Intervention de Jean Louis Masson

Réunion du 16 mai 2019 à 10h30
Entrée en fonction des représentants au parlement européen élus en france en 2019 — Demande de renvoi à la commission

Photo de Jean Louis MassonJean Louis Masson :

Si j’ai présenté cette motion, c’est parce que j’estime que la discussion du présent projet de loi aurait pu être l’occasion d’un réexamen beaucoup plus large d’un certain nombre de problématiques par la commission.

L’un de nos collègues a abordé la question des temps de parole. La situation me paraît en effet tout à fait anormale. Dans un système vraiment démocratique, tout le monde doit être traité sur un pied d’égalité. Il est profondément injuste d’accorder plus de temps à tel ou tel candidat sous prétexte qu’on le trouverait plus « sérieux » que les autres. C’est un peu comme si, sur un cent mètres, on permettait à un participant jugé meilleur que les autres de courir dix mètres de moins.

En fait, on spécule sur le résultat final. On demande plus d’efforts au candidat dont on pense qu’il fera 10 % qu’à celui dont on pense qu’il fera 40 %. C’est, me semble-t-il, la négation de la démocratie. En démocratie, chacun est candidat à égalité, avec une équité dans la répartition des temps de parole. Or, dans le cadre des élections européennes, des candidats jugés importants vont passer aux heures de grande écoute tandis que d’autres, jugés moins importants, pourront s’exprimer à l’heure où tout le monde est couché. Et l’on s’étonne ensuite que certains candidats soient moins connus que d’autres !

De quel droit spécule-t-on sur le résultat des élections avant qu’elles aient lieu en attribuant trois fois plus de temps de parole à celui dont on pense qu’il fera un meilleur score ? C’est un vrai problème. J’ai déjà eu l’occasion de le dénoncer, en séance comme en commission. Je me réjouis qu’un autre collègue ait abordé le sujet.

La question de l’argent est également problématique. Je pense notamment aux prêts bancaires, que j’ai déjà évoqués. Des candidats ayant la certitude de faire au moins 3 % ne pourront pas utiliser des sommes qui leur seraient remboursées par l’État faute de prêt bancaire. Certains feront donc campagne avec un maximum de moyens alors que d’autres, pourtant assurés d’obtenir au moins 3 %, feront campagne à l’économie. Là encore, c’est inégalitaire. Le système ne me paraît pas sain.

Il n’est pas sain non plus s’agissant du mode de scrutin. Notre collègue a fait référence au seuil de représentativité. Je vous renvoie à ce qu’a indiqué la Cour constitutionnelle allemande. Je conçois qu’il faille constituer une majorité de gestion pour pouvoir désigner un gouvernement ; dans ce cas, il est logique d’opter pour un scrutin majoritaire ou un scrutin proportionnel à forte correction majoritaire. Mais, dans une assemblée comme le Parlement européen, ce qui compte, c’est la représentativité : tout le monde doit être représenté. Comme l’a souligné notre collègue, le système retenu en Allemagne est beaucoup plus objectif et sain : chacun a une représentation équitable en fonction du nombre de suffrages obtenus.

J’aimerais également aborder le principe de proportionnalité dégressive pour l’attribution du nombre de sièges au sein du Parlement européen. Certes, dès lors que le principe figure dans le traité de Lisbonne, nous devons le respecter ; en l’occurrence, nous ne le respectons pas… Mais ce principe est, à mon sens, complètement antidémocratique. On est très loin du système : « un homme une voix ». Ainsi, Malte a un député européen pour 40 000 habitants, tandis que nous en avons un pour 900 000 habitants. Peut-on parler de démocratie dans ces conditions ? Je conçois qu’un petit pays doive avoir au moins un ou deux représentants. Mais pourquoi imposer qu’il en ait six au minimum ? Si la principauté de Monaco adhérait à l’Union européenne, elle aurait six députés européens pour quelque 100 000 habitants. C’est à la fois totalement incohérent et injuste pour les grands États ! Le système n’est pas vraiment démocratique. La démocratie, c’est « un homme une voix ». Or la voix d’un citoyen français pèse douze fois moins celle d’un citoyen de Malte ou du Luxembourg.

Tous ces éléments auraient, me semble-t-il, mérité de faire l’objet d’un débat et d’être lissés en commission. C’est le sens de la présente motion tendant au renvoi du texte à la commission. Certes, je ne me fais guère d’illusions sur le sort qui lui sera réservé.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion