Intervention de Gérald Darmanin

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 15 mai 2019 à 15h35
Projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2018 — Audition de M. Gérald daRmanin ministre de l'action et des comptes publics

Gérald Darmanin, ministre :

Le déficit a baissé. Pour la première fois depuis 15 ans, les dépenses publiques ont été tenues - de l'ordre de 0,3 point, contre entre 0,9 et 1 point lors du quinquennat précédent. Par ailleurs, nous avons baissé les impôts : la baisse de 0,2 point de prélèvements obligatoires représente 4 milliards d'euros. Enfin, pour la première fois depuis désormais 14 ans, la dette a été stabilisée.

J'en viens à votre question sur l'augmentation de 2 % de la masse salariale de l'État. L'État, c'est 30 % de la dépense publique. Les crédits de l'État ont augmenté de 2,7 milliards d'euros entre 2017 et 2018 : 1,7 milliard d'euros ont été consacrés à nos armées, dans le cadre de la loi de programmation militaire (LPM), ce qui répond à une demande quasi unanime. Par conséquent, il y a un milliard d'euros d'augmentation, montant inférieur aux 2 % d'augmentation de la masse salariale.

La masse salariale augmente pour plusieurs raisons, notamment en raison de décisions antérieures : 14 000 créations de postes la dernière année du quinquennat de M. Hollande, ce qui crée des dépenses immédiates, augmentation de 0,6 point du point d'indice l'année de l'élection présidentielle, entrée en vigueur du plan parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR)...

En tant que ministre en charge de la fonction publique et des comptes publics, j'ai pris fin 2018 des dispositions que vous m'avez parfois encouragé à prendre : rétablissement du jour de carence pour l'État et les collectivités locales, décalage du PPCR, non-augmentation du point d'indice. Pour la première fois, nous avons inversé, lors du projet de loi de finances pour 2018, le nombre de créations de postes par rapport au nombre de non-remplacements de fonctionnaires. Le procès que vous faites pour l'année 2018 s'adresse donc non au Gouvernement, mais à ses prédécesseurs.

Quid de l'avenir ? Le Président de la République n'a pas annoncé qu'il renonçait à l'objectif de 120 000 fonctionnaires en moins d'ici à la fin du quinquennat. Il s'agit de savoir si ce qu'il annonçait était compatible avec l'objectif de 120 000 suppressions de postes : 70 000 pour les collectivités locales, 50 000 pour l'État. Nous tiendrons l'objectif de suppression de postes dans les collectivités locales, par la maîtrise de la dépense des grandes collectivités. Pour l'État, je pense toujours que l'objectif est atteignable. La question est de savoir ces suppressions doivent intervenir en 2022 ou en 2023.

Réduire le nombre d'agents publics n'a pas d'intérêt budgétaire. Si nous décidions demain de ne pas remplacer les 50 000 postes, cela aurait peu de conséquences sur les années budgétaires à venir, puisqu'un fonctionnaire représente 40 années de traitement, 20 à 25 ans de retraite et des pensions de réversion. On ne réduit pas le nombre d'emplois publics pour des raisons budgétaires, mais pour transformer l'action publique : la technique, la simplicité des normes, l'arrêt d'un certain nombre d'interventions de l'État le permettent.

L'augmentation de la masse salariale a été résorbée par des économies, puisqu'il n'y a que 2,7 milliards d'euros d'augmentation de crédits. Le budget que l'on vous a présenté en 2018 était sincère et nous avons tenu les dépenses.

Vous ne vous souvenez pas des économies engagées par le Gouvernement, monsieur le rapporteur général ? Pourtant, je me souviens bien des cris de votre groupe politique lorsque l'on a supprimé les contrats aidés, engagé la réforme de la formation professionnelle, mis en place les loyers locatifs différenciés, réformé le CICE. Le ministère du travail et le ministère du logement sont les deux ministères qui ont le plus contribué à la baisse de la dépense publique.

Concernant Areva, l'opération est complexe et en partie requalifiée par l'INSEE, qui est notre comptable national indépendant : ce n'est pas une décision du Gouvernement. Elle a eu lieu en 2017 et le contrecoup s'est manifesté en 2018 seulement.

J'en viens au décalage de 2,8 milliards d'euros de droits de mutation : 1,4 milliard d'euros étaient liés au rattachement, dès 2018, des recettes qui auraient dû être comptabilisées en 2017. Les collectivités locales, notamment les départements, ne s'en sont pas aperçues, parce que c'était une année de très grande recette des droits de mutation. Lorsque j'ai constaté cette erreur, j'ai tout de suite alerté la Cour des comptes et les présidents de département. L'argent a été reversé très rapidement et on a évité que cela ne se reproduise.

J'en viens aux dépenses fiscales, c'est-à-dire aux niches fiscales. Dans son rapport, la Cour des comptes critique à la fois l'affectation des niches fiscales, notamment le fonds d'innovation créé par Bruno Le Maire, et l'augmentation des dépenses fiscales. En ce qui me concerne, j'ai critiqué l'affectation des recettes à un certain nombre de politiques publiques. Si la commission des finances est d'accord sur le fait qu'il ne faut pas multiplier les affectations, car cela met en cause le budget général, dans l'hémicycle, votre chambre demande et redemande des affectations pour l'écologie, le sport, la culture...

Si l'affectation a une valeur pédagogique, trop d'affectation vient tuer le budget général et remettre en cause les budgets d'autres ministères. Ainsi, s'agissant de l'écologie, ce n'est pas une bonne chose : l'affectation est inférieure aux crédits d'État versés et, lorsque l'affectation s'effondre, on demande à l'État de compenser la baisse du montant affecté. En d'autres termes, quoi qu'il arrive, l'État y perd et le déficit se creuse. Je ne peux qu'être d'accord avec les remarques de la Cour des comptes : il faut limiter au maximum les affectations, ce qui ne veut pas dire les interdire complètement.

Par ailleurs, le montant des dépenses fiscales représente quasiment 100 milliards d'euros - pour les entreprises et les particuliers - et est supérieur au montant de l'impôt sur le revenu - entre 76 et 77 milliards d'euros.

Si l'on supprimait les niches de toutes les entreprises et si l'on appliquait la recette correspondante à une baisse de l'impôt sur les sociétés, le taux de celui-ci serait inférieur à 15 %, contre 31 % aujourd'hui. Finalement, personne n'est libéral : ni la France, ni le patronat, ni même les partis libéraux. Lorsque nous proposons une baisse d'impôts ou une suppression d'impôts, tout le monde propose de garder des niches, comme si l'homo economicus ou l'entreprise n'était pas capable de mettre l'argent là où elle pense que c'est prioritaire. Les débats sur l'ISF-PME en attestent.

Toujours est-il que l'État reste très interventionniste, avec des impôts très élevés et des dépenses fiscales pour orienter l'argent. On ne peut pas à la fois regretter que les dépenses fiscales augmentent et demander à les garder lors des débats parlementaires. Pour ma part, je pense qu'il faut réduire ces niches, mais je ne gagne pas toujours les arbitrages...

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