Intervention de Jean-Michel Blanquer

Réunion du 14 mai 2019 à 14h45
Pour une école de la confiance — Article 1er

Jean-Michel Blanquer :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le rapporteur vient d’exprimer avec beaucoup d’éloquence ce que je tenais à vous dire. Aussi, mon intervention sera assez brève.

Tout d’abord, je reconnais bien volontiers – j’entame la démarche que j’annonçais précédemment – que les modifications faites par le Sénat apportent une amélioration au texte. En effet, l’ajout de la notion d’« autorité » est très important, et j’y souscris pleinement.

Le terme d’« exemplarité » a pu faire naître des malentendus. Aussi, profitons de ce débat parlementaire, de ce moment républicain, pour les dissiper.

Puisque nos débats sont suivis, j’aimerais lire le dispositif de l’article 1er devant tout le monde. La première phrase du second alinéa dispose que « l’engagement et l’exemplarité des personnels de l’éducation nationale confortent leur autorité dans la classe et l’établissement et contribuent au lien de confiance qui unit les élèves et leur famille au service public de l’éducation. »

Puis, vient la seconde phrase, que personne ne commente jamais et qui est pourtant la phrase la plus importante du dispositif : « Ce lien implique le respect des élèves et de leur famille à l’égard des professeurs, de l’ensemble des personnels et de l’institution scolaire. »

Le fait que tout le monde commente la première phrase en lui attribuant un autre sens que celui que nous lui donnons et que tout le monde oublie la seconde phrase, qui est le cœur de l’article, est très significatif. Le rapporteur l’a dit avec éloquence : l’axe principal de cet article est justement d’apporter une réponse positive au mouvement « PasDeVague ».

Je suis un ministre qui, dès sa nomination et avant même cette campagne sur internet, a dit qu’il ne serait jamais favorable à la philosophie du « PasDeVague » et qui a demandé à l’institution scolaire d’être transparente sur les violences existantes, de les faire remonter et de ne pas empêcher la tenue de conseils de discipline afin d’éviter de mauvaises statistiques.

Je n’ai pas dit cela pendant ou après la campagne « PasDeVague » ; je l’ai dit avant, précisément parce que je respecte les professeurs.

Comme le rapporteur, celui qui vous parle est lui-même professeur. Il est également fils de professeur. Il est donc insoupçonnable de manquer de respect aux enseignants. Cela m’attriste d’être soupçonné du contraire, alors que l’article 1er témoigne d’un profond respect envers les professeurs.

La société doit bien entendu respecter ses enseignants. La question de la dignité des professeurs et de leur juste place dans la société est évidemment au cœur du sujet. Pour atteindre nos objectifs, il faudra évidemment d’autres dispositions que ce seul article. J’en suis le premier d’accord.

Ainsi, quand Mme Lienemann déclare que nous devrions prêter davantage d’attention aux rémunérations des enseignants, je suis là aussi le premier d’accord et le premier à dire que nous allons engager des actions en ce sens. D’ailleurs, je ne suis pas le seul, puisque le Président de la République l’a lui-même annoncé lors de sa conférence de presse. Nous sommes donc engagés dans ce combat pour le respect de la dignité des professeurs.

L’article 1er traite de cet enjeu. Que cet article soit source de malentendus et que l’on fasse semblant d’y voir autre chose que ce qu’il y est écrit montre évidemment les difficultés que j’évoque depuis le début.

Je demande à tous que l’on n’entretienne pas ces malentendus. L’intention du législateur compte lorsqu’il est question d’interpréter la loi. Ce que nous sommes en train de nous dire compte, tout comme ce que je suis en train de vous affirmer. Ce qui compte, c’est ce que je vous dis à propos de l’article 1er, à savoir qu’il ne vise absolument pas à renforcer le devoir de réserve des professeurs.

D’ailleurs, les rappels à l’ordre que certains enseignants se sont vu infliger, et dont on me fait le reproche, ont été faits dans le cadre de la législation actuelle, et certainement pas dans le cadre de la législation à venir. De telles sanctions s’inscrivent dans la continuité de ce que tous mes prédécesseurs ont fait lorsque des règles de base ont été violées, comme, par exemple, utiliser sa messagerie professionnelle pour enfreindre le principe de neutralité auquel chacun est soumis.

Je le dis très clairement : cet article entend renforcer le respect dû aux professeurs. Et si, à l’avenir, il devait entraîner des difficultés d’interprétation juridique, on pourra s’appuyer sur mes propos : c’est bien la seconde phrase du second alinéa de l’article qui importe.

La première phrase expose en quelque sorte cette réalité naturelle que le rapporteur et certains d’entre vous ont rappelée, à savoir qu’il existe une exemplarité consubstantielle à la mission exercée par les professeurs. Le jour où je suis devenu professeur, j’ai effectivement senti que l’exemplarité de l’enseignant était un élément de sa dignité et qu’il ne s’agissait certainement pas d’un problème.

Au contraire, l’exemplarité nous dignifie, comme c’est le cas pour tout agent qui entre dans la fonction publique. Il y a quelque chose qui nous dépasse lorsque l’on devient fonctionnaire : le fait de servir la République. Et ce service est, par définition, synonyme d’exemplarité.

La seconde phrase, quant à elle, réaffirme le respect dû aux professeurs dans une société où l’on constate effectivement chaque jour des phénomènes comme ceux qui ont été pointés par les enseignants mobilisés dans le cadre du mouvement « PasDeVague », c’est-à-dire des insultes, des agressions verbales et parfois physiques de la part d’élèves ou de parents d’élèves.

Oui, cet article accentue la protection que nous devons aux professeurs. C’est le sens de ce que nous proposons et l’intention visée par cette loi. Je suis très heureux de pouvoir clarifier devant vous ce point, dont j’espère qu’il pourra faire l’objet d’une conviction partagée.

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