Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Oscar Wilde disait que « le seul moyen de se débarrasser d’une tentation, c’est d’y céder ». Avec ce projet de loi, monsieur le ministre, vous venez conforter cette maxime. N’aviez-vous pas annoncé, en début de quinquennat, qu’il n’y aurait pas de loi Blanquer ? La vie politique est ainsi faite…
Quelle est, à l’origine, la motivation principale de ce texte ? Sans aucun doute, celle de concrétiser la promesse du candidat Macron de porter à 3 ans l’âge de l’instruction obligatoire.
Au nom de quoi, de quel principe ? Permettez-moi de m’inscrire totalement en faux par rapport à l’argumentaire, souvent développé, selon lequel, avec cette mesure, notre pays disposera de la plus forte précocité en Europe en termes d’instruction. Je considère que l’on ne prend pas des mesures politiques pour battre des records, tout particulièrement dans le domaine si sensible de l’éducation nationale…
Tout acteur de la communauté éducative pourra convenir, avec un minimum d’objectivité, que le rythme d’un enfant de 3 ans n’est pas systématiquement adapté à une journée d’école qui démarre souvent dès sept heures trente, pour finir parfois après dix-huit heures.
J’ai ainsi proposé un amendement, adopté en commission, qui vise à déroger à cette règle pour les plus jeunes, à l’issue d’une concertation entre parents, directeurs et équipes éducatives. Par ailleurs, il me semble important de redire que la cellule familiale doit rester le premier éducateur de l’enfant.
J’ajoute que, au lieu de porter spécifiquement les efforts sur les départements qui se signalent par une singularité – ils ont été évoqués voilà quelques instants –, on généralise à l’ensemble du territoire national, sans anticiper sur les conséquences, notamment financières, pour toutes les communes de France. Les élus locaux sont inquiets de cette nouvelle charge.
Les élus ne sont pas les seuls à avoir fait connaître leurs vives inquiétudes vis-à-vis de ce projet de loi. Bien sûr, comme tout texte touchant à l’école, celui-ci n’a pas manqué d’hystériser le débat public, à l’image de la mobilisation contre l’article 6 quater, qui créait les établissements publics locaux d’enseignement des savoirs fondamentaux.
Parents d’élèves, personnels de l’éducation, enseignants et directeurs d’école ont beaucoup critiqué cette mesure avec, il faut bien le dire, des interprétations parfois malheureuses, et pas toujours objectives, tant s’en faut.
Toutefois, comme trop souvent malheureusement, la méthode d’introduction de cette mesure n’était pas la bonne. Aussi, les membres de la commission de la culture et notre rapporteur Max Brisson, dont je salue le travail de grande qualité, ont-ils su entendre les craintes. Dans un souci d’apaisement, nous avons fait le choix de supprimer l’article 6 quater, au motif qu’il risquait, pour paraphraser mon collègue Jacques Grosperrin, de « constituer un cheval de Troie pour des regroupements non désirés ».
Il faut néanmoins laisser une large place à l’expérimentation, car nous savons que ce dispositif correspond, localement, à des besoins réels.
Poursuivant en quelque sorte la même logique que pour l’instruction obligatoire à 3 ans, le Gouvernement a introduit, à l’Assemblée nationale, l’obligation d’instruction jusqu’à 18 ans. Là encore, je m’interroge sur les effets visés.
L’article 3 bis dispose que tout individu devra être inscrit dans un établissement scolaire, ou en formation, ou en emploi. Mais où serait-il donc si tel n’était pas le cas ? J’ai la nette impression que nous connaissons tous la réponse et que le mal profond auquel elle fait référence nécessite bien davantage qu’une mesure cosmétique de contrainte, qu’il sera bien difficile de faire respecter dans certains quartiers, surtout en confiant la mission de contrôle aux petits bras musclés de nos missions locales.