Ce n’est malheureusement pas la seule mesure, introduite par votre majorité sénatoriale, que nous ayons à regretter.
Je pense à l’annualisation du temps de service des enseignants ou à leur formation continue « en priorité en dehors des obligations de service d’enseignement ». Dans le droit-fil de votre choix, en décembre dernier, de porter de un à trois le nombre de jours de carence dans la fonction publique en cas de maladie.
J’ai encore en mémoire ces enseignants victimes de violences, auditionnés en commission, qui avaient clairement mis en accusation cette décision, la jugeant précisément violente. « Vous avez décidé de nous retirer 250 euros de salaire parce que, enseignant à plusieurs dizaines d’élèves chaque semaine, il y a peu de chances que nous échappions à l’épidémie de gastro-entérite cet hiver », nous avaient-ils dit en substance.
Là encore, qui peut croire que nous répondrons ainsi à la crise de recrutement que nous connaissons dans l’enseignement ?
Au-delà, c’est le cœur du texte qui demeure le principal problème : notre système scolaire à deux vitesses ne répond aucunement au véritable enjeu, qui est d’en finir avec la reproduction des inégalités ; au contraire, il risque de les aggraver. Après avoir réalisé la massification de l’enseignement, c’est à sa démocratisation que la France devrait s’attaquer. Voilà qui serait de nature à restaurer la confiance.
Les établissements publics locaux d’enseignement international, qui n’ont d’ailleurs de public que le nom puisqu’ils pourront être financés par des dons privés, continuent par exemple, malgré les correctifs cosmétiques qui leur ont été apportés, d’entériner une logique profondément inégalitaire.
Le remplacement du Cnesco par un conseil d’évaluation de l’école, qui généralisera la mise en concurrence des établissements, par l’évaluation, vise les mêmes objectifs.
Nos craintes concernant le recours aux assistants d’éducation, notamment pour les remplacements de courtes durées, dans les zones les plus déficitaires, souvent les quartiers populaires ou les zones rurales, ne sont pas non plus dissipées.
Si nous avons unanimement soutenu la scolarisation des enfants dès l’âge de 3 ans, nous regrettons que l’élargissement des compensations financières décidé par notre assemblée ne soit pas allé jusqu’à couvrir toutes les communes, notamment celles qui financent déjà sur leurs fonds propres les dépenses liées aux maternelles publiques. Du coup, cette mesure symbolique, en particulier en métropole, n’est pas le véritable progrès social qu’elle devrait être. Le grand gagnant sera l’enseignement privé.
Le sort réservé à l’école inclusive tourne encore plus explicitement le dos aux valeurs de l’école publique. La mise en place des pôles inclusifs d’accompagnement localisés, les PIAL, signe un renversement de logique dans l’accompagnement des enfants en situation de handicap. Dans un contexte de restrictions budgétaires, les besoins de l’institution scolaire sont rendus prioritaires par rapport à ceux des enfants.
Nous n’avons malheureusement pas pu approfondir la question de la situation des accompagnants de ces enfants, la plupart de nos amendements ayant malheureusement été déclarés irrecevables. Tout concourt pourtant à concevoir un nouveau métier de l’éducation, dans le cadre de la fonction publique, car il n’est pas acceptable que les AESH, les accompagnants des élèves en situation de handicap, qui font un travail indispensable, continuent de vivre avec des salaires si faibles, sans formation, sans statut, ni reconnaissance.
On le voit dans les académies qui mettent déjà en place la mutualisation, les AESH n’atteignent quasiment jamais un temps complet. La mutualisation sert de justificatif au fait qu’il « y aura moins de besoins ».
J’évoquerai maintenant l’article 1er du texte, qui demeure toujours aussi dangereux pour l’exercice de la citoyenneté des professeurs. Fonctionnaires, bien évidemment soumis à des devoirs, ceux-ci n’en sont pas moins des citoyens, qui ont d’ailleurs pour mission de former d’autres citoyens, de futurs citoyens. Les procédures disciplinaires qui se multiplient actuellement ne sont évidemment pas faites pour nous rassurer sur ce point non plus.
Nous resterons vigilants pour empêcher que des dispositions rejetées ou supprimées soient réintroduites par voie réglementaire, comme il est bien trop souvent possible de le faire en matière d’éducation.
Notre groupe votera contre ce texte, qui suscite toujours, avec raison, la défiance parmi les parents d’élèves, les enseignants, les élus locaux et tous ceux qui sont attachés à l’idéal de l’école républicaine. Nous avons la conviction que leur mobilisation n’est pas dernière nous, au contraire. Vous pouvez compter sur nous, monsieur le ministre, pour aller chercher, un à un, les postes qui permettront de concrétiser la promesse présidentielle de réduire à 24 le nombre d’élèves par classe, de la grande section au CE1.