Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Alors que le Sénat s’apprête à discuter du projet de loi Santé, je souhaite vous interroger sur les pratiques du site Doctolib et des plateformes en ligne de rendez-vous médicaux. Cette situation amène quatre sujets dangereux pour notre vision régalienne et protectrice de la santé.
Primo, la plateforme permet la prise rapide de rendez-vous de consultation à toute heure du jour ou de la nuit. Cela plaît, mais est-ce souhaitable ? En effet, une réponse immédiate à un besoin de santé oublie la prévention, la prise en compte des habitudes de vie, l’histoire du patient, l’éducation thérapeutique.
Deuzio, pour y parvenir, elle contractualise avec des cabinets et des médecins. Si le médecin traitant de la personne n’a pas passé de contrat avec Doctolib, le site indique que ce rendez-vous est impossible. Qu’à cela ne tienne, il propose une liste d’autres médecins à proximité, disponibles, et qui, eux, sont adhérents au site ! Cette pratique est totalement contradictoire avec les notions de médecin référent et de parcours de soins.
Tertio, la plateforme contractualise avec des cliniques, établissements de santé, hôpitaux publics, dont les établissements de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, l’AP-HP. Quand un patient se rend sur le site de l’AP-HP, par exemple, pour prendre rendez-vous, il doit créer un compte Doctolib. Ainsi, les patients de l’AP-HP doivent s’inscrire sur un site privé, alors que l’hôpital public, faut-il le rappeler, est financé par l’argent public ? Il y a là, me semble-t-il, un problème éthique grave.
Enfin, cette alliance entre cliniques, hôpitaux, professionnels de santé et Doctolib crée un risque majeur pour la protection des données de santé.
En effet, la plateforme collecte les données personnelles des patients, le nom de leur médecin, le motif de consultation ou d’examen complémentaire, mais aussi les comptes rendus des téléconsultations.
En France, ces données sont très encadrées par le règlement général européen sur la protection des données, le RGPD. Si un jour la start-up, devenue licorne, venait à passer sous giron américain, par exemple, il y aurait conflit avec le Cloud Act, beaucoup plus laxiste.
Madame la ministre, il y a urgence ! Avant qu’il ne soit trop tard, quelles mesures comptez-vous prendre pour sécuriser les patients et les pratiques médicales face à cette évolution et au risque d’ubérisation de la santé ?