Les orientations de l'aide publique au développement, monsieur Collin, relèvent davantage du ministère des affaires étrangères et européennes que de celui des finances. Je crois savoir qu'elles seront présentées au mois de juin, avant le G7. Quoi qu'il en soit, l'engagement du Président d'y consacrer 0,55 % du revenu national brut d'ici à 2025 sera tenu. La programmation budgétaire jusqu'à 2022, en cours d'élaboration, prévoit une forte augmentation de l'aide. Pour l'aide débloquée en faveur de la Syrie que vous évoquez, nous aurions pu utiliser la réserve de précaution, qui est réservée aux dépenses imprévues.
Madame Goulet, nous avons proposé aux parlementaires de travailler sur la fraude fiscale. On entend ici et là circuler des chiffres délirants, alors qu'aucune estimation sérieuse n'a été conduite. Monsieur Bocquet a été au demeurant l'un des seuls à prendre ses responsabilités : nous nous sommes rencontrés plusieurs fois au ministère - alors que certaines institutions se contentent de dénoncer la fraude sans l'évaluer. La mission que vous avez évoquée n'est aucunement remise en cause ; au demeurant, ce n'est pas une mission parlementaire, car il n'appartient aucunement au Gouvernement de les constituer. Le Président de la République en a saisi le premier président de la Cour des comptes, qui rendra son rapport au plus vite afin que l'on puisse, avec le Parlement, intégrer les premières mesures dans le prochain PLF. Il faut constater la fraude objectivement et agir.
Concernant l'ISF, les questions, qui viennent pourtant du même groupe, sont quelque peu contradictoires... L'ISF rapportait à l'État un peu moins de 3 milliards d'euros. Comme M. Nougein l'a souligné, pour l'IFI nous avons enregistré 1,25 milliard d'euros de recettes en 2018, pour une estimation de 850 millions d'euros. Je vois deux raisons principales à cet écart.
D'abord, au contraire de l'ISF, l'impôt sur le revenu et l'IFI font l'objet d'une déclaration simultanée. Cette simplification a fait prendre conscience à certains contribuables qu'ils devaient remplir une déclaration pour l'IFI, alors qu'ils ne l'auraient pas fait pour l'ISF.
Ensuite, les contrôles ont été renforcés à ma demande. Le Service de traitement des déclarations rectificatives (STDR), mis en place sous le quinquennat précédent, a aussi fait rentrer des recettes. Tout cela explique le différentiel de 400 millions d'euros que vous pointez.
Je conteste l'idée d'un alourdissement de la fiscalité immobilière. L'IFI revient à conserver la part de l'assiette de l'ISF qui n'est pas délocalisable ; je ne crois pas, monsieur Nougein, qu'il désavantagera qui que ce soit. De plus, les Français qui possèdent un patrimoine important détiennent aussi une assurance-vie et des actions, sur lesquelles la fiscalité diminue.
Quant au lien entre la suppression de la taxe d'habitation et l'augmentation de la fiscalité locale, 92 % des départements, pris à la gorge par l'accroissement des dépenses sociales, avaient déjà fixé leur taux de taxe foncière au maximum autorisé par la loi. S'il y a eu inflation fiscale, elle a été très localisée. Au demeurant, c'est dans les départements où l'immobilier est le plus cher que les droits de mutation sont les plus élevés. Ainsi dans le sud de la France, où les mineurs isolés et les personnes au RSA ne sont pas les plus nombreux, les droits de mutation augmentent de 17 % en moyenne, et 40 % pour le département le plus riche. En revanche, dans le Pas-de-Calais, où la pauvreté est très concentrée, les droits de mutation sont modérés.
La fiscalité locale sera réformée dans le cadre du PLF ; les élus connaîtront alors, à la veille des élections municipales, leurs recettes avec précision. Nous pouvons discuter ensemble des modalités d'entrée en vigueur de cette réforme. Beaucoup ont douté que les pertes de recettes liées à la taxe d'habitation seraient compensées à l'euro près. Or personne ne m'interroge plus sur le sujet : les dégrèvements de l'État ont bien été compensés à l'euro près, ils ont suivi le dynamisme des bases fiscales et des valeurs locatives. Je ne crois pas souhaitable d'opérer un dégrèvement à 100 % de la recette de l'impôt, comme le demande l'Association des maires de France. Il faut entrer dans une fiscalité locale moderne, avec toutes les difficultés de péréquation que cela comporte.
Il est trop tôt pour évaluer l'impact du prélèvement forfaitaire unique et de l'IFI sur l'économie. L'ISF n'a été supprimé, dans les faits, que depuis moins d'un an. Je constate simplement que la politique économique du Gouvernement a fait entrer davantage de recettes fiscales parce que les entreprises créent plus de richesses, et ce malgré la situation en Italie, le Brexit et la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine. La France emprunte à un taux d'intérêt de 0,4 % sur les marchés financiers, contre 2,7 % pour l'Italie. La fiscalité que nous avons mise en place a protégé les investissements étrangers en France et donné confiance aux prêteurs ; ne l'alourdissons pas. Le Parlement évaluera les effets de ces mesures. Je suis toujours favorable à la stabilité fiscale.
Monsieur Delcros, il est toujours difficile de réduire les dépenses publiques : en la matière, il y a beaucoup de croyants et peu de pratiquants ! En 2019 et 2020, nous allons pourtant réviser l'attribution des allocations chômage, réformer l'audiovisuel public, réformer les retraites qui représentent 14 points de PIB, évidemment c'est une question de dépenses publiques. L'État fait beaucoup d'efforts, mais rappelons que 30 % de la dépense publique relève du champ social. Quand l'État augmente ses crédits de 2 à 3 milliards d'euros par an, les dépenses du champ social augmentent de 13 à 14 milliards d'euros. C'est un modèle de société : l'Europe représente 6 % de la population mondiale, concentre 25 % de la richesse mondiale, mais 50 % des dépenses de santé. La France, c'est 1 % de la population mondiale et 20 % des dépenses de santé. Nous pouvons être fiers de ce modèle qui nous fait vivre plus longtemps, mais il faut le financer.
L'endettement se stabilise, même si nous souhaiterions qu'il diminue. La charge de la dette est en baisse, mais c'est pour des raisons conjoncturelles : les taux d'intérêt restent bas. Je rappelle qu'à la veille de la crise financière, la France était endettée à hauteur de 60 % de son PIB, comme l'Allemagne. Alors que notre voisin a mené une politique de relance similaire à la nôtre, l'Allemagne est revenue à son niveau d'avant-crise, alors que nous sommes à 98 %. Oui, nous avons des difficultés à réduire la dépense.
Monsieur Laménie, les opérateurs d'État sont trop nombreux ; c'est le résultat du laxisme des gouvernements successifs. Dans mon propre ministère, on dénombre une vingtaine d'opérateurs. Le Président a donc demandé au Gouvernement de proposer des suppressions.
Vos chiffres, monsieur de Legge, ne sont pas les miens. Les Opex sont déjà, de fait, payées par la solidarité nationale. Notre effort consiste à en sincériser le coût, ce que nous faisons par tranches de 200 millions d'euros chaque année. Le ministère des armées doit relever le défi du renouvellement de la dissuasion nucléaire, et il bénéficie pour cela d'augmentations de crédits. Enfin, notre LPM constitue la plus grande augmentation de crédits de l'armée depuis la guerre froide.
Faut-il, monsieur Gabouty, étendre l'IFI aux oeuvres d'art, aux bateaux ? Les oeuvres d'art en ont été exclues pour des raisons diverses. Quant aux bateaux, on peut choisir l'idéologie fiscale en taxant ces signes extérieurs de richesse, mais reconnaissons qu'un faible nombre d'entre eux battent encore pavillon français.
Au cours de la crise des gilets jaunes, des radars ont été cassés par centaines ; le manque à gagner de 600 millions d'euros correspond à peu près à ce qui manque à l'Afitf. Cela a eu pour conséquences une baisse des recettes et une augmentation du nombre de morts sur les routes. Cependant, vous avez raison de souligner que l'Afitf a un problème budgétaire structurel : elle finance des dépenses qui n'ont rien à voir avec son objet, comme les trains d'équilibre du territoire. Ce sont des centaines de millions d'euros de contrats. On paie du fonctionnement sur un budget prévu pour autre chose. De plus, l'Afitf ne reçoit que le reliquat du produit des amendes routières, dont une part va à l'État et aux collectivités territoriales.
La Cour des comptes, madame Goulet, doit remettre son rapport sur la fraude fiscale début novembre, ce qui laissera le temps à une commission parlementaire de se constituer et de travailler sur le sujet. La fraude sociale n'a pas été oubliée : c'est une lutte très importante pour le Gouvernement.