Séance en hémicycle du 16 mai 2019 à 10h30

Résumé de la séance

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La séance

Source

La séance est ouverte à dix heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’entrée en fonction des représentants au Parlement européen élus en France aux élections de 2019 (projet n° 493, texte de la commission n° 499, rapport n° 498).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le 26 mai prochain, les Français se rendront aux urnes pour élire leurs députés européens. Cette élection, nous en avons déterminé les règles l’année dernière, lors de l’examen de la loi relative à l’élection des représentants au Parlement européen : une circonscription unique et une répartition proportionnelle des sièges français entre les listes ayant obtenu plus de 5 % des suffrages exprimés.

Ces principes, il n’est pas question de revenir dessus ; si nous nous retrouvons aujourd’hui, ce n’est pas vraiment de notre fait, c’est parce que, depuis l’examen de ce texte, le contexte géopolitique a changé. En effet, à la suite de la décision du Royaume-Uni d’enclencher la procédure prévue à l’article 50 du traité sur l’Union européenne et de quitter l’Union européenne, le Brexit était initialement prévu pour le 29 mars dernier, c’est-à-dire deux mois avant les élections européennes.

En conséquence, une partie des sièges britanniques au Parlement européen – vingt-sept des soixante-treize sièges, pour être précis – avait été répartie entre les différents États membres, et la France avait obtenu cinq sièges supplémentaires, passant ainsi de soixante-quatorze à soixante-dix-neuf élus au Parlement européen.

Néanmoins, vous le savez, les choses ne se sont pas passées, du côté britannique, comme prévu et les difficultés politiques internes de nos voisins ont poussé le Conseil européen à accorder un premier délai, puis un second courant jusqu’au 31 octobre 2019, pour permettre au Royaume-Uni de se mettre d’accord avec lui-même… La conséquence de ce délai, vous la connaissez : le jeudi 23 mai, les Britanniques voteront pour élire leurs soixante-treize députés européens, et la nouvelle répartition des sièges au Parlement européen ne pourra pas être immédiatement effective.

Il nous fallait donc nous adapter, et le faire vite, pour permettre au scrutin qui aura lieu le 26 mai en France de se dérouler sans aucun risque, et dans les meilleures conditions possible. C’est précisément l’objet de ce texte, adopté lundi à l’Assemblée nationale et examiné hier par votre commission.

L’idée est simple ; il s’agit, dans un premier temps, d’attribuer les soixante-quatorze sièges français puis, dans un second temps, une fois le Brexit survenu, d’attribuer les cinq sièges supplémentaires, dans les mêmes conditions que les soixante-quatorze premiers.

Vous comprenez tous, naturellement, la nécessité de l’examen, de l’adoption et de la promulgation de ce texte avant le scrutin du 26 mai en France ; c’est impératif pour assurer que ce scrutin puisse se dérouler sans aucun problème. Je sais que le Sénat a parfaitement pris conscience de la nécessité de traiter ce texte en responsabilité, et je veux sincèrement l’en remercier. Je souhaite également remercier le rapporteur Alain Richard du travail qu’il a réalisé sur ce texte, qui a rendu possible une coconstruction législative avec l’Assemblée nationale, que je salue.

Enfin, je souhaite revenir sur un amendement du groupe du RDSE, qui a été déclaré irrecevable en commission, car il n’a pas trait au texte proprement dit, mais qui s’appuie sur des préoccupations que certains élus ont pu relayer, y compris auprès du ministre de l’intérieur. Il s’agissait d’un amendement d’appel relatif aux panneaux électoraux disponibles dans certaines communes, alors que le nombre de listes qui concourent au scrutin du 26 mai est très important – on en compte trente-quatre.

Il s’agit d’une préoccupation légitime, que je comprends et à laquelle je souhaite répondre dès maintenant. L’installation de trente-quatre panneaux peut effectivement provoquer des difficultés, notamment dans les petites communes. Cette élection ne doit évidemment pas engendrer de lourdeurs ni de frais supplémentaires pour les communes, mais le droit électoral doit néanmoins être respecté. Or je souhaitais indiquer que les panneaux électoraux sont justement conçus pour permettre de placer deux affiches côte à côte, et qu’il est donc d’ores et déjà possible et légal, si c’est nécessaire, de diviser par deux le nombre de panneaux électoraux devant les bureaux de vote.

Vous le voyez, tout doit être mis en œuvre pour que les élections européennes se passent au mieux. Il est donc nécessaire de répondre à cette préoccupation des maires, tout comme il est nécessaire et urgent de tirer les conséquences des changements liés au Brexit. Tel est l’objet précis du texte que nous allons examiner maintenant.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le report de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne a été décidé le 10 avril dernier, sur la demande des autorités britanniques, par le Conseil européen, qui réunit les chefs d’État et de Gouvernement.

Cette même décision tire les conséquences de ce report pour la vie des institutions européennes ; en effet, en 2019, une grande partie de ces institutions sera renouvelée. L’annexe de cette décision indique bien que l’on revient à la répartition des sièges issue d’une décision du Conseil européen de 2013 prise en vue des élections européennes de 2014. Ainsi, la mise en œuvre de la redistribution des sièges à laquelle le Conseil européen a procédé l’année dernière doit être différée ; cela fait partie des effets en chaîne du maintien temporaire du Royaume-Uni dans les institutions.

La répartition des sièges fondée sur la décision de juin 2018, qui tirait les conséquences de la sortie du Royaume-Uni – il s’agit d’une obligation que la France doit transcrire dans sa législation –, s’appliquera donc : ces cinq sièges, que nous appelons « supplémentaires », écherront à la représentation des électeurs français lorsque le Royaume-Uni sera sorti des institutions européennes. Ces sièges se différencient ainsi légèrement des soixante-quatorze sièges dont nous allons élire les titulaires, le dimanche 26 mai.

La loi d’adaptation doit être promulguée avant cette date, afin de garantir tant la sincérité du scrutin et la clarté de l’information à destination des électeurs que la sécurité juridique de l’attribution des sièges.

Le Sénat se le rappelle, par la loi du 25 juin 2018 relative à l’élection des représentants au Parlement européen, nous avons actualisé le mode le scrutin de cette élection, en appliquant le système de la représentation proportionnelle entre les listes de candidats, à l’échelle nationale. Il est donc évident dans l’esprit de tous, y compris de ceux de nos collègues qui n’ont pas approuvé cette modification du mode de scrutin, que ce n’est pas à l’occasion de la répartition des cinq sièges supplémentaires en jeu que l’on changera ce mode de scrutin.

Par conséquent, le présent projet de loi dispose, avec beaucoup de simplicité et de rigueur, que l’on appliquera entre les listes ayant obtenu 5 % des voix le mode de scrutin à la représentation proportionnelle, avec répartition à la plus forte moyenne, pour soixante-quatorze sièges, avec effet immédiat le soir du 26 mai prochain. Il précise ensuite que la commission nationale de recensement des votes désignera également les futurs titulaires des cinq sièges supplémentaires, sur le fondement des mêmes listes et des mêmes nombres de suffrages, mais avec soixante-dix-neuf sièges. L’entrée en fonction de ces élus « en attente » sera subordonnée à l’entrée en vigueur effective du retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne.

Toutefois, je me permets d’exprimer un léger regret à cet égard ; nous n’avons pas été suffisamment précis lors de la concertation que le Gouvernement, la rapporteure du texte à l’Assemblée nationale et moi-même avons eue il y a quelques jours. En effet, cette sortie se traduira sans doute, en réalité, par une série de dates d’effet – du point de vue financier, commercial ou encore pour l’application des traités.

Aussi, il faut que cela ressorte clairement de nos travaux préparatoires, la date d’effet de l’entrée en fonction de ces cinq représentants supplémentaires – cela est d’ailleurs également vrai pour nos voisins et amis attributaires de sièges supplémentaires – doit être la date de la sortie des représentants du Royaume-Uni des institutions de l’Union, c’est-à-dire le jour où le Royaume-Uni cessera juridiquement d’être membre de l’Union européenne, où il ne sera plus lié par les traités qui régissent celle-ci et où ses représentants quitteront la Cour de justice de l’Union européenne, la Commission européenne, le Conseil européen, le Conseil des ministres et le Parlement européen. Telle est, me semble-t-il, la date qui doit faire référence.

À la suite de l’Assemblée nationale, et dans le cadre de la concertation préalable que j’évoquais, la commission des lois a travaillé, en plein accord politique – il y a peu de débats en la matière –, sur la conséquence de cette décision européenne. Nous ne voyions pas de divergence, mais nous souhaitions que la rédaction du texte soit la plus claire possible.

Le travail de l’Assemblée nationale s’est achevé dans de bons délais – M. le secrétaire d’État l’a rappelé –, dès lundi dernier. Grâce à notre concertation préalable, nous avons pu rédiger un rapport présentant l’intégralité des sujets en jeu aux sénateurs. La commission n’a pas vu de source de désaccord avec l’Assemblée nationale sur le texte transmis ; elle n’a pas identifié de motif de modification de ce mécanisme simple, robuste et nécessaire.

C’est pourquoi elle vous propose d’adopter conforme ce projet de loi, tel qu’il nous a été transmis de l’Assemblée nationale.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Je suis saisie, par M. Masson, d’une motion n° 16.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 2 du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’entrée en fonction des représentants au Parlement européen élus en France aux élections de 2019 (499, 2018-2019).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

L’article 14 du traité sur l’Union européenne, dit « traité de Lisbonne », définit le cadre de la répartition des sièges de députés européens entre les États membres : « Le Parlement européen est composé de représentants des citoyens de l’Union. Leur nombre ne dépasse pas sept cent cinquante, plus le président. La représentation des citoyens est assurée de façon dégressivement proportionnelle, avec un seuil minimum de six membres par État membre. Aucun État membre ne se voit attribuer plus de quatre-vingt-seize sièges.

« Le Conseil européen adopte à l’unanimité, sur initiative du Parlement européen et avec son approbation, une décision fixant la composition du Parlement européen, dans le respect des principes visés au premier alinéa. »

En application de cet article 14, une décision du Conseil européen du 28 juin 2013 a fixé le nombre des représentants au Parlement européen élus dans chaque État membre pour la législature 2014-2019. Toutefois, cette décision viole de manière flagrante le principe de proportionnalité dégressive prévu par cet article, ce qui pénalise la France et, dans une moindre mesure, plusieurs autres pays.

L’article 1er de cette décision rappelle pourtant les deux principes appliqués. Il rappelle d’une part le principe du nombre minimal – six – et du nombre maximal – quatre-vingt-seize – de sièges de chaque pays, sur un total d’au plus sept cent cinquante et un, dans l’Union à vingt-huit membres : « La répartition des sièges au Parlement européen utilise pleinement les nombres minimaux et maximaux fixés par le traité sur l’Union européenne afin de refléter aussi étroitement que possible les tailles des populations respectives des États membres. »

Il rappelle, d’autre part, le principe de la proportionnalité dégressive : « Le rapport entre la population et le nombre de sièges de chaque État membre avant l’arrondi à des nombres entiers varie en fonction de leurs populations respectives, de telle sorte que chaque député au Parlement européen d’un État membre plus peuplé représente davantage de citoyens que chaque député d’un État membre moins peuplé et, à l’inverse, que plus un État membre est peuplé, plus il a droit à un nombre de sièges élevé. »

Or, après avoir rappelé ces principes, le Conseil européen a fait exactement le contraire : le tableau de la répartition des sièges est en totale contradiction avec les principes sus-évoqués, affirmés par le Conseil européen lui-même. En effet, en application de la proportionnalité dégressive, la France, qui est moins peuplée que l’Allemagne, devait également avoir un ratio moins élevé d’habitants par siège. C’est pourtant le contraire qui a été décidé, puisque ce ratio était de 852 539 habitants pour l’Allemagne et de 883 756 habitants pour la France.

