Avec l’article 3 B, nous abordons un sujet différent puisque nous touchons au code pénal.
Sur l’initiative du président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, les députés ont modifié l’article 432-14 du code pénal, qui traite du délit de favoritisme. La raison invoquée, qui paraît parfaitement plausible et peut tout à fait être prise en compte, est que certaines juridictions auraient interprété ce délit de telle sorte qu’une simple erreur ou le non-respect involontaire des règles auraient pu avoir entraîné la condamnation de certains élus alors qu’ils n’avaient pas l’intention de favoriser tel ou tel concurrent dans une procédure de marché public.
Il serait intéressant de savoir ce qu’il en est exactement, et j’aimerais que le Gouvernement nous fournisse quelques précisions sur ces décisions. En toute hypothèse, même si une telle jurisprudence de la part de certaines juridictions fait problème, la solution que l’Assemblée nationale apporte n’est pas acceptable.
En effet, l’article 3 B a pour effet de modifier en profondeur des règles traditionnelles de notre droit pénal. En particulier, chacun le sait bien, tout délit suppose un élément intentionnel. Les juridictions pénales ont eu à analyser cet élément intentionnel depuis longtemps et la jurisprudence est fixée de sorte que chacun sait clairement ce qu’est l’intention.
Or, aux termes de la rédaction de l’Assemblée nationale, le délit de favoritisme, pour être constitué, devrait être commis « en connaissance de cause » et avec « une intention délibérée ». Une nouvelle notion se trouve donc introduite dans le droit pénal, l’intention délibérée, par opposition à l’intention simple.
Les problèmes d’interprétation risquent d’être redoutables et leurs conséquences tout à fait inquiétantes. En effet, l’intention délibérée ne figurera dans le code pénal que pour un seul délit, ce qui peut entraîner un affaiblissement de l’élément intentionnel pour l’ensemble des autres infractions, en particulier pour les manquements au devoir de probité que sont le trafic d’influence, la corruption, la concussion, notamment. Je crains donc fortement qu’à cet égard l’article 3 B ne soit tout à fait contre-productif.
De plus, dans ces cas d’infractions commises avec intention délibérée, le montant de l'amende serait modifié, passant de 30 000 euros à 100 000 euros. Cela pose un nouveau problème, puisqu’il existe dans le code pénal un rapport permanent entre la durée de la peine d’emprisonnement et le montant de l’amende prévus pour une même infraction. L’article 3 B change cette proportion pour le seul délit de favoritisme, ce qui nous paraît tout à fait incohérent.
Pour autant, cet article n’est pas totalement inutile, et, s’il est confirmé que des élus ont bien été condamnés pour des infractions commises formellement mais sans aucune intention de favoritisme, il serait bon de réfléchir à un dispositif qui, lui, serait acceptable.