Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme vient de le démontrer ma collègue Maryvonne Blondin, il est manifeste que nous ne partageons pas, monsieur le ministre, la même vision de l’école de la République. Pour nous en rendre compte, nous devons regarder l’ensemble des changements réalisés sous ce gouvernement.
La réforme du lycée, dont l’application renforcera les inégalités territoriales, a succédé à la mise en place problématique de Parcoursup et à une nouvelle organisation des rythmes scolaires à la carte.
À cela s’ajoutent les suppressions de postes, plus nombreuses chaque année, alors que les 60 000 postes créés lors du quinquennat précédent avaient tout juste permis de compenser les suppressions effectuées sous la présidence de Nicolas Sarkozy.
Aujourd’hui, vous nous proposez un projet de loi dénommé « pour une école de la confiance », mais qui suscite tout le contraire : suspicion, inquiétude et même angoisse. En fait, c’est de défiance qu’il s’agit.
Vous mettez à mal l’école, notre École – avec un grand E –, sans concertation avec celles et ceux – élus, notamment ruraux, parents, communauté éducative – qui vivent l’école au quotidien. Et tout cela, sans aucune évaluation de ce qui a été fait précédemment. Vous empilez une nouvelle loi Blanquer, alors que ce dont notre école a besoin aujourd’hui, c’est d’un frein au train incessant des réformes, pour prendre enfin le temps de mettre en place ce qui existe.
Ce projet de loi est un catalogue, un patchwork de mesures qui vont affecter structurellement notre système éducatif. Si son fonctionnement est encore à améliorer, vous proposez, avec ce texte, non pas une vision politique de l’éducation, mais une vision comptable qui consiste à trouver des professeurs qui coûteront le moins cher possible, au détriment de la qualité des conditions d’apprentissage des enfants, ou à réduire le nombre de directeurs et de directrices d’école, alors qu’ils, et elles, sont le lien indispensable entre les différents membres de la communauté éducative.
Quelques dispositions peuvent, certes, aller dans le bon sens. Je pense au meilleur contrôle de l’instruction en famille ou à l’instruction obligatoire dès 3 ans, une mesure que nous défendons depuis plusieurs années. Mais même sur ces points, nos craintes persistent, car ces réformes ne doivent pas être mises en œuvre au détriment des communes.
Nous nous inquiétons également de la suppression du Cnesco au profit d’un conseil constitué de membres désignés en grande partie par le ministère. L’indépendance des instances d’évaluation est cruciale, autant pour l’impartialité de ses évaluations que pour l’engagement pédagogique du corps enseignant.
Ce texte met aussi en place une mise en concurrence des établissements. Ainsi, sous couvert d’expérimentation, la répartition des heures d’enseignement par matière pourra différer d’un établissement à l’autre.
C’est aussi, comme je le soulignais, des choix purement comptables. Je pense, par exemple, au fait de confier des missions d’enseignement, de façon tout à fait prématurée, aux assistants d’éducation, dès la L2, lorsqu’ils, ou elles, se destinent à l’enseignement, afin de compenser les suppressions de postes et de réaliser des économies.
Quant à l’article 6 quater, point dur du texte, dont nous saluons le retrait à l’unanimité par la commission, nous ne saurions accepter de le réintégrer sous une rédaction peut-être plus habile, mais aux conséquences tout aussi néfastes pour les territoires et le service public de l’éducation.
Oui, la création d’établissements publics locaux d’enseignement des savoirs fondamentaux, ou EPLESF, ou tout autre nom qui pourrait être donné à un tel organisme, renforcera les inégalités, particulièrement dans les territoires ruraux. Les fermetures de classes qui en découleront – en effet, vous ne nous ferez pas croire que la création de ces établissements n’entraînera pas la fermeture de classes – mettront gravement à mal le lien social que l’école maintient dans les communes rurales. Ce n’est pas notre modèle d’une politique éducative de proximité.
La portée de certains articles a été aggravée lors de l’examen du texte en commission, au Sénat. Je pense notamment à la détérioration des conditions de travail et de formation des enseignants.
À gauche, l’école de la République doit être un lieu d’émancipation individuelle et collective, un lieu d’acquisition des savoirs et des connaissances culturelles et, pour toutes et tous les élèves, un lieu de formation de citoyens éclairés, responsables, libres.
Cela ne peut se faire sans le personnel enseignant ni la communauté éducative sur lesquels vous faites planer une suspicion injuste au travers de l’article 1er. Ce sont eux qui font face, en première ligne, aux difficultés scolaires du quotidien. Ils ont besoin de reconnaissance, de respect, d’une revalorisation de leur métier, de moyens humains et financiers. Ils ont tout simplement besoin de confiance.
Monsieur le ministre, vos choix politiques sont cohérents et clairs. Ce texte n’est pas sans rappeler les attaques incessantes dont notre système scolaire a été victime entre 2007 et 2012 – un affaiblissement grave auquel vous aviez d’ailleurs pris part.
Vous faites l’éloge de l’employabilité comme objectif premier de l’école, de la performance à tout prix et de l’individualisme. Il est clair que ce texte ne répond pas aux exigences d’égalité, qu’il est si nécessaire de satisfaire pour construire une société émancipatrice. Le groupe socialiste fera, par amendements, des propositions pour l’améliorer.