Lors de la préparation des élections de 2019, le Parlement européen a transmis au Conseil européen ses propositions de nouvelle répartition des sièges. À cette occasion, le Parlement a reconnu que « la répartition actuelle des sièges ne respecte pas le principe de proportionnalité dégressive à plusieurs égards et qu’elle doit donc être modifiée en vue de la composition du Parlement européen après les prochaines élections européennes, en 2019 ». La résolution du Parlement européen adoptée le 7 février 2018 souligne aussi que la décision du Royaume-Uni, pays qui compte soixante-treize représentants, de se retirer de l’Union européenne juste avant les élections de 2019 est l’occasion de remédier aux distorsions constatées.

Finalement, par une décision du 28 juin 2018, le Conseil européen a fixé la nouvelle répartition des sièges. Cette décision réduit de sept cent cinquante et un à sept cent cinq le nombre de sièges, en supprimant quarante-six des soixante-treize sièges britanniques, les vingt-sept autres sièges étant répartis entre quatorze pays de l’Union européenne pour compenser leur sous-représentation.

En particulier, la France obtient cinq sièges supplémentaires, ce qui permet de respecter l’article 14 du traité de Lisbonne, puisque, dorénavant, le ratio d’habitants par siège serait, en tenant compte des chiffres actualisés de population, de 854 838 pour l’Allemagne et de 843 818 pour la France.

Toutefois, ce correctif était fragile, puisque la décision du Conseil prévoyait aussi le cas où le Royaume-Uni serait encore membre de l’Union européenne au moment des élections de 2019. Dans cette hypothèse, la répartition des sièges entre les États devait rester la même que celle qui a été utilisée lors des élections de 2014.

Dans la mesure où la décision du Conseil européen du 28 juin 2018 devait être adoptée à l’unanimité des pays membres, il est donc clair que le gouvernement français a sciemment accepté une autre option, par laquelle, en cas de retard ou d’abandon du Brexit, en violation du traité de Lisbonne, notre pays n’obtiendrait pas le nombre de sièges qu’il devrait avoir au sein du Parlement européen.

Lors de la séance du 17 octobre 2018, j’avais interrogé Mme Loiseau, à l’époque ministre chargée des affaires européennes, sur cette question : « Pire encore, en totale violation du traité de Lisbonne, la France a un ratio d’habitants par siège plus défavorable que l’Allemagne. Si ceux qui essaient de torpiller le Brexit parvenaient à leurs fins, cette injustice subsisterait. En effet, lors du Conseil européen du [28] juin 2018, la France a accepté que, en cas d’abandon du Brexit, la répartition actuelle des sièges soit maintenue à notre détriment, et ce en violation du traité de Lisbonne. »

La ministre m’a répondu en m’accusant de diffuser des informations inexactes : « Nous avons obtenu, contrairement aux informations qui vous ont été communiquées et qui sont inexactes, de rattraper ce qu’un mandat précédent n’avait pas su défendre, c’est-à-dire le nombre de députés européens auquel la France a droit. »

Vous le savez, j’ai de la suite dans les idées ; j’ai alors posé la question écrite suivante à Mme Loiseau : le « Conseil européen a décidé que si le Brexit ne se concrétisait pas, la répartition des sièges entre les États resterait inchangée par rapport à la législature précédente. Dans cette hypothèse, la France continuerait à être victime d’une violation flagrante du traité de Lisbonne. La Constitution prévoyant que les traités internationaux doivent être respectés, » je lui demandais « s’il serait alors encore légal d’organiser en France des élections européennes sur cette base. »

Cette fois – mieux vaut tard que jamais –, Mme Loiseau a fini par admettre que, en cas de retard ou d’annulation du Brexit, il y avait un problème, mais elle s’est justifiée par une nouvelle contre-vérité, pour être poli. Selon elle : « En tout état de cause, si le Royaume-Uni renonçait à sa demande de retrait, la décision du Conseil européen du 28 juin 2018 deviendrait caduque » – c’est totalement faux –, « obligeant ainsi ledit Conseil européen à adopter une nouvelle décision ayant pour objet de fixer la composition du Parlement européen pour la prochaine législature. »

C’est faux, je le disais, et, lors de la séance du Sénat du 14 février 2019, j’ai donc de nouveau effectué un recadrage en indiquant : « la décision [du Conseil européen] du 28 juin 2018 a prévu que, si le Royaume-Uni était toujours membre de l’Union européenne au moment des élections, l’ancienne répartition des sièges continuerait à s’appliquer jusqu’au départ effectif du Royaume-Uni. Dans ces conditions, si le Royaume-Uni partait dans six mois, dans un an ou dans dix ans, » voire ne partait pas, « on serait dans une situation évidente de violation du traité de Lisbonne ».

Je continuais en m’adressant ainsi à la ministre : « Madame le ministre, je vous ai interrogée sur cette problématique par une question écrite n° 7142 au mois de novembre 2018. Vous m’avez répondu : “si le Royaume-Uni renonçait à sa demande de retrait, la décision du Conseil du 28 juin 2018 deviendrait caduque”. Madame le ministre, c’est de l’enfumage total et un mensonge à un double titre. […] Tout d’abord, rien n’indique dans la décision du Conseil du 28 juin 2018 que celle-ci deviendrait caduque en cas d’abandon du Brexit. Par ailleurs, les négociations avec le Royaume-Uni peuvent s’éterniser et durer pendant un an, deux ans ou plus : pendant toute cette période, nous continuerions à être dans une situation de violation du traité de Lisbonne. »

Eh bien, mes chers collègues, comme je le pressentais depuis plusieurs mois, nous sommes bel et bien dans une situation de violation du traité de Lisbonne, et nul ne sait si le Brexit aura lieu.

Le 26 janvier 2018, la commission des affaires constitutionnelles du Parlement européen a adopté un rapport sur la répartition des sièges entre les États membres. En annexe, ce rapport comporte, pour chaque pays, les ratios officiels, pour l’Union européenne, d’habitants par siège dans les deux hypothèses – avec ou sans Brexit. On constate donc que, en l’absence de Brexit ou en attendant que celui-ci se produise, l’Allemagne, pays le plus peuplé, a maintenant un ratio de 854 838 habitants par siège alors que ce ratio est, pour la France, compte tenu de l’évolution démographique, de 900 833 habitants par siège et, pour le Royaume-Uni, accessoirement, de 895 085.

La violation du principe de représentation proportionnelle dégressive est ainsi flagrante, au détriment de la France et, dans une moindre mesure, du Royaume-Uni.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Étant le pays le plus peuplé, l’Allemagne aurait dû avoir un ratio d’habitants par siège supérieur à celui de la France ; ce n’est pas le cas, ce qui constitue une violation flagrante du traité de Lisbonne.

Comme chacun le sait, la Constitution donne la priorité aux traités internationaux en vigueur sur les lois nationales. Dans la mesure où le projet de loi que nous examinons entérine la violation de l’article 14 du traité de Lisbonne, il n’est manifestement pas conforme à la Constitution ; aucun parlementaire honnête ne peut le nier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

C’est pourquoi je vous propose d’adopter la présente motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Y a-t-il un orateur contre la motion ?…

Quel est l’avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

La commission ayant adopté le projet de loi, elle est très clairement défavorable à cette motion.

Les chiffres que cite M. Masson sont conformes à la réalité, et il est vrai que l’on en revient à une répartition des sièges qui résulte d’une décision antérieure. Rappelons que cette décision est soumise à une double condition : l’unanimité des représentants des vingt-huit États membres et l’existence d’une majorité au sein du Parlement européen ; une telle décision ne se modifie donc pas si simplement.

Il ne s’agit là que d’une question d’application du droit dans le temps. De manière provisoire, la nouvelle répartition, qui satisfait pleinement aux exigences du traité, ne pourra s’appliquer ; elle n’entrera en vigueur que dans quelques mois, lors de la sortie effective du Royaume-Uni de l’Union européenne. En attendant, nous vivrons sous le régime d’une décision antérieure du Conseil européen, qui ne tient pas complètement compte des chiffres actuels de population ; c’est une situation provisoire, ce qui est parfaitement admissible en droit.

Cela ne me paraît donc pas constituer une violation du traité justifiant que le Sénat interrompe sa discussion.

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez

Le Gouvernement a émis un avis défavorable sur cette motion, madame la présidente.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.

Exclamations.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Non seulement le texte que nous examinons n’est pas conforme au traité de Lisbonne, même si c’est pour une période limitée, mais, en outre, le fait de dire qu’on est, depuis 2014, dans une situation de violation du traité et qu’on y reste n’est quand même pas une justification. On était déjà dans une telle situation auparavant et, je le répète, on y reste ; même si l’on y reste provisoirement, cela constitue quand même une violation du traité de Lisbonne.

Je considère donc que cela n’est pas conforme à la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Je mets aux voix la motion n° 16, tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

La motion n ’ est pas adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Je suis saisie, par M. Masson, d’une motion n° 18.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’entrée en fonction de représentants au Parlement européen élus en France aux élections de 2019 (499, 2018-2019).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la motion. Je vous prie de respecter le temps de parole qui vous est imparti, mon cher collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

J’ai essayé de soulever, en commission, le problème du financement, notamment bancaire, des campagnes électorales dans le cadre des élections européennes. Mon intervention n’a pas été bien reçue, mais je veux quand même profiter de l’examen de ce texte relatif aux élections européennes pour évoquer la problématique du financement, par les banques, des campagnes électorales.

Par le passé, le financement des campagnes électorales était pour le moins opaque. Aux alentours de 1990, plusieurs affaires judiciaires ont été à l’origine d’une réglementation qui a plafonné les dépenses électorales, puis qui a, surtout, interdit les dons de personnes morales. En contrepartie, l’État a pris en charge les dépenses engagées par les candidats jusqu’à la moitié du plafond autorisé.

Pour les élections où le plafond de dépenses est élevé – élections présidentielle, européennes ou régionales –, le système atteint toutefois ses limites, car les candidats doivent avancer des sommes considérables, et ils ne sont remboursés que plus de six mois après l’élection en question. De ce fait, ils sont obligés de souscrire des emprunts auprès des banques.

Or on constate que, selon leurs affinités politiques, les banques pratiquent une discrimination entre les candidats. En général, elles accueillent avec beaucoup de bienveillance les demandes d’emprunt formulées par les partis dits « bien-pensants » ; au contraire, les partis qui contestent le système dominant sont, eux, victimes d’un ostracisme systématique. Lors de l’élection présidentielle de 2017, le Front national avait ainsi été obligé de souscrire un prêt auprès d’une banque étrangère, car les banques françaises lui refusaient tout financement.

En matière électorale, l’argent est le nerf de la guerre et un parti qui est privé de moyens financiers pour faire campagne, subit un handicap rédhibitoire.

Si une banque accorde un prêt à un candidat et le refuse à d’autres, le bénéficiaire profite, à l’évidence, d’un avantage en nature par rapport à ses concurrents. Or un tel avantage accordé par une personne morale est interdit.

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, la CNCCFP, est très vigilante dans certains domaines. Par exemple, lorsqu’un candidat bénéficie gratuitement d’une salle municipale pour tenir une réunion, la CNCCFP exige la preuve que les autres candidats sont traités sur un pied d’égalité ; à défaut, elle pénalise le compte de campagne du bénéficiaire de la salle.

Or une location de salle correspond à un avantage insignifiant par rapport à un prêt bancaire, lequel peut s’élever à plusieurs millions d’euros pour une élection nationale. Il est donc vraiment regrettable que la CNCCFP, le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État n’aient pour l’instant pas réagi à l’encontre des discriminations pratiquées par les banques.

Le problème est incontestable et il faut rendre hommage à François Bayrou, l’éphémère garde des sceaux du premier gouvernement d’Édouard Philippe, d’avoir évoqué le problème en proposant la création d’une banque de la démocratie.

