Intervention de Éric Kerrouche

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 22 mai 2019 à 9h35
Audition de Mm. Michel Badré et dominique gillier membres du conseil économique social et environnemental auteurs du rapport « fractures et transitions : réconcilier la france »

Photo de Éric KerroucheÉric Kerrouche :

Nous sommes, nous sénateurs, les représentants des territoires mais, pour autant, nous ne sommes pas représentatifs de la France. C'est une difficulté que connait l'ensemble des démocraties occidentales : lorsque l'on regarde la composition des assemblées d'élus par rapport à la population dans son ensemble, il y a un hiatus très fort. Il existe donc un problème de déconnexion vis-à-vis de la population, car certaines couches de la société ne sont pas représentées. On peut être représentant sans être représentatif, ce qui pose une difficulté.

S'agissant des constructions d'échantillon, je ne pense pas qu'il faille disqualifier les prises de parole des citoyens ordinaires. Une prise de position qui nécessite des connaissances de l'immédiateté, et qui n'émane pas d'un spécialiste, mérite malgré tout d'être prise en compte, ne serait-ce que parce qu'elle sert à informer les élus de la perception des politiques décidées. Il faut être très mesuré sur la façon dont on raisonne sur la faiblesse d'un échantillon, car après tout cet argument serait aussi opposable aux assemblées. Cela, et je vous rejoins monsieur le président, la note de Terra nova l'a bien montré : autant les prises de parole immédiates peuvent avoir un intérêt sur l'immédiateté du vécu, autant la construction progressive de la décision politique sur une problématique est importante. Les échanges et le recul sur un sujet sont une meilleure solution que le vote émotionnel. Il y a donc une nécessité de co-construction qui doit s'affirmer dans le temps. Quand on vote à un référendum sans être informé des conséquences, simplement sous le coup de l'émotion, on aboutit à un Brexit.

Enfin, le tirage au sort n'est pas une modalité exclusive de l'élection. Il faut simplement se souvenir que le tirage au sort était un moyen essentiel de la démocratie dans l'antiquité. Pour Montesquieu, qui oppose les républiques aristocratique et démocratique, il n'y a qu'une modalité de désignation, c'est le tirage au sort. Cette règle du tirage au sort, qui était forte avant le XVIIIe siècle, a été écartée après le XIXe siècle, au bénéfice du régime représentatif et donc au bénéfice de l'élection. Je pense qu'il ne faut pas opposer les deux mécanismes, mais au contraire considérer que des tirages au sort, avec un système de co-construction de la décision, peuvent contribuer à revigorer notre système démocratique. Dans une crise de représentation, il ne faut pas envisager chacun de ces systèmes comme devant se substituer l'un à l'autre, mais au contraire rassembler un maximum de personnes dans des formes de participation à un objectif qui, après tout, est commun : le gouvernement de tous.

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