Intervention de Colette Mélot

Réunion du 16 mai 2019 à 10h30
Entrée en fonction des représentants au parlement européen élus en france en 2019 — Discussion générale

Photo de Colette MélotColette Mélot :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, « les institutions peuvent, si elles sont bien construites, accumuler et transmettre la sagesse des générations successives » : tels étaient les propos de Jean Monnet.

Au moment où la campagne européenne est lancée et les candidats connus, il est important de rappeler les apports considérables, mais aussi les limites, d’une institution trop méconnue et politiquement sous-estimée.

En effet, le Parlement européen, élu au suffrage universel direct depuis quarante ans, n’a cessé, au fil des années, de s’affirmer et de prendre du poids face aux autres institutions et particulièrement face aux États membres.

Il est devenu le lieu d’expression démocratique de l’Union européenne et ses pouvoirs se sont renforcés progressivement : il est maintenant colégislateur dans quatre-vingt-cinq domaines de compétence allant du marché intérieur à l’environnement, en passant par l’énergie, les transports ou la politique agricole.

Le Parlement européen est plus puissant que beaucoup de parlements nationaux et est indépendant de l’exécutif. Il dispose également d’un pouvoir budgétaire non négligeable, même s’il demeure sans compétence sur les recettes.

C’est aussi lui, une fois installé, qui investit la Commission européenne et qui auditionne les commissaires européens avant leur prise de fonction officielle. Cela serait inimaginable en France.

Entre 2014 et 2018, plus de 2 100 textes ont été adoptés, dont 708 textes législatifs. Et même si la quantité n’est pas gage de qualité, cela démontre indéniablement le dynamisme et le rôle prépondérant du Parlement européen.

Il est souvent précurseur pour faire avancer des dossiers importants comme le paquet climat-énergie, les droits d’auteur ou le règlement général sur la protection des données, avec des positions beaucoup plus ambitieuses que les États. C’est aussi une assemblée qui protège les citoyens, comme ce fut le cas lors de la révision de la directive sur les travailleurs détachés ou sur la mise en place d’instruments de défense commerciale pour faire face aux distorsions de concurrence.

Pourtant, et on peut le regretter, trop peu de nos concitoyens ont conscience du poids croissant du Parlement européen et trop peu s’intéressent au choix des députés européens, alors même qu’ils doivent traiter d’enjeux fondamentaux.

Le taux très élevé d’abstention en Europe et en France – environ 60 % –, notamment chez les plus jeunes – trois sur quatre –, doit nous interroger.

Il y a pourtant du choix pour les 41 millions d’électeurs français qui sont appelés aux urnes le 26 mai prochain avec 34 listes de 79 candidats officiellement enregistrées.

Pourquoi ce Parlement européen reste-t-il si méconnu, quand il n’est pas parfois considéré comme illégitime ? Faut-il y voir une défiance des citoyens européens ? Le système électoral appliqué est-il pertinent ?

Les causes sont multiples et interdépendantes : crise générale de la démocratie représentative, pouvoirs proprement politiques de l’Union insuffisants, image lointaine, complexe et technocrate de l’Europe collant à la peau du Parlement, manque de relais locaux et nationaux, absence de pouvoir d’initiative parlementaire…

Et finalement, alors que les chefs d’État et de gouvernement se sont réunis la semaine dernière, à Sibiu, pour parler, sans le Royaume-Uni, de l’avenir de l’Europe et des grandes priorités européennes pour les années à venir, l’ombre du Brexit continue de planer sur les élections européennes et sur l’Europe.

Avec le report du Brexit, de grandes incertitudes sur leur rôle et sur la durée de leur présence vont peser sur les députés européens britanniques qui seront élus.

Selon un récent sondage, le parti de l’eurosceptique Nigel Farage est crédité de 34 % des intentions de vote, loin devant le parti travailliste, en deuxième position avec 21 %, soit une majorité d’eurosceptiques qui pourraient être tentés de perturber le travail et le bon fonctionnement du Parlement européen.

Ce report du Brexit emporte également des conséquences directes sur les treize États membres qui se voyaient attribuer des représentants supplémentaires, mais qui vont devoir patienter et prévoir des règles transitoires.

La France, qui devait gagner cinq sièges supplémentaires, compte tenu de son évolution démographique, passant ainsi de 74 à 79 représentants, a dû préparer ce projet de loi pour sécuriser et clarifier leur statut en précisant la méthode et le mode de leur désignation.

Ce report compromet le renforcement de sa présence dans l’hémicycle européen et la prise en compte de l’évolution démographique de notre pays. On ne peut que le regretter. L’influence française s’en trouvera sûrement affaiblie, même si elle dépend aussi beaucoup de la présence de nos futurs eurodéputés français et de leur implication dans les différentes instances du Parlement européen. Espérons qu’ils auront à cœur de s’impliquer pour faire entendre la voix de la France.

La complexité du fonctionnement des institutions européennes, la longueur et la difficulté d’approche des traités institutionnels, ainsi que la sous-médiatisation des enjeux communautaires, rendent difficile la démocratie européenne, même si nous ne devons pas oublier que l’Union européenne est garante de la paix en Europe depuis plus soixante ans.

Ce déficit démocratique est un problème. Une réflexion de fond s’impose aux citoyens européens et à nos dirigeants actuels et futurs.

Le Parlement européen doit être une institution dynamique et un pilier de cette démocratie européenne. Les modalités d’élection des députés européens, qui ont évolué au fil des campagnes électorales, doivent être aussi une piste d’action à l’avenir pour renforcer la légitimité de l’Union européenne.

Le groupe Les Indépendants soutient ce projet de loi.

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