Malheureusement, les partis politiques dominants sont également ceux qui profitent du système, car leurs réseaux d’influence leur permettent d’obtenir des prêts sans grande difficulté.

Ainsi avantagés par rapport aux autres partis politiques, ils ne souhaitent pas que cela change. Lors du débat parlementaire, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, les grands partis se sont entendus pour torpiller l’idée d’une banque de la démocratie. À la place, ils ont créé un ectoplasme, à savoir le médiateur du crédit.

En effet, non seulement ce dernier a une efficacité totalement nulle, mais il nie l’existence de tout problème et justifie les discriminations pratiquées par les banques.

Lors des élections européennes de 2019, certains candidats ont été de nouveau confrontés aux mêmes difficultés que lors de la présidentielle de 2017. En l’espèce, le remboursement forfaitaire maximal de l’État est de 4, 37 millions d’euros pour les listes atteignant le seuil requis de 3 % des suffrages exprimés. Les listes ayant, selon des sondages constants, la quasi-certitude de dépasser ce seuil auraient donc dû pouvoir emprunter sans problème auprès des banques.

Pourtant, dès le début de la campagne, la presse a évoqué l’impossibilité pour certains partis politiques de souscrire des emprunts auprès des banques. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les exemples les plus cités sont ceux de partis qui contestent la pensée dominante : l’un à l’extrême droite, le Rassemblement national, ou RN, l’autre à l’extrême gauche, La France insoumise, ou LFI.

Cela est d’autant plus inacceptable que tous les sondages donnent la liste du Rassemblement national en première ou en deuxième position, avec plus de 20 % des suffrages. Ils donnent également la liste LFI aux environs de 9 %, soit trois fois plus que le seuil requis pour le remboursement.

À très juste titre, un représentant de la liste du Rassemblement national a fait le triste constat, dans Le Figaro du 6 février dernier, qu’il revient « désormais aux banques de dire qui a le droit de se présenter ou non. ». De son côté, dans le même journal, un membre de la liste LFI indique : « Ce n’est pas aux banques de décider quelles sont les bonnes idées et quelles sont les mauvaises. C’est au peuple français de se prononcer. »

Dès février 2019, il était évident que le médiateur du crédit, qui venait d’être mis en place, ne servait à rien. Pire encore, les discriminations bancaires lui semblaient acceptables. Ainsi, toujours dans Le Figaro du 6 février 2019, au sujet de la liste du Rassemblement national, il indiquait : « Il y a un certain nombre de critères à respecter. Celui de la solvabilité ne pose pas problème pour le Rassemblement national. Celui de la conformité, de la réputation et de l’image, c’est une autre chose. »

Ce pseudo-médiateur du crédit trouve donc normal qu’une banque défavorise un candidat en fonction de sa réputation au sein des pseudo-élites du microcosme politique. À mon avis, c’est scandaleux.

Dans un article du 6 avril 2019, le journal Le Monde a relancé le débat sous le titre « Européennes : les partis peinent à financer leur campagne ». À lui seul, cet article prouve que les banques ont choisi leur camp, et ce d’autant plus que le directeur d’une grande banque française s’englue dans de fausses explications : « C’est une mauvaise querelle qui nous est faite. Des partis sans financement public parce qu’ils n’ont pas de parlementaires, avec peu de ressources et peu de garanties de franchir le seuil des 3 %, se posent en victimes. Mais les banques ne peuvent pas financer une activité à fonds perdu dès le départ. Ce serait quasiment du don. »

C’est vrai, mais ce n’est pas du tout ce qui est pratiqué. À l’évidence, ce directeur aurait mieux fait de se taire, puisque le Rassemblement national remplit toutes les conditions énoncées : il bénéficie d’un financement public, il a des parlementaires et tous les sondages indiquent qu’il va pulvériser le seuil de 3 %. C’est bien la preuve du double langage du système bancaire.

Dans le même article, le médiateur du crédit réagit, une nouvelle fois, en totale contradiction avec sa mission. En effet, à l’égard des candidats victimes des banques, il propose une solution pour le moins surprenante : « Il n’est pas anormal de faire appel aux militants pour financer une campagne, les partis sont aussi faits pour ça. » Ainsi, selon lui, i1 y aurait deux catégories de candidats : d’une part, ceux qui ont le soutien des banques et qui, avec leur aide, peuvent financer sans problème leur campagne ; d’autre part, les victimes des banques qui n’ont qu’à se débrouiller, soit en faisant appel aux militants afin de rassembler les 4, 37 millions d’euros correspondant au futur remboursement par l’État, soit en faisant campagne avec un handicap considérable par rapport à ceux qui sont aidés par les banques.

Lors de la réunion de la commission des lois du 10 avril 2019, j’ai fait part de ma profonde indignation à l’égard du fonctionnement des banques. On ne peut refuser un prêt à des candidats, dont les sondages montrent qu’ils obtiennent largement plus de 10 % des intentions de vote, au seul motif que l’on craigne qu’ils n’atteignent pas le seuil de 3 %. Ce sont véritablement de faux arguments. Nous ne sommes plus en situation d’égalité des chances. Comme je l’ai souligné alors : « Si ce n’est pas de l’ostracisme, je ne vois pas ce que cela peut être. Il y a clairement du favoritisme au profit de certains et au détriment d’autres. En toute honnêteté, je ne suis pas sur la liste du Rassemblement national, mais je ne trouve pas normal qu’il y ait de telles discriminations. » C’est manifestement un avantage en nature au profit des partis qui bénéficient sans problème de prêts des banques.

Il est donc absolument indispensable de garantir l’égalité de traitement entre candidats en créant une obligation pour les organismes bancaires d’accorder les mêmes conditions à tous les candidats. À défaut, il faut que le candidat ayant bénéficié des conditions les plus favorables soit réputé avoir reçu un avantage en nature de la part d’une personne morale. Le candidat et l’organisme bancaire seraient alors passibles des sanctions prévues pour la violation de l’article L. 52-8 du code électoral.

Je regrette vivement qu’il n’ait pas été possible, lors des travaux en commission ou même en séance, de traiter correctement ce problème. Il s’agit d’une réelle discrimination. On ne peut, comme le laisse entendre un directeur de banque, favoriser un parti au détriment d’un autre dont les idées ne nous conviennent pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Y a-t-il un orateur contre la motion ?…

Quel est l’avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Le seul avis que je puisse donner porte sur la méthode.

M. Masson nous demande d’adopter une question préalable, c’est-à-dire de nous opposer à la mise en débat de ce projet de loi, à dix jours des élections européennes.

Cela me semble d’autant plus malaisé en termes de méthode que la commission des lois, au sein de laquelle M. Masson s’illustre singulièrement, recevra, trois jours après les élections, c’est-à-dire le 29 mai prochain, le médiateur du crédit pour établir un bilan global du fonctionnement de ce système d’accès au crédit.

Si cela lui semblait nécessaire, tout parlementaire, y compris M. Masson, pourrait ensuite déposer un complément législatif à la loi pour la confiance dans la vie politique qui a essayé d’améliorer ce système.

Pour ces raisons, il me semble préférable d’écarter la motion de M. Masson et d’entrer dans le travail législatif pour lequel nous sommes réunis ce matin. Nous lui donnons rendez-vous après l’audition du médiateur du crédit pour écouter ses propositions.

La commission est défavorable à cette motion.

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez

Le Gouvernement partage en tout point les propos du rapporteur et émet un avis défavorable sur cette motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Je mets aux voix la motion n° 18, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

La motion n ’ est pas adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Mme la présidente. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Olivier Cadic.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, Brexit saison 2 ! Vous avez aimé la saison 1, qui s’est achevée le 29 mars ? Quel suspense, quel épilogue !

Combien d’heures passées à nous réunir pour analyser les échanges quotidiens au Parlement britannique, commenter les propos des hard et soft Brexiters, voter des textes pour nous préparer à l’apocalyptique scénario d’une sortie sans accord dont les parlementaires britanniques avaient pourtant clairement rejeté la perspective. Tout ça pour ça !

Nous voilà donc dans la saison 2 du Brexit, avec une nouvelle échéance fixée au 31 octobre prochain. Theresa refusait de discuter avec David durant la saison 1. Désormais, elle tente de le séduire. Elle lui propose de rester dans une union douanière temporaire jusqu’aux prochaines élections générales afin de créer une majorité pour concrétiser son Brexit.

Mais David hésite. Et voilà une nouvelle échéance dépassée en avril. Le Brexit n’a pas eu lieu. Le Royaume-Uni fait toujours partie de l’Union européenne et les Britanniques sont contraints de convoquer des élections européennes.

Coup de théâtre ! Ils participeront au renouvellement du Parlement européen qui interviendra dans dix jours. Si c’est une surprise pour certains, je voudrais leur rappeler que nous avions souligné, en avril 2018, que le Parlement britannique avait voté les crédits budgétaires pour participer aux élections européennes l’année suivante.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Au risque de me répéter, je rappelle ce que j’ai déjà dit en juillet dernier : « En réalité, l’intérêt supérieur du Royaume-Uni n’est pas de quitter l’Union européenne. D’ailleurs, Theresa May préserve cette option. Lors du dernier conseil européen [de juin 2018], elle a remis une lettre destinée à permettre à son pays de participer aux élections européennes de 2019, si le Royaume-Uni n’est pas sorti de l’Union européenne à l’échéance prévue. Voilà pourquoi, aujourd’hui plus encore qu’en juin 2016, moi qui vis au Royaume-Uni depuis plus de vingt ans, je reste convaincu que le Brexit n’aura pas lieu. » Je n’ai pas changé d’avis depuis.

Nous nous apprêtons à examiner un texte particulier. Alors qu’une partie des sièges des eurodéputés britanniques avaient déjà été répartis entre d’autres États membres, dont la France, nous voilà contraints de revenir sur cette décision pour le moins hâtive. Tel est l’objet de ce projet de loi que nous ne pouvons, bien évidemment, que soutenir.

Dans dix jours, cinq candidats français seront entre deux eaux. Si les Britanniques restent dans l’Union européenne, ils ne siégeront pas.

Theresa ne veut pas attendre le 30 octobre. Elle veut sortir avant le 30 juin pour que le Parlement européen nouvellement élu se réunisse sans les Britanniques. Je dois vous confier que la saison 2 lasse les gens. Les ressorts ne fonctionnent plus aussi bien. Le suspense s’essouffle. Personne ne croit, au Royaume-Uni, que la Première ministre britannique pourra convaincre son Parlement, le 4 juin prochain, de voter le texte qu’il n’a pas voulu adopter lors de la saison 1.

Contrairement aux ordonnances que nous avons votées en début d’année pour amortir les effets d’une sortie sans accord du Royaume-Uni, il y a de fortes chances que le texte que nous votons aujourd’hui soit utile.

Le Royaume-Uni est désormais profondément divisé. Une mauvaise ambiance s’est installée. Si le suspense s’estompe, la pagaille persiste. Les Européens qui vivent outre-Manche ont été invités à s’inscrire pour participer aux élections européennes en votant pour des listes britanniques. Il leur faut alors renvoyer par courrier postal un formulaire d’inscription sans qu’ils reçoivent d’accusé de réception. Pour surmonter cet obstacle administratif, deux ONG ont mis en place une procédure en ligne afin de faciliter la participation des Européens. Leur action a été stoppée par les autorités britanniques.

Derrière le discours officiel, qui garantit aux citoyens européens le maintien de leurs droits existants, se cachent des faits, des chiffres révélés cette semaine par le quotidien The Independent. Entre le premier trimestre de 2017 et le premier trimestre de 2016, les expulsions forcées d’Européens au Royaume-Uni auraient augmenté de 26 %. Près de 5 000 Européens ont été expulsés lors des douze derniers mois.

