Intervention de Sylvie Robert

Réunion du 14 mai 2019 à 14h45
Pour une école de la confiance — Article 1er

Photo de Sylvie RobertSylvie Robert :

Dans un opuscule de 2007, Yann Algan et Pierre Cahuc montrent à quel point la société française est une société de défiance. La méfiance à tous les échelons finit par affecter négativement notre modèle social et la perception que chacun peut avoir de l’État providence.

En 2012, ces mêmes auteurs, ainsi que d’autres économistes, prolongent l’analyse et expliquent les causes de cette défiance, pointant notamment l’obsession française pour les classements, l’inertie liée à son fonctionnement pyramidal et la fragmentation horizontale qui en résulte.

L’école n’échappe pas à ce constat. Selon un sondage réalisé par l’IFOP, en 2018, 65 % des Français considèrent que le système scolaire ne garantit plus l’égalité des chances. Autrement dit, la promesse républicaine attachée à l’école apparaît comme une illusion.

À ce titre, monsieur le ministre, nous ne pouvons que souscrire à la volonté, que vous avez maintes fois exprimée, de réintroduire de la confiance au sein du système scolaire.

En revanche, nous ne pouvons que nous interroger sur la méthode employée : peut-on créer une spirale positive, créant progressivement la confiance dans l’ensemble de la communauté éducative, en instillant implicitement une forme de défiance à l’encontre des personnels de l’éducation nationale, en particulier des professeurs, et ce dès l’article 1er du projet de loi ?

Tel n’était peut-être pas votre objectif initial, mais tel a été le résultat, comme vous avez pu le constater. On pourrait d’ailleurs s’interroger sur la portée normative de ces dispositions, comme l’a fait le Conseil d’État dans son avis – cela a été dit. En d’autres termes, l’intention est louable, mais il n’est nul besoin de la loi pour répéter la loi !

Monsieur le ministre, vous avez choisi de réaffirmer le devoir de réserve des personnels de la communauté éducative, et, au premier chef, celui des enseignants. Ce faisant, vous suscitez le doute, l’incompréhension et, in fine, la méfiance entre votre ministère et les enseignants. Pensez-vous que cette manière de procéder est de nature à instaurer le climat de confiance que tout le monde désire ?

Le lien de confiance qui unit les élèves et leurs familles au service public de l’éducation suppose de l’écoute et de l’apaisement. Pour cette raison, il nous semble plus que nécessaire de retirer cet article du projet de loi.

L’envoi d’un tel signal calmerait les craintes de la communauté éducative et nous permettrait de concentrer vraiment nos efforts, dans les heures et les nuits à venir, sur le projet dont nous souhaitons la réalisation pour l’école, ainsi que sur les moyens de parvenir à renforcer la confiance en son sein.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion