Intervention de Jacques Bigot

Commission des affaires européennes — Réunion du 16 mai 2019 à 8h35
Justice et affaires intérieures — Coopération pénale européenne et parquet européen : rapport d'information proposition de résolution européenne et avis politique de m. jacques bigot et mme sophie joissains

Photo de Jacques BigotJacques Bigot, rapporteur :

D'emblée, je voudrais insister sur un point pour éviter d'éventuelles confusions - rendues possibles avec les déclarations du Président de la République sur le parquet européen antiterroriste : nous assistons à un cas exceptionnel d'abandon de souveraineté par les États, par la création d'un parquet international pouvant engager des poursuites pénales contre leurs ressortissants, lesquelles seront toutefois engagées devant les juridictions du pays du justiciable, contrairement à ce qui avait été imaginé au début.

Le Parquet européen ne sera compétent pour ouvrir des enquêtes et engager des poursuites - mais c'est loin d'être négligeable en termes de montants - que sur les infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne. C'était une demande de l'Office européen de lutte anti-fraude (Olaf), qui constatait que les parquets nationaux n'étaient pas très prompts à engager des poursuites quand il constatait des fraudes à la TVA, par exemple.

Après de longues négociations, l'accord n'a pu être trouvé, autour des propositions de la France notamment, que sur un modèle collégial avec des chambres permanentes formées de membres du parquet émanant de plusieurs pays, qui proposeront à la collégialité d'engager ou non des poursuites. Ce n'est donc pas un seul homme qui décidera pour toute l'Europe...

Cela ne concerne pas tous les États membres, mais seulement 22 d'entre eux. Certains, comme les Pays-Bas, ont mis beaucoup de temps à l'accepter et sont encore très frileux. La Suède envisage de rejoindre le dispositif, ce qui porterait le nombre de pays à 23. Le Royaume-Uni, l'Irlande, le Danemark, la Hongrie et la Pologne ont refusé de s'y associer.

Il s'agira d'un parquet unique, mais à structure décentralisée. Le niveau centralisé aura son siège à Luxembourg, pays où siège aussi la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) - mais il ne la saisira jamais. Le fait que les Pays-Bas n'aient rejoint la coopération que tardivement a eu pour conséquence que son siège sera loin de ceux d'Eurojust et d'Europol, qui siègent à La Haye, l'un en face de l'autre - c'est dommage ! Le chef du Parquet et les procureurs désignés par chaque pays composeront le niveau central, et les États désigneront un procureur européen délégué pour le niveau décentralisé. Le Parquet européen pourra mener une enquête soit à la suite d'un signalement, par exemple par l'Olaf, soit par l'exercice de son droit d'évocation lorsqu'une enquête lui semblera comporter une fraude aux intérêts de l'Union. Ce parquet est censé entrer en fonction le 20 novembre 2020 au plus tôt, mais il existe des difficultés, en premier lieu la désignation de son chef.

Il revient au Conseil et au Parlement européen de désigner ce dernier pour un mandat de sept ans non renouvelable. Or, cette procédure, qui devait aboutir en avril dernier, a pris du retard. Le comité de sélection a retenu plusieurs noms, dont deux tiennent la corde : le Français Jean-François Bohnert, actuellement procureur général à Reims, qui a plutôt les faveurs du Conseil, et une candidate roumaine, procureure très engagée dans la lutte contre la corruption...

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