Nous abordons l’une des dispositions les plus importantes du projet de loi : elle mérite donc la discussion que nous menons.
Au cours de mon discours liminaire, j’ai eu l’occasion de dire à quel point il s’agissait, à mes yeux, d’une avancée essentielle. J’ai également eu l’occasion d’indiquer qu’il s’agissait de l’une des mesures dont je suis le plus fier. Je l’affirme en présence du directeur général des ressources humaines du ministère, à qui j’adresse mes remerciements pour le travail accompli.
Il faut que vous sachiez, mesdames, messieurs les sénateurs, que le texte qui est soumis à votre examen est le fruit de travaux et de concertations, qui ont eu lieu tout au long de l’année 2018. Cela réfute l’idée souvent entendue selon laquelle cette réforme serait sortie tout droit du ministère sans discussion préalable. En l’occurrence, elle est le résultat d’un travail très collectif.
Dans quel esprit et à quelle fin a-t-on créé ce dispositif ?
S’agissant de l’esprit, j’assume tout à fait la référence à la très belle tradition républicaine dans laquelle s’inscrivaient les instituts de préparation aux enseignements de second degré, les IPES, par le passé. Nous savons que ces IPES avaient mille vertus pour le système scolaire, d’abord, d’un point de vue social, pour les personnes concernées, mais aussi pour le système lui-même, puisqu’ils contribuaient à encourager les vocations, en octroyant notamment une rémunération aux futurs professeurs.
Ce système a été abandonné il y a plusieurs décennies. D’une certaine manière, ce dispositif de préprofessionnalisation le fait revivre de façon renouvelée. Il permet en effet de proposer un salaire, dès la rentrée prochaine, à des étudiants en deuxième année de licence : la rémunération serait légèrement supérieure à 700 euros nets, monsieur le sénateur, cumulable avec une bourse, ce qui pour certains étudiants pourrait représenter entre 900 et 1 000 euros au total.
Je vous le dis très franchement : si j’étais un étudiant de première année en ce mois de mai 2019, je saisirais à pleine main cette opportunité me permettant, dès septembre prochain, de m’orienter vers le métier de professeur et de disposer d’une forme d’autonomie, puisque la rémunération proposée est quand même assez substantielle. En contrepartie, il sera demandé aux assistants d’éducation d’enseigner huit heures en établissement.
Dès le début de la formation, l’assistant d’éducation est accompagné d’un tuteur, ce qui signifie qu’il n’est pas livré à lui-même. Bien entendu, et je le redis solennellement dans cet hémicycle – vous avez eu raison d’insister, monsieur le rapporteur –, il ne s’agit pas de faire en sorte que des étudiants de L2 remplacent des professeurs. Certains nous ont en effet assez rapidement accusés de vouloir remplacer les enseignants par des étudiants, ce qui n’est pas exact. Il n’en a même jamais été question.
C’est une illustration de la façon dont le débat a été perturbé par toute une série de commentateurs, qui aiment bien brouiller les messages.
Nous sommes partis d’une idée très positive et parvenus à un dispositif quasi consensuel avec les organisations syndicales, avant que la mesure ne soit finalement dénoncée comme précaire : j’ai parfois lu que l’on comptait allouer 250 euros aux assistants d’éducation. Or, là encore, il n’en a jamais été question. Vous le voyez, on alimente les controverses avec des idées fausses. Il s’agit en réalité d’un immense progrès social que l’on a essayé de dépeindre comme une régression.
Cette réforme a de grandes vertus sociales : d’abord, elle vise l’élargissement sociologique du vivier de nos futurs professeurs, alors que nous savons tous que la mastérisation a eu comme effet pervers de restreindre cet éventail sociologique. Il s’agit d’un point très important.
Ensuite, elle a pour objectif de créer un véritable vivier pour le système scolaire, parce que nous orienterons ce système de préprofessionnalisation vers les secteurs dans lesquels nous en avons le plus besoin.
S’agissant du premier degré, nous développerons une approche assez géographique, car nous savons que les académies de la région parisienne ou des Hauts-de-France sont celles qui ont le plus besoin d’une telle mesure volontariste.
Pour le second degré, le dispositif ciblera notamment les disciplines en souffrance. Nous savons, par exemple, que les mathématiques, les sciences, certaines langues vivantes nécessitent des recrutements.
Comme vous le voyez, je crois beaucoup à cette disposition. Elle est, à mes yeux, essentielle : elle permettra à certains étudiants de se diriger progressivement vers une carrière d’enseignant et de prendre graduellement des responsabilités. Les étudiants qui exerceront devant une classe le feront à partir de M1 ; ils seront accompagnés de leurs tuteurs qui les superviseront. Cette mesure vise non pas à développer une réserve d’enseignants remplaçants, mais à responsabiliser progressivement de futurs professeurs.
Pour résumer, j’avancerai trois arguments.
Premièrement, de nombreux professeurs encore en poste étaient de niveau licence lorsqu’ils ont réussi leur concours. Le fait qu’un étudiant en M1 enseigne à une classe n’est donc pas indigne.
Deuxièmement, l’étudiant bénéficie de la supervision d’un tuteur.
Troisièmement, un dispositif similaire existe déjà dans les faits, mais à échelle réduite : c’est le système de l’apprentissage, qui est devenu intéressant après la loi de 2013, mais qui n’a pas pu pleinement se développer faute de candidats. À l’inverse, notre dispositif, nous le savons, rencontre déjà un certain intérêt auprès des universités.
Cette réalité, c’est-à-dire le fait que des étudiants actuellement en apprentissage en première année de master MEEF exercent devant une classe, n’a jamais choqué personne et est très favorable à ces étudiants qui, par ailleurs, réussissent à 90 % les concours, …