Ces données proviennent d’un rapport ayant fuité du Home Office et qui prévoit de restreindre significativement l’immigration d’Européens sur l’île dès la sortie effective du Royaume-Uni de l’Union européenne.

À la suite de cet article, j’aurais été heureux de lire une réaction de la France pour savoir comment le Gouvernement britannique justifie ses actions, alors que le droit européen est toujours applicable au Royaume-Uni.

Je remercie de son action l’association the3million, qui défend les droits des 3 millions d’Européens du Royaume-Uni. Les chiffres divulgués par The Independent justifient le bien-fondé de cette action.

Je vous l’ai dit, le climat n’est pas bon, et cela se ressent à la lecture des premiers sondages. Nigel Farage, celui qui a juré de faire sortir le Royaume-Uni de l’Union européenne, puis de détruire l’Union européenne, caracolerait en tête.

Il dit haïr l’Europe, mais il n’hésite pas à siéger dans ses institutions et à toucher des indemnités. Quelle différence avec le comportement du Sinn Fein, qui fait élire à chaque élection, depuis 1921, des députés en Irlande du Nord qui ne siègent pas à Londres et refusent de percevoir toute indemnité parlementaire ! Mais M. Farage est tout sauf un idéaliste. Il fait partie de la catégorie des nationalistes cyniques : prompt à dénoncer, invisible pour proposer des solutions.

C’est donc pour ce personnage, et pour quelques-uns de ses amis, que nous devons prévoir de faire de la place. S’il est bien une évidence qui s’impose devant le spectacle qui nous est infligé depuis bientôt trois ans, c’est que l’Europe doit revoir la formulation de l’article 50 du traité sur l’Union européenne et réformer son mode de fonctionnement.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe La République En Marche et du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, « les institutions peuvent, si elles sont bien construites, accumuler et transmettre la sagesse des générations successives » : tels étaient les propos de Jean Monnet.

Au moment où la campagne européenne est lancée et les candidats connus, il est important de rappeler les apports considérables, mais aussi les limites, d’une institution trop méconnue et politiquement sous-estimée.

En effet, le Parlement européen, élu au suffrage universel direct depuis quarante ans, n’a cessé, au fil des années, de s’affirmer et de prendre du poids face aux autres institutions et particulièrement face aux États membres.

Il est devenu le lieu d’expression démocratique de l’Union européenne et ses pouvoirs se sont renforcés progressivement : il est maintenant colégislateur dans quatre-vingt-cinq domaines de compétence allant du marché intérieur à l’environnement, en passant par l’énergie, les transports ou la politique agricole.

Le Parlement européen est plus puissant que beaucoup de parlements nationaux et est indépendant de l’exécutif. Il dispose également d’un pouvoir budgétaire non négligeable, même s’il demeure sans compétence sur les recettes.

C’est aussi lui, une fois installé, qui investit la Commission européenne et qui auditionne les commissaires européens avant leur prise de fonction officielle. Cela serait inimaginable en France.

Entre 2014 et 2018, plus de 2 100 textes ont été adoptés, dont 708 textes législatifs. Et même si la quantité n’est pas gage de qualité, cela démontre indéniablement le dynamisme et le rôle prépondérant du Parlement européen.

Il est souvent précurseur pour faire avancer des dossiers importants comme le paquet climat-énergie, les droits d’auteur ou le règlement général sur la protection des données, avec des positions beaucoup plus ambitieuses que les États. C’est aussi une assemblée qui protège les citoyens, comme ce fut le cas lors de la révision de la directive sur les travailleurs détachés ou sur la mise en place d’instruments de défense commerciale pour faire face aux distorsions de concurrence.

Pourtant, et on peut le regretter, trop peu de nos concitoyens ont conscience du poids croissant du Parlement européen et trop peu s’intéressent au choix des députés européens, alors même qu’ils doivent traiter d’enjeux fondamentaux.

Le taux très élevé d’abstention en Europe et en France – environ 60 % –, notamment chez les plus jeunes – trois sur quatre –, doit nous interroger.

Il y a pourtant du choix pour les 41 millions d’électeurs français qui sont appelés aux urnes le 26 mai prochain avec 34 listes de 79 candidats officiellement enregistrées.

Pourquoi ce Parlement européen reste-t-il si méconnu, quand il n’est pas parfois considéré comme illégitime ? Faut-il y voir une défiance des citoyens européens ? Le système électoral appliqué est-il pertinent ?

Les causes sont multiples et interdépendantes : crise générale de la démocratie représentative, pouvoirs proprement politiques de l’Union insuffisants, image lointaine, complexe et technocrate de l’Europe collant à la peau du Parlement, manque de relais locaux et nationaux, absence de pouvoir d’initiative parlementaire…

Et finalement, alors que les chefs d’État et de gouvernement se sont réunis la semaine dernière, à Sibiu, pour parler, sans le Royaume-Uni, de l’avenir de l’Europe et des grandes priorités européennes pour les années à venir, l’ombre du Brexit continue de planer sur les élections européennes et sur l’Europe.

Avec le report du Brexit, de grandes incertitudes sur leur rôle et sur la durée de leur présence vont peser sur les députés européens britanniques qui seront élus.

Selon un récent sondage, le parti de l’eurosceptique Nigel Farage est crédité de 34 % des intentions de vote, loin devant le parti travailliste, en deuxième position avec 21 %, soit une majorité d’eurosceptiques qui pourraient être tentés de perturber le travail et le bon fonctionnement du Parlement européen.

Ce report du Brexit emporte également des conséquences directes sur les treize États membres qui se voyaient attribuer des représentants supplémentaires, mais qui vont devoir patienter et prévoir des règles transitoires.

La France, qui devait gagner cinq sièges supplémentaires, compte tenu de son évolution démographique, passant ainsi de 74 à 79 représentants, a dû préparer ce projet de loi pour sécuriser et clarifier leur statut en précisant la méthode et le mode de leur désignation.

Ce report compromet le renforcement de sa présence dans l’hémicycle européen et la prise en compte de l’évolution démographique de notre pays. On ne peut que le regretter. L’influence française s’en trouvera sûrement affaiblie, même si elle dépend aussi beaucoup de la présence de nos futurs eurodéputés français et de leur implication dans les différentes instances du Parlement européen. Espérons qu’ils auront à cœur de s’impliquer pour faire entendre la voix de la France.

La complexité du fonctionnement des institutions européennes, la longueur et la difficulté d’approche des traités institutionnels, ainsi que la sous-médiatisation des enjeux communautaires, rendent difficile la démocratie européenne, même si nous ne devons pas oublier que l’Union européenne est garante de la paix en Europe depuis plus soixante ans.

Ce déficit démocratique est un problème. Une réflexion de fond s’impose aux citoyens européens et à nos dirigeants actuels et futurs.

Le Parlement européen doit être une institution dynamique et un pilier de cette démocratie européenne. Les modalités d’élection des députés européens, qui ont évolué au fil des campagnes électorales, doivent être aussi une piste d’action à l’avenir pour renforcer la légitimité de l’Union européenne.

Le groupe Les Indépendants soutient ce projet de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans une tribune publiée le 16 mars dernier, Theresa May affirmait : « L’idée que les Britanniques se rendent aux urnes pour élire des députés européens, trois ans après avoir voté pour quitter l’Union européenne, est à peine supportable. Il ne saurait y avoir de symbole plus fort de l’échec politique collectif du Parlement. » On ne peut être plus clair…

Deux mois après cette déclaration de la Première ministre britannique, l’échec politique contre lequel elle mettait en garde la Chambre des communes est pourtant bel et bien consommé et il est désormais acquis que nous assisterons, le 23 mai prochain, à l’organisation ubuesque d’élections européennes outre-Manche.

En effet, malgré la voix dissonante, mais isolée, de la France, les chefs d’État et de gouvernement des Vingt-Sept se sont entendus, le 10 avril dernier, pour reporter de nouveau le Brexit. Après l’échéance initiale du 29 mars, repoussée une première fois au 12 avril, c’est donc désormais le 31 octobre prochain, au plus tard, que le Royaume-Uni quittera finalement l’Union européenne.

Si l’on peut naturellement se féliciter qu’un certain réalisme politique ait prévalu afin d’écarter provisoirement le spectre du scénario catastrophe d’un no deal, la durée de cette prolongation ne peut, en revanche, nous satisfaire.

D’une part, elle allonge de six mois les incertitudes liées au Brexit, ce qui est dommageable d’un point de vue tant économique, en empêchant les entreprises de prendre des décisions fondées sur un horizon clair, que politique, en détournant l’Union européenne d’une tâche ô combien plus urgente, celle de son indispensable refondation face aux nombreux défis qui se posent à elle.

D’autre part, ce nouveau calendrier non seulement vient parasiter le déroulement d’élections européennes particulièrement décisives, mais il risque également de perturber le bon fonctionnement des institutions européennes au moment même où des décisions structurantes devront être prises.

Certes, le Gouvernement britannique s’est engagé, d’ici au Brexit effectif, à faire preuve de coopération loyale, c’est-à-dire à s’abstenir de prises de position qui pourraient entraver l’autonomie décisionnelle de l’Union européenne comme, par exemple, l’utilisation de son droit de veto pour bloquer l’adoption du cadre financier pluriannuel ou pour compliquer la désignation du prochain collège des commissaires.

Toutefois, rien d’autre que cet engagement moral n’empêchera le Royaume-Uni de voter comme il l’entend au Conseil, car il en restera membre de plein droit. En outre, ce principe de coopération loyale ne s’appliquera en rien aux députés européens britanniques, et c’est là qu’est le problème.

On peut sérieusement douter que derniers, et en particulier les élus du Brexit party, la nouvelle formation créée par Nigel Farage donnée largement en tête des intentions de vote, se sentent liés par l’engagement de Mme May et qu’ils acceptent de s’y soumettre. Je souscris malheureusement pleinement au portrait que vient d’en dresser notre collègue Olivier Cadic.

Plus largement, il ne saurait être question de restreindre de quelque manière que ce soit la capacité des députés britanniques régulièrement élus à participer pleinement aux travaux du Parlement européen, mais on ne peut que s’interroger sur le rôle et le type d’influence qu’ils pourraient y exercer, a fortiori dans une institution où les réunions en « format article 50 » n’existent pas.

Dès lors, si les dirigeants européens ont jusqu’ici fait preuve d’une grande patience vis-à-vis des atermoiements du Royaume-Uni, celle-ci ne saurait être sans limites. D’autant que la patience des électeurs britanniques semble, elle, avoir atteint les siennes. Leur exaspération s’est ainsi traduite lors des récentes élections locales par la lourde sanction qu’ils ont infligée aux deux grands partis traditionnels, qu’ils tiennent – à juste titre – pour responsables des blocages sur le Brexit.

Espérons que cet avertissement incite Theresa May et Jeremy Corbyn à accélérer les discussions bipartisanes qu’ils conduisent actuellement et dont on se demande d’ailleurs pourquoi elles n’ont pas été lancées plus tôt.

La semaine dernière, les députés britanniques que j’ai rencontrés à Londres puis à Édimbourg, avec le président Cambon, ne nous ont pas fait mystère qu’ils ne voteraient pas les orientations proposées, et ce même si leurs chefs de parti devaient parvenir à s’entendre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Espérons que cet avertissement incite Theresa May et Jeremy Corbyn à accélérer les discussions sur ce point.

Un accord majoritaire concernant la relation future entre Londres et le continent ouvrirait la voie à une ratification du traité de retrait par la Chambre des communes. Et si un tel dénouement ne permet pas d’éviter la tenue des élections européennes au Royaume-Uni, il n’est pas totalement interdit d’espérer qu’il puisse intervenir suffisamment tôt, c’est-à-dire d’ici à la mi-juin, pour que les élus britanniques n’aient jamais à siéger au Parlement européen, dont la séance inaugurale – je vous le rappelle – se tiendra le 2 juillet.

