Intervention de André Gattolin

Réunion du 16 mai 2019 à 10h30
Entrée en fonction des représentants au parlement européen élus en france en 2019 — Discussion générale

Photo de André GattolinAndré Gattolin :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, passé le Masson Show – pardonnez-moi cette expression, que j’emploie en manière d’hommage à notre collègue –, il me semble qu’il n’est point besoin de disserter trop longtemps sur la légitimité de ce texte et l’opportunité de son adoption conforme, dans les termes votés lundi dernier par l’Assemblée nationale.

Nous sommes en effet à dix jours du scrutin des élections européennes, et ce texte a le grand avantage d’apporter un petit peu de sécurité juridique dans un monde et un moment excessivement incertains.

Les incertitudes sont de tous ordres dans le contexte actuel, s’agissant du Brexit et de l’avenir européen. Il y a de petits et de grands suspenses. Des incertitudes entourent le calendrier du Brexit. On sait que les Britanniques voteront aux élections européennes – ils le feront le 23 mai, quand, dans la plupart des autres États membres, le scrutin aura lieu le 26 mai ; un petit suspense aura donc cours entre le 23 et le soir du 26, puisqu’il faudra attendre pour connaître les résultats britanniques. À observer les sondages actuels et les résultats des précédentes élections européennes, en 2014, au Royaume-Uni, on peut penser que les votes britanniques ne modifieront pas le rapport de forces général – je constate que mon collègue Olivier Cadic, fin connaisseur de ces sujets, approuve.

L’incertitude la plus importante porte sur le résultat global des élections européennes, dans les vingt-sept autres pays : nous ne disposons pas encore d’une vue tout à fait nette des nouveaux équilibres et du degré de fragmentation de la composition du futur Parlement européen.

On aura également un nouveau vote. En effet, après s’être entretenue avec l’opposition travailliste, Mme May a annoncé qu’elle soumettrait de nouveau l’accord au vote au début du mois de juin. L’incertitude quant à l’issue de ce quatrième vote est, là encore, très faible : ce sera certainement un nouveau vote négatif.

On aura malgré tout l’élection d’eurodéputés britanniques. La question se pose effectivement de savoir quelle sera leur attitude lors des deux sessions du Parlement européen au mois de juillet prochain. Je pense notamment à la première, celle du 2 juillet, qui désignera le président du Parlement européen, les quinze vice-présidents et les questeurs.

On a une incertitude sur la composition des groupes politiques. Je le rappelle, M. Nigel Farage fait partie du groupe Europe de la liberté et de la démocratie directe, EFDD, qui compte plus de vingt-cinq membres, mais qui a des représentants dans tout juste sept pays. Imaginez que ce groupe se reconstitue au Parlement européen, toujours avec les soutiens de Cinque Stelle et de quelques députés isolés, Lituaniens ou autres : si le Brexit a lieu alors que sept pays seulement sont représentés, le groupe explosera lors de la sortie des Britanniques, et ses parlementaires devront être répartis ailleurs.

On a encore et toujours une incertitude quant au calendrier de sortie. Il a été fixé au 31 octobre. Certes, au regard de l’imprécision juridique de la rédaction de l’article 50, on pourrait envisager, d’un point de vue technique et juridique, que les Britanniques retirent leur demande de retrait pour la redéposer. Mais, politiquement, cela me paraît totalement surréaliste. Sachant qu’une prolongation nécessite l’accord unanime des Vingt-Sept, je ne vois pas comment il serait acceptable – et je n’imagine pas les Britanniques oser le faire – de contourner l’obstacle par un subterfuge juridique.

Enfin, et c’est le plus important, nous avons un problème plus général : celui du calendrier institutionnel de l’Union européenne. Dans les jours qui viennent, de l’élection de début du mois juillet jusqu’au 1er novembre, les principaux grands mandats européens seront remis à plat. Je pense à la présidence du Parlement européen, sur laquelle je reviendrai, à la présidence et à la composition de la Commission européenne, à la présidence du Conseil européen et à la désignation du Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.

Nous le savons, pour préserver la force, la cohésion et l’avenir de l’Union européenne dans le contexte post-Brexit, il faudra que les désignations fassent l’objet d’équilibres savants : équilibres politiques, qui seront en grande partie définis à la suite des résultats des élections européennes et des alliances qui se seront constituées ; équilibres entre les grands pays européens et les petits pays européens ; déséquilibres entre les pays dits « de l’Ouest » et les ex-pays de l’Est ; et, enfin, système de parité hommes-femmes.

La grande difficulté réside dans le fait que ce qui constitue généralement, disons-le, une sorte de lot de consolation, le poste le moins important en termes d’influence, c’est-à-dire celui de président du Parlement européen, fera l’objet d’une désignation au début du mois de juillet. En d’autres termes, le pays et la famille politique qui auront obtenu la présidence du Parlement européen auront de fortes chances d’être disqualifiés pour les autres grands postes.

C’est pourquoi je trouve très opportune et intelligente la décision de M. Donald Tusk, président sortant du Conseil européen, de réunir, outre le Conseil européen des 20 et 21 juin prochain, un Conseil européen informel dès le 28 mai pour que les principaux pays, notamment la France et l’Allemagne – ils ont un rôle majeur à jouer dans cette dynamique –, se mettent d’accord sur le package global de répartition des présidences.

À mes yeux, la France, l’Allemagne et d’autres pays ont une très grande responsabilité pour que notre architecture institutionnelle ne soit pas désorganisée au-delà des termes du Brexit. Il faut travailler très sérieusement et anticiper pour que tout soit en place au 1er novembre et que nous puissions engager les réformes dont l’Europe a besoin !

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