Intervention de Claude Malhuret

Réunion du 21 mai 2019 à 15h00
Pour une école de la confiance — Explications de vote sur l'ensemble

Photo de Claude MalhuretClaude Malhuret :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’école en France ne se porte pas très bien, ce n’est pas un scoop : près de 100 000 élèves sortent chaque année du système éducatif sans formation ni diplôme ; le chômage des jeunes s’élève à 20 % ; notre pays occupe une place médiocre dans les classements internationaux et, malgré les réformes successives, cette place continue de se dégrader. Les dépenses pour l’éducation étant plus élevées que la moyenne des pays comparables, c’est non la question d’un manque de moyens qui se pose, mais plutôt celle de leur utilisation.

Nous battons tous les records de reproduction des inégalités sociales et territoriales en matière éducative. Ainsi, 48 % des décrocheurs sont des enfants d’ouvriers, faute de bouclier de sécurité. Nous savons aussi que la grande majorité des élèves des filières professionnelles sont issus d’un milieu défavorisé.

L’éducation nationale continue d’affecter et de rémunérer les enseignants en fonction plus de l’ancienneté que des besoins. Les directeurs d’école primaire ne disposent pas du statut et parfois des moyens nécessaires à leur mission.

L’accroissement des charges administratives et les fréquents conflits entre enseignants et familles entravent les inspecteurs dans leur tâche et les empêchent de mener à bien leur mission pédagogique.

Nous pourrions tous poursuivre cette liste encore longtemps, mais à quoi bon ? Je le répète et c’est de notoriété publique : notre école ne se porte pas très bien.

C’est d’autant plus préoccupant que, dans de nombreux territoires en difficulté, les enseignants font aujourd’hui partie des rares relais entre les citoyens et leurs institutions.

À notre époque en proie au doute, à la défiance, au repli identitaire, où l’intelligence et la connaissance cèdent trop souvent le pas au délire et à l’ignorance, où la violence n’est jamais loin, à l’école, dans la rue ou sur les réseaux antisociaux – ce n’est pas un lapsus –, restaurer un lien de confiance au sein de nos écoles est un objectif majeur, que notre groupe ne peut que soutenir.

Bien sûr, personne ne peut croire que, pour atteindre cet objectif, un seul projet de loi puisse proposer le remède miracle ! Au moins celui-ci a-t-il permis, au gré des discussions à l’Assemblée nationale, puis au Sénat, que de nombreuses questions soient soulevées : transmission des valeurs de la République à l’école, inégalités sociales et territoriales, évaluation de l’école, maillage territorial, mixité, laïcité, santé, inclusion ou encore lutte contre le harcèlement. Si notre système éducatif concentre autant de problématiques différentes, c’est qu’il touche à ce que la République a de plus précieux : son avenir.

C’est aussi la raison pour laquelle ce projet de loi a soulevé un certain nombre d’inquiétudes. Je voudrais saluer d’abord l’excellent travail de notre rapporteur, Max Brisson, qui a permis d’en dissiper plusieurs, ensuite votre attitude ouverte, monsieur le ministre, qui a permis un débat courtois et dépassionné, enfin l’implication de l’ensemble de nos collègues, qui ont siégé nuit et jour pour améliorer le texte et défendre leurs idées.

Sans surprise, le Sénat a approuvé l’abaissement à 3 ans de l’âge de l’instruction obligatoire, tout en offrant davantage de souplesse à son application. Nous espérons que cette mesure, associée à l’obligation de formation de 16 à 18 ans, sera un réel levier d’action contre le décrochage scolaire et le chômage des jeunes.

Des mesures importantes ont été adoptées en matière d’engagement de la communauté éducative, du renforcement de l’école inclusive, de l’innovation pédagogique, de la formation des enseignants, de l’évaluation, de la gestion des ressources humaines.

D’autres mesures importantes visent à renforcer la transmission et le respect des valeurs de la République en milieu scolaire. Pour prévenir les dérives, le Sénat a également adopté une disposition du Gouvernement visant à renforcer les sanctions contre les écoles privées hors contrat dont les activités ou le fonctionnement risqueraient de troubler l’ordre public. L’école est de plus en plus souvent victime des dérives communautaristes. Nous devons apporter une réponse claire et ferme à toute tentative d’endoctrinement. Il n’y a pas de place en France pour les écoles pratiquant l’éducation à la haine dans le plus grand mépris des valeurs de la République.

Après un débat de haute tenue, bien éloigné des polémiques qui l’ont précédé, la Haute Assemblée a supprimé la possibilité de fusionner écoles et collèges au sein d’un établissement public local. Cette mesure suscitait de l’inquiétude parmi les élus locaux, en particulier les maires ruraux, et la communauté éducative concernée. Nous avons fait le constat qu’une telle réforme de l’organisation de l’école ne pouvait se faire par voie d’amendement, sans étude d’impact et sans concertation préalable avec l’ensemble des acteurs concernés. Nous ne pouvons qu’espérer que les débats qui se sont tenus sur ce sujet, notamment sur l’initiative de notre collègue Jacques Grosperrin, ne resteront pas lettre morte.

Je citerai, pour conclure, Hannah Arendt : « C’est […] avec l’éducation que nous décidons si nous aimons assez nos enfants pour ne pas les rejeter de notre monde, ni les abandonner à eux-mêmes, ni leur enlever leur chance d’entreprendre quelque chose de neuf, quelque chose que nous n’avions pas prévu, mais les préparer à la tâche de renouveler un monde commun. »

Le projet de loi que nous avons examiné n’est pas la panacée à tous les maux qui touchent, dès l’aurore, notre société. Nous n’avons par exemple abordé ni la question de la modernisation des méthodes pédagogiques, ni la valorisation du métier d’enseignant, ni la crise d’autorité qui touche autant l’école que l’État. Il me semble pourtant que ce texte va dans le bon sens et que la contribution du Sénat l’a substantiellement enrichi.

Notre groupe votera donc ce projet de loi.

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