Néanmoins, le contexte politique qui prévaut actuellement au Royaume-Uni vient modérer cet optimisme, tant il demeure marqué par une confusion et une conflictualité extrêmement fortes. Tout compromis solide sur le Brexit reste ainsi particulièrement difficile à atteindre.

Le gouvernement britannique a bien proposé aux travaillistes une solution consistant en un « arrangement douanier » avec l’Union européenne et en un « alignement dynamique » des droits des travailleurs britanniques sur ceux de leurs homologues européens.

Mais si un accord devait être scellé sur cette base entre Mme May et M. Corbyn, il serait inévitablement combattu à la fois par les hard Brexiters conservateurs, qui y voient notamment la trahison de la promesse d’une politique commerciale autonome, mais aussi par les Remainers travaillistes, qui sont nombreux à militer en faveur d’un second référendum.

À ce stade, tout porte donc à croire que le projet de loi que nous étudions aujourd’hui, et auquel le groupe Les Républicains apportera son soutien, sera bel et bien nécessaire.

Voilà, mes chers collègues, ce que je tenais à vous dire en la matière. Je pourrais continuer, mais nous sommes, comme l’ensemble des vingt-sept États membres, pris en otage par nos amis britanniques, alors qu’il s’agit de régler un problème purement domestique.

Monsieur le secrétaire d’État, espérons que la paralysie britannique ne se double pas d’une paralysie européenne durable. Souhaitons que le report du Brexit accordé le 10 avril soit le dernier, à moins que le Royaume-Uni ne prenne la décision de révoquer unilatéralement la notification visée à l’article 50, comme la décision de la Cour de justice de l’Union européenne du 10 décembre dernier le lui permet. Cela nous permettrait, le cas échéant, de mener une autre réflexion, portant, cette fois, sur l’avenir de l’Union européenne, sujet beaucoup plus important – vous me l’accorderez.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à quelques jours de l’élection européenne, permettez-moi pour commencer de rappeler les propos tenus par le président Emmanuel Macron lors de son discours d’Athènes : « En 2005, une page s’est tournée et nous ne l’avons pas vu tout de suite. C’est que l’Europe ne peut plus avancer à part des peuples. Elle ne peut continuer son destin que si elle est choisie, voulue. »

Quel fossé entre cette déclaration, dont nous partageons le constat, et ce qui se passe aujourd’hui ! Non seulement aucune conséquence n’est tirée de ce diagnostic dans les politiques menées, dont le cours libéral continue à marche forcée, mais que constatons-nous, une fois de plus, avec l’organisation des élections européennes ? L’incurie démocratique et la médiocre qualité du débat des élections européennes demeurent la règle.

Nous pourrions certes appréhender le présent projet de loi comme un simple détail technique. Il est vrai que les circonstances du Brexit obligent juridiquement, mais également politiquement, à conserver des représentants britanniques au sein de l’assemblée européenne jusqu’à ce que le retrait du Royaume-Uni soit effectif et définitif. Nous ne nous opposerons donc pas au projet technique présenté.

Pourtant, force est de constater que cette situation, qui nous conduit à revoir in extremis les conditions de l’élection de nos représentants européens sans que les électeurs français saisissent rien, est révélatrice d’une Union européenne à bout de souffle démocratiquement.

Les dirigeants britanniques et européens se sont jusqu’à présent montrés incapables de mettre en œuvre une sortie pérenne et organisée du Royaume-Uni, quoi qu’on en pense sur le fond. Le Brexit a été un terrible aveu d’échec, et l’un des nombreux signaux d’une distanciation toujours plus forte des peuples vis-à-vis de l’Union européenne.

Le chaos politique s’aggrave au Royaume-Uni, où le dangereux Nigel Farage pourrait rafler la mise de cet incroyable imbroglio. Quant à l’Union européenne dans son ensemble, cet épisode, après d’autres, révèle à quel point les dirigeants de cette Europe conçue seulement pour les marchés ne savent jamais quoi faire quand des peuples émettent des votes contraires à leurs intentions.

En vérité, rien n’est jamais prévu pour qu’il soit tenu compte du vote desdits peuples. Nous en avons nous-mêmes déjà fait l’expérience, avec le refus de respecter la souveraineté populaire qui s’était exprimée à l’occasion des référendums danois, irlandais, néerlandais et français – il n’était pourtant pas question, à l’époque, de sortie, mais de refus de constitutionnaliser le cours libéral de l’Union européenne et la transformation de son sens.

Le traitement politique des conditions de l’élection européenne est lui aussi révélateur de cette incurie démocratique. Cet événement devait être un grand moment de débat démocratique. Or rien n’est réellement fait pour mobiliser l’intérêt de nos concitoyens.

Les conditions de cette élection ont d’ailleurs, depuis l’origine, fait débat. Je rappelle que la loi fixant les modalités de la première élection des parlementaires au suffrage universel direct, en 1977, fut le premier cas, dans notre histoire constitutionnelle, d’utilisation de l’article 49-3 de la Constitution dans un domaine lié à nos relations extérieures.

La participation aux élections européennes risque, cette année encore, de dépasser tous les records d’abstention ; elle avait déjà baissé de 20 points, en 2014, par rapport à 1979. La déception profonde causée par les politiques menées, leur rejet désormais majoritaire dans toute l’Union et l’opacité des processus de décision en sont les causes fondamentales.

Et puisque ce projet nous donne l’occasion de revenir sur les conditions d’organisation de la campagne électorale, je veux redire notre colère sur trois points qui conduisent directement à alimenter la situation que je viens de décrire, faite d’asphyxie démocratique et de méfiance populaire.

Je redis que le seuil électoral, fixé en France à 5 %, est une grave distorsion démocratique.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Souvent prompts à plagier l’Allemagne, nous faisons, en l’occurrence, le contraire de ce qu’elle fait, en tordant gravement la représentation proportionnelle. Parmi les électeurs qui s’apprêtent à s’exprimer, ceux qui risquent de se voir priver de représentation au Parlement européen n’auront probablement jamais été aussi nombreux. Le niveau d’abstention et le seuil électoral vont, combinant leurs effets, dégrader gravement la représentation démocratique française.

Je redis, par ailleurs, que la répartition du temps de parole, issue du projet de loi dont nous avions dénoncé ici les travers, est un véritable scandale. Non seulement l’égalité du temps de parole n’est plus qu’un rêve, mais la répartition prévue par la loi aboutit à une caricature.

Chacun de nous, mes chers collègues, pèse royalement sept secondes de temps de parole par candidat ; et que donne concrètement ce tripatouillage législatif voté ici sans broncher l’an dernier ? La République En Marche se voit attribuer un temps de diffusion des clips officiels supérieur à celui des listes communiste, France insoumise, Europe Écologie Les Verts et Génération.s réunies ! Le Front national se taille une part de lion, concentrant plus de temps d’antenne que Les Républicains et l’UDI réunis.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Le Gouvernement souhaitait favoriser indûment la polarisation entre La République en marche et le Rassemblement national ; la loi a exaucé ses vœux. C’est un choix dangereux pour la démocratie et l’avenir de l’Union européenne.

Enfin, mes chers collègues, permettez-nous, à nous qui défendons ici si souvent le service public de France Télévisions contre les attaques dont il est l’objet, d’élever une protestation sur la manière dont France 2 organise le débat entre les listes présentées.

Une première fois mise en échec, la chaîne publique recommence à vouloir écarter plusieurs d’entre elles, dont certaines sont représentées au Parlement européen – celle qui est conduite par Ian Brossat en fait partie –, du principal débat.

Mme Françoise Gatel applaudit vivement.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Il est temps, pour l’avenir démocratique de l’Union européenne, que soient créées les conditions d’un choix équitable des Français, qui supportent de moins en moins qu’on les prive de leur libre jugement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain. – Mmes Françoise Gatel, Jocelyne Guidez et Brigitte Lherbier ainsi que M. Pierre Louault applaudissent également.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en apparence, ce projet de loi relève du simple pragmatisme ; il répond à un besoin très spécifique : préciser comment, à la date éventuelle de sortie du Royaume-Uni, les cinq sièges supplémentaires qu’obtiendrait alors la France seraient pourvus.

Ces sièges seront donc, aux termes des dispositions de ce texte, attribués aux candidats qui auraient été élus le 26 mai prochain si la France disposait de cinq sièges supplémentaires.

Rappelons en effet que vingt-sept des soixante-treize sièges qui reviennent aujourd’hui au Royaume-Uni seraient redistribués en cas de Brexit effectif, les quarante-six autres étant conservés pour répondre aux besoins d’éventuels élargissements futurs. Sur ces vingt-sept sièges, cinq sont attribués à la France.

J’entends ceux qui crient au scandale, sur le thème : « Les Britanniques ont décidé de sortir, mais vont continuer à choisir pour nous l’avenir de l’Europe ou à peser sur ses choix. »

Observons ce qui se passe au Royaume-Uni – Olivier Cadic en a parlé – : le Brexit fait l’effet d’un trou noir absorbant intégralement la capacité des forces politiques et économiques de ce pays de se projeter dans l’avenir. Les parlementaires britanniques se sont imposé deux contraintes : non à l’accord signé – ils savent pourtant qu’il s’agit du seul possible – et non à une sortie sans accord. Ce problème n’a pas de solution dans un espace euclidien ! Deux qualités britanniques se livrent aujourd’hui une compétition acharnée : l’opiniâtreté et le pragmatisme. Qui va l’emporter ? On ne le sait pas ; je parie sur le pragmatisme, comme Olivier Cadic, mais nous verrons bien.

En tout état de cause, dans la situation actuelle, constatons que les Britanniques sont toujours maîtres des horloges. Tant que nous accepterons qu’ils repoussent la date de sortie, la date sera repoussée ! Et s’ils souhaitent finalement ne pas sortir, nous ne pourrons pas nous y opposer : ils révoqueront l’application de l’article 50 du traité sur l’Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

C’est bien pour cette raison qu’Olivier Cadic appelle à une réflexion sur ce sujet : en réalité, c’est l’État qui a activé l’article 50 qui est maître des horloges.

On n’est pas obligé de se laisser happer par ce trou noir qui absorbe les forces britanniques : poursuivons notre route, et travaillons. Les Britanniques, aujourd’hui, me semblent incapables de peser sur l’avenir de l’Union européenne – ils ont de toute façon, en quelque sorte, pris l’engagement de ne pas le faire, même si l’on peut espérer qu’à l’avenir ils retrouvent des forces, si d’aventure le Brexit n’avait pas lieu. Quoi qu’il en soit, nous pouvons, quant à nous, continuer à travailler à l’avenir de l’Europe, sans nous alarmer outre mesure sur ce sujet.

Constatons malgré tout que les citoyens européens ont été les principales victimes de ce débat sur le Brexit. Ils ont été pris en otage – je pense notamment aux Britanniques qui vivent dans l’Union européenne, hors Royaume-Uni, et ne savent pas à quelle sauce ils seront mangés : quid de leurs droits au séjour, à prestations sociales, à la mobilité et au travail ? Je pense aussi aux Européens non britanniques qui vivent sur le sol du Royaume-Uni. Je pense encore à ceux qui, Britanniques, sont nés avec la citoyenneté européenne, laquelle faisait partie de leur identité ; on la leur arrache.

Le Brexit aura, de ce point de vue, sauf correction, un effet régressif majeur : il va signer la perte de la citoyenneté européenne, qui, construite depuis vingt ans, n’existe quasiment plus. Les citoyens européens, à l’occasion du Brexit, sont redevenus des sujets des États membres, traités comme tels par les différents États, et pas mieux, d’ailleurs, par les autres membres de l’Union que par le Royaume-Uni, car chacun a préféré défendre sa souveraineté plutôt que l’idée de la citoyenneté européenne. Ce n’est pas ainsi que nous pourrons construire une Europe démocratique !

