Si je défendais cette position que l’on m’accuse d’avoir – vouloir en finir avec une institution pour en substituer une qui soit à ma main –, je vous dirais : « Mesdames, messieurs les sénateurs, lisez le rapport Durand et le rapport de la Cour des comptes, et finissez-en avec cette institution ! » D’ailleurs, je n’en créerais même pas une autre à la place, ce qui me permettrait de faire des économies.
Ces accusations sont totalement erronées. Je ne suis pas dans cette posture ; je le répète, si j’étais coupable des accusations que l’on m’adresse, c’est effectivement ce que je ferais, mais ce n’est pas le cas. En effet, je pense que le bilan du Cnesco est intéressant ; il repose sur une façon de concevoir l’évaluation des politiques publiques, sur une méthode « macro » se fondant sur une vision globale de ces politiques tout en mobilisant des expertises. Cela relève d’une logique académique, au meilleur sens du terme, qui consiste à faire appel à l’ensemble des secteurs de la recherche pour étudier certaines dimensions du problème, échanger ensemble et à en diffuser les résultats.
Cette façon de procéder est extrêmement utile, et c’est pourquoi le Cnesco ne va pas mourir ; n’employons pas de mots excessifs. Il n’y a pas de mort programmée du Cnesco, il y a au contraire une évolution académique, dont j’attends beaucoup, de cet organisme. Nous allons ainsi créer une chaire au Conservatoire national des arts et métiers, le CNAM, qui sera dotée de moyens importants. Cela permettra d’avoir une continuité avec ce que le Cnesco a fait et cela conduira, je l’espère, à un épanouissement de la recherche. Dans une logique académique, des cercles vertueux peuvent s’enclencher et les moyens croître ; ainsi, in fine, comme dans certaines universités étrangères, se développera une capacité d’analyse des pans entiers du système scolaire, de manière totalement indépendante puisqu’académique.
Il n’y a donc pas de mort ni de persécution du Cnesco, disais-je ; il s’agit d’une transmutation, d’une transformation, qui représente un potentiel très important pour que la France atteigne le niveau qui doit être le sien, c’est-à-dire l’excellence, en matière académique et d’évaluation des politiques publiques.
Ainsi, nous créons un véritable conseil d’évaluation, de manière fidèle, selon moi, à ce que visait la loi de 2013. Le rapporteur l’a dit, l’objectif est non pas seulement d’avoir une évaluation « macro » du système scolaire dans son ensemble, mais d’avoir une évaluation « micro » qui débouche sur une évaluation « macro ». Tel est le véritable enjeu. Autrement dit, il s’agit d’obtenir une évaluation de chaque école, de chaque collège, de chaque lycée de France, pour que, une fois agrégée, elle nous permette d’avoir une vision de notre pays.
Les systèmes scolaires du monde qui fonctionnent bien ont des mécanismes d’évaluation de ce type. Or on peut considérer que l’évaluation est la clef pour faire progresser un système, car elle donne des repères objectifs pour ce faire.
La philosophie du futur conseil supérieur de l’évaluation s’appuie sur l’autoévaluation, c’est-à-dire la responsabilisation des acteurs – ce point me paraît crucial – et sur un travail local d’équipe.
Voici, pour être très concret, quelle en est l’idée : un collège, par exemple, commence par s’autoévaluer. Cette autoévaluation débouche sur un constat de ses forces et de ses faiblesses, puis elle constitue le fondement de l’étude d’une équipe extérieure – il s’agit donc bien d’évaluation externe –, composée de membres des corps d’inspection et de personnalités autres, qui conduira un travail collectif d’évaluation. Ce travail d’équipe, tant dans l’autoévaluation que dans l’évaluation externe, me paraît déjà en soi un progrès très important.
Cette étude permettra ainsi d’obtenir un portrait de l’établissement, dans un sens très constructif, puisque l’objectif est que l’école élabore son projet éducatif, en se fondant sur l’identification de ses forces et de ses faiblesses. De cette manière, l’évaluation permettra de faire, tous les cinq ans, le point sur l’aboutissement du projet éducatif. Cela me semble très stimulant pour tout le monde, à commencer par les professeurs et le personnel de chaque établissement, au service des élèves et de leurs progrès.
Cette évaluation constituera en effet un levier de progrès pour l’ensemble des sujets dont nous avons discuté jusqu’à présent : les aspects pédagogiques, évidemment – le niveau scolaire des élèves –, mais aussi la vie scolaire – nous avons évoqué le harcèlement, la santé, notamment. Si chaque établissement établit un diagnostic de sa situation en matière de vie scolaire, cela changera des choses au quotidien.
Prenons l’exemple du harcèlement ; avoir, dans tout établissement de France, une évaluation régulière, commençant par une autoévaluation, de ce qui est fait en l’espèce est très différent d’avoir une étude d’un organisme extérieur décrivant ce qui se passe en matière de harcèlement en France. Je ne dis pas que la seconde étude n’est pas utile, mais la première est fondamentale, parce qu’elle a une incidence sur les acteurs ; et nous n’en disposons pas aujourd’hui.