adhérer.
Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui a donc vocation à s’inscrire parmi les grandes lois républicaines sur l’école qui ont marqué notre temps. En 1882, la loi Ferry instaurait l’âge obligatoire d’instruction à 6 ans ; en 1936, près de cent ans après l’adoption des premières lois sur l’interdiction du travail des enfants, l’école était rendue obligatoire jusqu’à 14 ans ; puis, en 1959, elle le fut jusqu’à 16 ans. En 2019, le Gouvernement souhaite, en même temps, abaisser l’âge obligatoire de la scolarité à 3 ans et proposer une obligation de formation ou d’activité pour les jeunes de 16 à 18 ans.
Vous le savez aussi bien que nous, monsieur le ministre, l’impact de la scolarité obligatoire dès 3 ans restera limité. En effet, 97 % des enfants de 3 ans sont déjà scolarisés, de façon toutefois inégale selon les milieux. Il s’agit donc simplement de transformer une liberté d’instruction précoce, déjà largement diffusée en France, en obligation légale. Ce qui est présenté comme le fer de lance de l’État contre la reproduction des inégalités sociales et la lutte contre l’échec scolaire ne concernera que 26 000 enfants par classe d’âge, tandis que l’échec scolaire concerne plus de 100 000 élèves par an…
Au grand dam des élus locaux, le projet de loi initial ne prévoyait pas de pleine compensation des charges occasionnées pour les communes, même si cela ne concerne que très peu d’enfants. L’exigence de cette compensation a été introduite dans le texte par la commission de la culture du Sénat, sur l’initiative de notre rapporteur, Max Brisson, dont je salue la qualité du travail.
Nous nous félicitons des aménagements d’assiduité prévus dans le cadre de la première année d’école maternelle, adoptés lors de l’examen du texte en commission.
La France présente une particularité : celle d’une école qui s’administre de façon collégiale, quand le système éducatif est, partout ailleurs, étroitement hiérarchisé. Cette question suscite des débats depuis bien longtemps, depuis l’apparition des établissements publics de l’enseignement primaire, institués par François Fillon. Depuis lors, les rapports se sont multipliés et la question reste posée…
Notre commission de la culture a introduit une mesure instaurant un lien hiérarchique entre le directeur d’école et les professeurs. En réalité, les directeurs d’école ont besoin d’une évolution pour mieux gérer leur école ; surtout, il serait temps de créer, dans le cadre d’une concertation entre le ministère, l’administration de l’éducation nationale, les syndicats et les élus, un véritable statut de directeur d’école. Cela mériterait un texte à part entière, et non un simple article au milieu d’un texte de loi.
La première finalité de l’école est de permettre à chaque élève de trouver un métier, une place dans la société, correspondant dans la mesure du possible à ses aspirations individuelles. Plus d’efforts, plus d’argent investi aujourd’hui dans notre système éducatif, c’est moins de chômage, moins de misère dans le monde de demain. Aussi, nous devons tout mettre en œuvre pour améliorer la qualité de l’enseignement, les conditions de travail des enseignants et favoriser la réussite des élèves.
Après l’acquisition des savoirs fondamentaux, la maîtrise des langues étrangères est un autre cheval de bataille pour la France ; vous l’avez souligné, monsieur le ministre. La diffusion des établissements publics locaux internationaux est un levier intéressant pour renforcer l’ouverture de notre système éducatif à l’international.
La deuxième finalité de l’école est de forger chez chacun un certain sens de la citoyenneté, en proposant un terreau de valeurs, celles qu’incarne la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, mais aussi de développer le sens critique, pour que chacun puisse exercer ses devoirs au sein de la société en toute indépendance d’esprit, sans tomber dans le piège de la désinformation, qui sclérose notre démocratie.
Enfin, il nous appartient, au travers du réseau d’écoles, de collèges et de lycées qui maille notre territoire, de sensibiliser les élèves dès le plus jeune âge aux grands défis du XXIe siècle : la préservation de l’environnement et la protection du modèle démocratique. Tel est le sens de certains des amendements que notre groupe défendra.
Monsieur le ministre, le groupe Les Indépendants – République et Territoires ne croit pas à un grand soir de l’éducation qui bouleverserait en totalité le système, et qui risquerait de casser ce qui marche sans remédier à tous ses défauts. Ce que nous souhaitons, c’est faire évoluer les résultats de notre système éducatif ; John Fitzgerald Kennedy l’a bien dit, « Nos progrès en tant que nation dépendront de nos progrès en matière d’éducation. »