L’élection du 26 mai est, à ce titre, essentielle ; et ce n’est pas en nous contentant d’une réédition de l’élection présidentielle de 2017 que nous pourrons promouvoir les choix essentiels qui doivent être faits pour les Français et pour l’Europe.

Deux sujets méritent d’être abordés dans le cadre de l’examen de ce projet de loi que, en raison de son caractère très pragmatique – il répond à une urgence –, nous soutiendrons.

J’évoquerai premièrement, monsieur le président de la commission des lois, un avis du Conseil d’État rendu public le 6 mai dernier sur l’implication financière des partis politiques européens dans la campagne des élections européennes. Cet avis change totalement la manière dont nous avons pensé ici même, en tant que législateurs, le financement des campagnes électorales. Il consacre une disposition qui figure dans le règlement européen sans que nous l’ayons correctement intégrée dans notre législation nationale – la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques essayait, quant à elle, de mettre en œuvre ce que nous avions édicté. Cette disposition est la suivante : les partis politiques européens peuvent intervenir dans le financement de la campagne européenne.

De ce point de vue, nous allons devoir très rapidement mener une réflexion pour faire évoluer les règles françaises de financement électoral dans le sens des décisions prises au niveau européen. Il va falloir également accélérer la convergence, au niveau européen, des différentes modalités de financement des partis politiques et de l’activité politique qui coexistent dans l’ensemble de l’Union européenne. Une mission de notre commission et de la commission des affaires européennes sur ce sujet serait bienvenue.

Deuxième sujet, monsieur le secrétaire d’État : la situation des citoyens européens qui vont ou peuvent voter dans un pays qui n’est pas celui dont ils possèdent la nationalité. En la matière, l’administration française est en train, me semble-t-il, de faire une erreur.

Je rappelle que le double vote, en France, est puni par le code électoral d’une peine de 15 000 euros d’amende et de six mois à deux ans d’emprisonnement. Il est certes techniquement possible – par exemple, un citoyen français vivant en Allemagne peut en principe voter tant au consulat que dans la mairie de sa ville de résidence –, mais surtout illégal : l’électeur qui voterait deux fois encourrait une sanction pénale.

Il ne saurait pour autant être question, monsieur le secrétaire d’État – c’est pourtant ce que l’administration s’apprête à faire –, de refuser à un électeur régulièrement inscrit sur la liste consulaire la possibilité de voter au consulat, au prétexte que l’administration française aurait connaissance de l’inscription dudit électeur sur la liste électorale de la commune de son pays de résidence. Il n’est pas possible que les choses se passent de cette manière !

Informer les citoyens, le cas échéant, qu’ils sont inscrits sur les deux listes et encourent une sanction pénale en cas de double vote, c’est très bien. Mais leur refuser la possibilité de voter au consulat – selon les instructions que vous avez données–, alors qu’ils sont régulièrement inscrits sur les listes électorales, me paraît juridiquement contestable.

Je profite donc de ce débat pour vous demander, monsieur le secrétaire d’État, de bien nous préciser que, dès lors qu’une personne est inscrite sur la liste électorale consulaire, elle aura la possibilité de voter après avoir été informée des sanctions pénales qui pourront lui être appliquées en cas de double vote.

Symétriquement, s’agissant des ressortissants européens résidant en France et inscrits sur les listes électorales françaises, il faut là aussi veiller à ce que tout le droit européen et tout le droit français soient respectés, mais en rejetant les interprétations hasardeuses contre lesquelles, malheureusement, il me semble que vous n’êtes pas prémuni – c’est pourquoi j’attire votre attention sur ce point.

Cela dit, et dans l’attente de vos précisions, monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie et confirme notre soutien à ce projet de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. André Gattolin applaudit également.

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, entre le 23 et le 26 mai prochain, l’ensemble des citoyens européens est appelé aux urnes pour désigner les membres du Parlement de Strasbourg.

Cette année, ce renouvellement se déroulera dans un contexte de grande incertitude, à la suite des rejets successifs par le Parlement britannique des accords de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Nous avons bien conscience, en outre, que près de 40 000 citoyens britanniques inscrits sur les listes électorales en France se trouveront, le 26 mai, dans une situation très paradoxale, alors que le dénouement de ce feuilleton devrait intervenir d’ici le 31 octobre prochain, avec l’adoption d’un accord de sortie auquel nous continuons de croire.

Le groupe du RDSE se félicite malgré tout que 330 000 citoyens de l’Union européenne résidant en France se soient inscrits pour pouvoir voter aux côtés de nos concitoyens, tandis que 1, 35 million de Français prendront part au scrutin depuis l’étranger. C’est le signe que les citoyens européens s’emparent de toutes les modalités de vote mises en place pour accroître la représentativité de notre système électoral.

Néanmoins, l’absence d’accord de sortie placera également les électeurs français dans une situation inédite. Selon la solution entérinée par le Conseil européen du 28 juin 2018, nos concitoyens, comme ceux des États membres restants, voteront par anticipation du retrait britannique pour cinq représentants supplémentaires, qui entreront en fonction après ce retrait.

Dans l’intervalle, le Parlement européen pâtira d’une légitimité affaiblie. C’est pourquoi nous espérons que l’accord que Theresa May s’est engagée à négocier avant l’élection du président du Parlement européen et la désignation de la Commission sera adopté.

Dans le cas contraire, les parlementaires britanniques fragiliseraient toutes les démocraties européennes, dans un contexte de montée des populismes. Cela paraît inconcevable quand on connaît l’influence du modèle britannique sur la démocratie dans le monde ! C’est sur la base de cette logique que nous avions soutenu la position du gouvernement français de refuser un nouvel ajournement des négociations jusqu’en 2020.

Comme l’écrivait Musset dans un tout autre registre : « Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée. »

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

Celle entre le Royaume-Uni et l’Union n’est ni l’un ni l’autre ; il ne faudrait pas que les Européens en subissent plus longtemps les conséquences ! C’est ce qu’ont rappelé en substance les vingt-sept chefs d’État et de gouvernement en adoptant la déclaration de Sibiu, la semaine dernière.

Dans ce climat particulièrement confus, nous sommes favorables à l’adoption de règles claires, et donc à ce que la règle de désignation des eurodéputés supplémentaire reste la même que celle s’appliquant au reste de leurs collègues – c’est ce que prévoit le projet de loi non amendé.

Nous l’avions déjà rappelé l’an dernier, au moment de l’adoption du projet de loi portant rétablissement d’une circonscription unique : aucun système électoral n’est parfait. S’agissant des temps de parole applicables dans les campagnes électorales, la recherche d’une meilleure représentativité, d’une part, et, d’autre part, la nécessité de préserver le pluralisme, difficiles à concilier, sont de nature à produire des débats sans fin.

Le grand nombre de listes enregistrées, que personne n’avait anticipé, rend aujourd’hui la mission du CSA, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, particulièrement délicate, et nous voyons déjà bourgeonner les polémiques. Ces trente-quatre listes ont d’ailleurs pris de court les mairies et les préfectures sur la question des panneaux d’affichage…

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

Notre collègue Jean-Yves Roux avait déposé un amendement, hélas jugé irrecevable, sur ce sujet. Sans entrer dans les détails de ce débat, il me semble que l’allongement de la durée totale de la campagne serait la seule solution consensuelle pour atténuer les frustrations.

Nous savons également que, au temps des réseaux sociaux, les campagnes, désormais, se jouent peut-être ailleurs, et que notre combat pour le pluralisme devrait se mener dorénavant sur ces nouveaux terrains d’échange et d’expression.

Les membres du groupe du RDSE sont ainsi tout à fait favorables à ce que, à la suite du scandale de Cambridge Analytica et de la publication du rapport Mueller, le Gouvernement prenne des initiatives au niveau national et international pour protéger les utilisateurs français de ces réseaux sociaux de tentatives d’influence malveillante, ce qu’il semble enclin à faire. Il y a là une réflexion essentielle à mener au bénéfice de notre jeunesse, dont les techniques d’information diffèrent considérablement des nôtres.

Alors que la campagne électorale a commencé lundi dernier, je voudrais également rappeler à nos concitoyens l’importance du rôle du Parlement européen sur les nombreuses matières relevant de la codécision avec le Conseil, lorsqu’il ne se prononce pas à l’unanimité. Beaucoup de ces thématiques recoupent celles du grand débat : il s’agit donc d’un rendez-vous essentiel pour convertir les réflexions amorcées ces derniers mois en actions concrètes.

Au sein du Parlement européen, nos représentants sont en nombre suffisant pour peser dans les débats, contrairement à ce que certains voudraient laisser entendre – on sait à qui profite l’abstention ! Après le retrait britannique, la France y restera la deuxième nation représentée, derrière l’Allemagne, et la nouvelle répartition portera la part des représentants français dans l’hémicycle européen de 9, 8 % à 11, 2 % des sièges.

À chacun de donner à nos futurs représentants une légitimité à la hauteur des nombreux défis qui les attendent, en participant à ce scrutin crucial pour l’avenir de l’Europe !

MM. André Gattolin, Franck Menonville et Jean-Claude Requier applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre excellent rapporteur a défendu il y a quelques semaines, en commission des lois, dans le cadre d’une proposition de loi qu’il a présentée, une disposition tendant à interdire, au cours de l’année précédant un scrutin, toute modification du régime électoral.

Je suis donc très surpris de constater aujourd’hui, à dix jours d’un scrutin, que l’on modifie les règles du jeu. Certes, on peut arguer du fait qu’il s’agit de l’Union européenne. Mais je suis le premier à dire que l’Union européenne, c’est la chienlit ; et on n’est pas obligé de se coucher devant elle.

Se pose donc un problème de cohérence ; quant à moi, je refuse de m’incliner devant l’argument selon lequel il faudrait voter ce texte parce qu’il y aurait urgence. Non ! Nous ne sommes pas à la botte de l’Union européenne ; nous n’avons pas à céder devant elle. Et je partage tout à fait la position de notre rapporteur sur l’indécence qu’il y a à modifier les règles du jeu une semaine avant les élections.

C’est d’ailleurs une double modification qui est proposée. Nous venons en effet d’apprendre que, depuis quinze jours, les partis européens peuvent financer les campagnes électorales. C’est extrêmement dangereux, mes chers collègues. Vous savez très bien que les partis européens sont financés par les structures de lobbying et que, par exemple, un parti européen que je ne citerai pas est financé par Bayer-Monsanto pour défendre le glyphosate !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Aujourd’hui, donc, on autorise Bayer-Monsanto, par l’intermédiaire d’un parti européen, à intervenir dans les élections françaises. Mais où va-t-on, avec l’Europe ? On nous interdit, à nous, de bénéficier de quelque financement que ce soit émanant d’une personne morale, et je trouve que c’est normal. Mais on autoriserait des partis européens à toucher des millions d’euros, dans le cadre du lobbying au profit du glyphosate, pour faire ensuite campagne chez nous ?

Il y a là une aberration complète ; il est véritablement scandaleux que l’on accepte que des partis européens financés par des personnes morales, en l’occurrence des lobbies, viennent mettre leur nez dans les structures électorales françaises !

À ce compte, je ne vois pas pourquoi la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques mettrait en cause les comptes de campagne de Dupont ou de Durand au motif qu’il aurait acheté de la farine pour préparer des pizzas ! Aujourd’hui, on annule des comptes pour rien du tout ; et, dans le même temps, on accepterait des énormités comme celle que je viens de décrire ?

Monsieur le secrétaire d’État, j’aimerais avoir votre avis sur cette situation qui me semble anormale. Il y a vraiment quelque chose qui cloche, et ces élections européennes sont complètement biaisées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

M. Jean Louis Masson. J’en ai terminé, madame la présidente – je reviendrai bientôt, néanmoins ; il me reste du temps de parole dans ce débat !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, passé le Masson Show – pardonnez-moi cette expression, que j’emploie en manière d’hommage à notre collègue –, il me semble qu’il n’est point besoin de disserter trop longtemps sur la légitimité de ce texte et l’opportunité de son adoption conforme, dans les termes votés lundi dernier par l’Assemblée nationale.

Nous sommes en effet à dix jours du scrutin des élections européennes, et ce texte a le grand avantage d’apporter un petit peu de sécurité juridique dans un monde et un moment excessivement incertains.

Les incertitudes sont de tous ordres dans le contexte actuel, s’agissant du Brexit et de l’avenir européen. Il y a de petits et de grands suspenses. Des incertitudes entourent le calendrier du Brexit. On sait que les Britanniques voteront aux élections européennes – ils le feront le 23 mai, quand, dans la plupart des autres États membres, le scrutin aura lieu le 26 mai ; un petit suspense aura donc cours entre le 23 et le soir du 26, puisqu’il faudra attendre pour connaître les résultats britanniques. À observer les sondages actuels et les résultats des précédentes élections européennes, en 2014, au Royaume-Uni, on peut penser que les votes britanniques ne modifieront pas le rapport de forces général – je constate que mon collègue Olivier Cadic, fin connaisseur de ces sujets, approuve.

L’incertitude la plus importante porte sur le résultat global des élections européennes, dans les vingt-sept autres pays : nous ne disposons pas encore d’une vue tout à fait nette des nouveaux équilibres et du degré de fragmentation de la composition du futur Parlement européen.

On aura également un nouveau vote. En effet, après s’être entretenue avec l’opposition travailliste, Mme May a annoncé qu’elle soumettrait de nouveau l’accord au vote au début du mois de juin. L’incertitude quant à l’issue de ce quatrième vote est, là encore, très faible : ce sera certainement un nouveau vote négatif.

On aura malgré tout l’élection d’eurodéputés britanniques. La question se pose effectivement de savoir quelle sera leur attitude lors des deux sessions du Parlement européen au mois de juillet prochain. Je pense notamment à la première, celle du 2 juillet, qui désignera le président du Parlement européen, les quinze vice-présidents et les questeurs.

On a une incertitude sur la composition des groupes politiques. Je le rappelle, M. Nigel Farage fait partie du groupe Europe de la liberté et de la démocratie directe, EFDD, qui compte plus de vingt-cinq membres, mais qui a des représentants dans tout juste sept pays. Imaginez que ce groupe se reconstitue au Parlement européen, toujours avec les soutiens de Cinque Stelle et de quelques députés isolés, Lituaniens ou autres : si le Brexit a lieu alors que sept pays seulement sont représentés, le groupe explosera lors de la sortie des Britanniques, et ses parlementaires devront être répartis ailleurs.

On a encore et toujours une incertitude quant au calendrier de sortie. Il a été fixé au 31 octobre. Certes, au regard de l’imprécision juridique de la rédaction de l’article 50, on pourrait envisager, d’un point de vue technique et juridique, que les Britanniques retirent leur demande de retrait pour la redéposer. Mais, politiquement, cela me paraît totalement surréaliste. Sachant qu’une prolongation nécessite l’accord unanime des Vingt-Sept, je ne vois pas comment il serait acceptable – et je n’imagine pas les Britanniques oser le faire – de contourner l’obstacle par un subterfuge juridique.

Enfin, et c’est le plus important, nous avons un problème plus général : celui du calendrier institutionnel de l’Union européenne. Dans les jours qui viennent, de l’élection de début du mois juillet jusqu’au 1er novembre, les principaux grands mandats européens seront remis à plat. Je pense à la présidence du Parlement européen, sur laquelle je reviendrai, à la présidence et à la composition de la Commission européenne, à la présidence du Conseil européen et à la désignation du Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.

Nous le savons, pour préserver la force, la cohésion et l’avenir de l’Union européenne dans le contexte post-Brexit, il faudra que les désignations fassent l’objet d’équilibres savants : équilibres politiques, qui seront en grande partie définis à la suite des résultats des élections européennes et des alliances qui se seront constituées ; équilibres entre les grands pays européens et les petits pays européens ; déséquilibres entre les pays dits « de l’Ouest » et les ex-pays de l’Est ; et, enfin, système de parité hommes-femmes.

La grande difficulté réside dans le fait que ce qui constitue généralement, disons-le, une sorte de lot de consolation, le poste le moins important en termes d’influence, c’est-à-dire celui de président du Parlement européen, fera l’objet d’une désignation au début du mois de juillet. En d’autres termes, le pays et la famille politique qui auront obtenu la présidence du Parlement européen auront de fortes chances d’être disqualifiés pour les autres grands postes.

C’est pourquoi je trouve très opportune et intelligente la décision de M. Donald Tusk, président sortant du Conseil européen, de réunir, outre le Conseil européen des 20 et 21 juin prochain, un Conseil européen informel dès le 28 mai pour que les principaux pays, notamment la France et l’Allemagne – ils ont un rôle majeur à jouer dans cette dynamique –, se mettent d’accord sur le package global de répartition des présidences.

À mes yeux, la France, l’Allemagne et d’autres pays ont une très grande responsabilité pour que notre architecture institutionnelle ne soit pas désorganisée au-delà des termes du Brexit. Il faut travailler très sérieusement et anticiper pour que tout soit en place au 1er novembre et que nous puissions engager les réformes dont l’Europe a besoin !

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste, ainsi qu ’ au banc de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La discussion générale est close.

La parole est à M. le président de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Madame la présidente, je me réjouis de la qualité de nos débats et sollicite une suspension de séance d’une dizaine de minutes. En effet, nous allons devoir examiner une motion et plusieurs amendements n’ayant pas été examinés par la commission. Nous avons donc besoin de quelques minutes de travail en commun, en espérant que les membres de la commission voudront bien faire preuve de concision dans leurs interventions, comme ils en ont d’ailleurs l’habitude.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à douze heures cinq, est reprise à douze heures quinze.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La séance est reprise.

Nous passons à la discussion de la motion tendant au renvoi à la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Je suis saisie, par M. Masson, d’une motion n° 17.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale, le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’entrée en fonction de représentants au Parlement européen élus en France aux élections de 2019 (499, 2018-2019).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n’est admise.

La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Si j’ai présenté cette motion, c’est parce que j’estime que la discussion du présent projet de loi aurait pu être l’occasion d’un réexamen beaucoup plus large d’un certain nombre de problématiques par la commission.

L’un de nos collègues a abordé la question des temps de parole. La situation me paraît en effet tout à fait anormale. Dans un système vraiment démocratique, tout le monde doit être traité sur un pied d’égalité. Il est profondément injuste d’accorder plus de temps à tel ou tel candidat sous prétexte qu’on le trouverait plus « sérieux » que les autres. C’est un peu comme si, sur un cent mètres, on permettait à un participant jugé meilleur que les autres de courir dix mètres de moins.

En fait, on spécule sur le résultat final. On demande plus d’efforts au candidat dont on pense qu’il fera 10 % qu’à celui dont on pense qu’il fera 40 %. C’est, me semble-t-il, la négation de la démocratie. En démocratie, chacun est candidat à égalité, avec une équité dans la répartition des temps de parole. Or, dans le cadre des élections européennes, des candidats jugés importants vont passer aux heures de grande écoute tandis que d’autres, jugés moins importants, pourront s’exprimer à l’heure où tout le monde est couché. Et l’on s’étonne ensuite que certains candidats soient moins connus que d’autres !

De quel droit spécule-t-on sur le résultat des élections avant qu’elles aient lieu en attribuant trois fois plus de temps de parole à celui dont on pense qu’il fera un meilleur score ? C’est un vrai problème. J’ai déjà eu l’occasion de le dénoncer, en séance comme en commission. Je me réjouis qu’un autre collègue ait abordé le sujet.

La question de l’argent est également problématique. Je pense notamment aux prêts bancaires, que j’ai déjà évoqués. Des candidats ayant la certitude de faire au moins 3 % ne pourront pas utiliser des sommes qui leur seraient remboursées par l’État faute de prêt bancaire. Certains feront donc campagne avec un maximum de moyens alors que d’autres, pourtant assurés d’obtenir au moins 3 %, feront campagne à l’économie. Là encore, c’est inégalitaire. Le système ne me paraît pas sain.

Il n’est pas sain non plus s’agissant du mode de scrutin. Notre collègue a fait référence au seuil de représentativité. Je vous renvoie à ce qu’a indiqué la Cour constitutionnelle allemande. Je conçois qu’il faille constituer une majorité de gestion pour pouvoir désigner un gouvernement ; dans ce cas, il est logique d’opter pour un scrutin majoritaire ou un scrutin proportionnel à forte correction majoritaire. Mais, dans une assemblée comme le Parlement européen, ce qui compte, c’est la représentativité : tout le monde doit être représenté. Comme l’a souligné notre collègue, le système retenu en Allemagne est beaucoup plus objectif et sain : chacun a une représentation équitable en fonction du nombre de suffrages obtenus.

J’aimerais également aborder le principe de proportionnalité dégressive pour l’attribution du nombre de sièges au sein du Parlement européen. Certes, dès lors que le principe figure dans le traité de Lisbonne, nous devons le respecter ; en l’occurrence, nous ne le respectons pas… Mais ce principe est, à mon sens, complètement antidémocratique. On est très loin du système : « un homme une voix ». Ainsi, Malte a un député européen pour 40 000 habitants, tandis que nous en avons un pour 900 000 habitants. Peut-on parler de démocratie dans ces conditions ? Je conçois qu’un petit pays doive avoir au moins un ou deux représentants. Mais pourquoi imposer qu’il en ait six au minimum ? Si la principauté de Monaco adhérait à l’Union européenne, elle aurait six députés européens pour quelque 100 000 habitants. C’est à la fois totalement incohérent et injuste pour les grands États ! Le système n’est pas vraiment démocratique. La démocratie, c’est « un homme une voix ». Or la voix d’un citoyen français pèse douze fois moins celle d’un citoyen de Malte ou du Luxembourg.

Tous ces éléments auraient, me semble-t-il, mérité de faire l’objet d’un débat et d’être lissés en commission. C’est le sens de la présente motion tendant au renvoi du texte à la commission. Certes, je ne me fais guère d’illusions sur le sort qui lui sera réservé.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Y a-t-il un orateur contre la motion ?…

Quel est l’avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

La commission vient de se prononcer pour le rejet de cette motion de renvoi en commission. Elle considère que ses travaux ont été suffisants.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Je mets aux voix la motion n° 17, tendant au renvoi à la commission.

La motion n ’ est pas adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

En conséquence, nous passons à la discussion du texte de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 15, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :

Avant l’article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les première et deuxième phrases du deuxième alinéa de l’article 3 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen sont ainsi rédigés : « Les sièges sont répartis entre les listes ayant obtenu au moins 3 % des suffrages exprimés à la représentation proportionnelle suivant la règle du plus fort reste. Si plusieurs listes ont le même reste pour l’attribution du dernier siège, celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. »

La parole est à M. Jean Louis Masson.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Le principe de la représentation proportionnelle est de refléter de manière la plus équitable possible l’importance des différents courants de pensée. Ce n’est pas le cas d’une représentation proportionnelle à la plus forte moyenne. Ce n’est pas le cas non plus d’un seuil de représentation fixé à 5 % aux seules fins de favoriser les partis dominants.

Cet amendement vise donc, d’une part, à ramener le seuil d’attribution des sièges de 5 % à 3 % des suffrages exprimés et, d’autre part, à répartir les sièges selon la règle du plus fort reste, et non de la plus forte moyenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 1, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :

Avant l’article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le deuxième alinéa de l’article 3 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen est ainsi modifié :

1° À la première phrase, les mots : « la règle de la plus forte moyenne » sont remplacés par les mots : « la règle du plus fort reste » ;

2° À la deuxième phrase, les mots : « la même moyenne » sont remplacés par les mots : « le même reste ».

