Intervention de Marie-Pierre Monier

Réunion du 21 mai 2019 à 15h00
Pour une école de la confiance — Explications de vote sur l'ensemble

Photo de Marie-Pierre MonierMarie-Pierre Monier :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quel marathon législatif avons-nous vécu la semaine dernière ! Les débats ont été riches, intenses, parfois passionnés, mais l’objet et les enjeux de ce texte de loi le valaient bien. Ils ont démontré, une fois de plus, l’importance du bicamérisme : l’apport du Sénat est crucial pour alimenter le travail parlementaire, l’enrichir et permettre une forme de maturation nécessaire à l’ouvrage législatif, dans le respect de toutes les sensibilités.

Je tiens à saluer mes collègues chefs de file Maryvonne Blondin, Claudine Lepage et Maurice Antiste, qui ont porté notre parole avec compétence et conviction pour l’école républicaine.

Monsieur le ministre, nous n’avons pas la même vision de l’école de la République. Au fil de l’examen de ce texte, si vous avez semblé être à l’écoute, vous ne nous avez pas entendus sur plusieurs points, et nous le regrettons.

Sur de nombreuses mesures, le temps d’étude préalable a été trop réduit. La concertation a manqué. Le projet de loi est examiné en procédure accélérée afin de pouvoir être appliqué à la rentrée par voie de décrets et d’ordonnances. Cet empressement n’est pas compatible avec le temps long nécessaire à toute réforme de l’éducation.

Je veux toutefois souligner un réel point positif : l’abandon des établissements publics locaux d’enseignement des savoirs fondamentaux. Ces EPLESF risquaient d’entraîner des bouleversements profonds dans la structure du système scolaire et auraient eu lourdes conséquences pour les élèves, leurs familles, les personnels et les territoires, notamment ruraux. Cette suppression est une victoire pour tous les acteurs de la communauté éducative et les élus, qui s’étaient fortement mobilisés contre ces établissements.

Je me réjouis que nos collègues sénatrices et sénateurs soient intervenus pour sauvegarder nos écoles et, avec elles, nos territoires. Sur cette question, le Sénat a été à la hauteur de l’enjeu. Espérons que la commission mixte paritaire fera preuve de la même sagesse et qu’elle maintiendra cette suppression.

Nous sommes aussi satisfaits que le Gouvernement, conformément à l’engagement pris le 8 février à Rennes, ait apporté son soutien à l’article 6 ter A, qui traduit les conclusions de la conférence territoriale de l’action publique de Bretagne s’agissant des langues régionales.

Sur l’article 4, nous nous réjouissons que la commission ait ouvert la compensation à toutes les communes, même s’il est dommage que les amendements que nous avons portés, lesquels visaient à apporter davantage de garanties sur leurs dépenses nouvelles, aient été rejetés.

Au-delà de ces quelques points, l’esprit général du texte n’a pas changé. Nos inquiétudes concernant l’article 8, sur l’annualisation des heures et l’orientation des élèves, n’ont pas été entendues. Les expérimentations peuvent parfois permettre de belles avancées, mais elles ne doivent pas se faire au détriment des élèves.

L’article 6 ter confie une autorité hiérarchique aux directeurs d’école. Nous l’avons dit, ce n’est pas en divisant l’équipe éducative que l’on renforcera sa cohésion ou l’autorité de ses membres.

Aux demandes de revalorisation salariale et d’élévation du niveau de qualification des enseignants, vous opposez des suppressions de postes et la création, via l’article 14, d’un statut incertain pour des étudiants non encore diplômés et sans formation pédagogique. Nous espérons qu’il ne s’agit pas là de compenser la pénurie d’enseignants dans certains territoires ou certaines matières ni de créer une sous-catégorie de professionnels.

Ce projet de loi aurait dû améliorer les conditions de travail des personnels, mais ce n’est, hélas ! pas le cas. La majorité sénatoriale a aggravé encore leur situation en allant plus loin que le Gouvernement. Elle a ainsi prévu l’obligation de formation continue « en priorité en dehors des obligations de service d’enseignement » et rejeté les garde-fous que nous avions proposés.

Je ne peux passer à côté de l’article 1er, dont la rédaction continue de faire planer la suspicion sur l’ensemble des membres de la communauté éducative. Comme beaucoup ici, je ne doute pas de l’exemplarité de nos professeurs. C’est pourquoi il n’est selon moi pas utile de rappeler dans le texte leur devoir en la matière, la loi de 1983 étant par ailleurs toujours en vigueur.

Nous ne comprenons pas non plus l’obstination à vouloir supprimer le Cnesco, car cette instance fonctionne bien. En mettant en avant les travaux de la recherche scientifique sur les politiques éducatives, elle permet de sortir de débats souvent stériles. Les quelques modifications apportées, pour augmenter la part des parlementaires dans la composition de votre nouveau conseil, monsieur le ministre, ne changent pas grand-chose sur le fond.

Finalement, l’examen de ce texte au Sénat a surtout mis en évidence, si certains doutaient encore de son existence, le clivage gauche-droite. Le texte qui ressort de nos travaux s’éloigne davantage de nos valeurs d’égalité et de justice sociale et de ce que nous pouvions attendre d’un texte sur l’école républicaine face aux enjeux du XXIe siècle. Les vieux serpents de mer de la droite ont ponctué les débats, comme l’interdiction des signes religieux ostentatoires pour les accompagnateurs ou accompagnatrices lors des sorties scolaires, ou encore la suppression des allocations familiales pour les parents d’élèves absentéistes. Cette mesure, que nous avions supprimée en 2013, pénalisera particulièrement les femmes élevant seules leurs enfants.

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