Intervention de Jean-Yves Leconte

Réunion du 16 mai 2019 à 10h30
Entrée en fonction des représentants au parlement européen élus en france en 2019 — Discussion générale

Photo de Jean-Yves LeconteJean-Yves Leconte :

C’est bien pour cette raison qu’Olivier Cadic appelle à une réflexion sur ce sujet : en réalité, c’est l’État qui a activé l’article 50 qui est maître des horloges.

On n’est pas obligé de se laisser happer par ce trou noir qui absorbe les forces britanniques : poursuivons notre route, et travaillons. Les Britanniques, aujourd’hui, me semblent incapables de peser sur l’avenir de l’Union européenne – ils ont de toute façon, en quelque sorte, pris l’engagement de ne pas le faire, même si l’on peut espérer qu’à l’avenir ils retrouvent des forces, si d’aventure le Brexit n’avait pas lieu. Quoi qu’il en soit, nous pouvons, quant à nous, continuer à travailler à l’avenir de l’Europe, sans nous alarmer outre mesure sur ce sujet.

Constatons malgré tout que les citoyens européens ont été les principales victimes de ce débat sur le Brexit. Ils ont été pris en otage – je pense notamment aux Britanniques qui vivent dans l’Union européenne, hors Royaume-Uni, et ne savent pas à quelle sauce ils seront mangés : quid de leurs droits au séjour, à prestations sociales, à la mobilité et au travail ? Je pense aussi aux Européens non britanniques qui vivent sur le sol du Royaume-Uni. Je pense encore à ceux qui, Britanniques, sont nés avec la citoyenneté européenne, laquelle faisait partie de leur identité ; on la leur arrache.

Le Brexit aura, de ce point de vue, sauf correction, un effet régressif majeur : il va signer la perte de la citoyenneté européenne, qui, construite depuis vingt ans, n’existe quasiment plus. Les citoyens européens, à l’occasion du Brexit, sont redevenus des sujets des États membres, traités comme tels par les différents États, et pas mieux, d’ailleurs, par les autres membres de l’Union que par le Royaume-Uni, car chacun a préféré défendre sa souveraineté plutôt que l’idée de la citoyenneté européenne. Ce n’est pas ainsi que nous pourrons construire une Europe démocratique !

L’élection du 26 mai est, à ce titre, essentielle ; et ce n’est pas en nous contentant d’une réédition de l’élection présidentielle de 2017 que nous pourrons promouvoir les choix essentiels qui doivent être faits pour les Français et pour l’Europe.

Deux sujets méritent d’être abordés dans le cadre de l’examen de ce projet de loi que, en raison de son caractère très pragmatique – il répond à une urgence –, nous soutiendrons.

J’évoquerai premièrement, monsieur le président de la commission des lois, un avis du Conseil d’État rendu public le 6 mai dernier sur l’implication financière des partis politiques européens dans la campagne des élections européennes. Cet avis change totalement la manière dont nous avons pensé ici même, en tant que législateurs, le financement des campagnes électorales. Il consacre une disposition qui figure dans le règlement européen sans que nous l’ayons correctement intégrée dans notre législation nationale – la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques essayait, quant à elle, de mettre en œuvre ce que nous avions édicté. Cette disposition est la suivante : les partis politiques européens peuvent intervenir dans le financement de la campagne européenne.

De ce point de vue, nous allons devoir très rapidement mener une réflexion pour faire évoluer les règles françaises de financement électoral dans le sens des décisions prises au niveau européen. Il va falloir également accélérer la convergence, au niveau européen, des différentes modalités de financement des partis politiques et de l’activité politique qui coexistent dans l’ensemble de l’Union européenne. Une mission de notre commission et de la commission des affaires européennes sur ce sujet serait bienvenue.

Deuxième sujet, monsieur le secrétaire d’État : la situation des citoyens européens qui vont ou peuvent voter dans un pays qui n’est pas celui dont ils possèdent la nationalité. En la matière, l’administration française est en train, me semble-t-il, de faire une erreur.

Je rappelle que le double vote, en France, est puni par le code électoral d’une peine de 15 000 euros d’amende et de six mois à deux ans d’emprisonnement. Il est certes techniquement possible – par exemple, un citoyen français vivant en Allemagne peut en principe voter tant au consulat que dans la mairie de sa ville de résidence –, mais surtout illégal : l’électeur qui voterait deux fois encourrait une sanction pénale.

Il ne saurait pour autant être question, monsieur le secrétaire d’État – c’est pourtant ce que l’administration s’apprête à faire –, de refuser à un électeur régulièrement inscrit sur la liste consulaire la possibilité de voter au consulat, au prétexte que l’administration française aurait connaissance de l’inscription dudit électeur sur la liste électorale de la commune de son pays de résidence. Il n’est pas possible que les choses se passent de cette manière !

Informer les citoyens, le cas échéant, qu’ils sont inscrits sur les deux listes et encourent une sanction pénale en cas de double vote, c’est très bien. Mais leur refuser la possibilité de voter au consulat – selon les instructions que vous avez données–, alors qu’ils sont régulièrement inscrits sur les listes électorales, me paraît juridiquement contestable.

Je profite donc de ce débat pour vous demander, monsieur le secrétaire d’État, de bien nous préciser que, dès lors qu’une personne est inscrite sur la liste électorale consulaire, elle aura la possibilité de voter après avoir été informée des sanctions pénales qui pourront lui être appliquées en cas de double vote.

Symétriquement, s’agissant des ressortissants européens résidant en France et inscrits sur les listes électorales françaises, il faut là aussi veiller à ce que tout le droit européen et tout le droit français soient respectés, mais en rejetant les interprétations hasardeuses contre lesquelles, malheureusement, il me semble que vous n’êtes pas prémuni – c’est pourquoi j’attire votre attention sur ce point.

Cela dit, et dans l’attente de vos précisions, monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie et confirme notre soutien à ce projet de loi.

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