La parole est à M. Jean Louis Masson.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

Chacun se souvient que les deux chambres ont débattu en profondeur des caractéristiques du mode de scrutin lors de l’examen du texte devenu depuis la loi du 25 juin 2018 relative à l’élection des représentants au Parlement européen. Nous discutons aujourd’hui d’une adaptation temporaire pour quelques sièges. Il n’y a évidemment aucun motif de revenir sur la position que le législateur avait alors retenue.

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez

L’avis du Gouvernement est également défavorable. Le débat a déjà eu lieu l’an dernier, lors de l’adoption du texte évoqué par M. le rapporteur. Il n’est pas question d’y revenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

M. Masson est parmi les personnes que j’écoute avec le plus d’attention. Lors du débat sur le mode de scrutin pour les élections européennes, il avait qualifié le retour de la circonscription unique de « très positif », estimant que cela permettrait d’avoir un « débat clair ». Apparemment, bien qu’il ait obtenu satisfaction, cela ne lui suffit pas…

J’entends les récriminations permanentes de notre collègue quant au seuil de 5 % pour l’attribution des sièges ou au seuil de 3 % pour le remboursement des frais. Ces questions me semblent totalement dérisoires au regard du sujet majeur. Le problème initial, c’est le scrutin proportionnel. Certes, on peut regretter des écarts de représentation liés à des difficultés techniques. Mais le problème de fond – nous avions eu ce débat l’an dernier avec Mme Gourault, qui défendait le texte du Gouvernement –, c’est le fait que l’Acte portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct de 1976 ait imposé le scrutin proportionnel. La désaffection, qui risque malheureusement de s’aggraver, vient d’abord de là, même s’il est possible de trouver d’autres facteurs.

L’an dernier, Mme Gourault nous faisait part de son enthousiasme envers l’instauration d’une circonscription nationale unique, qui allait sans doute encombrer les bureaux de vote en raison de la passion nouvelle des citoyens. À dix jours du scrutin, ce n’est pas manifeste… Dans quelques jours, nous pourrons lui envoyer une carte postale amicale pour lui demander si le mode de scrutin qu’elle nous avait alors proposé lui inspire toujours autant d’enthousiasme.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Je crois que notre collègue mélange les sujets. On peut parfaitement – c’est mon cas – être pour le scrutin proportionnel avec une représentation forte de tous les courants d’opinion, donc avec une répartition des sièges suivant la règle plus fort reste et un seuil d’éligibilité à 3 %, voire – pourquoi pas ? – sans seuil d’éligibilité. Je ne suis donc pas du tout en porte-à-faux avec mes déclarations antérieures, comme il voudrait le faire croire. Je suis tout à fait partisan d’un scrutin proportionnel dans une circonscription nationale, mais je n’approuve pas les décisions qui ont été prises sur les différents seuils.

Au demeurant, voilà trois ans, le parti auquel notre collègue appartient, c’est-à-dire Les Républicains, critiquait le gouvernement d’alors en prônant une circonscription unique.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

Mais non ! Relisez les comptes rendus des débats !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Certes, tout le monde peut changer d’avis, mais je trouve que ce parti en change souvent !

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 8, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :

Avant l’article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au second alinéa de l’article 12 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen, après le mot : « disposition », sont insérés les mots : « et si l’irrégularité était légère et de bonne foi ».

La parole est à M. Jean Louis Masson.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Pour les élections européennes, comme pour toutes les élections, il existe un délai pour le dépôt des listes. La loi de 1977 permet de régulariser a posteriori des listes qui ne sont pas complètes ou qui comportent de très graves irrégularités. La loi prévoit en effet un délai de 48 heures, mais comme le Gouvernement saisit en général le Conseil d’État pour avis, cela laisse au total une semaine de plus au responsable de la liste pour la régulariser. À quoi bon, dans ce cas, prévoir des délais ?

Il n’est pas normal qu’on permette à quelqu’un de présenter une liste avec des noms de candidats, mais sans leur accord ni leur signature. Il n’est pas normal non plus que le responsable de la liste puisse, en cas de refus de signature, inscrire sur la liste quelqu’un d’autre. Il y a quand même des limites !

Cet amendement vise à ne pas autoriser de régularisation a posteriori en cas d’anomalies importantes et délibérées. On l’a vu récemment avec la trente-quatrième liste acceptée pour les élections européennes : donner huit jours de plus à une liste déposée sans signature pour qu’elle soit régularisée, c’est se foutre du monde !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

L’avis est défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.

Il s’agit d’un texte d’ajustement à l’intérieur d’un mode de scrutin en faveur duquel nous avons déjà délibéré. Cet amendement tend à modifier une règle qui s’applique à une collection de modes de scrutin et qui est au demeurant raisonnable. Ce droit de régularisation lors du dépôt d’une liste existe de longue date et n’a pas donné lieu à des abus particuliers.

Ajoutons qu’avec l’obligation d’une mention manuscrite individuelle de chaque candidat s’appliquant à ces élections et surtout aux élections municipales l’année prochaine, il serait malencontreux de supprimer toute possibilité de régularisation.

La rédaction prévue par l’amendement de notre collègue ne fournit pas de critères précis pour appliquer ou non le droit à la régularisation. La commission ne peut que s’opposer à cet amendement.

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez

Même avis défavorable que la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Je m’inscris dans la suite des propos de mon collègue Bonhomme. J’éprouve beaucoup de respect pour la commission des lois, qui travaille sur de nombreux textes. Je le dis objectivement, puisque je ne siège pas dans cette commission. Ma modeste explication de vote vaudra également pour les autres amendements.

Le droit d’amendement est un droit tout à fait légitime, mais ces amendements n’arrivent-ils pas trop tard ? Les élections au Parlement européen ont pratiquement lieu demain.

Au vu de la complexité de toute élection en général, du nombre d’États concernés pour les élections européennes et de la rigueur qui s’impose, je suivrai les avis du rapporteur et de mes collègues de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Monsieur le rapporteur, cet amendement ne tend pas à supprimer toute possibilité de régularisation. Seuls les vices graves sont concernés. Je pense, par exemple, à l’inscription d’une personne sur une liste sans sa signature. Je ne vise pas ici la mention manuscrite.

Inscrire une personne sur une liste sans qu’elle soit au courant et permettre ensuite de régulariser la situation si la personne ne veut pas signer, c’est vachement gros !

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

(Non modifié)

Pour l’application du dernier alinéa du paragraphe 2 de l’article 3 de la décision 2018/937 du Conseil européen du 28 juin 2018 fixant la composition du Parlement européen, les sièges supplémentaires sont les cinq sièges qui n’auraient pas été attribués si la France avait conservé soixante-quatorze sièges au Parlement européen pour la législature 2019-2024.

Lors de la proclamation des résultats, la commission nationale mentionnée à l’article 22 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen désigne, en application des modalités prévues à l’article 3 de la même loi, les candidats auxquels sont attribués les cinq sièges supplémentaires.

Ces candidats prennent leur fonction de représentants au Parlement européen à compter de la date du retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne. Si l’un d’eux est appelé avant cette date à remplacer un représentant dont le siège devient vacant dans les conditions prévues à l’article 24 de ladite loi, il est pourvu à son propre remplacement selon les modalités prévues au même article 24.

Lorsqu’ils se trouvent dans l’un des cas d’incompatibilité mentionnés aux articles 6-1 à 6-5 de la même loi, ces candidats disposent d’un délai de trente jours à compter de leur entrée en fonction au Parlement européen pour démissionner des mandats ou fonctions visés par ces dispositions. À défaut d’option dans le délai imparti, leur remplacement est assuré dans les conditions prévues à l’article 24 de la même loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 6, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

Monsieur Masson, accepteriez-vous de nous présenter conjointement les sept amendements que vous avez déposés sur cet article unique, dont trois seulement sont en discussion commune ? Vous n’y êtes pas contraint, il s’agit uniquement d’une suggestion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

C’est demandé si gentiment, madame la présidente, que je ne peux refuser.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

J’appelle donc en discussion les six amendements suivants :

L’amendement n° 7, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :

Au début

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Pour l’application de l’article 3 de la décision 2018/937 du Conseil européen du 28 juin 2018 fixant la composition du Parlement européen et par dérogation aux dispositions de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen, les sièges sont répartis entre les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés à la représentation proportionnelle suivant la règle du plus fort reste. Si plusieurs listes ont le même reste pour l’attribution du dernier siège, celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d’égalité de suffrages, le siège est attribué à la liste dont la moyenne d’âge est la moins élevée.

L’amendement n° 10, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Supprimer cet alinéa.

L’amendement n° 11, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :

Alinéas 2 à 4

Supprimer ces alinéas.

L’amendement n° 12, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :

Alinéas 3 et 4

Supprimer ces alinéas.

L’amendement n° 13, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

L’amendement n° 9, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – Au premier alinéa de l’article 12 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen, les mots : « aux articles 7 à 10 » sont remplacés par les mots : « à l’article 7 ».

La parole est à M. Jean Louis Masson, pour présenter ces sept amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

M. Jean Louis Masson. Vous pouvez considérer, madame la présidente, qu’ils sont défendus.

Marques de satisfaction sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

La commission est défavorable à l’ensemble de ces amendements, car elle souhaite rester dans la droite ligne des règles d’élection fixées l’année dernière dans la loi, d’autant que celle-ci avait reçu une approbation majoritaire au sein de cette assemblée.

Ces amendements, pour certains, nous paraissent trop éloignés de l’objet du présent projet de loi et doivent être considérés comme irrecevables ; pour les autres, ils sont contraires à la régularité du schéma électoral qui a été retenu pour les élections européennes. Nous proposons donc de ne pas modifier ce système électoral.

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez

Pour les mêmes motifs, le Gouvernement est défavorable à ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Bien évidemment, nous voterons contre ces amendements, mais je tiens à remercier M. Masson d’avoir si ardemment défendu le traité de Lisbonne ce matin : je ne croyais pas cela possible ! Quoi qu’il en soit, ça a été un grand plaisir de l’entendre rappeler la prééminence du traité de Lisbonne sur le droit national ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

M. Masson m’a amalgamé avec mon groupe. Je le renvoie au compte rendu du 10 avril 2018. J’étais certes minoritaire – c’est une problématique qu’il connaît bien –, mais j’ai fait partie de ceux qui ont contesté l’acte européen de 1976 sur le scrutin proportionnel. J’avais déposé un amendement afin de caler les circonscriptions sur le nouveau découpage régional à défaut.

Je préfère effectivement le scrutin majoritaire pour une raison simple : nous voyons tous aujourd’hui les travers du scrutin proportionnel. Dimanche prochain, nos concitoyens vont découvrir 34 bulletins de vote avec 79 noms, soit 2 686 candidats !

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

C’est la politique qui produit ça, pas le mode de scrutin !

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

Je vous laisse imaginer leur perplexité. Voilà le résultat concret de ce qui a été discuté et voté l’année dernière !

Monsieur Masson, plutôt que de vous soucier d’ajustements marginaux et des questions d’écart de représentation, vous devriez vous occuper de ce genre de chose.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Qu’on soit pour ou contre le traité de Lisbonne, la loi reste la loi ! Quand on a voté quelque chose, il faut le respecter ! Certes, le traité de Lisbonne est scandaleux, et je n’ai pas voté sa ratification, car c’est un traité pourri qui a violé la volonté du peuple exprimée par référendum. Cela étant, dans la mesure où il s’applique, il doit valoir pour tous. Il serait bon que ceux qui le défendent l’appliquent, ce qui n’est pas le cas ici avec cette répartition du nombre de sièges.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Mes chers collègues, je rappelle que le vote sur l’article unique vaudra vote sur l’ensemble du projet de loi.

Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi relatif à l’entrée en fonction des représentants au Parlement européen élus en France aux élections de 2019.

Le projet de loi est adopté définitivement.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.