Intervention de Jacques Grosperrin

Réunion du 14 mai 2019 à 14h45
Pour une école de la confiance — Discussion générale

Photo de Jacques GrosperrinJacques Grosperrin :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les ministres se succèdent – près de cent sous la Ve République ! –, mais ne se ressemblent pas

Il y a eu des ministres avec des périmètres différents, des secrétaires d’État et parfois même des secrétaires d’État en charge de l’enseignement préscolaire. Georges Pompidou, chargé de mission pour l’éducation nationale au cabinet du général de Gaulle à la Libération, est devenu Premier ministre, puis Président de la République en 1969. D’anciens anciens ministres de l’éducation nationale ont été Premiers ministres – Lionel Jospin, François Fillon – et auraient voulu devenir présidents, à l’instar également de François Bayrou. D’autres sont aujourd’hui académiciens ou ont déjà été oubliés.

Aujourd’hui, vous occupez ce poste, monsieur Blanquer. Je pensais que vous préféreriez les petits matins à un grand soir. Or cette réforme au nom évocateur – « école de la confiance » – portera en fait votre nom.

L’annonce du Président de la République sur la scolarisation dès 3 ans vous a obligé à écrire rapidement, peut-être trop rapidement, votre projet de loi, alors même que vous faisiez un parcours sans faute.

Aujourd’hui, un trop grand nombre d’incertitudes demeure, que le Sénat, dans sa grande sagesse et sa responsabilité, essaie de rectifier avec son excellent rapporteur Max Brisson.

Y avait-il nécessité, de la part du Président de la République, d’annoncer l’instruction obligatoire à 3 ans, alors que quelque 97, 5 % des enfants de 3 ans sont déjà scolarisés et qu’ils sont 99, 5 % à l’être dès 4 ans, sans se soucier des incidences financières sur les collectivités locales et sur les maires ?

Les lois se succèdent, et ne se ressemblent pas : Berthoin, Haby, Savary, Jospin, Fillon… Parlerons-nous de la loi Blanquer dans quelques années ? L’histoire nous le dira.

En revanche, les évaluations, elles, se succèdent et se ressemblent. Vous les connaissez bien. Je pense à Timss, par exemple, l’évaluation consacrée aux mathématiques et aux sciences, qui a commencé le 6 mai en CM1 et le 13 mai en quatrième. Les derniers résultats montrent qu’il existe peut-être un problème en matière de formation des enseignants, notamment au regard de la faiblesse du score de nos élèves par rapport aux vingt-six pays de l’OCDE.

Je pense aussi aux études PISA : nous étions à la vingt-cinquième place, sur soixante-dix, en 2012, puis vingt-sixièmes en 2016. Nous connaîtrons à la fin de 2019 nos résultats pour 2020, et ils seront obtenus sous votre responsabilité, monsieur le ministre. Nous verrons alors quels sont les effets de votre politique. Quant à l’étude PIRLS, nous sommes dans la moyenne des pays de l’OCDE.

Je sais que vous êtes conscient de cette situation et que vous essayez de travailler en ce sens, notamment au travers du dédoublement des classes.

Néanmoins, comme le souligne le Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi, l’article 1er de ce texte est symbolique et non normatif. Il risque de conduire à la mise en cause de l’enseignant au lieu de le soutenir, alors même que 58 % de directeurs d’école déclaraient, en 2018, avoir subi des bousculades, des insultes, voire des agressions.

L’article 3 crée une obligation de formation jusqu’à 18 ans. N’est-ce pas encore un engagement de communication du Président de la République, alors que le retour en formation ou à une formation professionnelle existait déjà ?

L’article 10 transforme les écoles supérieures du professorat et de l’éducation, les Espé, en instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation, ou Inspé. Ce changement de dénomination doit entraîner un changement de recrutement, de fonctionnement et de méthode ; nous l’attendons.

Permettez-moi de m’attarder sur l’article 6 quater et sur la création des établissements publics locaux d’enseignement des savoirs fondamentaux, qui ont suscité tant de méfiance, notamment, je le concède, en raison de rumeurs et de fausses informations. Toutefois, dans la mesure où vous connaissez mieux que moi le travail de certains partenaires de l’éducation, peut-être aurait-il fallu réfléchir à une meilleure anticipation.

J’ai donc décidé, ainsi que mon groupe, de supprimer cet article et de le réécrire avec toute la sécurité demandée et souhaitée.

Déjà, en 2019, à l’Assemblée nationale, un rapport montrait l’intérêt de cette école. Déjà, Frédéric Reiss parlait de regroupement. Déjà, Yves Durand parlait de la mise en amélioration de cette liaison, tout comme Alain Marc, qui soulignait l’importance d’une amélioration de la liaison entre l’école et le collège. Le rapport Thélot évoquait également un regroupement CE2, CM1, CM2, sixième.

Il faut un cadre juridique à cette école. Il faut, et c’est l’objet de mon amendement, décrire la création, sur la base du volontariat des collectivités territoriales et de la communauté éducative, d’un établissement correspondant à l’école du socle et nommé « établissement public local d’enseignement du socle commun ».

Les établissements qui sont en expérimentation à ce jour le demandent. Nous avons reçu, par exemple, des responsables de l’école du socle de Jussey, qui réclament ce texte juridique.

Toutefois, nous devons nous appuyer sur une délibération unanime et des collectivités locales et du conseil d’administration des collèges, ainsi que sur chacun des conseils d’école. Il nous faut rappeler que le collège et les écoles qui composent cet établissement peuvent être implantés sur plusieurs sites, et non sur un site unique dans le collège, comme on a pu l’entendre.

Il nous faut l’accord des collectivités territoriales pour toute modification des classes. Il nous faut, bien sûr, maintenir le directeur dans chaque école.

Telles sont les conditions indispensables pour retisser la confiance avec les élus, avec les enseignants et avec les parents.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion